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Philosophie 6 : Le cas Rousseau et autres textes
Tout est intuitionné à vingt, vingt-cinq ans, c’est-à-dire que l’individu a acquis une fois pour toutes ses idées personnelles à cet âge : ce stock sert aux conceptualisations ultérieures, lesquelles n’apportent au fond rien de nouveau (hors des combinaisons des intuitions). Le travail de l’âge mûr consiste à faire siennes les évidences de la jeunesse, qui n’appartiennent pas à la jeunesse en tant que telle mais à l’individualité. C’est en revenant à ces évidences que véritablement l’intelligence s’éveille ; quand l’esprit tenait ce stock pour rien d’autre que les fantasmagories de l’immaturité, et se cherchait ailleurs des modèles, c’est là qu’il était bête, et s’il peut dire à quarante ans qu’il avait tout compris à vingt, sa voie est tracée. Tout se déduit des intuitions.
C’est la raison pour laquelle la créativité, pour durer, se reporte au temps de la vie qui est le temps de l’intuition, la jeunesse ; et même si l’on veut écrire sur ses expériences de l’âge mûr, il faut le faire comme si l’on avait vingt ans. Mais le mieux est de ne point parler du temps de la vie qui est celui de la conceptualisation, car ce n’est pas un temps dont il importe de parler vu que seule importe en lui la pensée et nullement ce qui se vit. Quand on a vécu, il reste à penser, mais on ne pense de manière originale et profonde qu’avec ce que l’on a vécu (un stock d’intuitions), et le temps de penser est, avant la mort, un temps mort pour l’intuition.
Les intuitions de la jeunesse, du premier âge forment une image du monde imperméable aux déformations ultérieures et avec laquelle le penseur, pour penser authentiquement, doit entrer en contact par-delà les couches d’endoctrinement intermédiaires, car c’est alors à partir de son propre fonds, de sa personnalité propre qu’il pense et non par emprunt.
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Nietzsche, vivant dans une petite chambre mal chauffée, n’avait pas tort de reprocher à Wagner, grand bourgeois entouré d’une famille nombreuse dans son manoir, de s’être mis à prêcher l’ascétisme. De ce point de vue il n’avait pas tort.
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Le cas Rousseau
(Suite de Montesquieu vs Ibn Khaldun)
Dans la question soulevée par Ibn Khaldun et Montesquieu, Rousseau adopte la même position qu’Ibn Khaldun, face à Montesquieu, puisqu’il voit dans le maintien dans l’État de « troupes réglées », rétablies de son temps en Europe après une longue éclipse depuis l’empire romain (qu’elles ruinèrent), une cause de ruine :
« Devenus les ennemis des peuples, qu’ils s’étaient chargés de rendre heureux, les tyrans établirent des troupes réglées, en apparence pour contenir l’étranger, et en effet pour opprimer l’habitant. Pour former ces troupes, il fallut enlever à la terre des cultivateurs, dont le défaut diminua la quantité des denrées, et dont l’entretien introduisit des impôts qui en augmentèrent le prix. Ce premier désordre fit murmurer les peuples : il fallut pour les réprimer multiplier les troupes, et par conséquent la misère ; et plus le désespoir augmentait, plus on se voyait contraint de l’augmenter encore pour en prévenir les effets. » (Discours sur l’économie politique)
D’ailleurs, on peut voir en Rousseau le pendant occidental d’Ibn Khaldun, quand, dans son Projet de Constitution pour la Corse, il évoque le moyen d’efféminer les peuples au prétexte de les instruire, c’est-à-dire une voie de corruption et de décadence dans le fait de rendre les peuples « raisonneurs » : « La plupart des usurpateurs ont employé l’un de ces deux moyens pour affermir leur puissance. Le premier d’appauvrir les peuples subjugués et de les rendre barbares, l’autre au contraire de les efféminer sous prétexte de les instruire et de les enrichir. » Voyez également son Discours sur les sciences et les arts.
De même, toujours dans son projet pour la Corse, Rousseau souligne l’inaptitude des habitants des villes à être de bons soldats et c’est pourquoi, compte tenu de la pestilence que sont les armées professionnelles, il envisage une société fondée sur l’agriculture car il ne peut compter pour la défense de l’État que sur une armée du peuple constituée en cas de danger et tirée de la paysannerie (« la culture de la terre forme des hommes patients et robustes … ceux qu’on tire des villes sont mutins et mous, ils ne peuvent supporter les fatigues de la guerre »).
Alors que Montesquieu répondait (en quelque sorte) à Ibn Khaldun que les nations riches, en finançant sur le trésor public des armées permanentes, professionnelles, prévenaient les funestes conséquences possibles de l’amollissement de leurs populations par le luxe, brisant ainsi le cycle supposé fatal du retour à la barbarie par le triomphe inévitable des barbares aguerris sur les sociétés corrompues par le luxe, Rousseau souligne l’autre ferment de corruption et de misère publique inhérent aux armées permanentes, dont les effet ne sont pas moins désastreux pour la nation. Les remarques de Rousseau contribuent donc à maintenir intacte la loi sociologique énoncée par Ibn Khaldun : le maintien par les nations policées d’armées permanentes ne peut obvier à cette loi d’airain, contrairement à ce que pensait Montesquieu.
