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LIV Tamagotchi Omelette/Amulet

Prithee, tell her but a worky-day fortune. (Antony and Cleopatra)

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« L’histoire est le développement d’une logique immanente dont les grands personnages historiques ne sont que les instruments inconscients ; ils sont animés par leurs passions et réalisent leurs intérêts ; ‘mais en même temps se trouve réalisée une fin plus lointaine, mais dont ils n’avaient pas conscience et qui n’était pas dans leur intention’. C’est ce que Hegel appelle la ruse de la raison. » (René Serreau, Hegel et l’hégélianisme, 1968)

C’est très exactement une idée de Kant. Cette idée est exprimée en plusieurs passages de l’œuvre de ced dernier, de manière plus ou moins identique à la pensée ultérieure de Hegel ici présentée. J’ai pour l’instant retrouvé le passage suivant, qui montre d’ailleurs, citation à l’appui, qu’une telle idée de logique immanente dans le cours de l’histoire remonte à l’antiquité : « Ich meinerseits vertraue dagegen doch … (in subsidium) auf die Natur der Dinge, welche dahin zwingt, wohin man nicht gerne will (fata volentem ducunt, nolentem tracunt). » (Über den Gemeinspruch: Das mag in der Theorie richtig sein, taugt aber nicht für die Praxis) Je ne suis donc en réalité pas plus fondé à dire que l’idée est de Kant que Serreau à dire qu’elle est de Hegel, mais ce n’est pas non plus son but même s’il aurait pu souligner que l’idée n’est pas particulièrement «hégélienne»… Chacun d’eux, Kant comme Hegel, l’a reprise à sa manière, en lui donnant un sens particulier au sein de leurs pensées respectives.

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« À partir du prix de revient total du produit [=coût total : fabrication, marketing…], on trouve son prix de vente en ajoutant une quantité qui sera la marge génératrice de profit. … Dans la plupart des cas, il s’agit d’entreprises fabriquant plusieurs produits : comment alors attribuer à chacun sa ‘juste part de couverture des charges fixes’ ? » (A. Dayan, Le marketing, 1979) L’auteur prend ensuite l’exemple d’une entreprise qui fabrique trois produits, dont l’un est suffisant pour amortir les frais fixes, et qui peut donc pratiquer des prix offensifs sur les deux autres produits. De toute évidence, une telle entreprise ne se spécialisera pas sur le produit A, même si B et C sont « estimés non rentables selon la méthode de prix de revient complet ». Nous avons là un exemple de rationalité économique qui s’oppose à la spécialisation et donc à la théorie des avantages comparatifs, selon laquelle les nations ont intérêt à se spécialiser dans les productions où elles ont un avantage (absolu ou relatif), et sur laquelle les libéraux fondent le commerce international. Selon cet exemple, la théorie n’est donc pas viable même en pure rationalité économique et sans considérations extrinsèques de souveraineté nationale (qui exigerait le maintien de certaines industries même peu rentables), car la non-spécialisation comporte l’exercice d’un pouvoir économique sur les prix.

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 « Qu’il évite avec soin tout acte qui dépend d’autrui ; qu’il s’applique au contraire avec zèle à tout ce qui ne dépend que de lui-même. Tout ce qui dépend d’autrui cause de la peine, tout ce qui dépend de soi-même donne du plaisir ; sachez que c’est là en somme la définition de la peine et du plaisir. » (Les Lois de Manou, traduction par G. Strehly, p.118)

Cela pourrait servir de résumé très exact de la doctrine des Stoïciens.

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We’ll beat ‘em into bench-holes. (Scarrus, dans Antoine et Cléopâtre de Shakespeare).

Bench-holes est un terme archaïque pour désigner des latrines : « Nous irons les buter jusque dans les latrines. » Le Scarrus de Shakespeare anticipe donc de quelques centaines d’années la phrase du président russe Vladimir Poutine qui en a marqué beaucoup : « Nous irons les buter [les terroristes islamistes] jusque dans les chiottes. » Aucun commentateur, à ma connaissance, n’a relevé la référence shakespearienne.

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Think of the fashion of London being led by a Br-mm-ll [Brummel]! a nobody’s son; a low creature, who can no more dance a minuet than I can talk Cherokee; who cannot even crack a bottle like a gentleman; who never showed himself to be a man with his sword in his hand, as we used to approve ourselves in the good old times, before that vulgar Corsican upset the gentry of the world! (Thackeray, Barry Lyndon)

So much for Barbey d’Aurevilly.

Au temps pour Barbey, auteur, comme on le sait, d’un peu convaincant Du Dandysme et de George Brummel, contredit par son congénère fictif, le gentilhomme Barry Lyndon.

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People who say manual labour is a good thing have never done any. (Brendan Behan)

With the notable exception of Henry David Thoreau.

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When the wise seer beholds in golden glory the Lord, the Spirit, the Creator of the god of creation, then he leaves good and evil behind. (Upanishads)

‘Good and evil behind,’ an early occurrence of Jenseits von Gut und Böse.

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What is the amount of information needed to convince people that a personality is present? The answer … is that very little information is needed. Simple line drawings of objects (as long as they have eyes or even a hint that they are alive), are quite enough to activate psychologically rich responses. Perceived reality does not depend on verisimilitude: A character doesn’t have to look anything like a real person to give and receive real social responses. (Byron Reeves & Clifford Nass, The Media Equation, 1996)

Il n’est donc pas besoin de construire des robots sociaux qui ressemblent à l’homme, surtout avec le risque d’entrer dans la vallée inquiétante (uncanny valley) ! Des personnages à la Nintendo première génération, néoténiques et kawaii, peuvent suffire à créer une interaction sociale homme-machine optimale.

