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Philo 31 : Jean-Jacques Plus
FR-EN
Dire, dans une introduction à la philosophie, que c’est une forme de paresse, ou de peur, qui empêche de philosopher a quelque chose d’arrogant envers le genre humain, quelque chose qui s’appuie sur un certain postulat discutable critiqué par des philosophes comme Jean-Jacques Rousseau. On a donc, pour commencer, une définition de la philosophie qui est en soi une réfutation de la pensée de certains philosophes, par exemple du rousseauisme, et qui exclut des philosophies de son champ.
Dire que philosopher c’est être non conformiste appelle la même remarque. En outre, cela n’a pas de sens : dans une société de philosophes, être non conformiste ne serait pas philosophique. Certaines philosophies développent l’idée d’un « État idéal » : la vie dans cet État idéal ne suppose aucune « révolte » philosophique. Par conséquent, l’idée même de révolte philosophique est entièrement conditionnée et sa limite implicite est une application à l’ici et maintenant, qui reste non défini (s’agit-il de se révolter contre un capitalisme, un autoritarisme, un libéralisme ou autre chose, ce n’est pas dit). Dans l’État idéal de Platon, le philosophe n’est pas révolté : il est roi. La définition est donc subjective, et son étayage dans l’histoire de la philosophie, à savoir le procès de Socrate, n’est guère pertinent non plus puisque les religions elles aussi ont des martyrs, peut-être même elles principalement, et que ce conflit de la société et de la pensée est d’abord l’axe d’interprétation des religions plutôt que de la philosophie. Or une définition de la philosophie semblerait classiquement appeler la discussion de ce qui la distingue de la religion. La religion est parfois mise du côté de la société sans autre forme de procès. La définition de la philosophie comme révolution réflexive contre la tradition est dans le prolongement et appelle les mêmes remarques, en ajoutant que cette idée s’inscrit soit dans le mouvement vers un État idéal, à savoir que toute tradition est mauvaise ou insuffisante car l’État idéal se trouve à la fin de l’histoire, soit dans le fatalisme, à savoir que, si les traditions sont insuffisantes ou mauvaises et que nous n’allons pas vers un État idéal, alors « les choses ne vont pas changer ». Quand l’auteur ajoute, après cette expression de fatalisme, « ce qui est faux évidemment », on voit d’emblée qu’il se situe dans la pensée d’un État idéal à venir.
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Appeler Socrate, qui n’a jamais quitté Athènes, « le philosophe errant » est une erreur. L’auteur de cette erreur nous dit que Socrate errait dans les rues d’Athènes : cela décrit un flâneur, pas un voyageur. Un errant est celui qui va de ville en ville, de province en province, comme un moine mendiant. Socrate est le type même de la personnalité sédentaire. Il n’a jamais quitté son logis alors que le caractère acariâtre de sa femme Xanthippe est entré dans l’histoire. Le fait est que Socrate, bien qu’il passât un temps considérable sur la place publique, devait tout de même aimer son chez-soi puisque la présence de Xanthippe ne l’empêchait pas d’y retourner. De l’attachement envers et contre tout de Socrate à sa cité la Prosopopée des lois est l’ultime illustration philosophique, avec le refus de Socrate de quitter Athènes, au prix de sa vie.
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« Pour quiconque croit à la science, le pire est que la philosophie ne fournit pas de résultats apodictiques, un savoir qu’on puisse posséder. Les sciences ont conquis des connaissances certaines, qui s’imposent à tous ; la philosophie, elle, malgré l’effort des millénaires, n’y a pas réussi. On ne saurait le contester : en philosophie il n’y a pas d’unanimité établissant un savoir définitif. Dès qu’une connaissance s’impose à chacun pour des raisons apodictiques, elle devient aussitôt scientifique, elle cesse d’être philosophie et appartient à un domaine particulier du connaissable. » (Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, 1950)
Ce défaitisme, cette débâcle de philosophastre devant la science empirique est confondant. La science empirique est dans une synthèse continue d’inductions qui ne peut jamais présenter la moindre certitude « apodictique », contrairement à ce que prétend formellement Jaspers, ces certitudes apodictiques ne pouvant être qu’a priori et jamais découler de recherches empiriques. Il faut complètement ignorer Kant – et c’est forcément délibéré chez Jaspers, donc insultant envers l’un des plus grands noms de la philosophie – pour dire une telle balourdise. Ce médiocre penseur écrivait dans une période de scientisme effréné, dans une société complètement intoxiquée par ses réalisations matérielles, avec une idéologie scientiste étriquée pour toute orientation. Ces réalisations matérielles sont tellement peu ce que prétend le scientisme qu’elles sont le pur Gestell heideggerien, une nullification de l’homme.
Dans son Carnet d’un biologiste (1959), recueil d’aphorismes, l’un des grands noms de la science française, Jean Rostand, découvre le pot aux roses : « Certitude, servitude », écrit-il. Sauf à comprendre cet aphorisme comme une apologie de la servitude, nous avons ainsi, face au philosophastre Jaspers qui parle (après Kant !) des « résultats apodictiques » de la science empirique, le savant Rostand avouant son absence de certitudes.
Si, à présent, on lit cet aphorisme en ayant à l’esprit l’activité de vulgarisateur scientifique de Jean Rostand, on peut y voir une forme de conditionnement à la méthode empirique : l’esprit qui se consacre à la science doit évacuer toute exigence de certitude, et quel meilleur moyen psychologique de conditionner cette évacuation, de produire ce vide que d’égaler certitude avec servitude ? Si je suis convaincu que toute certitude est une servitude, certes je ne voudrai d’aucune certitude. La science est un scepticisme ; c’est au fond ce que tendent à dire tous les grands noms de la science.
