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Philosophie 6 : Le cas Rousseau et autres textes

Tout est intuitionné à vingt, vingt-cinq ans, c’est-à-dire que l’individu a acquis une fois pour toutes ses idées personnelles à cet âge : ce stock sert aux conceptualisations ultérieures, lesquelles n’apportent au fond rien de nouveau (hors des combinaisons des intuitions). Le travail de l’âge mûr consiste à faire siennes les évidences de la jeunesse, qui n’appartiennent pas à la jeunesse en tant que telle mais à l’individualité. C’est en revenant à ces évidences que véritablement l’intelligence s’éveille ; quand l’esprit tenait ce stock pour rien d’autre que les fantasmagories de l’immaturité, et se cherchait ailleurs des modèles, c’est là qu’il était bête, et s’il peut dire à quarante ans qu’il avait tout compris à vingt, sa voie est tracée. Tout se déduit des intuitions.

C’est la raison pour laquelle la créativité, pour durer, se reporte au temps de la vie qui est le temps de l’intuition, la jeunesse ; et même si l’on veut écrire sur ses expériences de l’âge mûr, il faut le faire comme si l’on avait vingt ans. Mais le mieux est de ne point parler du temps de la vie qui est celui de la conceptualisation, car ce n’est pas un temps dont il importe de parler vu que seule importe en lui la pensée et nullement ce qui se vit. Quand on a vécu, il reste à penser, mais on ne pense de manière originale et profonde qu’avec ce que l’on a vécu (un stock d’intuitions), et le temps de penser est, avant la mort, un temps mort pour l’intuition.

Les intuitions de la jeunesse, du premier âge forment une image du monde imperméable aux déformations ultérieures et avec laquelle le penseur, pour penser authentiquement, doit entrer en contact par-delà les couches d’endoctrinement intermédiaires, car c’est alors à partir de son propre fonds, de sa personnalité propre qu’il pense et non par emprunt.

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Nietzsche, vivant dans une petite chambre mal chauffée, n’avait pas tort de reprocher à Wagner, grand bourgeois entouré d’une famille nombreuse dans son manoir, de s’être mis à prêcher l’ascétisme. De ce point de vue il n’avait pas tort.

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Le cas Rousseau

(Suite de Montesquieu vs Ibn Khaldun)

Rousseau prend (en quelque sorte) le parti d’Ibn Khaldun face à Montesquieu, puisqu’il voit dans le maintien dans l’État de « troupes réglées », rétablies de son temps en Europe après une longue éclipse depuis l’empire romain (qu’elles ruinèrent), une cause de ruine :

« Devenus les ennemis des peuples, qu’ils s’étaient chargés de rendre heureux, les tyrans établirent des troupes réglées, en apparence pour contenir l’étranger, et en effet pour opprimer l’habitant. Pour former ces troupes, il fallut enlever à la terre des cultivateurs, dont le défaut diminua la quantité des denrées, et dont l’entretien introduisit des impôts qui en augmentèrent le prix. Ce premier désordre fit murmurer les peuples : il fallut pour les réprimer multiplier les troupes, et par conséquent la misère ; et plus le désespoir augmentait, plus on se voyait contraint de l’augmenter encore pour en prévenir les effets. » (Discours sur l’économie politique)

D’ailleurs, on peut voir en Rousseau le pendant occidental d’Ibn Khaldun, quand, dans son Projet de Constitution pour la Corse, il évoque le moyen d’efféminer les peuples au prétexte de les instruire, c’est-à-dire une voie de corruption et décadence dans le fait de rendre les peuples « raisonneurs » : « La plupart des usurpateurs ont employé l’un de ces deux moyens pour affermir leur puissance. Le premier d’appauvrir les peuples subjugués et de les rendre barbares, l’autre au contraire de les efféminer sous prétexte de les instruire et de les enrichir. » Voyez également son Discours sur les sciences et les arts.

De même, toujours dans son projet pour la Corse, Rousseau souligne l’inaptitude des habitants des villes à être de bons soldats et c’est pourquoi, compte tenu de la pestilence que sont les armées professionnelles, il envisage une société fondée sur l’agriculture car il ne peut compter pour la défense de l’État que sur une armée du peuple constituée en cas de danger et tirée de la paysannerie (« la culture de la terre forme des hommes patients et robustes … ceux qu’on tire des villes sont mutins et mous, ils ne peuvent supporter les fatigues de la guerre »).

Alors que Montesquieu répondait (en quelque sorte) à Ibn Khaldun que les nations riches, en finançant sur le trésor public des armées permanentes, professionnelles, prévenaient les funestes conséquences possibles de l’amollissement de leurs populations par le luxe, brisant ainsi le cycle supposé fatal du retour à la barbarie par le triomphe inévitable des barbares aguerris sur les sociétés corrompues par le luxe, Rousseau souligne l’autre ferment de corruption et de misère publique inhérent aux armées permanentes, dont les effet ne sont pas moins désastreux. Les remarques de Rousseau contribuent donc à maintenir intacte la loi sociologique énoncée par Ibn Khaldun : le maintien par les nations policées d’armées permanentes ne peut obvier à cette loi d’airain, contrairement à ce que pensait Montesquieu.