L’avenir seul pourra dire si l’actroïde est capable de sortir de la vallée inquiétante. Je fais l’hypothèse suivante. L’apparence des robots humanoïdes ne cessera de s’améliorer mais il existe une limite indépassable qui les maintiendra toujours à la périphérie de la vallée inquiétante, c’est-à-dire que plus la familiarité avec le robot le plus parfait sera grande et plus son « étrangeté » de robot deviendra manifeste à son interlocuteur humain, qui aura dès lors à trancher s’il a affaire à un robot ou à un humain quelque peu dérangé nerveusement.

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And the joy of work, too. … people here don’t know anything about that either. … people here are brought up to believe that work is a curse, and a sort of punishment for their sins. (Ibsen, Ghosts)

Dans la bouche d’un peintre… (Aurait-ce été convaincant dans la bouche d’un ouvrier soumis aux nouvelles conditions du travail industriel ?) Cette apologie libérale du travail, ingénieusement opposée à une conception chrétienne, reflète le statut d’Ibsen comme écrivain subventionné par le Parlement bourgeois norvégien qui lui vota une indemnité à vie.

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Kantisme (notes)

1/ Raison pure

« La géométrie nous apprend que la droite tangente au cercle touche ce cercle en un point, mais si nous traçons le cercle et la droite sensibles, nous nous apercevons que la droite touche toujours le cercle en plusieurs points et que jamais nous ne pourrons obtenir une figure conforme aux définitions mathématiques. Or la géométrie ne peut, pour raisonner, se passer de la considération des figures, dont le tracé dément le discours que le mathématicien tient sur elles. » (Exposé de la pensée de Protagoras par Gilbert Romeyer Dherbey, dans Les sophistes, 1985) – Or c’est la construction synthétique a priori qui sert au géomètre et non l’aspect des figures tracées à la main, forcément grossières par rapport à ces constructions a priori. Contre ceux qui parlent des figures géométriques comme des approximations, des abstractions des objets perçus, lesquels s’écarteraient tous plus ou moins de la forme géométrique pure (Locke, Husserl), il convient de faire remarquer que la lune perçue dans le ciel nocturne est un cercle parfait et que l’horizon perçu est une parfaite ligne droite. Ce constat des formes géométriques pures perçues (intuitionnées) confirme l’affirmation kantienne selon laquelle une figure géométrique est une construction dans l’intuition et non une idée abstraite.

Le concept d’un triangle est sa pure et simple définition, et les énoncés qui posent cette définition sont analytiques. Synthétiques a priori sont en revanche les énoncés qui exposent les propriétés du triangle.

La dimension dite « quantitative/spatio-visuelle » des tests d’intelligence est conforme à la conception kantienne des mathématiques comme science intuitive pure.

La physique relativiste traite l’espace comme un concept et non comme une forme de l’intuition a priori.

C’est l’intuition du temps qui permet d’appréhender le changement, c’est-à-dire la prédication de termes contradictoires dans un même sujet (ici-pas ici) : l’intuition et non le concept.

Chacune des antinomies indécidables de la raison a une thèse (par exemple, le monde a un commencement dans le temps) et une antithèse (le monde n’a pas de commencement dans le temps). La thèse est appelée par Kant « dogmatisme » et a sa préférence : elle présente un intérêt pratique, et elle est conforme au sens commun (au « sens commun » d’un Chrétien, à la rigueur). L’antithèse est dite « empirisme » et Kant considère qu’elle est nuisible à la morale et à la religion. (Kant estime en revanche que l’intérêt spéculatif de l’empirisme est supérieur à celui du dogmatisme.) Schopenhauer adopte un point de vue opposé (en s’appuyant sur l’hindouisme et le bouddhisme) ; il affirme d’ailleurs que cette question du commencement ou non du monde n’est pas une antinomie car elle est selon lui tranchée (dans le sens d’un non-commencement du monde dans le temps).

2/ Raison pratique

La chose en soi n’étant pas soumise aux lois de la causalité, lois de la nature, elle est pensée comme libre.

La morale est une « logique » et non une science naturelle.

Considérer les phénomènes comme des choses en soi interdit de concilier la loi de nature et la liberté, tandis que la cause intelligible, en soi et en dehors de la série des phénomènes, peut être pensée comme une cause par liberté. Il y a ainsi deux types de causalité : selon la nature et par liberté.

« Comme pour toute marchandise, le capitaliste essaie d’acheter la force de travail le meilleur marché possible, car pour lui l’ouvrier n’est pas un homme devant vivre sa propre vie, mais une force de travail pouvant devenir source de profit. » (Cornélius Castoriadis, La société bureaucratique) On ne saurait mieux exprimer que le capitalisme viole constitutionnellement l’impératif « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

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That subtle appearance differences have reproductive implications is suggested by findings showing that the degree of female physical asymmetry is reduced when females are fertile compared to the beginning and end of the menstrual cycle, when they are not fertile (Manning et al., 1996). (Michael McGuire & Alfonso Troisi, Darwinian Psychiatry, 1998)

Les femmes sont plus symétriques dans leurs périodes de fertilité que dans les autres périodes de leur existence. C’est une confirmation des conclusions du baron de Saxy-Beaulieu : ,,Das Weib ist Plastik.’’ (la femme est plastique) (voyez ici).

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« De manière générale les réparations, quelles qu’elles soient, n’ont bénéficié que de progrès technique faible (réparation de bâtiments, d’objets manufacturés, de meubles, d’horlogerie, etc.). » (Jean Fourastié, Le grand espoir du XXe siècle, 1949)

C’est pourquoi les réparations sont rares : on ne répare plus, on remplace, parce que la productivité des réparations n’a pas ou a peu augmenté. C’est aussi pourquoi la pression de notre civilisation sur les ressources du milieu s’accroît sans mesure.