On interprète généralement ce scepticisme comme étant réservé aux questions métaphysiques, et que c’est parce que la science offre dans l’empirique au contraire du consistant, du solide. Rien n’est plus éloigné de la réalité de ce scepticisme qu’une telle interprétation vulgaire. Ainsi, toujours dans le Carnet d’un biologiste : « Apprendre à se contenter du momentané, du précaire, du changeant, de l’approximatif, de l’incertain, de l’insuffisant, de l’impur… » ; « L’infinie et stérile fécondité de l’esprit humain » ; « J’ai en moi quelques lambeaux de certitude, mais je ne sais pas les coudre ensemble » ; « Toutes les doctrines philosophiques briseront leurs fausses dents sur les réalités coriaces de la science » (c’est-à-dire, pour un minimum de cohérence avec les autres citations, que toute certitude est vouée à se briser sur l’incertitude) ; « Je sais gré à certaines erreurs de me rappeler l’indigence de ma vérité » ; « Je consens qu’on fasse béer nos lacunes pourvu qu’on ne les bouche pas avec des rêves » (tout ce qui ressemble à une certitude est un rêve) ; « Quel métier [celui de naturaliste] qui consiste à humer quotidiennement le mystère ! » (lyricisation du scepticisme : il est beau de humer le mystère et l’on peut donc s’en contenter avec honneur), etc., etc.
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« À la différence d’Oppenheimer, je ne pense pas que les non-savants soient désormais condamnés à ignorer les grandes conclusions – toujours provisoires – de la science. Mais ce qui leur est quasiment interdit, c’est d’avoir un avis, de porter un jugement. » (Jean Rostand, Carnet d’un biologiste) J’avoue n’avoir qu’une vague idée de la façon dont fonctionne un four comme de celle dont on surgèle les pizzas mais je ne crois pas non plus que ce soit d’aujourd’hui que les non-spécialistes omettent volontiers de se farcir la tête avec les platitudes micrologiques de telle ou telle science quand ils se servent de ses résultats. L’aurige antique pas plus qu’Euclide ne connaissait l’art du charron et vice-versa. Ah mais pardon, ce ne sont pas là de grandes conclusions toujours provisoires, seulement de petites prémisses suffisamment établies.
S’il y a bien une chose dont peut se passer un homme qui va mourir (et tout homme doit mourir), c’est d’avoir un avis sur de grandes conclusions toujours provisoires.
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Apprenez d’abord comment les pyramides d’Égypte ont été construites avant de parler de progrès de la technique.
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On ne peut évidemment pas croire que l’homme soit bon par nature si l’on pense pouvoir trouver un exemple de son comportement chez les animaux, qui sont loin, tous autant qu’ils sont, d’être toujours « aimants et doux » ; il fallait attendre Darwin pour confirmer ce qui n’était jusque-là qu’un odieux préjugé. À l’époque où Rousseau écrivait, il avait raison de dire que l’homme est bon par nature ; c’est lui qui avait raison à l’époque – car on a toujours raison contre les préjugés.
Dans le contexte chrétien, que l’homme soit mauvais par nature, c’est-à-dire avant toute considération, du moins, des effets des institutions sur lui, fait partie du dogme, via le péché originel. Cet élément a été conduit à sa limite par le luthéranisme et surtout le calvinisme, où, la mauvaise nature de l’homme rendant son salut impossible par les actes, son salut ou sa damnation sont forcément prédéterminés. Je ne sais si l’on a discuté le fait que le « citoyen de Genève » prenait, avec son homme bon par nature, le contrepied exact de la théologie radicale de Genève, laquelle nous pouvons définir par la centralité du dogme de l’homme mauvais par nature (nonobstant qu’il soit une créature de Dieu : ce qui d’ailleurs est pour cette théologie une façon de montrer que la nature n’est pas le tout de l’homme ; la grâce prédéterminée est hors des atteintes du mal naturel).
L’amour-propre ombrageux (par opposition à l’amour de soi naturel) que Rousseau impute aux effets des institutions et de la société plutôt qu’à l’état de nature se trouve aussi chez les singes et tous autres animaux sociaux, par exemple les oies. Vivent-ils, ces animaux, dans l’état de nature ou bien faut-il croire qu’eux aussi pourraient réformer leurs institutions pour vivre de manière plus conforme à cet état de nature perdu ?
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On ignore volontiers en France (un peu moins, semble-t-il, en Suisse) le compositeur Jean-Jacques Rousseau, nonobstant le succès plus que considérable de son Devin du Village, produit continument pendant trois quarts de siècle. Le contraste entre ce succès que certains qualifient de prodigieux et le relatif oubli, voire dénigrement présent m’intrigue. Quel est le sens de ce renversement, alors que les autres succès de Rousseau, littéraire et philosophique, ne sont pas quant à eux démentis ? La critique, par exemple Pierre Lalo (fils du compositeur Édouard Lalo), s’est voulue définitive. Mais je me suis demandé, pour être tout à fait éclairé, ce qu’en disait par exemple un Mozart. À douze ans, Mozart écrivait un opéra, Bastien und Bastienne, sur le livret du Devin et après en avoir entendu la « parodie » par Favart. Rien d’étonnant compte tenu du succès du Devin à l’époque, même si le terme de « parodie » reste assez mystérieux pour moi puisqu’on pourrait apprécier une œuvre et vouloir s’en inspirer via sa parodie : s’agit-il d’un livret comique appliqué purement et simplement à la musique originale ? La question est de savoir si l’on peut tirer de ce fait que Mozart a été « marqué » par le compositeur Jean-Jacques Rousseau.