Tocqueville, au moins sur ce point, se rapproche de Rousseau, pour lequel il n’a guère de considération autrement : « Les Américains n’ont pas de voisins, par conséquent point de grandes guerres, de crise financière, de ravages ni de conquête à craindre ; ils n’ont besoin ni de gros impôts, ni d’armée nombreuse, ni de grands généraux ; ils n’ont presque rien à redouter d’un fléau plus terrible pour les républiques que tous ceux-là ensemble, la gloire militaire. » (De la démocratie en Amérique, I, II, IX) Les États-Unis d’Amérique sont aujourd’hui l’un des pays les plus militarisés du monde. Dans le même chapitre, Tocqueville développe l’idée que l’Amérique pourrait périr, en tant que système républicain, par ses grandes villes, à moins de développer une armée nationale suffisamment forte et indépendante pour les contenir : la raison en est que les grandes villes sont selon lui des foyers d’agitation démagogique. Or le remède qu’il préconise, une armée permanente, pour contenir le mouvement insurrectionnel des villes, est lui-même, à ses propres yeux, un danger manifeste. On peut penser que l’énorme armée américaine contemporaine a pour fonction première cette prévention indiquée par Tocqueville, son emploi récurrent lors d’émeutes urbaines en serait un signe, et cela fait immanquablement penser aux mots de Rousseau cités plus haut sur l’armée permanente, « constituée en apparence pour contenir l’étranger, et en effet pour opprimer l’habitant ».
ii
Si Rousseau, vivant avec une épouse, était appelé « le solitaire », comment faut-il m’appeler, moi ?
iii
Selon Rousseau, dans son Essai sur l’origine des langues, l’inceste est naturel et fut la loi de l’humanité aux premiers temps – qui sont, je suppose, l’état de nature.
iv
« Voilà d’où vient que les peuples septentrionaux sont si robustes : ce n’est pas d’abord le climat qui les a rendus tels, mais il n’a souffert que ceux qui l’étaient, et il n’est pas étonnant que les enfants gardent la bonne constitution de leurs pères. » (Rousseau, Essai sur l’origine des langues)
Impressionnante intuition du mécanisme de la sélection naturelle. Le milieu ne rend pas l’individu plus fort, mais l’espèce ; les « épreuves » du climat taxent l’individu et paient l’espèce.
v
« Il est certain que les plus grands prodiges de vertu ont été produits par l’amour de la patrie : ce sentiment doux et vif qui joint la force de l’amour-propre à toute la beauté de la vertu, lui donne une énergie qui sans la défigurer, en fait la plus héroïque de toutes les passions. » (Rousseau, Discours sur l’économie politique)
On trouve la même idée chez Montesquieu : l’amour de la patrie est la vertu. Mais Descartes a dénoncé une certaine illusion propre aux études historiques, à laquelle Rousseau semble particulièrement sujet : portant aux nues les vertus des Anciens, telles qu’elles nous sont transmises par les livres, Rousseau opposerait une fantasmagorie (suivant l’idée de Descartes) à l’homme actuel, dégénéré. Descartes : « [M]ême les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni n’augmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes d’être lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances : d’où vient que le reste ne paraît pas tel qu’il est, et que ceux qui règlent leurs mœurs par les exemples qu’ils en tirent, sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans, et à concevoir des desseins qui passent leurs forces. » (Discours de la méthode)
Rousseau loue les principes des anciens législateurs, et sa louange est une description exacte du fascisme moderne, que l’on pourrait croire inspiré par les lignes suivantes (si le fascisme ne prenait pas directement son inspiration à la source des anciens législateurs eux-mêmes) :
« Tous [les anciens Législateurs] cherchèrent des liens qui attachassent les Citoyens à la patrie et les uns aux autres, et ils les trouvèrent dans des usages particuliers, dans des cérémonies religieuses qui, par leur nature, étaient toujours exclusives et nationales (voyez la fin du Contrat social), dans des jeux qui tenaient beaucoup les citoyens rassemblés, dans des exercices qui augmentaient avec leur vigueur et leurs forces leur fierté et l’estime d’eux-mêmes, dans des spectacles qui, leur rappelant l’histoire de leurs ancêtres, leurs malheurs, leurs vertus, leurs victoires, intéressaient leurs cœurs, les enflammaient d’une vive émulation, et les attachaient fortement à cette patrie dont on ne cessait de les occuper. Ce sont les poésies d’Homère récitées aux Grecs solennellement assemblés, non dans des coffres, sur des planches et l’argent à la main, mais en plein air et en corps de nation, ce sont les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, représentées souvent devant eux, ce sont les prix dont, aux acclamations de toute la Grèce, on couronnait les vainqueurs de leurs jeux, qui les embrasant continuellement d’émulation et de gloire, portèrent leur courage et leurs vertus à ce degré d’énergie dont rien aujourd’hui ne nous donne d’idée, et qu’il n’appartient pas même aux modernes de croire. » (Considérations sur le gouvernement de Pologne)
vi
Le pays où fut inventé le parlementarisme moderne, l’Angleterre, est aussi le pays où le droit d’origine législative est secondaire par rapport à la common law, est « une dérogation à la common law » (et où le juge ne s’estime aucunement lié par l’intention du législateur, dont il ne s’enquiert point). Le Parlement y est au fond un simple organe budgétaire. L’erreur subséquente est de Rousseau et des Français.