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A few people dream entirely in color. (Aldous Huxley, Heaven and Hell, 1956)

I have never dreamt in black and white. Never. In fact I have never heard of people dreaming in black and white either. Was color-dreaming rare in Huxley’s time because TV was black and white and people dream not after a real-life but after their screen-viewing pattern?

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You’ve cheated me out of a mother’s joy and happiness in life. And a mother’s sorrows and tears too. And that was perhaps the greatest loss for me. (Ella Rentheim in Ibsen’s John Gabriel Borkman)

Compare with Nora Helmer’s ‘duty to herself’ in A Doll’s House. Which quotation do people know, Ella’s or Nora’s?

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A multitude of working poor

The height of it [Luxury] is never seen but in Nations that are vastly populous, and there only in the upper part of it, and the greater that is the larger still in proportion must be the lowest, the Basis that supports all, the multitude of Working Poor. (Bernard Mandeville, The Fable of the Bees)

Anyone who has read Mandeville knows he is not being critical here; on the contrary, his fable claims the necessity of heightening luxury. Now let it be known that Mandeville was extolled by the Austrian School of Economics and Friedrich Hayek, intellectual seeds of the Chicago School.

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Phobos is being drawn to Mars’ surface at a rate of one centimetre every year. At this rate of attraction, in something like fifty million years, it will smash into the surface of Mars. (Mission to Mars: The Emirates Mars Mission and Mars Hope, 2015)

So there is something after all in Hörbiger’s contention that celestial bodies are spiralling toward one another… => World Ice Theory (Welteislehre)

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« Une onde se propage dans un milieu élastique entré en vibration sous l’action d’une force. L’air vibre et propage le son, l’air est le milieu élastique qui sert de support au son. Dans le vide, le son ne peut plus se propager. Le vide ! N’est-ce pas le vide qui règne dans les espaces interplanétaires et interstellaires que la lumière traverse à la vitesse de 300.000 km à la seconde ? Le vide serait-il donc un milieu élastique capable de transmettre l’onde lumineuse ? Une contradiction surgissait. » (Maurice Duquesne, Matière et Antimatière, 1968)

Une solution fut apportée par la théorisation d’une vibration de l’éther. L’existence de l’éther étant infirmée par la physique relativiste, la contradiction resurgit ; comment la relativité la résout-elle ?

Une autre solution pourrait se trouver dans la « cosmogonie glaciaire » (Welteislehre) d’Hörbiger ou toute autre théorie qui, postulant l’absence de vide interplanétaire, n’a pas non plus besoin de l’hypothèse de l’éther.

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Schopenhauer père de Darwin

« Revenu de son périple autour du monde, Darwin étudie les théories du philosophe [Schopenhauer] » (p.10), parmi lesquelles théories on trouve que

« Le chimpanzé a donné naissance à l’homme » (Édouard Sans, Schopenhauer, 1990, p.66)

J’ai déjà eu l’occasion de souligner que Darwin n’avait pas inventé la théorie de l’évolution des espèces, vieille comme l’antiquité, mais qu’il avait décrit de la manière la plus adéquate le mécanisme de cette évolution, à savoir la sélection naturelle. Les milieux pseudo-intellectuels anglo-saxons ignorent largement ces données et tendent à colporter une histoire des idées falsifiée dans laquelle le darwinisme, né par génération spontanée, a introduit pour la première fois l’idée d’évolution.

En l’occurrence, les origines simiennes de l’homme se trouvent déjà dans Schopenhauer (x) et, Darwin ayant lu, comme on le voit ici, ce dernier, il a sans doute laissé dans ses manuscrits l’hommage qu’on s’attendrait qu’il rende à un prédécesseur dans l’idée que « l’homme descend du singe », idée que l’on attribue toujours à l’un et jamais à l’autre.

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The history of the mammals in particular is a history of memory development. All through the Tertiary period, it is to be noted, brains in every group of mammals increase in relative size and complexity. With every increase, the power of learning from experience and of supplementing direct impulse by conditioned reflexes increases. (My emphasis) (H.G. Wells, The Outlook for Homo Sapiens)

Humans are more ‘conditionable’ than Pavlov’s dogs and Skinner’s doves.

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Liberty Steak with Freedom Fries

America entered the war [WWI]. Those great newspapers which had been opposing the entry now suddenly discovered the seriousness of the German menace … Hamburger became ‘liberty steak,’ and sauerkraut became ‘liberty cabbage,’ and so the world was made safe for democracy. (Upton Sinclair, The Wet Parade)

And French fries became ‘freedom fries’ when the French refused to support the U.S. war in Iraq.

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La « crise des fondements » des mathématiques (Hilbert, Gödel) est prédite par le kantisme et l’exposé des antinomies. Démontrer.

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Matsui est une marque du groupe britannique Dixons-Currys au nom japonais en raison du marqueur associé à l’électronique japonaise. Le slogan d’Audi « Vorsprung durch Technik », en allemand à l’international, est une idée de l’agence de publicité britannique BBG, en raison du marqueur associé à la technologie allemande. Stella Artois est une bière anglaise. &c

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L’effet Poetzl (ou Pötzl) de l’efficacité des images subliminales a été découvert grâce à des expérimentations sur la suggestion post-hypnotique. Poetzl observa que les rêves des personnes soumises à des images subliminales traitaient principalement le matériel subliminal. Il démontra ensuite que ce stock de « mémoire subliminale » peut influer sur le comportement : l’effet Poetzl, c’est que le jugement d’une personne valorise ou dévalorise des objets par association, en fonction de la mémoire subliminale.