Tocqueville, au moins sur ce point, se rapproche de Rousseau, pour lequel il n’a guère de considération autrement : « Les Américains n’ont pas de voisins, par conséquent point de grandes guerres, de crise financière, de ravages ni de conquête à craindre ; ils n’ont besoin ni de gros impôts, ni d’armée nombreuse, ni de grands généraux ; ils n’ont presque rien à redouter d’un fléau plus terrible pour les républiques que tous ceux-là ensemble, la gloire militaire. » (De la démocratie en Amérique, I, II, IX) Les États-Unis d’Amérique sont aujourd’hui l’un des pays les plus militarisés du monde. Dans le même chapitre, Tocqueville développe l’idée que l’Amérique pourrait périr, en tant que système républicain, par ses grandes villes, à moins de développer une armée nationale suffisamment forte et indépendante pour les contenir : la raison en est que les grandes villes sont selon lui des foyers d’agitation démagogique. Or le remède qu’il préconise, une armée permanente, pour contenir le mouvement insurrectionnel des villes, est lui-même, à ses propres yeux, un danger manifeste. On peut penser que l’énorme armée américaine contemporaine a pour fonction première cette prévention indiquée par Tocqueville, son emploi récurrent lors d’émeutes urbaines en serait un signe, et cela fait immanquablement penser aux mots de Rousseau cités plus haut sur l’armée permanente, « constituée en apparence pour contenir l’étranger, et en effet pour opprimer l’habitant ».

ii

Si Rousseau, vivant avec une épouse, était appelé « le solitaire », comment faut-il m’appeler, moi ?

iii

Selon Rousseau, dans son Essai sur l’origine des langues, l’inceste est naturel et fut la loi de l’humanité aux premiers temps – qui sont, je suppose, l’état de nature.

iv

« Voilà d’où vient que les peuples septentrionaux sont si robustes : ce n’est pas d’abord le climat qui les a rendus tels, mais il n’a souffert que ceux qui l’étaient, et il n’est pas étonnant que les enfants gardent la bonne constitution de leurs pères. » (Rousseau, Essai sur l’origine des langues)

Impressionnante intuition du mécanisme de la sélection naturelle. Le milieu ne rend pas l’individu plus fort, mais l’espèce ; les « épreuves » du climat taxent l’individu et paient l’espèce.

v

« Il est certain que les plus grands prodiges de vertu ont été produits par l’amour de la patrie : ce sentiment doux et vif qui joint la force de l’amour-propre à toute la beauté de la vertu, lui donne une énergie qui sans la défigurer, en fait la plus héroïque de toutes les passions. » (Rousseau, Discours sur l’économie politique)

On trouve la même idée chez Montesquieu : l’amour de la patrie est la vertu. Mais Descartes a dénoncé une certaine illusion propre aux études historiques, à laquelle Rousseau semble particulièrement sujet : portant aux nues les vertus des Anciens, telles qu’elles nous sont transmises par les livres, Rousseau opposerait une fantasmagorie (suivant l’idée de Descartes) à l’homme actuel, dégénéré.

Descartes : « [M]ême les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni n’augmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes d’être lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances : d’où vient que le reste ne paraît pas tel qu’il est, et que ceux qui règlent leurs mœurs par les exemples qu’ils en tirent, sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans, et à concevoir des desseins qui passent leurs forces. » (Discours de la méthode)

Rousseau loue les principes des anciens législateurs, et sa louange est une description exacte du fascisme moderne, que l’on pourrait croire inspiré par les lignes suivantes (si le fascisme ne prenait pas directement son inspiration à la source des anciens législateurs eux-mêmes) :

« Tous [les anciens Législateurs] cherchèrent des liens qui attachassent les Citoyens à la patrie et les uns aux autres, et ils les trouvèrent dans des usages particuliers, dans des cérémonies religieuses qui, par leur nature, étaient toujours exclusives et nationales (voyez la fin du Contrat social), dans des jeux qui tenaient beaucoup les citoyens rassemblés, dans des exercices qui augmentaient avec leur vigueur et leurs forces leur fierté et l’estime d’eux-mêmes, dans des spectacles qui, leur rappelant l’histoire de leurs ancêtres, leurs malheurs, leurs vertus, leurs victoires, intéressaient leurs cœurs, les enflammaient d’une vive émulation, et les attachaient fortement à cette patrie dont on ne cessait de les occuper. Ce sont les poésies d’Homère récitées aux Grecs solennellement assemblés, non dans des coffres, sur des planches et l’argent à la main, mais en plein air et en corps de nation, ce sont les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, représentées souvent devant eux, ce sont les prix dont, aux acclamations de toute la Grèce, on couronnait les vainqueurs de leurs jeux, qui les embrasant continuellement d’émulation et de gloire, portèrent leur courage et leurs vertus à ce degré d’énergie dont rien aujourd’hui ne nous donne d’idée, et qu’il n’appartient pas même aux modernes de croire. » (Considérations sur le gouvernement de Pologne)

vi

Le pays où fut inventé le parlementarisme moderne, l’Angleterre, est aussi le pays où le droit d’origine législative est secondaire par rapport à la common law, est « une dérogation à la common law » (et où le juge ne s’estime aucunement lié par l’intention du législateur, dont il ne s’enquiert point). Le Parlement y est au fond un simple organe budgétaire. L’erreur subséquente est de Rousseau et des Français.

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« Nos valeurs » : j’aimerais qu’ils en parlent moins et qu’ils les connaissent mieux.

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Les questions les plus graves sont confiées à des gens qui n’ont ni les moyens intellectuels ni le loisir de penser.

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La correctionnalisation du viol passe aux yeux des auteurs du petit livre sur Les jurés (PUF, 1980, p. 44n) pour une forme de laxisme, comparée à son défèrement aux assises, mais Jean Marquiset explique que la correctionnalisation – le traitement d’un crime en simple délit – peut au contraire servir à mieux punir. Nos auteurs commettent donc un contresens. Les apparences sont trompeuses.

« [L]e fœticide est réellement un homicide volontaire, quoique juridiquement on en ait fait par la loi du 17 mars 1923 un délit pour en assurer une meilleure répression par un tribunal que par le jury, toujours disposé en cette matière à une excessive indulgence. » « Il [l’infanticide] avait toujours été considéré comme un crime, jusqu’à la loi du 2 septembre 1941 qui l’avait transformé en une simple infraction correctionnelle pour qu’il fût, comme l’avortement, sanctionné par une sévère répression. » (Marquiset, Les droits naturels, 1976)

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L’interdiction de l’enregistrement des audiences est une règle « d’ordre public ». Elle est liée au « principe de l’oralité » et nos auteurs (Les jurés, 1980) se satisfont à bon compte de cette raison (cette excuse) absurde : quelqu’un qui parle n’a pas une expression moins orale parce qu’il est vu sur un écran de télé. Cf. McLuhan: Both speech and TV are cool media.