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« Nos valeurs » : j’aimerais qu’ils en parlent moins et qu’ils les connaissent mieux.
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Les questions les plus graves sont confiées à des gens qui n’ont ni les moyens intellectuels ni le loisir de penser.
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La correctionnalisation du viol passe aux yeux des auteurs du petit livre sur Les jurés (PUF, 1980, p. 44n) pour une forme de laxisme, comparée à son défèrement aux assises, mais Jean Marquiset explique que la correctionnalisation – le traitement d’un crime en simple délit – peut au contraire servir à mieux punir. Nos auteurs commettent donc un contresens. Les apparences sont trompeuses.
« [L]e fœticide est réellement un homicide volontaire, quoique juridiquement on en ait fait par la loi du 17 mars 1923 un délit pour en assurer une meilleure répression par un tribunal que par le jury, toujours disposé en cette matière à une excessive indulgence. » « Il [l’infanticide] avait toujours été considéré comme un crime, jusqu’à la loi du 2 septembre 1941 qui l’avait transformé en une simple infraction correctionnelle pour qu’il fût, comme l’avortement, sanctionné par une sévère répression. » (Marquiset, Les droits naturels, 1976)
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L’interdiction de l’enregistrement des audiences est une règle « d’ordre public ». Elle est liée au « principe de l’oralité » et nos auteurs (Les jurés, 1980) se satisfont à bon compte de cette raison (cette excuse) absurde : quelqu’un qui parle n’a pas une expression moins orale parce qu’il est vu sur un écran de télé. Cf. McLuhan: Both speech and TV are cool media.
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Haro sur le gouvernement des juges ? Un juge, parce qu’il est nommé et non élu, n’aurait pas la même légitimité démocratique qu’un ministre, nommé et non élu ? C’est cela, oui…
« L’extension du pouvoir judiciaire dans le monde politique doit donc être corrélative à l’extension du pouvoir électif. Si ces deux choses ne vont point ensemble, l’État finit par tomber en anarchie ou en servitude. » (Tocqueville, De la démocratie en Amérique I, I, V)
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Les procureurs « bénéficient très largement » de « l’indépendance de la magistrature », en conclusion de quelques paragraphes qui évoquent la « pratique institutionnelle » (Lemesle & Pansier, Le procureur de la République, 1998, p. 34), mais, c’est là le hic, la pratique peut être changée sans que cela soit contraire au principe de légalité, donc les procureurs ne sont pas indépendants.
Ces deux magistrats croient faire passer une pratique pour une garantie juridique, alors qu’un changement de pratique (une injonction de classement par tel garde des sceaux suivie d’une sanction en cas de refus du magistrat) ne serait en rien contraire au principe de légalité.
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« Il ne suffit pas, dans les tribunaux du royaume [d’Angleterre], qu’il y ait une preuve telle que les juges soient convaincus ; il faut encore que cette preuve soit formelle, c’est-à-dire légale : et la loi demande qu’il y ait deux témoins contre l’accusé » (Montesquieu, De l’esprit des lois)
Montesquieu réfute le système de l’intime conviction avant même qu’il ait remplacé chez nous celui des preuves légales ! Encore un travers de la France. (Voyez L’infâme conviction ici)
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Si la France avait gardé ses Huguenots, la Révolution française n’aurait pas eu lieu.
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Les Lumières françaises étaient une anglophilie militante (Montesquieu, Voltaire, Diderot…) et c’est donc trahir les Lumières que de parler de quoi que ce soit « à la française » quand c’est pour l’opposer aux Anglo-Saxons. Ce sont les Anglais qui nous ont appris la tolérance mais nous ne sommes que leurs singes. Chez nous un Sikh n’a pas le droit de porter son turban.
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La Manche est la frontière entre l’Europe et le continent asiatique.
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Le cas Søren Kierkegaard
(Complément à Autour de l’existentialisme de Kierkegaard x)
L’homme génial qui se reproduit ne reproduit pas son génie. Le génie ne se reproduit pas.
C’est cet homme, le génie, qui trouve un trésor dans la relation négative à la femme et le perd dans une relation positive, la vie commune.
« [A]-t-on jamais entendu dire qu’un homme soit devenu poète par sa femme ? Tant que l’homme ne s’est pas lié à elle, elle l’entraîne. C’est cette vérité qui se trouve à la base de l’illusion de la poésie et de la femme. » (Kierkegaard, Étapes sur le chemin de la vie)
ii
Ce n’est pas de réussir là où tout le monde a échoué qui est le plus admirable, mais d’échouer là où tout le monde a réussi.