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On me répond que le Devin eut un succès « dans certains milieux ». Or il me semble qu’au vu des faits on peut véritablement parler d’un succès auprès du public. Cela peut d’ailleurs résulter dans les premiers temps du succès rencontré à la cour du roi (première représentation à Fontainebleau) et le reste a suivi, puis l’habitude. Mais, même dans ce cas, d’autres opéras d’abord produits devant la cour y ont forcément rencontré un bon accueil sans connaître la même durée que le Devin ensuite. Si le succès est public, l’hostilité connue des musiciens français, leur boycott passe par conséquent pour une cabale, inspirée par un esprit de parti dans une querelle entre musique française et italienne, Rousseau affirmant qu’il avait étudié la musique italienne dans le pays, où il fut secrétaire d’ambassade à Venise, et composait sous cette inspiration à une époque où la musique française ne connaissait pas la musique italienne, laquelle il aurait donc introduit en France.
« Je la composai [la pièce du Devin], revenu depuis peu d’Italie, passionné pour la musique italienne que j’y avais entendue et dont on n’avait encore aucune connaissance à Paris. Quand cette connaissance commença de s’y répandre on aurait bientôt découvert mes pillages si j’avais fait comme font les compositeurs français, parce qu’ils sont pauvres d’idées, qu’ils ne connaissent pas même le vrai chant et que leurs accompagnements ne sont que du barbouillage. » (Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques : Troisième Dialogue)
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Jean-Paul Sartre et la grande tradition française du philosophe vaudevilliste : Voltaire, Diderot…
Voltaire écrivit en huit jours une pièce en cinq actes, L’Écossaise, pour se venger de Fréron et de ses écrits. Elle eut un grand succès. La littérature en sort certainement grandie.
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Ce qu’écrit Rousseau de l’intolérance des philosophes vise entre autres l’auteur du Traité sur la tolérance.
« Grands imitateurs de la marche des Jésuites ils furent leurs plus ardents ennemis, sans doute par jalousie de métier, et maintenant, gouvernant les esprits avec le même empire … et substituant peu à peu l’intolérance philosophique à l’autre, ils deviennent sans qu’on s’en aperçoive aussi dangereux » (Dialogues)
« L’orgueilleux despotisme de la philosophie moderne a porté l’égoïsme de l’amour-propre à son dernier terme. Le goût qu’a pris toute la jeunesse pour une doctrine si commode la lui a fait adopter avec fureur et prêcher avec la plus vive intolérance. » (Ibid.)
« cette génération nourrie de philosophie et de fiel » (Ibid.)
« [S]’il renaissait quelques vrais défenseurs du Théisme, de la tolérance et de la morale, on verrait bientôt s’élever contre eux les plus terribles persécutions ; bientôt une inquisition philosophique plus cauteleuse et non moins sanguinaire que l’autre ferait brûler sans miséricorde quiconque oserait croire en Dieu. » (Ibid.)
« les prêtres … devenus philosophes comme les autres » (Ibid.)
« Je vivais alors avec des philosophes modernes qui ne ressemblaient guère aux anciens. Au lieu de lever mes doutes et de fixer mes irrésolutions, ils avaient ébranlé toutes les certitudes que je croyais avoir sur les points qu’il m’importait le plus de connaître : car, ardents missionnaires d’athéisme et très impérieux dogmatiques, ils n’enduraient point sans colère que sur quelque point que ce pût être on osât penser autrement qu’eux. … cette résistance à des hommes aussi intolérants, qui d’ailleurs avaient leurs vues, ne fut pas une des moindres causes qui attisèrent leur animosité. » (Les rêveries du promeneur solitaire)
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« [E]st vraisemblable : par exemple détester ceux qui vous en veulent » (Aristote, Premiers Analytiques)
Les protestations répétées de Jean-Jacques Rousseau qu’il ne hait pas ses ennemis, restent invraisemblables, accordée même la singularité du personnage. Il dit s’éloigner de ses ennemis (s’éloigner du monde) pour ne pas avoir à les haïr, mais c’est restreindre indument le sens du mot que de faire de la haine plus qu’un sentiment et vouloir qu’elle désigne aussi des manœuvres qui seraient la suite et l’effet de ce sentiment.
Il affirme en outre, en réponse à Diderot, que celui qui est seul n’est pas méchant puisqu’un méchant doit chercher les occasions de faire du mal tandis que le solitaire s’ôte quant à lui toute occasion d’en faire. Mais ne peut-on point faire du mal par des écrits, et qu’est-ce qui empêche un homme seul d’écrire ? – Il est vrai que le retrait du monde par Rousseau correspondit à la fin de ses activités éditoriales, jusqu’à ce qu’il éprouvât la nécessité de se justifier dans des œuvres autobiographiques.