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Haro sur le gouvernement des juges ? Un juge, parce qu’il est nommé et non élu, n’aurait pas la même légitimité démocratique qu’un ministre, nommé et non élu ? C’est cela, oui…

« L’extension du pouvoir judiciaire dans le monde politique doit donc être corrélative à l’extension du pouvoir électif. Si ces deux choses ne vont point ensemble, l’État finit par tomber en anarchie ou en servitude. » (Tocqueville, De la démocratie en Amérique I, I, V)

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Les procureurs « bénéficient très largement » de « l’indépendance de la magistrature », en conclusion de quelques paragraphes qui évoquent la « pratique institutionnelle » (Lemesle & Pansier, Le procureur de la République, 1998, p. 34), mais, c’est là le hic, la pratique peut être changée sans que cela soit contraire au principe de légalité, donc les procureurs ne sont pas indépendants.

Ces deux magistrats croient faire passer une pratique pour une garantie juridique, alors qu’un changement de pratique (une injonction de classement par tel garde des sceaux suivie d’une sanction en cas de refus du magistrat) ne serait en rien contraire au principe de légalité.

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« Il ne suffit pas, dans les tribunaux du royaume [d’Angleterre], qu’il y ait une preuve telle que les juges soient convaincus ; il faut encore que cette preuve soit formelle, c’est-à-dire légale : et la loi demande qu’il y ait deux témoins contre l’accusé » (Montesquieu, De l’esprit des lois)

Montesquieu réfute le système de l’intime conviction avant même qu’il ait remplacé chez nous celui des preuves légales ! Encore un travers de la France. (Voyez L’infâme conviction ici)

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Si la France avait gardé ses Huguenots, la Révolution française n’aurait pas eu lieu.

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Les Lumières françaises étaient une anglophilie militante (Montesquieu, Voltaire, Diderot…) et c’est donc trahir les Lumières que de parler de quoi que ce soit « à la française » quand c’est pour l’opposer aux Anglo-Saxons. Ce sont les Anglais qui nous ont appris la tolérance mais nous ne sommes que leurs singes. Chez nous un Sikh n’a pas le droit de porter son turban.

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La Manche est la frontière entre l’Europe et le continent asiatique.

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Le cas Søren Kierkegaard
(Complément à Autour de l’existentialisme de Kierkegaard x)

L’homme génial qui se reproduit ne reproduit pas son génie. Le génie ne se reproduit pas.

C’est cet homme, le génie, qui trouve un trésor dans la relation négative à la femme et le perd dans une relation positive, la vie commune.

« [A]-t-on jamais entendu dire qu’un homme soit devenu poète par sa femme ? Tant que l’homme ne s’est pas lié à elle, elle l’entraîne. C’est cette vérité qui se trouve à la base de l’illusion de la poésie et de la femme. » (Kierkegaard, Étapes sur le chemin de la vie)

ii

Ce n’est pas de réussir là où tout le monde a échoué qui est le plus admirable, mais d’échouer là où tout le monde a réussi.

« [J]e ne demande rien de mieux que d’être, à notre époque objective, reconnu pour le seul qui n’a pas réussi à être objectif. » (Kierkegaard, Post-scriptum aux Miettes philosophiques)

iii

C’est par un clergé jugé par Kierkegaard anti-chrétien que la pornographie a d’abord été légalisée dans le monde (Danemark 1969 : l’Église nationale danoise soutient le projet gouvernemental de légalisation de la pornographie).

iv
Célibat

Une simple remarque met à bas l’édifice des Propos sur le mariage par « Un époux » dans Étapes sur le chemin de la vie de Kierkegaard : l’homme chez qui l’inclination amoureuse, ce « don de Dieu », se déclare pour une femme mariée, ne peut l’épouser, et ce n’est pas faute d’être « assez bon » qu’il ne prend pas cette décision, mais il ne peut « se rendre digne de recevoir le don de Dieu ».

– Même un grand esprit n’est pas esprit seulement, pourquoi donc vouloir qu’il soit une exception en se soustrayant au mariage ? – Que se marie celui qui ne craint pas de dire à ses enfants : « Vous êtes nés et je vous souffre, comme je souffre votre mère, car l’esprit a besoin de repos et de délassement et par bonheur en vous engendrant et en vous éduquant je n’ai rien sacrifié de ma vocation. » Que se marie et enfante celui qui ne craint pas de dire cela.

v

La pensée de Kierkegaard serait « une première forme de l’existentialisme », mais comment une pensée profonde pourrait-elle être la première forme d’une pensée superficielle ? Si l’on tient à établir un lien entre les deux, il faut dire plutôt que l’existentialisme est une pâle copie de la pensée de Kierkegaard.

Søren Kierkegaard som café-gæst (Kierkegaard im Café) by Christian Olavius Zeuthen, 1843

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Quel mal ne fait-il pas à son œuvre, le poète qui gagne sa vie dans une boutique (au sens large) ! On ne peut tout simplement pas le lire, on se dit : « Comment n’est-il pas mort de chagrin, s’il était poète ? »

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Le clown survit au poète.

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La perversion aplanit tous les dilemmes.

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Socrate discourait le jour sur le thème « le corps est la prison de l’âme » avant de retourner chez lui partager la couche conjugale.

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La beauté de l’esprit n’est-elle pas encore plus passagère que celle du corps ? Ne cherchez pas à être aimée pour votre esprit.

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Est-il juste de partager également entre les membres d’une fratrie, alors que seul l’aîné connaît la souffrance d’être passé d’enfant unique à membre d’une fratrie ? Le droit d’aînesse lui compensait ce traumatisme.