« [J]e ne demande rien de mieux que d’être, à notre époque objective, reconnu pour le seul qui n’a pas réussi à être objectif. » (Kierkegaard, Post-scriptum aux Miettes philosophiques)
iii
C’est par un clergé jugé par Kierkegaard anti-chrétien que la pornographie a d’abord été légalisée dans le monde. Danemark, 1969 : l’Église nationale danoise soutient le projet gouvernemental de légalisation de la pornographie.
iv
Célibat
Une simple remarque met à bas l’édifice des Propos sur le mariage par « Un époux » dans Étapes sur le chemin de la vie de Kierkegaard : l’homme chez qui l’inclination amoureuse, ce « don de Dieu », se déclare pour une femme mariée, ne peut l’épouser, et ce n’est pas faute d’être « assez bon » qu’il ne prend pas cette décision, mais il ne peut « se rendre digne de recevoir le don de Dieu ».
– Même un grand esprit n’est pas esprit seulement, pourquoi donc vouloir qu’il soit une exception en se soustrayant au mariage ? – Que se marie celui qui ne craint pas de dire à ses enfants : « Vous êtes nés et je vous souffre, comme je souffre votre mère, car l’esprit a besoin de repos et de délassement et par bonheur en vous engendrant et en vous éduquant je n’ai rien sacrifié de ma vocation. » Que se marie et enfante celui qui ne craint pas de dire cela.
v
La pensée de Kierkegaard serait « une première forme de l’existentialisme », mais comment une pensée profonde pourrait-elle être la première forme d’une pensée superficielle ? Si l’on tient à établir un lien entre les deux, il faut dire plutôt que l’existentialisme est une pâle copie de la pensée de Kierkegaard.
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Quel mal ne fait-il pas à son œuvre, le poète qui gagne sa vie dans une boutique (au sens large) ! On ne peut tout simplement pas le lire, on se dit : « Comment n’est-il pas mort de chagrin, s’il était poète ? »
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Le clown survit au poète.
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La perversion aplanit tous les dilemmes.
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Socrate discourait le jour sur le thème « le corps est la prison de l’âme » avant de retourner chez lui partager la couche conjugale.
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La beauté de l’esprit n’est-elle pas encore plus passagère que celle du corps ? Ne cherchez pas à être aimée pour votre esprit.
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Est-il juste de partager également entre les membres d’une fratrie, alors que seul l’aîné connaît la souffrance d’être passé d’enfant unique à membre d’une fratrie ? Le droit d’aînesse lui compensait ce traumatisme.
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Vu que l’on appliquait la « question préalable » pour faire dénoncer les complices, un tel système devait conduire à de nombreuses dénonciations d’innocents, que l’on torturait à leur tour.
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Le droit à l’existence n’interdit pas le suicide.
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Il me suffit de lire Aristote pour savoir que je ne souhaite pas lire les scolastiques. La corruption intellectuelle du moyen âge européen ne vient pas des invasions barbares mais d’Aristote. Même remarque pour la philosophie médiévale islamique. La vaine subtilité des scolastiques (Kant : Subtilität der Schulmethode) se trouve déjà chez leur Magister Aristote. Voyez Voltaire: « Aristote, qu’on a expliqué de mille façons, parce qu’il était inintelligible » (Lettres philosophiques).
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La notion de l’âme comme connaissance, à laquelle s’oppose Schopenhauer avec sa conception de la volonté aveugle, ne semble pas prédominer chez les Anciens : « tous les penseurs définissent l’âme … par trois caractères : le mouvement, la sensation, l’incorporéité » (Aristote, De l’âme). Ou encore, certains la confondent avec un élément ou une substance particulière : le feu (Démocrite), l’eau (Hippon), le sang (Critias ; cf. aussi l’Ancien Testament : Lévitique XVII-14 « Car l’âme de toute chair, c’est son sang »), l’air (Diogène)… Certes, Aristote discute aussi quelques théories de l’âme comme intellection : Anaxagore, Platon…
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Kant, Vorlesungen über die philosophische Enzyklopädie : Un Pansophus est impossible, tant en philosophie qu’en mathématique (deux Vernunftwissenschaften) tandis qu’un Polyhistor est possible.
Mais Kant affirme aussi que la philosophie (métaphysique) a vocation à être clôturée, en aucun cas la mathématique. Or qu’un Pansophe ne soit pas possible semble indiquer que la philosophie est infinie comme la mathématique, sinon il faudrait dire qu’un Pansophe est impossible en mathématique mais non en philosophie. (Mais le critère d’un Pansophe et d’un Polyhistor est seulement, dans ces Vorlesungen, que leurs connaissances sont « sehr ausgebreitet », ce qui implique que l’impossibilité signifie que dans les sciences de la raison les connaissances ne sont pas telles, ne sont pas étendues.)
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Cioran recherche la connaissance intuitive du génie selon Schopenhauer et cela le conduit au rejet de l’abstraction (par ex. Bréviaire des vaincus 104-5), décriée comme une négation du vouloir-vivre (donc à rejeter selon lui). Or la démarche de Cioran est viciée par l’abus de mots tels qu’infini, néant…, non intuitifs ; il est plus abstrait qu’il ne croit.