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L’application par Spinoza d’une méthode géométrique – en fait de la méthode démonstrative d’Euclide – aux questions dernières est un contresens compte tenu de l’intuitivité de la géométrie (Kant). L’erreur, dans l’idée, doit être retracée jusqu’à Descartes, dont la « méthode » donnait des résultats à la fois en géométrie et en métaphysique – sans que Descartes ait pour autant appliqué la méthode géométrique aux questions métaphysiques, mais « la méthode ». Le reproche de Schelling à Spinoza est que ce dernier confond logique et existant, notre reproche est qu’il confond géométrie et logique (comme toute la philosophie analytique anglo-saxonne). (Philo 30)
Critique schellingienne : avec la logique on ne parvient qu’à ce qui est possible et ce n’est pas encore suffisant pour dire que cela existe. Cependant, il y a un peu plus que de la logique dans la géométrie, à savoir : de l’intuitivité. Et c’est pourquoi Spinoza s’est cru, tout en taisant la distinction fondamentale entre logique et géométrie parce qu’elle ne semble pas, sauf erreur, lui avoir effleuré l’esprit, permis de tirer de la « méthode géométrique » des résultats quant aux fins dernières. Car dans l’intuitivité, une figure géométrique existe dès lors qu’elle est possible. La frontière entre le possible et l’existant disparaît : ce que l’intuition se représente est existence parce que possibilité ; une figure géométrique, l’intuitionner c’est la concevoir comme existant en tant que modèle pur de l’intuition empirique. C’est le domaine propre de l’existant avant l’expérience. La figure, en tant que forme pure, n’existe pas nécessairement comme objet empirique, par exemple sur un dessin, mais elle existe comme schème a priori dans la représentation sans l’aide d’un travail de l’imagination à partir d’objets empiriques. De même pour les nombres, correspondant au sein du temps aux figures géométriques de l’espace. Ce qui est possible dans l’intuitivité n’est pas la même chose que ce qui est logiquement possible : le logiquement possible, c’est un objet dont la possibilité n’entraîne pas encore la réalité empirique, mais l’intuitivement possible, ce sont des schèmes inconditionnés, aprioriques par rapport à toute réalité empirique, donc existants avant l’expérience. Le schème est lui-même un objet, intuitionné dans une forme, tandis que la connexion logique a besoin d’un objet, par exemple une figure géométrique, pour produire un objet. Avec la seule logique on n’a point d’objets, tandis que l’intuition a ses objets propres.
Mais la critique de Schelling reste valable car si l’objet donné à la logique est le schème géométrique, celui-ci existant de manière inconditionnée, il n’en peut découler par la seule connexion logique des objets existants nécessairement dans l’expérience possible, mais seulement des objets possibles. L’inconditionnalité du schème empêche en effet de conclure à une nécessité empirique puisque, par cette inconditionnalité, il est indépendant de toute expérience concrète.
La démonstration euclidienne – qui ne porte pas sur tous les axiomes – n’est déjà plus de la géométrie fondamentale mais du logique sur du géométrique. Ce que Schopenhauer expose de la manière suivante : « Nous exigeons que toute démonstration logique se ramène à une démonstration intuitive ; les mathématiques, au contraire, se donnent une peine infinie pour détruire l’évidence intuitive, qui leur est propre, et qui d’ailleurs est plus à leur portée, pour lui substituer une évidence logique. C’est absolument, à nos yeux, comme si quelqu’un se coupait les deux jambes pour marcher avec des béquilles. » (Le monde comme volonté et comme représentation, Livre I, 15.)
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Quand Heidegger bougonne contre la logique, il pense à ces travaux universitaires de logique formelle aussi éloignés de la philosophie que les mathématiques pures ; il pense que s’il n’émettait pas de réserves contre la logique, il lui faudrait concéder qu’il ne possède pas ce bagage et que sa philosophie manque donc de la sophistication requise. Mais une telle concession est prévenue par la simple considération que ces travaux de logique formelle sont à la logique philosophique ce que la scolastique tardive est à la philosophie, à savoir une maladie dégénérative du squelette ; considération qui prévient en outre le malaise que doit inévitablement produire l’impression qu’un penseur cherche à s’affranchir du canon logique.
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Parmi les contraires, dans les Catégories d’Aristote, la paire de contraires qui sont dits ne pas appartenir nécessairement à un corps, à savoir que soit l’un soit l’autre des contraires appartient au corps (santé ou maladie), cette paire qui n’appartient pas nécessairement au corps possède un intermédiaire : quand ce n’est pas soit l’un soit l’autre, c’est ou l’un ou l’autre ou l’intermédiaire : blanc ou noir ou gris, bon ou mauvais ou « ni bon ni mauvais ». La conception postérieure, chrétienne, voit quant à elle la paire bon-mauvais comme nécessaire et sans état intermédiaire, au plan moral, et ce plan est bien considéré de son côté par Aristote comme non nécessaire selon le principe puisqu’il ajoute, après « ni bon ni mauvais » : « ni juste ni injuste ». – Une vie qui doit être jugée est forcément ou bonne ou mauvaise, ou juste ou injuste ; il n’y a pas de vie « ni bonne ni mauvaise ». Qu’on examine cette question : si l’on peut dire qu’une vie n’est ni bonne ni mauvaise au plan moral sans que cela signifie que toute vie n’est ni bonne ni mauvaise au plan moral.
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« Tout non-juste est non homme revient à dire qu’aucun juste n’est non homme. » (Aristote, Sur l’interprétation, ch. 10)
Non, « tout non-juste » ne dit rien du juste, qui peut donc être homme ou non-homme.
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« [C]’est faux de dire un homme mort est un homme ». (Sur l’interprétation, ch. 11)
Un homme n’est pas défini par la vie mais en tant que taxon dans un classement d’espèces et de genres, donc un homme mort est toujours un homme dans la mesure où ce n’est toujours pas un cheval ou un chien. Simplement, ce n’est plus un homme vivant puisque, par définition, il est mort. La contradiction formelle « un homme x ou y ou z n’est pas un homme » saute aux yeux. – La commentatrice explique ce passage de la manière suivante : « Homme inclut animal comme terme de sa définition essentielle. Animal (zôon) veut dire vivant au sens propre, d’où la contradiction. » Cela ne change rien : un homme partage certes un caractère commun qui est la vie avec les animaux mais il est homme en ce qu’il n’est pas un cheval ou un chien. (Il peut d’ailleurs arriver qu’un mort soit plus homme qu’un vivant, comme dans le culte des morts ou encore dans les législations où frapper un mort peut être plus grave que frapper un vivant.)