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Vu que l’on appliquait la « question préalable » pour faire dénoncer les complices, un tel système devait conduire à de nombreuses dénonciations d’innocents, que l’on torturait à leur tour.

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Le droit à l’existence n’interdit pas le suicide.

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Il me suffit de lire Aristote pour savoir que je ne souhaite pas lire les scolastiques. La corruption intellectuelle du moyen âge européen ne vient pas des invasions barbares mais d’Aristote. Même remarque pour la philosophie médiévale islamique.

La vaine subtilité des scolastiques (Kant : Subtilität der Schulmethode) se trouve déjà chez leur Magister Aristote. Voyez Voltaire: « Aristote, qu’on a expliqué de mille façons, parce qu’il était inintelligible » (Lettres philosophiques).

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La notion de l’âme comme connaissance, à laquelle s’oppose Schopenhauer avec sa conception de la volonté aveugle, ne semble pas prédominer chez les Anciens : « tous les penseurs définissent l’âme … par trois caractères : le mouvement, la sensation, l’incorporéité » (Aristote, De l’âme). Ou encore, certains la confondent avec un élément ou une substance particulière : le feu (Démocrite), l’eau (Hippon), le sang (Critias ; cf. aussi l’Ancien Testament : Lévitique XVII-14 « Car l’âme de toute chair, c’est son sang »), l’air (Diogène)… Certes, Aristote discute aussi quelques théories de l’âme comme intellection : Anaxagore, Platon…

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Kant, Vorlesungen über die philosophische Enzyklopädie : Un Pansophus est impossible, tant en philosophie qu’en mathématique (deux Vernunftwissenschaften) tandis qu’un Polyhistor est possible.

Mais Kant affirme aussi que la philosophie (métaphysique) a vocation à être clôturée, en aucun cas la mathématique. Or qu’un Pansophe ne soit pas possible semble indiquer que la philosophie est infinie comme la mathématique, sinon il faudrait dire qu’un Pansophe est impossible en mathématique mais non en philosophie. (Mais le critère d’un Pansophe et d’un Polyhistor est seulement, dans ces Vorlesungen, que leurs connaissances sont « sehr ausgebreitet », ce qui implique que l’impossibilité signifie que dans les sciences de la raison les connaissances ne sont pas telles, ne sont pas étendues.)

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Cioran recherche la connaissance intuitive du génie selon Schopenhauer et cela le conduit au rejet de l’abstraction (par ex. Bréviaire des vaincus 104-5), décriée comme une négation du vouloir-vivre (donc à rejeter selon lui). Or la démarche de Cioran est viciée par l’abus de mots tels qu’infini, néant…, non intuitifs ; il est plus abstrait qu’il ne croit.

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Paraphrase. L’enfant reçoit de son père le caractère car c’est le principal, et le principal est reçu du sexus potior ; il reçoit son intellect de la mère car l’intellect est secondaire et le secondaire est hérité du sexus sequior (Le Monde comme volonté et comme représentation, c. XLIII). Une fratrie devrait donc être d’égale intelligence ? Non, et Schopenhauer l’explique par les conditions physiologiques du génie, qui nécessitent la fleur de l’âge des parents (ce qui signifie que les aînés sont favorisés à ce point de vue, pour les couples point trop précoces).

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Des « forces nouvelles » pour la logique…

La logique va chercher des « forces nouvelles » dans l’empirique. Car « les règles de la logique sont insuffisantes » (André Delachet, L’analyse mathématique). Or, s’il y a bien quelque chose qui ne peut combler une supposée insuffisance de la logique, c’est l’empirique. Car alors l’empirique ne serait pas lui-même soumis au raisonnement logique, n’obéirait pas à des lois, il n’y aurait pas de nature, le monde serait magique.

ii

Delachet affirme que le principe du tiers exclu n’a aucun sens. Il se sert pour cela de la puérile « parabole des géants subtils et cruels » de Ferdinand Gonseth (dans Les fondements des mathématiques, 1926) :

« Dans une île vivait une race de géants fort subtils et cruels. Parce qu’ils étaient cruels, ils mettaient à mort tout étranger qui abordait chez eux ; parce qu’ils étaient subtils, ils avaient imaginé de lui faire prononcer lui-même sa condamnation. Ils lui posaient une question, et si la réponse était vraie, ils l’immolaient à l’Idole de la Vérité ; si elle était fausse, ils l’immolaient à l’Idole du Mensonge. Or, il arriva qu’un jour ils posèrent à un étranger plus subtil qu’eux la question imprudente : quel sera votre sort ? L’étranger répondit : vous me sacrifierez à l’Idole du Mensonge etc. » (in Delachet)

La parabole est une ridicule resucée du « Je mens » séculaire, le privant de toute force puisqu’il fait porter le jugement sur un fait d’avenir : le fait énoncé ne peut se réaliser selon les conditions décrites, qui incluent l’énonciation de l’étranger, laquelle devient par cette inclusion un acte performatif en soi et cesse par conséquent d’être un simple énoncé. L’étranger se borne à rendre la peine impossible selon les conditions posées et n’affirme rien sur le vrai ou le faux de quoi que ce soit. La logique n’est pas un seul instant touchée par cette plaisanterie pas très subtile.

iii

a/

Quant à l’ensemble E des éléments e qui ne se contiennent pas eux-mêmes (dans la théorie du transfini), qu’est-ce qu’un ensemble ou un élément qui se contient lui-même ? La notion ne tient pas la route logiquement (elle viole le dipôle logique contenant-contenu), donc en tirer des conclusions contre la logique, parce qu’une notion contraire à la logique conduit à des résultats contraires à la logique, est puéril. En réalité, ces résultats confirment la logique.