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Paraphrase. L’enfant reçoit de son père le caractère car c’est le principal, et le principal est reçu du sexus potior ; il reçoit son intellect de la mère car l’intellect est secondaire et le secondaire est hérité du sexus sequior (Le Monde comme volonté et comme représentation, c. XLIII). Une fratrie devrait donc être d’égale intelligence ? Non, et Schopenhauer l’explique par les conditions physiologiques du génie, qui nécessitent la fleur de l’âge des parents (ce qui signifie que les aînés sont favorisés à ce point de vue, pour les couples point trop précoces).
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Des « forces nouvelles » pour la logique…
La logique va chercher des « forces nouvelles » dans l’empirique. Car « les règles de la logique sont insuffisantes » (André Delachet, L’analyse mathématique, 1949). Or, s’il y a bien quelque chose qui ne peut combler une supposée insuffisance de la logique, c’est l’empirique. Car alors l’empirique ne serait pas lui-même soumis au raisonnement logique, n’obéirait pas à des lois, il n’y aurait pas de nature, le monde serait magique.
ii
Delachet affirme que le principe du tiers exclu n’a aucun sens. Il se sert pour cela d’une puérile « parabole des géants subtils et cruels » de Ferdinand Gonseth (dans Les fondements des mathématiques, 1926) : « Dans une île vivait une race de géants fort subtils et cruels. Parce qu’ils étaient cruels, ils mettaient à mort tout étranger qui abordait chez eux ; parce qu’ils étaient subtils, ils avaient imaginé de lui faire prononcer lui-même sa condamnation. Ils lui posaient une question, et si la réponse était vraie, ils l’immolaient à l’Idole de la Vérité ; si elle était fausse, ils l’immolaient à l’Idole du Mensonge. Or, il arriva qu’un jour ils posèrent à un étranger plus subtil qu’eux la question imprudente : quel sera votre sort ? L’étranger répondit : vous me sacrifierez à l’Idole du Mensonge etc. » (in Delachet)
La parabole est une ridicule resucée du « Je mens » séculaire, le privant de toute force puisqu’il fait porter le jugement sur un fait d’avenir : le fait énoncé ne peut se réaliser selon les conditions décrites, qui incluent l’énonciation de l’étranger, laquelle devient par cette inclusion un acte performatif en soi et cesse par conséquent d’être un simple énoncé. L’étranger se borne à rendre la peine impossible selon les conditions posées et n’affirme rien sur le vrai ou le faux de quoi que ce soit. La logique n’est pas un seul instant touchée par cette plaisanterie pas très subtile.
iii
a)
Quant à l’ensemble E des éléments e qui ne se contiennent pas eux-mêmes (dans la théorie du transfini), qu’est-ce qu’un ensemble ou un élément qui se contient lui-même ? La notion ne tient pas la route logiquement (elle viole le dipôle logique contenant-contenu), donc en tirer des conclusions contre la logique, parce qu’une notion contraire à la logique conduit à des résultats contraires à la logique, est puéril. En réalité, ces résultats confirment la logique.
Je me souviens d’un étudiant en mathématiques qui chercha à me convaincre de la supériorité des mathématiques sur la philosophie en invoquant cet ensemble E : en s’affranchissant de la logique insuffisante à laquelle la philosophie restait attachée, les mathématiques prouvaient qu’elles sont plus avancées que la philosophie. On se motive comme on peut.
b)
« Cette conception [des nombres transfinis] aboutit à des difficultés logiques inextricables qui ne sont pas encore complètement aplanies. » (Delachet) Bon courage pour aplanir l’inextricable. En réalité, la phrase s’arrête à « inextricables », le reste est tout simplement ridicule. – Et c’est cette nouvelle conception qui est dite résoudre le paradoxe éléatique d’Achille et de la tortue !
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#MeToo « Sans oui, c’est non »
Victor Hugo, du Panthéon, n’est pas d’accord : « Toutes deux, montrant leurs épaules, / Pour dire oui prononcent non » (Pièce incluse dans le dossier des Chansons des rues et des bois, Poésie/Gallimard)
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« Hélas ! il avait des jours où tous les hommes agissant lui paraissaient les jouets de délires grotesques : il riait affreusement, longtemps. » (Rimbaud)
Ce sentiment de l’absurde n’avait jamais été exprimé si distinctement avant Une saison en enfer, et pourtant ne doit-il pas être éprouvé par tout esprit sensible au temps de l’adolescence, de toute éternité ? (Il s’émousse avec l’habitude de vivre avec.)
Law 16: Where knowing the law is of no use
English (I) and French (II).
I
Critical race theory is correct: civil rights legislation is rubbish and the liberals’ record a piece of trash.
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Where knowing the law is of no use
British man cleared after being arrested for “offensive” online video. A win for free expression.