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Si les lois servent à « réglementer et protéger la propriété » (la citation et celle qui suit expriment deux pensées de Locke dans son traité du gouvernement), alors le devoir de « défendre l’État contre les attaques venues de l’étranger » ne s’explique pas vraiment si l’étranger protège aussi la propriété : le propriétaire n’a pas de préférence a priori entre deux États défendant également la propriété. Il manque à la théorie libérale de l’État l’élément explicatif de l’État « nation », qu’elle se borne à postuler.
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Littérature contemporaine : prendre les personnes qu’on voit aux informations et imaginer leur vie sexuelle.
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Les journalistes sont des speakerines.
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Le capital a le droit d’adresser des messages sexuels dans ses publicités mais l’individu qui voudrait l’imiter est condamné pour harcèlement sexuel. La publicité sexuelle est du harcèlement sexuel mais les capitalistes sont au-dessus des lois.
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Jean-Jacques : Le bien que font les riches par leurs dons ne peut compenser le mal qu’ils font pour accumuler leur richesse.
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Aujourd’hui, Oscar Wilde ne serait pas condamné pour homosexualité mais pour misogynie. Quel progrès. (Il ne serait pas condamné pour ses mœurs mais pour ses écrits.)
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D’un certain point de vue, dire à quelqu’un qu’il mérite de mourir, c’est lui faire un compliment. Si la mort est un long sommeil, y a-t-il un bienfait plus grand que la mort ?
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Les présocratiques sont-ils tous des sophistes ? Socrate est le « père de la philosophie », donc…
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Pour comprendre la place respective de la science et de la philosophie, une image : Kant décrivit correctement l’origine des galaxies avec une précision suffisante encore aujourd’hui – modèle dit de Kant-Laplace – quasiment en sortant du collège (dans une œuvre de jeunesse, même s’il avait presque trente ans), et publia la Critique de la raison pure à cinquante ans passés (c’est une œuvre de la maturité).
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EN
Physics is a limited field with no grasp on ultimate questions. The Big Bang is no answer to an ultimate question, only a working hypothesis inside the limited field of physics; it makes no sense, outside this limited field, to talk of an absolute beginning of the totality of things, that is, of “the world,” by physical ways. The expansion we observe may have been started by an initial explosion but that still would not be an absolute start of the cosmos as in the very terms of empirical science we cannot think of something entirely new in nature (“nothing is lost, nothing is created, everything is transformed”†), so we are touching here an intrinsic contradiction of science. On the one hand science is limited to natural phenomena and its axiom is “nothing is lost etc,” on the other hand it claims to be able to deal also with the totality of natural phenomena, of which totality we have no experience whatsoever, and when it talks of a Big Bang, this might be a valid explanation for a natural phenomenon such as the formation of a local region of the totality but can never claim to satisfy the mind as far as the totality of things are concerned because it violates the very postulates it is based upon whenever it claims to deal with the totality of things rather than with particular things, their totality being no object of our experience (the world remains a guiding idea). Physics cannot prove or disprove metaphysics. The only claim scientism can make in this regard is that there is no metaphysics to start with – and this remains an unsubstantiated claim.
As far as quantum physics is concerned, the so-called “Copenhagen consensus,” according to which uncertainty or indetermination (from Heisenberg’s principle of uncertainty or indetermination) is in the nature itself rather than in the scientific apprehension of it, smacks of pure ideology: physicists claim nature is indeterminate in order to salvage science as a relevant instrument of knowledge. In other words, “it’s not science’s fault but nature’s”…
† The axiom comes from chemistry (Lavoisier) rather than physics; for some reason we talk of astrophysics rather than astrochemistry, which it is for the most part at this stage.
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Given a constitution, statutes are not needed. All the law derives from the constitution as a matter of inference and judgement (Urteilskraft).
Statutory law is an instrument of the administrative state, it only serves to shift cursors on existing scales, a merely budgetary activity. Yet the political cartel uses it as sham debate, deceptive communication.
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A man who has never felt sorry for the end of slavery or aristocracy cannot achieve anything of value. An ambitious man by necessity must feel the great things he could do with slaves or as a privileged aristocrat.
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The right to bear arms is a human right.
Philo 30 : L’humanisme fait partie du problème anthropique
FR-EN
« C’est bien connu : on ne peut prouver l’inexistence d’une inexistence. On ne peut pas prouver que le monstre du Loch Ness n’existe pas, que le Père Noël n’existe pas, que Dieu n’existe pas, que l’âme (comme éternité singulière) n’existe pas… » (F.T.)
Cela rappelle la pensée de Renan : on ne peut prouver que les anges n’existent pas, simplement « notre époque » n’a pas ce genre de préoccupations. L’argument par l’ici et maintenant, sur fond de positivisme comtien, les trois âges, etc. Mais en fait Renan, dans cette pensée que nous rappelons, se borne à poser que l’on ne peut prouver l’inexistence de quelque chose d’immatériel. Or cela même est faux. Quand une chose est impossible, la preuve de son inexistence est faite. Il s’agirait donc de démontrer, pour véritablement apaiser la peur de la mort, que la vie après la mort est impossible. Cette démonstration est peut-être impossible mais ce n’est pas parce que « l’on ne peut prouver l’inexistence d’une inexistence ».