Je me souviens d’un étudiant en mathématiques qui chercha à me convaincre de la supériorité des mathématiques sur la philosophie en invoquant cet ensemble E : en s’affranchissant de la logique insuffisante à laquelle la philosophie restait attachée, les mathématiques prouvaient qu’elles sont plus avancées que la philosophie. On se motive comme on peut.

b/

« Cette conception [des nombres transfinis] aboutit à des difficultés logiques inextricables qui ne sont pas encore complètement aplanies. » (Delachet) Bon courage pour aplanir l’inextricable. En réalité, la phrase s’arrête à « inextricables », le reste est tout simplement ridicule. – Et c’est cette nouvelle conception qui est dite résoudre le paradoxe d’Achille et de la tortue !

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#MeToo « Sans oui, c’est non »

Victor Hugo, du Panthéon, n’est pas d’accord : « Toutes deux, montrant leurs épaules, / Pour dire oui prononcent non » (Pièce incluse dans le dossier des Chansons des rues et des bois, Poésie/Gallimard)

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« Hélas ! il avait des jours où tous les hommes agissant lui paraissaient les jouets de délires grotesques : il riait affreusement, longtemps. » (Rimbaud)

Ce sentiment de l’absurde n’avait jamais été exprimé si distinctement avant Une saison en enfer, et pourtant ne doit-il pas être éprouvé par tout esprit sensible au temps de l’adolescence, de toute éternité ? (Il s’émousse avec l’habitude de vivre avec.)

Lessons in Law 9: Crack Hill

English language and a pinch of French.

Crack Hill

There’s been a crack pandemic in Paris, France, these last years, with an area now known as Crack Hill (la colline du crack) in the North-Eastern parts of the city. Neighbors talking of “hell,” “nightmare” and other such words has become commonplace. Authorities are pouring millions of taxpayer money in a so-called crack plan doing nothing but distributing under police surveillance new crack pipes every Thursday to the 1.500 crackheads (they know the numbers!) roaming on Crack Hill, and paying for 400 hotel rooms for crackheads.

Thus the bureaucracy’s sole policy is to prevent the crackheads’ habit from turning them into blood felons, with the result that they will remain an endless source of unpunished misdemeanors, an everlasting nightmare for the neighborhood. – This in a country where the numbers of police officers per inhabitant are extremely high.

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« Le Gilet jaune Jérôme Rodrigues relaxé » (Le Parisien 7/3/21) : une bonne nouvelle, bien que je ne comprenne pas le jugement. Rodrigues avait traité de « bande de nazis » des membres d’un syndicat policier et le ministre de l’intérieur avait saisi la justice pour injures. Le juge dit que les propos « visaient non l’ensemble des policiers mais les méthodes de certains d’entre eux » et que le syndicat « ne se confond pas avec l’administration publique qu’est la police nationale ». Oui et alors ? Rodrigues était poursuivi pour injures et non pour diffamation envers un corps constitué (la police nationale), donc le fait que les propos ne visaient pas le corps mais certains membres de ce corps ne disculpe pas en soi de l’injure.

La question est de savoir si traiter les gens de « nazis » est une injure. Or comment cela ne serait-il pas une injure alors que la loi française condamne pénalement l’idéologie nazie et que donc un nazi est un hors-la-loi ; si traiter quelqu’un de voleur est une injure, traiter quelqu’un de nazi est forcément une injure, qui doit être condamnée en tant que telle. Il est donc évident que le ministère public ou le ministre auteur de la plainte va faire appel et a bien des chances de gagner, suite à un jugement sans queue ni tête (du moins tel que rapporté par le journal). Le calvaire de Jérôme Rodrigues est loin d’être fini. « Allez en dictature »…

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The ‘shield’ for ‘extremist’ views is the First Amendment

The Wikipedia page ‘Gab’ (the internet platform) says: “Gab claims that it promotes free speech and individual liberty, though these statements have been criticized as being a shield for its alt-right and extremist ecosystem.”

Under American law an “alt-right ecosystem” has no need of a shield, its shield is the law (First Amendment), so the critics alluded to are irrelevant unless the problem is the very shield American law offers alt-right ideas, that is, the problem is free speech.

The construction “Gab claims… though” is objectionable, there can be no “though” here, free speech is indeed what it is all about. When one creates a business for money laundering, as money laundering is illegal, then the business is a “shield.” Therefore, as alt-right views are shielded by the First Amendment, describing Gab as a “shield” is libelous.

It strikes one as odd, given the First Amendment law, that still some Americans, like the author(s) of this Wikipedia page, seem rather to have been raised in a European legal environment where freedom of speech exists only for what the powers that be allow, and everything they label extremist is doomed to endless persecution.

ii

Finnish minister says sexist online comments about female politicians is a “threat to democracy.”

The utterance is even more ominous when one thinks that under Finnish democratic law derogatory comments on public figures such as elected officials might be prosecutable and severely punished. I’m not saying this is the case, as I don’t know Finnish law, but that wouldn’t surprise me given the state of the law in my and other continental European countries.

iii

Pro-liberty Skidmore students blocked from creating a club after “cancel mob” organized against them.

Before cancel culture there’s the heckler’s veto, a cancel mob is a heckling mob. I don’t know how a “Student Government Association,” which blocked the club’s creation under pressure of a heckling mob, relates to government, if at all, in free speech law (any form of government support would suffice) but the doctrine about heckling is: “the core concern … is that allowing the suppression of speech because of the discontent of the opponents provides the perverse incentive for opponents to threaten violence rather than to meet ideas with more speech.” (mtsu.edu) Link

iv

Instagram deletes post of President Biden falling up the stairs under its “violence and incitement” policy.

MSNBC analyst says Biden falling meme could incite violence.

They expect him to fall a lot…

Joe Biden has been would-be candidate for POTUS for 35 YEARS.