A win for free expression? “The court cleared L. after learning he did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes.” The police picked up the man randomly among 400 “criminals” and there was a trial and that wasn’t the trial of the police but of the man and you call that a win for free expression? No, it would have been a win if the police had been tried and convicted for harassing a law-abiding citizen.
Why do I say the man was subjected to police harassment? Normally, when police bring a man before a criminal court for trial, if the court, differing from the police, pronounces acquittal, it is based on a difference as to facts. The police thought, according to the evidence at their disposal, that the man was guilty, but the court found out the story was another one. They differ on the facts of the case. But when the court acquits the accused based on the same facts upon which the police and the prosecutor acted to prosecute the accused, how do you call this?
Here the court learnt that L. “did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes,” but the police investigation, which obviously had reached the selfsame conclusion that L. “did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes” had sent L. before a court for these –and no other– facts! Clearly L. had NOT told the police he had made the video himself, in dead earnest, and was the only person to share it, because we will assume he is not suicidal–if he were he would have told the court the same story. Therefore, the police, having all the facts it needed to leave L. alone, ignored the law and subjected L. to a dire ordeal–out of sadism? one might ask.
With these perverted laws repressing speech, it is always the same and everybody knows it and no one dares speak their mind because a trial’s always possible, it all depends on the subjective appreciation –or even whims– of this or that officer or magistrate. This, I believe, is a strong motive why the U.S. Supreme Court wants none of such insanities, whereas in Britain they are still children living in the days of Blackstone who thought free speech is protected when there is no prior restraint.
In other words, they all agree on the facts of the case; yet, based on facts on which they all agree, one demands a conviction and the other acquits. This means no one can know what is permissible and what is not, as knowing the law is of no use. What is required of citizens is not so much knowing the law as being able to read people’s minds.
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Feudalism and Liberty
Since when can anyone not to mention employers, punish anyone for stating their thoughts and opinions? My employer is not my “daddy” and I am not their property so whatever I say or do as long as it is not at work is none of their concern, ever. (Dr Z.)
The situation Dr Z. describes resembles feudalism. However, if we take the problem as one of freedom maximizing, we probably should leave employers some room to dismiss at will, which remains the default rule in most of the United States (De Geest, American Law: A Comparative Primer, 2020).
To begin with, the U.K. Equality Act, which excludes opinion as a just cause for dismissal (except “discrimination” –read: content that is not politically correct, and you can count on British courts to make the exception as broad –or rather as discriminatory– as they can, and “harassment”), is of 2010, that is, it is a recent creation. Before that, British employers could fire workers based on their opinions and that would be construed most of the time as fitting the employer’s discretion.
In the U.S. there is no federal Equality Act statute and, as I said, the at-will doctrine remains the default rule. How they blend this with fair employment clauses of the civil rights statutes is beyond my knowledge. Be that as it may, one’s opinion is not one of the protected classes covered by the civil rights acts, so if an employee displeases his boss because of his opinions and the boss fires him, probably there is not much the employee can do about it. An employer might argue his collaborator is undermining his business (which has a public relations dimension) by making his opinions known, and sometimes that could well be the case, so I cannot agree 100% with Dr Z. because it is a business owner’s freedom against that of his employee, and both must retain some degree of freedom. Yet we all perceive that employers will bend to outside pressures to dismiss any employee who expresses views unpleasant to this or that community or lobby so long as they cannot reply to such cancel mobs (heckler’s veto) that the law bars them from dismissing the employee based on his or her opinions. So, yes, probably some statute is needed to shield employees, because that would even shield the employer. The latter would then face boycott campaigns (boycott is protected speech) but –who knows?– he might survive it. However, I don’t expect business organizations to support such a policy.
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Claim Settlement, or The New Aristocracy
How can you settle claims as prosecution for a crime does not depend on actual claims at all? Even though nobody would file a claim when there is a dead man, prosecuting authorities, if they’ve got a suspect, will send him or her before a court of law. So what does it mean that claims are settled? In theory an injured party has no power to prevent criminal prosecution. Is it settled with the prosecutor then? On what grounds?
Another example: the OJ Simpson trials. There were two trials: criminal and civil (tort suit). As you remember OJ was aquitted by the criminal court and found guilty in the tort trial (due to different evidence rules) but that’s not what interests me now. What interests me is how parties can settle a claim in a criminal trial when they’re not even supposed to be there and it takes a civil trial for them to be represented (in some countries the criminal and tort aspects would have been judged in one single trial)?
ii
My conjecture is that claims are settled when the prosecutor doubts that the evidence is beyond a reasonable doubt (the legal standard of proof in criminal trials) and therefore doubts that a criminal trial can thrive against the suspect, so the prosecutor treats the whole matter as a tort case that can be settled between parties. However, on what principle can the pondering of evidence value at the disposal of the prosecution allow the prosecution to make a tort of a crime (or to erase, so to speak, the criminal dimension of an offense that is both a tort and a crime)–while evidence value is the fortuitous result of police work?
The consequence is that rich people, no matter how criminally they behave, will hardly ever have criminal records–rules of subsequent offenses, among other things, will not apply to them. What a privilege.