S’agissant de l’inexistence de choses matérielles, elle se prouve exactement de la même manière que l’existence de ces mêmes choses, à savoir par un analogue de certitude dans la synthèse empirique continue. Une chose matérielle existe selon les qualités qui lui sont connues mais nous ne connaissons pas le tout de ces qualités car elles sont infinies, et la précision de cette connaissance étant toujours imparfaite une chose est cette chose dans la limite de certaines observations et mesures et autre chose dans des limites plus (ou moins) resserrées et précises. (D’où il ressort que seules les idées peuvent exister au sens propre, c’est-à-dire selon une définition.) Pour le monstre du Loch Ness, qui relève bien des choses matérielles, à supposer que les tentatives de vérifier son existence puissent être considérées comme suffisantes, son inexistence est suffisamment démontrée, dans le même genre d’analogue de certitude. Ce qui est « bien connu » est donc sujet à caution. Ainsi, pour la physique relativiste, l’inexistence de l’éther passe pour démontrée.
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« L’impudent dédaigne l’opinion », selon Aristote. Combien de fois, pour de moi se faire bien voir, n’a-t-on pas disserté sur les bienfaits du mépris de l’opinion parce qu’on était médiocre et attaché à l’opinion et que j’en étais libre ! Combien de fois ne m’a-t-on par cette perfidie et cette inconscience rendu encore plus impudent que je n’étais ! On ne devrait jamais écouter les médiocres.
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Aristote dit avec un tel aplomb des choses d’un tel cynisme naïf ! Par exemple, l’amitié est bonne car un juge acquitte ses amis. Des « vices magnifiques », les vertus des Anciens ? Est-ce tellement magnifique ?
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Les poètes chassés de la république, ce n’est pas seulement dans l’imagination de Platon : à Sparte aussi (cf. Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, première partie).
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En défendant Caton, Jean-Jacques Rousseau traite César de scélérat : il tombe dans le « travers » dénoncé par Hegel, philosophe.
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Quand je sais qu’un auteur a mené la vie d’un père de famille, cela me rend sa pensée dans l’ensemble futile ; je ne peux plus avoir qu’une adhésion de détail.
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L’inconditionnalité du seulement régulateur : Unbedingtheit des bloß Regulativ. Trois idées, dont le matérialisme ne peut comprendre qu’elles soient classées dans une même catégorie, à savoir le monde avec l’âme et Dieu.
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La forme de la subjectivité est la norme, le contenu l’accident. C’est dire que la norme est nécessaire, inconditionnée, car elle se distingue de l’accident.
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L’humanisme fait partie du problème anthropique.
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Selon l’expression rappelée par Carl Schmitt, les colonies, au temps du colonialisme, étaient « staatsrechtlich Ausland, völkerrechtlich Inland » (l’étranger au point de vue du droit constitutionnel, le national au point de vue du droit international), c’est-à-dire que leurs habitants étaient comme les esclaves d’Athènes, comme les indigents de la démocratie américaine au temps de Tocqueville, comme les sans-papiers aujourd’hui, à savoir dans le corps social démocratique mais hors de la démocratie légale. (Sur les indigents et le droit des sans-papiers, voyez Philosophie 3, dans la discussion sur Tocqueville). Dans ce schéma, la démocratie est toujours forcément « censitaire », elle fonctionne selon un cens, une ligne de démarcation discriminante, le cens étant ce qui crée l’homogénéité de la volonté générale démocratique.
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La logique partisane s’oppose à la forme de discussion contenue en principe dans le parlementarisme, qui est la recherche non pas d’un compromis mais de la vérité, où chacun veut convaincre d’une vérité et d’un bien-fondé (« einer Wahrheit und Richtigkeit »), ce qui suppose d’accepter de se laisser convaincre.
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L’application par Spinoza d’une méthode géométrique – en fait de la méthode démonstrative d’Euclide – aux questions dernières est un contresens compte tenu de l’intuitivité de la géométrie (Kant). L’erreur, dans l’idée, doit être retracée jusqu’à Descartes, dont la « méthode » donnait des résultats à la fois en géométrie et en métaphysique – sans que Descartes ait pour autant appliqué la méthode géométrique aux questions métaphysiques, mais « la méthode ».
Le reproche de Schelling à Spinoza est que ce dernier confond logique et existant, mon reproche est qu’il confond géométrie et logique (comme toute la philosophie analytique anglo-saxonne).
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S’il y a bien une chose qui ne s’explique pas en économie, c’est que des gens soient payés à faire ce qu’ils aiment. C’est encore plus choquant que des gens payés à ne rien faire.
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Le jour où l’on jugera les crimes de guerre des vainqueurs en même temps que ceux des vaincus, on pourra commencer à prendre les prétentions de cette justice au sérieux.
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Ce n’est pas en cirant une paire de chaussures différente tous les cinq ans qu’on est plus libre qu’en cirant la même paire pendant vingt ans.
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S’il est démontré que la liberté d’expression est incompatible avec la paix civile dans un État multiculturel, la conclusion en est nécessairement qu’un État multiculturel est la pire forme politique concevable.
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Il est certain qu’il se produit sous nos yeux un « grand remplacement » : de tous temps les organismes dégénérés ont été remplacés par les organismes sains.
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Que l’on prépare à l’enfant qui va naître du rapport sexuel des années de souffrance dans cette vie – argument de Philipp Mainländer contre la natalité – n’est pas un bien grand crime comparé au fait de lui préparer une éternité de damnation – l’argument de Kierkegaard. Mais il existe aussi, du point de vue chrétien, la possibilité que le nouveau-né connaisse une éternité de félicité. Quel est donc vraiment des deux points de vue le plus dissuasif ?