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Les séances publiques d’hypnose en tant que divertissement (stage hypnotism) ont complètement disparu, à l’instar des freak shows.

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Abstraction vs Expressionnisme. La peinture abstraite n’est pas comparable à la musique atonale, qui est le pendant de la peinture expressionniste. L’abstraction est une réponse purgative à la « surchage perceptuelle » (perceptual overload) d’un monde surmédiatisé.

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Le cubisme architectural d’Adolf Loos, inspirateur du Corbusier, a criblé l’Occidental, principalement mais pas seulement, de « flèches empoisonnées » feng shui.

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As a rule making a living is boring to death.

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Le lait maternel a un fort goût umami, mot d’origine japonaise, la cinquième saveur de base avec le sucré, le salé, l’amer et l’acide. Et le lait commercial ?

Selon la pensée chinoise, l’expérience gustative dépend de tous les sens, qui seraient au nombre de trente-sept.

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 La machine à dire « Je t’aime » est le psychothérapeute de l’avenir.

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Je demande à une amie thaïlandaise si elle nourrit son talisman Kuman Tong car j’ai connu des gens qui nourrissaient un Tamagotchi.

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«The Entertainment Age cometh!» and it won’t be the Leisure Age.

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We shall have plenty of time on our hands with which to do something. (John Neulinger, The psychology of leisure, 1981)

Qu’est-ce qui a démenti cette prédiction tellement courante il y a quelques années et à laquelle plus personne ne semble croire aujourd’hui ? L’inflation annulant les effets des gains de productivité ?

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L’aristocrate est celui qui juge les gens d’après leur naissance, le démocrate celui qui les juge d’après leur diplôme.

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La culture était la « spécialité » de la classe de loisir (Tibor Scitovsky). La fin de la classe de loisir pour les hommes, la femme y restant de fait, devait rendre l’homme méprisable, car inculte, aux yeux de la femme, d’où un violent désir d’« émancipation » par lequel la femme était conduite à demander à entrer comme les hommes sur le marché du travail en tant que main-d’œuvre spécialisée. Ainsi, et ainsi seulement, pouvait s’opérer la réconciliation entre les sexes, dans l’inculture généralisée.

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Le statut est important pour le choix d’un partenaire de long terme, mais seul le physique compte pour le faire cocu. [C’est ce que j’ai appelé springboarding the Mogul => x]

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« Kant ne savait pas de quoi il parlait quand il parlait des femmes. » Il en savait peut-être plus que le cornard moyen.

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La consécration de l’intellectuel français : remettre un rapport à l’administration.

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J’ai eu le culte du chef aussi longtemps que je pouvais croire devenir chef un jour. Aujourd’hui, je trouve cela de mauvais goût.

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50 % de l’édition française est bonne à jeter ; le reste est traduit de l’anglais.

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A right to insurrection supposes the right to call to insurrection.

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‘Bags’ under the eyes are permanent (one has to remove them surgically), ‘shadows’ under the eyes are temporary (they disappear with better health). In films, successful, (moderately) mature men are depicted with conspicuous bags (thanks to makeup), women never (thanks to makeup). Bags, obviously, are not perceived as a marker of bad health in males. The cinematic practise surely relies on research (marketing research), so women must be looking for the bags (when in search of a springboard).

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You feel blue because of your blue genes.

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It is tempting to blame … self-interested advertisers for creating our desire for fats (Deirdre Barrett, Waistland)

As far as I’m concerned, I have never blamed advertisers for creating anything. But I am blaming them nonetheless.

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I had a dream which I dare not tell my shrink. A gentleman is chatting with a lady at one or the other’s cosy place. Then she says she needs to use the restroom and accordingly leaves the living room. The camera stays on the man’s face while we’re hearing monstrous noises from the restroom, explosive flatulences and splashes, and that takes a little while. When the lady comes in again, the living room is empty, a window open, curtains waving: the man jumped from it.

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Je m’appelle Florent mais ça ne répond jamais.

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The only thing science knows for sure is that it will kill all poets in the end.

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L’homme d’une seule femme à cent têtes.

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« Estoy triste » : c’est déjà relativiser.

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Si Lucette avait su…

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Très attendu au tournant.

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L’université n’a pas voulu de moi car elle croyait que j’étais d’extrême-droite. L’administration m’a laissé entrer pour la même raison.

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À vingt ans, j’ai failli mourir. À trente ans, j’aurais presque pu vivre.

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Le pouvoir corrompt. C’est ce que nient les partisans de la dictature du prolétariat ainsi que les réformistes qui se présentent aux élections.

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Le pouvoir corrompt (Montesquieu). Donc tous pourris.

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C’est Tircis et c’est Aminte,
Et c’est l’éternel Clitandre… (Verlaine)

Clitandre, ce nom, en poésie, depuis Corneille (au moins), c’est une blague ? On ne connaissait pas le mot clito à ces époques, immédiatement évoqué dans tous les esprits aujourd’hui quand on dit Clitandre ?

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As a true philosopher you thought you would be king.

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Je n’écris pas pour être lu, mais pour être connu. Si les gens me lisaient, ils mourraient de honte. (Ah bon, j’écris ?)

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How can you live, how dare you live after killing the poet inside?

There was a woman, it was my way to tell her: ‘You will give me nothing? I’ll give you everything.’ I sent her so many poems, then threw my poetry away.

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Tu traverses une passe difficile de pantalons trop serrés.

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J’étais devenu si conservateur qu’à la boulangerie je n’achetais plus que des baguettes tradition.