Tocqueville, a keen observer of the United States, warned about two dangers: tyranny of the masses, which libertarians are fond to recall, but also the tyranny of a money aristocracy.
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State Action of Private Platforms
Lawsuit against Twitter reveals how it works with Democrats to censor. (Reclaim the Net, June 18, 2021)
Evidence of state action: “One of these documents is an email from M., Press Secretary for then-California Secretary of State P., to Twitter employee K. that appears to refer to this dedicated channel as ‘the partner portal.’ In the email, M. flagged a tweet from another Twitter user that was previously reported through this partner portal and stated: ‘We would like this tweet taken down ASAP to avoid the spread of election misinformation.’”
1/ Not only did the state refer the tweets through the “dedicated channel,” which would be the usual procedure, but also and in any case the state, via a public officer, made the alleged usual procedure an unusual one by sending an unsolicited email (“Flagging the following tweet that I reported…”), which can be construed as a threat and command to process the report according to the state’s wish.
2/ If the appellation “partner portal” is a true description, then obviously the nexus is established between the private party and the state and therefore the private party’s action is state action.
Given state action, censorship by the private party is a civil liberties First Amendment case.
II
À l’occasion de l’enfarinage de J.-L. Mélenchon le 12 juin, j’apprends, dans le journal, qu’un homme a été interpellé pour « violence sur personne chargée d’une mission de service public ». Je suppose que ce sont les députés et autres élus que notre code pénal décrit comme des personnes chargées d’une mission de service public.
La situation est donc la suivante aux élections : un candidat déjà élu est une personne chargée d’une mission de service public, ce qui lui vaut une protection judiciaire spéciale, tandis que ses concurrents qui ne sont pas déjà élus ne sont rien. C’est octroyer à certains candidats un avantage contraire à tous les principes d’un régime électif. (Je ne crois pas que Mélenchon l’ait jamais dénoncé, ni le Conseil constitutionnel mais ça ce n’est même pas un peu étonnant.)
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Une justice de bons petits soldats du gouvernement
Je pense que les juges ne devraient plus être inamovibles comme actuellement mais élu par la population locale et notés sur leurs résultats.
Je suis moi-même pour l’élection des juges (ou de la plupart des juges) mais cette personne fait erreur sur le statut actuel du juge français.
1/ Obligation statutaire de mobilité :
“Le juge français est soumis à une obligation statutaire de mobilité géographique ou fonctionnelle qui est exercée généralement tous les cinq à sept ans.”
2/ Un seul pool de magistrats du parquet (hiérarchiquement dépendants du ministère de la justice !) et du siège, avec passage de l’un à l’autre et dans les deux sens, exemple ce jeune magistrat : “Issu du premier concours de l’ENM (celui des étudiants), trois ans de parquet, deux ans et des poussières de siège civil.”
Dans les pays civilisés, l’administration du parquet est staffée par des fonctionnaires administratifs de même statut que les autres fonctionnaires de l’administration centrale, c’est-à-dire de la branche exécutive ; en France, elle l’est par… des juges. (Il n’est pas “juge” quand il est au parquet, car on l’appelle alors un “procureur” ou son “substitut”, mais c’est bien la même personne qui passe de l’un à l’autre.)
Alors parler d’inamovibilité…
ii
Mes cours de droit sont un peu lointains mais je confirme que le juge est inamovible. Les magistrats ne peuvent pas recevoir une nouvelle affectation sans avoir donné leur consentement. Leur indépendance est garantie par le fait que le gouvernement ne peut pas suspendre, déplacer ou destituer un magistrat.
Mon interlocuteur a bonne mémoire mais réciter des cours de droit n’aide malheureusement pas, le plus souvent, à bien juger de la situation.
C’est comme quand, en 2013, le gouvernement pond une loi sur « l’indépendance du parquet », parce que la Cour européenne des droits de l’homme est un peu critique (un peu seulement mais quand même, ça fait tâche) et qu’en 2018, donc après cette loi sur « l’indépendance du parquet », la Cour EDH confirma sa jurisprudence (et ses critiques) dans un nouvel arrêt (Thiam c/ France). Vous voyez le problème ? Je suis certain qu’il y a beaucoup de commentaires élogieux de cette loi et de l’indépendance du parquet.
Mais nous parlons du siège et, citation pour citation, je connais celle-là : « Il est plus étonnant que le Conseil constitutionnel ait estimé que la condition de mobilité imposée aux magistrats du siège par la loi organique du 25 février 1992 ne méconnaissait pas le principe fondamental d’inamovibilité. » (Turpin, Mémento de la jurisprudence du Conseil constitutionnel) Étonnant, voire risible.
Ce que mon interlocuteur dit n’est pas faux, simplement il faut prendre en compte la porosité entre les deux administrations, qui ne peut en aucun cas décrire une séparation des pouvoirs, que l’inamovibilité des juges est censée garantir.
iii
Dans ce contexte, l’élection des juges serait un renforcement du pouvoir des juges et de leur indépendance effective vis-à-vis du gouvernement.