Here’s what Robert H. Bork wrote for year 1987: “Senator Biden’s presidential aspirations came to a sudden end, probably for all time. The campaign staff of Governor Michael Dukakis gave the press videotapes demonstrating that Biden had plagiarized speeches by other politicians such as Britain’s Neal Kinnock. In addition, the press learned that Biden had misrepresented his law school record. As the damaging facts began to pile up, Biden at first tried to explain and finally had to hold a press conference at which he withdrew as a candidate for his party’s nomination.” (The Tempting of America, 1990)

For a discussion of Robert Bork’s ideas, see Lesson 8.

v

‘It started with words’ so free speech is not okay?

vi

Biden appointee Timothy Wu once questioned whether the First Amendment was “obsolete,” has questionable free speech views.

A fair statement is that all elected officials and their appointees have questionable free speech views, because a political class will always want to mutate into a political cartel, which requires speech control and suppression, so the condition for free speech is a truly independent judicial power and irremovable judges, something that apparently does not exist in this world except in the USA (God bless America). Do not make as if Republican majorities had no questionable free speech views: the many anti-BDS laws, which will be struck down one after the other, and the sooner the better, are a recent example of the tendency.

vii

Force is the one thing we’re not allowed to advocate.

The First Amendment allows one to advocate force. “Advocacy of illegal conduct” is protected speech, what is not protected is “incitement to imminent lawless action” (Brandenburg v. Ohio), the word to emphasize here being “imminent.” Case law explains that, for speech to be unprotected, the lawless action it advocates must be not only imminent but also likely to follow from speech. I would argue that there is an intrinsic impossibility for online speech to be incitement to imminent action, the law is aimed at speech “brigaded with action,” that is, speech to and from among a mob prone to act, or, in the classic example, shouting fire in a crowded theater.

It’s legal, but it will still get you banned.

Being legal it depends on the carriers’ policies whether speech is suppressed and so far they have had quite discretionary powers.

Given what I just said about online speech I am surprised that a former shareowner of a platform, namely Parler, is raising funds for his legal counsel in view of a Congress hearing about the platform’s responsibility for the Capitol storming. It looks like rogue intimidation. I question the legality of any step by the legislator that compels private citizens to legal counsel expenses. The judiciary, not the legislative, is the power that examines particular responsibilities.

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Is there rationality in the affirmation that as blacks make a disproportionate part of prison inmates in America the American society is racist? Looking at the figures of wealth beside the figures of prison inmates, one finds consistence across the two sets, that is, the less wealthy group is also the group with disproportionate numbers of prison inmates, which makes perfect sense on the merely economic and sociological level as poverty is ridden with deprivation and incentives to illegal conduct. As it is to be sociologically expected that crime be more rampant in poor neighborhoods than in wealthy ones, it is also to be expected that blacks have more prison inmates, as the figures show they are poorer in the main.

Therefore, although the affirmation according to which the society is racist can be inferred from prison inmates figures is hardly challenged because of the fear the challenge could be construed as a claim that blacks are intrinsically (like genetically) more criminal as a race, in fact there exists an entirely economic cause for penal figures.

This shifts attention to the cause of economic inequalities, as one might then ask if there is something intrinsic to racial groups that some thrive more and some thrive less in the economy? If inequalities in prison figures can be inferred from wealth group status, the latter cannot be inferred away, so to speak.

The anti-racist idea is that, given equal opportunities, all racial groups must and would equally thrive in the economy. So, as there are economic differences between racial groups, it must be that the society does not give equal opportunities to all and this because it is racist. Thus the American society is to be called racist as long as each racial group does not have the same proportions of wealth and poverty as the global average, that is, as long as they are not all the same in terms of wealth.

That this can and will result from the free market is, I am sure, what no one among Americans believes, so the fact that Americans keep talking of their economy as a free-market economy, having at the same time an anti-racist agenda, is questionable.

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As you know, ex-post-facto legislation is expressly prohibited by the US constitution.

(On the eve of the sesquicentennial of Ohio’s Statehood in 1953 it was discovered that while the Ohio constitution had been ratified, the territory of Ohio was never formally admitted to the union. President Eisenhower made a joke about Ohio state officials drawing salaries under false pretenses and then had congress RETROACTIVELY ratify Ohio’s statehood.)

In its purity the principle holds in criminal law only, but such a construction may be argued to be unconstitutional indeed:

“Thomas Jefferson described them [ex post facto laws] as ‘equally unjust in civil as in criminal cases.’ Over the years, however, when deciding ex post facto cases, the United States Supreme Court has referred repeatedly to its ruling in Calder v. Bull, in which Justice Samuel Chase held that the prohibition applied only to criminal matters, not civil matters, and established four categories of unconstitutional ex post facto laws.” (Wikipedia)

Like Jefferson I see no reason why the principle should be limited to criminal law, because even if ignoring the principle must be particularly dramatic in criminal law it doesn’t mean such neglect is benign in other legal domains.

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Multipartyism is a corrupt form of people’s government

Multipartyism is a corrupt form of people’s government. The point is to bring not more than two platforms to the electorate’s choice because that’s the only way to ensure that the elected majority will apply the electoral platform rather than coalition pacts bargained behind closed doors between various elected parties. The platform itself is the result of primaries so what Perot and others do as third parties could well be done in the frame of one or the other party.

In multipartyism parties run for platforms they know they will amend behind closed doors the very day after election day!

That is, if no party gets absolute majority (50 percent or more of the votes, that is, of the seats). With two parties competing one will get absolute majority, but with more than two parties competing absolute majorities are exceptional and coalition pacts must be reached between parties to form majority governments. Where absolute majorities are not exceptional one may talk of a de facto bipartisan system.