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Le poète romantique se regarde pleurer. Le poète contemporain se regarde écrire…

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Ce n’est pas rue de la banque mais rue bancale.

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I should have died long ago, what went wrong?

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Il n’y a pas de « vous » en anglais, seulement du « sir », qui ne doit donc pas être traduit par « monsieur » mais par le vouvoiement.

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Oil rent is something for nothing.

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Notre époque n’est pas héroïque car notre époque est bourgeoise, mais l’héroïsme existe car l’héroïsme est prolétarien.

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Il tire la sonnette d’alarme et se prend un seau d’eau sur la tête.

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Adventure de Jack London est un roman qui se passe en Polynésie. Les quelques allusions à la Polynésie française se bornent à dire la corruption de ses juges et bureaucrates.

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Malcom X et Eugene X (Eugenics).

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La poésie des peuples premiers ridiculise par sa profondeur tout ce que les universitaires occidentaux ont écrit sur leurs sociétés.

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Tout ce que le poète écrit sera retenu contre lui.

Et tout ce que le poète écrit se retourne contre lui.

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Le fonctionnaire français est jugé sur son enthousiasme pour les libertés auxquelles il n’a pas droit.

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As there’s a First Lady, my neighbor asks, what number is my wife?

LIII Aurillac Space Cake

Feng Shui Cool

En lisant, sur le conseil d’une connaissance, un livre sur le feng shui, je découvris que j’avais appliqué chez moi sans le savoir des principes feng shui, éprouvant une insatisfaction durable devant au moins deux dispositions de mon appartement.

Tout d’abord, je fermai ma cuisine américaine, moins feng shui qu’une cuisine indépendante, avec un paravent. Car il faut maintenir séparés les différents espaces dédiés.

Ensuite, je plaçai un rideau de perles entre le vestibule et le salon pour couper une ligne droite beaucoup trop longue (allant jusqu’à la salle de bain). Cette dernière disposition est décrite dans le livre comme particulièrement mauvaise, car le chi s’engouffre dans ce tunnel comme un tourbillon impétueux.

À l’époque où je fumais du haschich, j’étais, sous l’effet de cette substance, particulièrement sensible à certaines choses, et je comprends aujourd’hui que c’étaient les « flèches empoisonnées » du feng shui. Ainsi, je me souviens parfaitement (et c’était il y a plus de vingt ans) de la véritable souffrance que me causèrent les lignes et les angles d’une commode trop massive, dans la chambre où j’avais un lit chez un ami. Cette souffrance était démesurément amplifiée par un sentiment de faiblesse, voire de débilité profonde causé par le fait d’éprouver du malaise devant un simple meuble.

Si j’avais eu ce livre entre les mains dès l’installation dans mon nouvel appartement, ou si j’avais continué de fumer du cannabis, j’aurais pu mieux aménager mon intérieur il y a longtemps ! Au lieu de quoi, j’ai vécu dans un piège à chi fatal pendant des années.

Et si j’avais lu ce livre quand j’étais un haschichin, j’aurais évité quelques mauvais trips à l’époque.

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Joli, joli petit Français…

Kant dit que les Anglais sont plus familiers avec le sublime et les Français plus familiers avec le joli – le joli plutôt que le beau, car le beau se rapproche davantage du sublime que du joli, d’où je traduirais différemment le titre de son essai Beobachtungen über das Gefühl des Schönen und Erhabenen, par Observations sur le sentiment du joli et du sublime.

L’emploi du mot Schön en allemand me donne raison : on lance un « Schön ! » comme, chez nous, un « Joli ! » Et les passages de l’essai de Kant qui parlent des Français montrent d’ailleurs bien qu’il n’est pas question du beau mais du joli. Eh oui, messieurs les traducteurs et professeurs de France…

(Pour être tout à fait précis, Kant oppose, d’un côté, Anglais, Allemands et Espagnols et, de l’autre côté, Français et Italiens.)

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Aurillac Space Cake

Je me souviens d’Anglaises au camping du festival d’Aurillac, festival du spectacle de rue, camping hippie : complètement délurées mais complètement supérieures, à déambuler pieds nus avec un air émancipé que je n’ai jamais vu nulle part ailleurs. À les voir, j’avais honte de moi, je me faisais l’effet d’être en toc.

Les Anglais, au rassemblement hippie d’Aurillac, étaient impressionnants. Ils arrivaient avec leurs caravanes comme des bohémiens, si ce n’est qu’au lieu de visages méridionaux on voyait des enchanteresses blondes comme les blés. Je me souviens de l’une d’elles en particulier, de seize ou dix-sept ans, assise devant sa caravane, pieds nus, non loin d’un grand gars qui lui ressemblait, et comme je passais avec un compagnon devant sa caravane elle nous adressa cette douce parole : « Space cake ! » Comme une harengère aurait dit : « Le bon poisson frais ! » À défaut de lui acheter un cake au cannabis, ce pour quoi je regrette d’ailleurs de m’être montré pusillanime en la circonstance, craignant peut-être que sa recette serait trop forte pour les projets immédiats que j’avais, ou plus simplement parce que j’étais déjà défoncé jusqu’aux yeux, je lui souris, et elle me sourit, et le grand gars avait l’air content, et je n’ai pas oublié.

Mais l’impression d’être en toc était bien là…

(D’ailleurs, ceux dont je parle n’étaient pas forcément tous Anglais, car ils pouvaient aussi bien être Allemands, Néerlandais, voire Scandinaves…, et je ne sais pas pourquoi ce sont dans mon souvenir des Anglais, ou plutôt des Anglaises.)