Il y a plusieurs raisons à cela. Je me borne à en citer deux. La première, pas forcément la plus fondamentale selon moi, est qu’il y aurait des juges élus sur d’autres plateformes électorales que celle du gouvernement en place, de la même manière qu’il y a des régions ou des départements et autres de couleurs politiques différentes de celle du gouvernement. Ces juges auraient des comptes à rendre à un électorat, c’est-à-dire qu’ils appliqueraient une politique judiciaire dans leur ressort juridictionnel. De fait, aujourd’hui, c’est le parquet (le gouvernement) qui applique dans les cours une politique judiciaire, tandis que les juges ne sont que des machines à « appliquer la loi ».
Cette première raison n’est pas sans lien avec celle qui me semble plus fondamentale encore et qui est qu’un juge élu ne peut pas être un fonctionnaire anonyme soumis au devoir de réserve, et soumis dans tout son être, comme le juge actuel. Un élu soumis au devoir de réserve ? Absurde. Or le juge français est, dans notre droit, la personne la plus soumise aux restrictions draconiennes du devoir de réserve, de par le statut écrit de la magistrature (le plus draconien à cet égard avec le statut militaire). Cela doit être également pris en considération quand on parle de sa prétendue inamovibilité : en réalité, il est enserré dans un inextricable réseau de chicane statutaire et la moindre prise de parole de sa part équivaut, en fait, à sa mort professionnelle. C’est la forme la plus insidieuse de castration jamais conçue, mais comme elle n’empêche pas de se reproduire je suppose que les intéressés estiment avoir préservé l’essentiel.
iv
On ne peut pas être un bon juge indépendant avec les qualités qui font un bon petit soldat du gouvernement comme le magistrat du parquet, et quand un système prétend, comme le système français, que les deux sont interchangeables, en réalité il organise une justice de bons petits soldats du gouvernement, par contamination.
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Enquête ouverte sur un ex-général, accusé de propos antisémites. (Le Figaro, 18/6/21)
Non, une enquête n’est pas ouverte sur le général Delawarde pour « propos antisémites ».
Une enquête est ouverte pour « diffamation publique et provocation à la haine et à la violence à raison de l’origine ou de l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ».
Des propos antisémites ou homophobes ou ce que vous voulez qui ne sont ni de la diffamation (diffamation envers un groupe, catégorie totalement sui generis qui ne s’encombre pas de la moindre « exception de vérité » disculpatoire en matière de diffamation) ni de la provocation à la haine ni de l’incitation à la violence ni de l’injure ni de l’incitation à la consommation de stupéfiants ni de l’outrage à personne responsable d’une mission de service public ni de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ni de l’outrage aux symboles républicains ni des fausses informations, c’est-à-dire des fake news, ni de la violation du secret de l’instruction ni de la violation du secret médical ni de l’atteinte à la vie privée ni du blasphème (contrairement à ce que prétend la classe politique, il y a de la jurisprudence en 5e République) ni de la divulgation d’informations privées à des fins malveillantes sur une personne chargée d’une mission de service public ni de l’offense au chef de l’État (ah non, pardon, ç’a été abrogé en 2013, au temps pour moi) ni de l’atteinte au droit à l’image ni de la contestation de crime contre l’humanité ni de l’apologie d’actes de terrorisme ni de l’apologie de crimes de guerre ni de l’apologie d’eugénisme ni qu’est-ce que j’ai bien pu oublier ? NE SONT PAS UN DÉLIT.
ii
« Une enquête a été ouverte… »
Bonjour Monsieur. Êtes-vous le général Dominique Delawarde ? – Oui. Avez-vous tenu tel jour sur la chaîne Cnews les propos, je cite, « … » ? – Oui.
Vachement dure, l’enquête… (Oh là là, qu’est-ce qu’on a progressé depuis Sherlock Holmes !)
Dans ces affaires, il y a le plus souvent, peut-être presque toujours, un accord de tous, police, procureur, accusé, juge (tout le monde sauf le jury parce qu’il n’y a pas de jury), sur les FAITS (« machin a dit truc ») et pourtant il arrive que, pour des faits sur lesquels ils sont tous D’ACCORD, l’un exige une condamnation et l’autre acquitte.
« Va comprendre, Charles ! Avec le PMU on joue comme on aime. » Ils ont trop regardé la télé, ma parole… Quand les faits sont établis sans contestation, c’est la loi qui est le PROBLEME si elle permet ces divergences.
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Rimbaud inconnu : L’Ascétique
Citations tirées d’Une saison en enfer (c’est nous qui soulignons) :
À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu’il fait : il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. Devant plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d’une de leurs autres vies. – Ainsi, j’ai aimé un porc.
J’ai eu raison de mépriser ces bonshommes qui ne perdraient pas l’occasion d’une caresse, parasites de la propreté et de la santé de nos femmes, aujourd’hui qu’elles sont si peu d’accord avec nous.
N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume ? Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l’ivrognerie ! et le tabac ! et l’ignorance ! et les dévouements ! – Tout cela est-il assez loin de la sagesse de l’Orient, la patrie primitive ? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s’inventent !
Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !