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L’unité nomothétique de la nature ne peut être rompue par aucun acte libre, aucune liberté ne crée de nouvelle chaîne causale dans le monde. Si la liberté existe, elle n’a d’effet qu’en dehors de la nature, dans la chose en soi, à savoir dans la chose en soi que je suis et continuerai d’être après la fin des fonctions naturelles. La liberté n’a de sens philosophique qu’en vue d’un au-delà de la nature, qu’en vue de l’au-delà.
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Pourquoi tous ces détours historiques et historicistes du matérialisme pour rendre les hommes heureux alors que chacun peut l’être, selon le matérialisme, en mettant fin à ses jours ? Parce que l’absence de toute souffrance dans la mort est autre chose que le bonheur ? C’est Socrate qui définit le plaisir des sens comme simple absence de souffrance, comme négatif, car il lui oppose le bonheur positif de la vertu. La vertu se trouve liée au concept du corps comme prison de l’âme et n’est pas ainsi connue de nos matérialistes. Leur bonheur dans l’histoire ou à la fin de l’histoire n’est du point de vue socratique guère différent de la mort.
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L’histoire en tant que produit de l’esclave, celui qui a craint pour sa vie dans la lutte à mort de pur prestige, ne peut jamais être un progrès. Même en acceptant de parler d’histoire, on ne peut parler de progrès. La valeur est dans le mépris de la mort ; le monopole de la peur de la mort, l’histoire comme peur de la mort, est dénué de valeur. – L’histoire est soit le produit de la seule peur de la mort soit, au mieux, un compromis avec la peur de la mort, un compromis de toute façon fatal à la valeur, donc à l’éthique. Le principe même à la base de l’histoire fait que l’histoire ne peut être un progrès, car elle est au contraire une déchéance.
Le maître ne peut jamais rechercher la reconnaissance de l’esclave car ce serait dévaloriser la valeur. Comment le maître pourrait-il chercher un égal dans l’esclave dont le statut indique la non-valeur ? La rationalité que cherche Hegel dans l’émancipation historique des esclaves est un fantôme. L’émancipation des esclaves est le triomphe de la bassesse et n’implique aucune raison supérieure car la valeur de la raison est le mépris de la mort.
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Une religion est une philosophie faite vivante.
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La police religieuse est la seule police tolérable.
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Jean-Jacques Rousseau répète dans ses écrits autobiographiques qu’il aime la vertu, peut-être plus qu’aucun homme, mais qu’il est faible. Au fond, il fait partie des « humoristes » au sens de Mainländer : quelqu’un qui voit le tragique de la vie mais ne peut s’en détacher complètement. Son homme bon par nature, son contrat social, c’est de l’humour.
„Der Humorist kann sich nicht auf dem klaren Gipfel, wo der Weise steht, dauernd erhalten. … Der gewöhnliche Mensch ist ganz im Leben auf; er zerbricht sich nicht den Kopf über die Welt, er fragt sich weder: woher komme ich? noch: wohin gehe ich? Seine irdischen Ziele hat er immer fest im Auge. Der Weise, auf der anderen Seite, lebt in einer engen Sphäre, die er selbst um sich gezogen hat, und ist sich – auf welchem Wege ist ganz gleichgültig – klar über sich und die Welt geworden. Jeder von Beiden ruht fest auf sich selbst. Nicht so der Humorist.“ (Die Philosophie der Erlösung: Ästhetik, 14.)
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Que l’on puisse prétendre avec quelque conviction que les enfantillages de la science empirique doivent naturellement occuper la place de la religion en éteignant naturellement la qualité métaphysique de l’intellect humain à l’origine, est confondant. La science empirique confère un pouvoir matériel qui ne peut sustenter la disposition de l’intellect, qu’elle dénature au contraire chez ceux qui la pratiquent à titre de profession par une absorption absurde dans la synthèse inductive continue. Que cette activité soit évidemment plus qu’encouragée par l’État, en tant que centre du pouvoir, est la simple confirmation des mécanismes aliénants de l’étatisme.
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EN
The necessary inexistence of free will in empirical science
“The concept of free will: Between empirical evidence and theoretical frameworks.” Does it mean there is empirical evidence of free will or that free will must be “somewhere between” empirical evidence and theories because we don’t have empirical evidence at hand? The notion of an empirical evidence of free will or freedom is, to begin with, paradoxical, or more precisely, as the paradox is rather a doxa, contradictory. Yes, assuming freedom, what is this freedom if not an exception to natural laws? What is freedom if not freedom from the laws of nature? For the empirical point of view, there is no such thing as freedom from natural laws; in nature everything occurs from causes, nature is a nexus of causes and effects, a nexus of causality.
So what is that freedom empiricists are talking about? What is freedom in a causality nexus? It means something very trite, namely, that, through their intellect, humans, contrary to other animals, apply to external motives a “rational” treatment that allows them to plan decisions, that is, they can act, postpone, or ignore. In fact, many animals just do the same: stimuli are not always overall, immediate triggers. The view of a prey, as a trigger to the famished predator, will not elicit an immediate response but a scheme, an analysis of the situation which may lead the predator to postpone an immediate attack in expectation of better conditions for attacking. The predator animal and all other animals able to respond to stimuli in such analytical ways are, seen from the empirical concept of freedom, as free as you and I. When experts in empirical sciences talk of, say, a psychotherapy patient’s freedom, then it must be stressed that this is a freedom the patient shares with scores of animals.
The predator is free to plan his hunt to soothe his hunger, but it is not free to soothe its hunger without eating preys. Human patients are free in the choice of their means but unfree in the choice of their goals; they want what they cannot help to want and if, finding what they want unreachable, they relinquish it, they cannot help it either. Neurological study of decision-making processes have no bearing on the issue, in this light.
Usually the problem is (told off) as solved with the rather lame explanation that humans cannot have “full free will,” as they are part of nature, but that, on the other hand, there can be “increases in levels of freedom.” What for, exactly? What for an increase in something that cannot be full, that is, something that might not at all be what we say it is as we can never find it in full in our experience? What if it were an either-or problem instead? Either man is free or not. If he is free, then it is because he is “free from nature,” obviously, but that is something out of the question for empiricists. How could man be free from nature? An immortal soul is certainly free from nature, even though it is encapsulated in a natural body. The body is bound to nature but the soul, per se, is free from it; that is, as long as it is in the body, it is not free because the body is bound to nature and the soul is bound to the body, but as a soul it is free from nature. Nature is not the whole of man. In this way man is free from nature. But it does not make sense to say that man is not “fully free,” it does not because his soul is the whole of man. To say that man is not fully free inasmuch as he has a body submitted to natural laws is the negation of the soul. Man is fully free in essentia. His natural bonds are mere phenomena of this world, where empirical evidence of man’s freedom can never be found.
The sophistry, in talking of “levels of freedom,” is that it claims to list freedom among empirical qualities, like smartness or beauty, which may (or may not) be measured on numbered scales. Besides, it takes advantage of the polysemy of the word, confusing freedom as philosophical object with freedom in the other uses of the word, namely its sociopolitical usages (one is free or in slavery or in custody etc.). Yet we all perceive that freedom is not such empirical quality, and the reason is that, by definition, freedom means freedom from empirical, natural laws, so if it exists it is because there is something beyond nature. What surveys evidencing “levels of freedom” are talking about is an empirical quality that has nothing to do with freedom, that is, “room” or “latitude” in relation to others or to external conditions.
The second sophistry is the claim that the topic of freedom is entirely encompassed by the boundaries of empirical room or latitude. On this we said two things that must be further discussed as it might look like a formal contradiction to some: 1/ “Nature is not the whole of man,” and 2/ “His soul is the whole of man.” If nature is part of man, how then can his soul be the whole of man? Before I answer, let me stress again (what is already implied in the reasoning) that the religious use of a phrase such as “man is not fully free,” even though in a religious worldview man is a soul (freedom) in a body (natural bondage), is not legitimate, and therefore religion must not and cannot adopt it. Man’s body is not man because the soul is immortal. Is man his foot? Is man his hand? Is man his brain? Is man his body? In a religion that believes in the immortality of the soul, to all these questions the answer is no; man’s body, and that includes the brain, is nothing more to the soul than the hair one leaves at the barber shop. These hairs are part of me, therefore I may say, somehow, that hair is not the whole of man, but still, even allowing for the correctness of the latter, that these hairs are not the whole of man, his soul is the whole of man. There is no contradiction. Hair is a part of man and yet my soul is the whole of me.
As to “levels of freedom,” even in the empirical field alluded to, namely the sociopolitical field, this notion of is not prominent at all. A citizen is free or is a convict. A constitution is that of a free country or not. Even there, freedom is a binary and not a scalar notion, although there are also things like the international Freedom Index that ranks countries according to levels of institutional freedom. In another empirical field, which relates to medical occupation, and psychotherapy, the judicial field, a man is free at the moment of an act or is not, that is, he had the discernment that could have allowed him to eschew committing the crime, and then he can be convicted criminally, or, based on medical expertise, he lacks discernment and then is sent to a psychiatric hospital. We have no difficulty with these usages of the word as useful fictions. It is an either-or problem, even allowing for “partially” abolished discernment, which probably only serves to add medical treatment to a full judicial conviction. However, even if that man had his full discernment while committing a crime, the impression of sufficient motives on his character produced the act as deterministically as anything in the mechanical world, that is, he was free to avoid committing the act at that moment–had he been another man.
It is possible to talk of “levels of freedom” when there is a “normal” empirical condition serving as reference, for instance the full “freedom of movement” as compared to virtual reality with a helmet–that is, there are degrees of closeness to full freedom of movement. That this technical concept may be used in a theological or philosophical discussion about man’s free will is to be denied. The same goes with another technical use of the word, namely in comparing altered states of mind with “freedom” of an unaltered, normal state in the medico-legal field. From the legal point of view in this medico-legal field, we believe, to begin with, that to accommodate levels of freedom remains problematic. Does it make legal sense to claim that, because someone took some drug, he or she is 30% responsible for the crime he committed under the influence of the drug? What would the court do with that? Is the person responsible or not, is the question, a yes/no, binary question. To be sure, the science is pushing for accommodation of such results, in the form of partially abolished or altered discernment. Still, can there be a logical translation formula from a quantified result of responsibility based on a measure of mind alteration to a quantum of criminal pain? Only if we throw the very notion of responsibility as empirical overboard, as it would shift to the realm of Ideas, pure responsibility existing not, having only more or less altered forms of pure responsibility in this world. Should intoxication be an excuse? Obviously, the mind is altered by intoxication, but on the other hand the person was responsible for intoxicating himself. Across legislations we find all kinds of answers, from excuse to aggravation as when what could otherwise be considered an accident will be considered a reckless crime because of intoxication. And what with a man who doesn’t take his medication out of disregard? He was told to take medicine and did not, then committed a crime under the altered state of mind provoked by his not taking the medicine. The measure of his mind alteration is probably immaterial in such circumstance. So, in the same way that, with measures of levels of freedom, still one can always say one is absolutely not free, one can also say one is absolutely free. It simply has no bearing on the question of free will.