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Le fait que Kant soit une cible privilégiée des attaques du Cercle de Berlin, pro-Einstein, est la preuve, ou du moins un indice intéressant, que j’ai vu juste en écrivant les « fragments » Kantism & Astronomy (ici), qui datent de 2005. Kantisme, en l’occurrence l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure, et relativité sont incompatibles : c’est la conclusion de mes fragments.

La possibilité d’une compatibilité entre les deux n’est toutefois pas complètement exclue. Si la masse n’a guère plus de réalité « en soi » que l’espace « en soi » (c’est-à-dire hors de nos perceptions), il est peut-être possible d’envisager que la masse torde l’espace. Apparemment, ce n’est pas l’optique du Cercle de Berlin, pour qui kantisme et relativité sont bel et bien incompatibles, ce qui signe selon eux la fin du kantisme, tandis qu’une telle incompatibilité signe selon moi la fin de la relativité.

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Les femmes intelligentes ont, selon Helmuth Nyborg (Hormones, Sex, and Society, 1997), plus de testostérone que les autres, et par conséquent un plus grand appétit sexuel. En revanche, la testostérone inhiberait les capacités intellectuelles chez l’homme. Cette lecture m’a fait du mal, car j’ai toujours pensé que j’étais à la fois intelligent et viril.

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J’aurais été un pirate heureux, et, quand je serais devenu trop vieux pour aborder les galions espagnols, je me serais retiré dans une belle malouinière avec une bow window sur la mer et une lattice window sur un jardin.

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Quand j’étais en Amérique, je suis parfois passé, à Cambridge, Massachusetts, non loin de l’Université d’Harvard, devant une église swedenborgienne posée au milieu de son boulingrin d’herbe planté d’arbres.

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Je voudrais faire quelque chose dont je sois absolument certain que ce n’est pas une distraction de l’essentiel, qui se trouve je ne sais où. « A man of too many hobbies », c’est ainsi que Thomas Hardy décrit l’un de ses personnages, et c’est peut-être une limitation plus grave encore que la spécialisation, forcément technique, qui régit la vie intellectuelle de tant d’hommes aujourd’hui.

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Si je vends mon appartement, je n’en rachèterai pas un autre : je vivrai libre pendant une douzaine d’années. Cela ne vaut-il pas le coup ? Comme Rolla qui flambe son héritage en quelques années puis se tire une balle. Douze ans de liberté ne valent-ils pas mieux qu’une vie de servitude ?

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Vous rappelez-vous cette parole de D’Ormesson, qu’il avait peur d’un hommage funèbre par Hollande ? Il vient d’être décoré par ce dernier. C’est arrivé hier, le 26 novembre 2014. Le pauvre…

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Dans un livre de 1989, Wilson Bryan Key donne le chiffre d’une exposition moyenne de 1.000 messages publicitaires par jour pour une personne.

Dans la présentation Amazon du livre Neuromarketing de Morin et Renvoisé (fondateurs de la société SalesBrain), livre publié en 2007, on lit : « People are inundated daily by an average of 10,000 sales messages. »

Une multiplication par dix en trente ans.

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Média cool

Mon blog compte actuellement (mars 2015) 26 billets dans la catégorie « Pensées ». Cela fait entre 50 et 60 pages Word, soit plus d’une centaine de pages d’imprimerie. C’est du super-concentré d’idées. Si je développe les concepts, j’ai un bouquin de 400 ou 500 pages. C’est ce produit qui pourrait présenter ma pensée avec le plus de précision et de clarté, pour répondre à certaines attentes. Mais il n’est pas envisageable de déposer un pavé de 500 pages sur un blog internet, média cool.

Chaque concept qui devrait être présenté et explicité dans un livre comporte virtuellement, sur un blog, un méta-lien vers sa définition quelque part dans le Web. Par exemple, quand j’écris « média cool », c’est comme si l’on pouvait cliquer sur ce binôme pour faire apparaître une nouvelle fenêtre sur l’écran avec plusieurs lignes ou plusieurs pages de définition. Celui qui a besoin de cliquer clique, celui qui n’en a pas besoin ne clique pas.

Comme on trouve tout sur le Web, les spécifications sont virtuellement superflues. Le style, la langue deviennent aphoristiques, comme l’avait anticipé Marshall McLuhan. C’est véritablement un média cool.

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Une introduction
à mes recherches (en anglais) sur la publicité subliminale
(voyez Index: Subliminals Series)

Notre cerveau se compose de différentes parties, correspondant aux différentes périodes de notre évolution. La partie la plus archaïque est ce qu’on appelle le « cerveau reptilien » (commun aux reptiles et aux oiseaux), les deux autres parties sont le cerveau limbique (siège des émotions) et le néocortex (siège des pensées). La distinction entre le cerveau reptilien et le cerveau limbique est moins saillante que celle entre le cerveau limbique et le néocortex, c’est pourquoi on se contente parfois de distinguer un cerveau ancien (reptilien+limbique) et un cerveau nouveau (néocortex).

Le cerveau reptilien est l’organe de la survie : dans les conditions primitives d’existence, c’est lui qui scanne en permanence le milieu, notamment pour détecter les menaces. Chez les primates et chez l’homme, il est surtout visuel. Des recherches ont montré qu’il visualise les choses avant que celles-ci entrent dans notre champ de conscience.

Le principe des images subliminales est qu’elles sont visualisées par le cerveau reptilien sans entrer dans notre champ de conscience. Les publicitaires croient que cela peut avoir un effet sur les comportements d’achat, et ils s’appuient en cela sur l’« effet Poetzl », du nom du psychologue qui l’a découvert. Certains, à commencer par W.B. Key, théorisent ces phénomènes en termes d’inconscient freudien.