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La différence entre un Français et un Américain, c’est que l’un chante « Aux armes » et que l’autre a le droit de porter des armes. « Vous chantiez, j’en suis fort aise… »

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On Legalizing Polygamy

Polygamy is as good as nonexistent in the Arab Gulf states:

“Today, because of higher standards of education and additional leisure time to spend, compatible spouses are more desired. This issue also contributed to the almost complete eradication of polygamy in Gulf. Although permitted under Islam, the custom even in the past was rarely practiced. Often women include specific paragraphs in their marriage contract prohibiting the husband from taking a second wife.” (Article Marriage, in Saudi Arabia and the Gulf Arab States Today: An Encyclopedia of Life in the Arab States, Maisel & Shoup ed., 2009)

The phrasing is ambiguous. “Eradication” would not make one expect the following sentence: “the custom even in the past was rarely practiced.” Because if it was rarely practiced in the past, then it was already “eradicated,” in the sense that it was rare already, and the conclusion is that the custom is as uncommon today as it was in the past, so there has been no change, and certainly no eradication. The situation was and is that only the wealthiest men, typically of the ruling families, had and have multiple wives. Besides, this “monopoly” must by necessity be consolidated by the rent economy, as one fails to see how individual males depending on the state for their income would be allowed several wives without the state correspondingly increasing their income, which would be perceived as unwarranted by the rest of males, whereas coming from the free market this kind of perception does not obtain.

So one point for allowing polygamy would be that it’d remain uncommon anyway, as it was and is in the Gulf states.

ii

In an online summary of Edward Dutton’s book Why Islam Makes You Stupid… But Also Means You’ll Conquer the World (2020), I find Dutton includes among the reasons why Islam makes one stupid… and likely to conquer the world… polygamy. But on this he’s wanting on the side of sociological data, as polygamy is hardly more practiced by Muslims than by others.

I have already written on the issue on this blog (here), warning against assuming that the legality of polygamy translates into high degrees of polygyny, as the figures in fact show that polygyny is high in sub-Saharan countries (not all Muslim) and the Caribbeans (where polygamy is illegal).

Back to Dutton: How can Muslim polygamy, i.e., the legal acceptance/tolerance of it can be a factor of stupidity if it does not translate into major differences with countries where it is prohibited? That’s the same as saying that I would become dumber by tolerating my neighbor’s using intoxicants, without using them myself, as the dumbing effect (if there’s any) of intoxicants is limited to the user and does not extend to the one who tolerates it.

Therefore, when in the recent French bill against ‘separatism,’ commentators and, in the travaux préparatoires and debates, the legislators themselves conflate Islam with issues that are in fact connected with the culture of sub-Saharan migrants, be them from Muslim communities or not, namely polygamy and female genital cutting (same as with polygamy female circumcision predates Islam and has been maintained in whole communities, Islamic or not).

iii

Of course it does not make sense to speak of an Islamic “tolerance” for polygamy, as the Prophet of Islam had several wives. Another word must be used to convey the idea that it is a good thing that some men at least have multiple wives even though almost all of them will have only one, as it probably turned out to be the case throughout the history of Islam in its main centers.

iv

Polygyny can take many forms. No one really has to relinquish it in a state where polygamy is not allowed and only the legal institution of it does not exist; a polygynous man can adapt to any legal system, find arrangements within the law, for instance as to heirloom etc, and I fail to see what obstacles there are to de facto polygyny in the West. The French legislator thinks he has adopted measures just now (the bill I have been briefly discussing in ii) to prevent de facto polygyny in France but this will only serve to make the bureaucracy still more intolerably intrusive in all people’s lives. They can never think out of that box, it’s always more bureaucratic control, like readers of Tocqueville know.

The classic work of sociological literature, The Children of Sanchez, may be described as a case depiction of polygyny in Mexico. Sanchez, a restaurant waiter (I wouldn’t call that high status, although evolutionary psychology, EP, tends to associate polygyny with status), had several wives and children in various barrios of Mexico City, sharing his earnings between all of them, and all of them living in misery. – Polygyny is not legal in Mexico. Would Mexican authorities make it legal, they would adjust the legal system to the reality of their country. A migrant to Mexico from a country where polygyny is legal, would still think polygyny is permissible there, albeit not legal. By practising it, he would conform to a Mexican reality and couldn’t be accused to be a cause of disruption.

(In the U.S., what would be disruptive is the same migrant’s will to live in a nucleus family of single wife and children, as the de facto model is communal child-rearing under Amazons’ control. Wait and see.)

v

An alternative to consociationalism may be the American constitutional theory as exposed by Supreme Court judges:

“We are not an assimilative, homogeneous society, but a facilitative, pluralistic one, in which we must be willing to abide someone else’s unfamiliar or even repellant practice because the same tolerant impulse protects our own idiosyncracies. … In a community such as ours, ‘liberty’ must include the freedom not to conform. ” Justice Brennan, on Michael H. v. Gerald D. 1989

That may make America sound pretty much liberal but I still perceive it is more conservative than continental Europe (it is no accident, by the way, that of all European countries the UK left the EU), where they have got authoritarian liberalism whereas in the States it remains PC liberalism.

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Kierkegaard Against ‘Christendom’

Isn’t it astonishing that one would need a “school of intelligence,” Epicureanism, to “contend” that we ought to look for pleasure? Is it something people need be told or rather they needn’t be told that they like and want pleasure more than displeasure? Kierkegaard is talking through me right now: He strongly objected to Christianity turning into a form of Epicureanism, with the indicting question: What is the point of making eternal bliss dependent upon what people want in this life? If the good life that leads to eternal bliss is what everybody wants without being told, namely a comfy pleasurable existence, then there was no need to warn them of eternal damnation. ‘Christendom,’ that is, Christianity as Epicureanism, is nonsense.

A call to a pleasurable life has no meaning except as opposition to the thought of an afterlife or a supernatural order of things, as ‘superstitious beliefs’ (in Epicurus’s words) can hinder one’s correct conduct on the way to a pleasurable life, leaving aside the question that the obstacles are also in the very craving for pleasure as it is more often than not self-contradictory and requires a method, a guidance which Epicurus proposed to delineate (with what success?) – Precisely because of Epicureanism’s rejection of superstition, the grounds are lacking for Christianity to be an Epicureanism, that is, to be of this world. This life is ultimately about winning the afterlife, not about making life comfy. For the latter one needs Epicureanism but for one who heeds the warning from beyond Epicureanism is miserable blindedness. One cannot reconcile both views, and this is the reason Christendom is anti-Christian. The idea that the routine observance of sacraments, received from priests, moreover, who are in nothing different from their herd except that they have a MORE pleasurable life than most of them (in terms of wealth –being high functionaries of the state in the Scandinavian Lutheran churches– and good name and family life and leisure and so on), is what a Christian life is about, is appalling when one thinks, like Kierkegaard, of it.