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La façon dont certains « r » sont prononcés dans la chanson Hadir de la chanteuse malaisienne Nadia ne laisse pas de m’étonner, car ils semblent être prononcés à l’anglaise.

Ainsi, dans le premier couplet, « Biarlah air mata, Biarpun merah hati luka Terhapus segalanya Impian kasih yang berlumpur », j’entends les « r » de biarlah, air mata, biarpun et berlumpur prononcés normalement mais les « r » de merah et de terhapus prononcés comme des « r » anglais (un son qui n’existe à ma connaissance dans aucune autre langue que l’anglais). C’est particulièrement frappant dans le mot merah et d’autres de la chanson.

À défaut de chanter en anglais, elle chanterait en prononçant à l’anglaise !

Or j’ai remarqué le même phénomène dans certaines chansons de pop thaïlandaise. Cette anglicisation de la prononciation dans la musique pop serait-elle un nouvel avatar de la domination culturelle anglo-saxonne ?

Voici la réponse, très pertinente, de la présidente de l’Association franco-indonésienne Pasar Malam à ces remarques, que je lui avais envoyées :

Je ne connais pas du tout la chanson malaisienne, aussi je n’ai aucune idée sur les ‘r’ prononcés à l’anglaise, si ce n’est que la question que je me suis posée sur les origines de la chanteuse que vous citez. Est-elle d’origine chinoise ? Le ‘r’ en mandarin (?) se prononce comme une consonne rétroflexe, comme en américain, me semble-t-il. (juillet 2015)

J’ignore si la chanteuse Nadia est d’origine chinoise. Même si elle l’est, je n’ai pas perçu ce phénomène de prononciation dans toutes celles de ses chansons que j’ai écoutées. Qui plus est, dans Hadir, la logique de cette prononciation m’échappe : ce n’est pas une question de position du ‘r’ entre deux voyelles ou entre une consonne et une voyelle. De plus, dans un même couplet répété deux fois, j’entends seterusnya prononcé normalement la première fois et à l’anglaise/américaine la seconde…

Le mystère reste donc complet. Il se peut qu’une telle prononciation sans cohérence dans des chansons de pop malaisienne mais aussi thaïlandaise (par exemple dans คนพิเศษ de la chanteuse Mint มิ้นท์ อรรถวดี) rappelle, sciemment ou non, des origines chinoises, la communauté chinoise étant nombreuse en Asie du Sud-Est et particulièrement bien implantée dans le commerce en général.

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La biologie a réhabilité le vaudeville ; ceux qui le dénigraient pour son invraisemblance en sont pour leurs frais. Dans le monde anglo-saxon, les divorces et autres joies de la séparation conjugale ne se font plus sans qu’on administre force tests de paternité (pour des histoires de sous), et les résultats, à savoir les chiffres de ces pères qui ne le sont pas, sont éloquents.

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Selon P.N. Oak, essayiste et militant hindouiste, le Taj Mahal serait à l’origine un temple hindou, converti en palais, puis en mausolée, par les « maraudeurs » musulmans. Toute son oeuvre porte sur le thème d’une « guerre de mille ans » entre Arabes et Hindous dans la péninsule indienne, et elle a été jugée anticonstitutionnelle en Inde (la Constitution indienne repose sur le concept de « communalisme »).

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Aldous Huxley devotes a chapter of his book Brave New World Revisited (1958) to subliminals. A fact which I think escaped W. B. Key’s notice.

Among other things, Huxley writes that “in Britain … the process of manipulating minds below the level of consciousness is known as ‘strobonic injection’.” & “Poetzl was one of the portents which, when writing ‘Brave New World’, I somehow overlooked. There is no reference in my fable to subliminal projection. It is a mistake of omission which, if I were to rewrite the book today, I should most certainly correct.

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John qui ?

À mon éditeur et sa femme, les très gioniens Michel et Nicole Lombard

Octobre 2015. J’ai cru que j’allais voir au Palais de Tokyo une exposition sur Jean Giono pour touristes américains. C’était en fait une installation modern art sur le poète beat américain John Giorno… Ah, on ne m’y reprendra plus !

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À mon éditeur et sa femme

Venant de lire la Brève Relation de la Destruction des Indes par Bartolomé de Las Casas, le cœur brisé, je me demande comment j’ai pu rester sourd si longtemps au message de ce saint homme, et publier des poèmes ignorant sa voix. L’insuccès de mes recueils est mérité. Las Casas a jeté sur les conquistadores une malédiction éternelle. Après lui, je veux les maudire à mon tour, et expier mes fautes en servant jusqu’à la fin de mes jours les humbles descendants de ces hommes et femmes victimes innocentes de leurs atroces iniquités. Je suis désolé de vous avoir rendus complices de mon injustice.

La belle réponse de Nicole Lombard :

Cher Florent,

Vous n’êtes pas le seul poète à vous être laissé fasciner par l’image des conquistadores, cruels, hélas, pire que cruels, mais aventureux et, il faut le dire, courageux. Il fallait l’être, rien que pour mettre le pied à bord de ces caravelles. « Ivres d’un rêve héroïque et brutal », cela dit bien ce que cela veut dire. Il fallait le génie et pour tout dire la sainteté de Bartolomé de Las Casas pour voir, dès cette époque, l’envers de ce que vous êtes tout à fait pardonnable d’avoir considéré comme une épopée. La Controverse de Valladolid est un grand moment de l’aventure humaine, la seule qui compte, celle du cœur et de l’esprit. Plutôt que de vous morfondre, pourquoi ne pas écrire maintenant ce que vous inspire cette malédiction ? Ce peut être très beau. Vous voilà maintenant comme saint Paul sur le chemin de Damas. Est-ce qu’il s’est tu ?

Et pourquoi, aussi, chanter des louanges à Marie-Antoinette ?

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Mon révolutionnaire mexicain (x) ! Avec ses cartouchières croisées sur la poitrine, par-dessus son poncho de toile rude, il se sert de son fusil comme d’un bâton pour parer un coup de sabre ! Et son chapeau de sorcier !…

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Tal vez necesitaría ser turista toda su vida para llegar a disfrutar su lugar de vida propiamente.

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After trying to feel emotions for religion and nationality which I never had, I realized I could get none at all and stopped telling myself stories. What remains is a disgust for politicians and an opposition to the increasing accumulation of wealth and power in increasingly fewer hands. I am with the down and trodden, ¡los de abajo!

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1

L’adaptation cinématographique par Jack Clayton du Tour d’écrou trahit Henry James. J’allais développer, mais j’ai vu sur Wikipédia l’affiche du film « You’ll get the shock of your life! » Tout est dit : avec une réclame aussi vulgaire, il ne fallait pas s’attendre à du Henry James.

Juste un point sur la scène finale, un pur contresens. Dans le film, le petit Miles crie : « Quint, où es-tu, démon ? » et meurt. Ce qui signifie qu’il ne voit rien, aucun fantôme, et que la gouvernante est donc une frustrée (pour ne pas dire une mal baisée) qui hallucine. C’est l’interprétation à laquelle il faut s’attendre pour servir le plat à un public de porcs. Dans la nouvelle, les derniers mots du petit Miles sont « Quint, you devil! » mais l’insulte est adressée à la gouvernante et veut dire : « Oui, je vois Quint, espèce de diable (arrête de me torturer) ! » et il meurt.

Il faut dire que, si ce n’est pas une hallucination de la gouvernante, l’interprétation préalable de la présence des fantômes rend le film excessivement sulfureux puisqu’il s’agirait d’un cas de possession (et non seulement de visualisation ou quelque soit le terme technique en exorcisme) par lequel les deux amants morts cherchent à s’étreindre de nouveau. Ce qui nous conduit à l’inceste entre un frère et une sœur prépubères. Là encore, rien d’étonnant de la part d’Hollywood (même en noir et blanc), pour qui l’épaisseur glauque du cas social est l’élément, et jamais la psychologie transcendantale.

Je comprends mieux la préface savante et universitaire à la nouvelle, dans mon livre de poche, dont l’interprétation me semblait complètement tirée par les cheveux : c’est une critique du film et non de la nouvelle !

2

La critique du Tour d’écrou s’est essentiellement concentrée sur la question de savoir s’il s’agit d’un récit fantastique. La « Nouvelle Critique » a beaucoup glosé sur ce qu’elle ne peut voir que comme des hallucinations de la narratrice. C’est le genre de débat qui me confirme dans l’idée que, bien que littéraire jusqu’au squelette, j’aurais peu goûté des études littéraires. Je ne peux tout simplement pas lire de critiques littéraires – sauf celles d’Oscar Wilde. A fortiori, impossible d’ouvrir un supplément littéraire. Comme le répondait le même Oscar Wilde à un journaliste qui voulait que l’on brulât son Dorian Gray, aux époques éclairées on ne jette pas les livres au feu, seulement les journaux.

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Gouverner, c’est prévoir. Aucun gouvernant n’a vu le Brexit venir. Ils n’en voulaient pas, donc ne pouvaient y croire, croyant que toutes leurs paroles ont la vertu des prédictions auto-réalisatrices, donc ne pouvaient prévoir, donc ne sont pas en mesure de gouverner.

Les Anglais se sont couchés sûrs et certains que le Brexit avait fait pschitt. Au réveil, ils n’étaient plus en Europe. C’est énaurme.

De même, personne ne croyait que Donald Trump gagnerait la primaire de son camp.

Les médias sont attristés, leur pouvoir résidait justement dans ce pouvoir de prédiction auto-réalisatrice. Maintenant, le plus sûr, pour prédire, c’est de chercher ce que les médias condamnent. Pour savoir ce qui va l’emporter.

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Un ami américain m’a demandé ce que je pensais des élections présidentielles aux États-Unis. J’ai répondu que j’ai toujours « voté » Républicain comme Kerouac.

Mais là je ne peux plus.

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Retour de Prague. Il y a deux musées d’art contemporain à Prague, l’un pour l’art moderne et contemporain, l’autre pour l’art contemporain. Les deux un peu excentrés. Le premier, le musée du Pelejrni Palac, sur quatre étages, le plus visité, comporte notamment la série de vingt tableaux monumentaux de Mucha L’Épopée slave. Le second, le DOX, se trouve dans un quartier assez miteux. Tu sors de la station de métro et te retrouves immédiatement sur un rebord d’autoroute, avec des autoroutes qui se croisent par des ponts. L’angoisse. J’avais seulement pris la mauvaise sortie. Un jeune homme qui passait par là eut la gentillesse de me conduire à bon port, par des tunnels souterrains.

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Of Joyce I only read Ulysses, but I read it twice (in French), at 16 and 23. It occupies a special place in my memories. There is a rather long sequence about a lame girl on a beach that is deeply moving, and beautiful. Then, there is the final unpuctuated soliloquy, which each time as much captivated as it incensed me. Once, long ago, I was talking about the novel with a friend; she had not read it but she said a boy of her acquaintance had told her about the finale: “This is Woman’s mind.” I said “No,” trying to remain cool, but really ‘twas a protest from me. That a boy, the boy of her acquaintance, dared say such a thing – was not what gave me a surge, not that alone… Now all we’ve got is lost baggages.