The clergyman in Christendom, when asked how to live the good life, might answer: “Be in my shoes.” Hinting not as much as to what is be done as a Christian, as to a collective situation where the good life is partly inherited (the bishop is the bishop’s son) and partly the result of worldly shrewdness that has nothing to do with Christian teachings and everything with an Epicurean quest for pleasure, including the pleasure to slit others’ throats (metaphorically speaking, at least, that is, as there are in the state church x or y bishop tenures then you’ll get x or y incumbents and the other candidates will be failures). Ultimately the guidance for Epicureanism is how to make this school of intelligence compatible with a state of things where people are not at each other’s throats all the time. We all know we want our pleasure and we all have some notions of how to get it (although our pleasures conflict with each other too), and yet it happens more often than not that our pleasure must depend on an object that we don’t own.

Last but not least, Epicurus wrote for a leisure class that doesn’t exist any longer. His thinking must be thus qualified that it answers the question of how to be happy with so much time on our hands, surrounded by slaves working for us, whereas in many cases we are not even able to secure the least bit of free time in our existence nowadays. So talking of Epicureanism to today’s public is like telling them “there were better days, you know.” Carpe diem, pluck the day, usually summarizes Epicureanism in a nutshell. Carpe diem makes sense if I can say the day is mine, if I am no floatsam, floating with the stream or winds of the workday from morning till night, with no direction but that of the steady flow. Floating is not what the vessel does but its wreck.

ii

A few quotes from Kierkegaard’s Articles to The Fatherland and The Instant (from Attack Upon ‘Christendom’, translator Walter Lowrie, Princeton University Press, Tenth Printing 1991)

Articles in The Fatherland

28 the impudent fudge about Christianity being perfectible

35 in Protestantism, especially in Denmark, Christianity marches to a different melody, to the tune of «Merrily we roll along, roll along, roll along» – Christianity is enjoyment of life, tranquillized, as neither the Jew nor the pagan was, by the assurance that the thing about eternity is settled, settled precisely in order that we might find pleasure in enjoying this life, as well as any pagan or Jew.

37 I am not a Christian severity as opposed to a Christian leniency. By no means. I am neither leniency nor severity: I am… a human honesty.

38 as soon as the Christian requirement of poverty is brought to bear, family is a luxury

The Instant

110 Imagine that a man with a loaded pistol stepped up to a person and said to him, «I’ll shoot you dead,» or imagine something still more terrible, that he were to say, «I’ll seize upon your person and torture you to death in the most dreadful manner, if you do not (now be on the watch, for here it comes)…make your own life here on earth as profitable and enjoyable as you possibly can.» This surely is the most comical speech; for to bring that about one really does not need to threaten with a loaded pistol and the most amazing kind of death; perhaps neither the loaded pistol nor the most agonizing kind of death would avail to prevent it. And so it is here: by the dread of eternal punishment (frightful menace!), by the hope of an eternal blessedness, to want to bring about…yes, to bring about what we are (…) that we may live as we most like to live–for to refrain from civil crimes is nothing but plain shrewdness.

165 If in the natural man there is any instinct so strong as the instinct of self-preservation, it is the instinct for the propagation of the race, which therefore Christianity tried to cool off, teaching that it is better not to marry, yet, if worse comes to worst, it is better to marry than to burn. But in «Christendom» the propagation of the race has become the serious business of life, together with Christianity; and the priest (this epitome of nonsense enveloped in long robes), the priest, the teacher of Christianity, of the Christianity of the New Testament, has even got his income fixed in proportion to his activity in promoting the propagation of the race, getting a definite amount for each child.

183 So there is a difference as wide as the earth, as wide as heaven, between the Mynsterish [Bishop Mynster’s] life-view (which properly is Epicureanism, enjoyment of life and the lust for life, belonging to this world) and the Christian view, which is that of suffering, of enthusiasm for death, belonging to the other world; yea, there is such a difference between these two life-views that the latter (if it were taken seriously, and not at the very most expressed rarely in a quiet hour) must appear to Bishop Mynster as a kind of madness.

185 By indifferentism one commonly understands having no religion at all. But resolutely and definitely to have no religion at all is something passionate, and so is not the most dangerous sort of indifferentism. Hence too it occurs rather rarely.

189 I am unable to endure this thought [«The situation is this: the more thou hast to do with God, and the more He loves thee, the more thou wilt become, humanly speaking, unhappy for this life, the more thou wilt have to suffer in this life»], and therefore merely investigate this true definition of what it is to become a Christian, whereas for my part I help myself to endure sufferings by a much easier thought, one which is Jewish, not in the highest sense Christian, the recognition that I suffer for my sins.

190 And only by the help of this canst thou see that the Christianity of the New Testament does not exist, that the little religiousness there is in the land is at the very most…Judaism.

205 [Christianity] that religion precisely which extols the single state.

215 man is reduced to insignificance by marriage

223 Christianly it is egoism in the highest degree that because a man and a woman cannot control their lust another being must therefore sigh, perhaps for seventy years, in this prisonhouse and vale of tears, and perhaps be lost eternally.

263 And inflexibly as the human race stands up for its will to punish, to punish even by death, those who are not willing to be like the others, just so firmly does eternity stick to its purpose of punishing with eternal perdition those who are tranquillized by being like the others.

281 Worldly shrewdness is eternally excluded, despised and abhorred, as things are in heaven, more than all vices and crimes, because in its nature it of all things most belongs to this wretched world, and most of all is remote from having anything to do with heaven and the eternal. [Shrewdness=Klugheit (Kant)]