Tagged: parquet

Droit 25 : Discriminations institutionnalisées au pays des droits de l’homme

Au temps du colonialisme, la France était déjà le pays des droits de l’homme.

En avril 2021, je participai à une consultation citoyenne en ligne lancée par le ministère de l’égalité entre les hommes et les femmes, la diversité et l’égalité (bis) des chances, consultation qui devait être une sorte d’étape préliminaire avant une nouvelle, énième grande loi contre les discriminations, et surtout pour l’égalité. Cette loi n’a finalement pas vu le jour sous la précédente législature et ne le verra peut-être pas sous la présente, du moins telle que l’envisageait le gouvernement de l’époque, si les élections législatives ce mois-ci ne donnent la majorité au Président qui vient d’être réélu.

Ce qui me frappa dans cette consultation, c’est qu’elle traitait beaucoup des discriminations privées et presque pas de la discrimination d’État, si ce n’est pour mettre en cause le bas de l’échelle, c’est-à-dire les agents de police. Ce parti-pris de laisser dans l’angle mort les questions les plus importantes des discriminations de l’État français était décevant et je ne m’impliquai dès lors que minimalement dans la consultation.

Je laissai donc de côté un grand nombre de sujets. J’aurais pu parler du turban sikh, que ce blog a déjà évoqué en lien avec la législation française discriminatoire. Un mot ici. La photo ci-dessous montre un étudiant sikh anglais brandissant une pancarte où l’on peut lire que « la loi française viole les droits de l’homme » (French law violates human rights). Les étudiants sikhs protestaient (c’était en 2017) contre la loi qui interdit aux Sikhs en France de porter leur turban rituel, ou dastar, dans les établissements d’enseignement. Un étudiant du King’s College London (KCL), M. Singh Pandhal, devait passer un an en France comme assistant d’enseignement, avant que notre pays lui notifie que sa présence n’était pas désirée car son turban était trop choquant.

Le KCL se fendit d’une position officielle et M. Ranjit Singh, du Conseil représentatif des Sikhs de France, a résumé la question par des paroles ne manquant ni de pertinence ni de sel : « Sikhs once proudly wore their daastars, refusing helmets, to fight for the freedom of France in both World War One and World War Two. It is disappointing it is now seen as a barrier in working for the state, whereas once it symbolised protection of the state. » (Des Sikhs portaient fièrement leur turban, refusant des casques, quand ils combattaient pour la liberté de la France, lors la Première et de la Seconde Guerres mondiales. Il est décevant que ce soit à présent perçu comme un obstacle au fait de travailler pour l’État [français], alors que le turban symbolisait alors la protection de cet État.)

Ces éléments ainsi que la photo sont tirés de cet article, en langue anglaise, sur le site internet de la Sikh Press Association.

J’aurais pu parler également de l’interdiction du burkini dans les piscines, qui vient de retrouver les feux de la rampe après une autorisation controversée à Grenoble, immédiatement et spectaculairement annulée par le tribunal administratif. Ce dernier a considéré que l’autorisation d’un maillot de bain « non près du corps » représentait « une atteinte grave à la neutralité du service public » et c’est fabuleux. La neutralité du service public, apprenons-nous ainsi, n’est pas une obligation s’imposant à l’administration d’accommoder les choix de citoyens libres mais la contrainte pour les usagers de porter un uniforme décidé par l’administration.

Ce n’est plus un maillot de bain mais un uniforme de bain. Le tribunal n’a pas manqué de relever la dimension religieuse du burkini, comme si une pudeur exacerbée ne pouvait exister en dehors de la religion, ou de cette religion, et cela lui suffit pour écarter une mesure au grand dam de ceux qui comme moi souffrent de ne pouvoir porter des maillots « non près du corps » pour cacher des bourrelets disgracieux. Que cette administration et ce tribunal (lui-même l’administration, même si ce n’est pas, selon la fiction juridique, l’administration dite « active ») soient aveuglés par la haine de la religion, ce qui est la définition la plus exacte de la laïcité à la française, ne fait aucun doute dans mon esprit, mais j’admets qu’ils puissent, autrement, être vendus aux intérêts particuliers de Weight Watchers et des chirurgiens plastiques (une appellation fort pertinente : Life in plastic…). J’espère que la municipalité a fait appel.

J’aurais pu parler de cela dans cette consultation citoyenne et de bien d’autres choses encore mais j’expédiai l’affaire en quelques rapides interventions. Je souhaite néanmoins porter mes contributions à la connaissance des lecteurs de ce blog. Elles sont divisées en deux parties. La première porte sur les propositions que je formulai, la seconde sont des réactions à des propositions du gouvernement en vue de sa nouvelle, énième loi ou à des mesures déjà prises.

I/ Propositions

1/ Publication de statistiques ethniques

Les États-Unis publient des statistiques ethniques : comment vérifier que la prétendue politique antidiscriminatoire de l’État français n’est pas au contraire tout ce qu’il y a de plus discriminatoire puisqu’il ne publie aucunes statistiques ethniques, par exemple des statistiques judiciaires ?

2/ Restaurer la liberté d’expression

Le droit américain protège la liberté d’expression : le pouvoir judiciaire américain a déclaré anticonstitutionnels tous les textes que le législateur a voulu faire passer pour criminaliser le hate speech (il n’y a pas de hate speech laws aux États-Unis). Ce pays lutte contre les discriminations mais protège en même temps la liberté d’expression des citoyens américains. Il n’est donc pas acceptable que la classe politique française se serve de lois de contenus haineux comme d’une arme contre la liberté d’expression dans le but de maintenir un état du droit extrêmement répressif en la matière (notamment les outrages aux personnes détentrices de l’autorité). La lutte contre les discriminations est un sujet entièrement distinct.

3/ Supprimer le parquet

Cette institution, dans son organisation et son fonctionnement une exception française, est le comble de l’infamie. Conçu (c’est entièrement assumé par la classe politique française) comme devant permettre au gouvernement de « conduire une politique pénale », comme si les pouvoirs du gouvernement en la matière n’étaient pas au contraire cantonnés par essence à l’initiative législative et au pouvoir réglementaire général, cette intrusion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire est d’autant plus intolérable que le parquet français dispose d’un pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites, de sorte que, quelles que soient les lois antidiscriminatoires du pays, le gouvernement peut les appliquer de manière discriminatoire par le biais du parquet en décidant des poursuites pénales de manière discriminatoire. (C’est pourquoi je demande également la publication de statistiques judiciaires ethniques.)

4/ Quel est le problème avec les réunions racisées ? Je ne comprends pas.

Je ne comprends pas le tollé que la classe politique et les médias font autour des réunions racisées organisées par le syndicat UNEF (qu’on propose à présent de dissoudre alors que c’est un syndicat historique : est-ce parce que Maryam Pougetoux porte un voile ?) La lutte contre les discriminations signifie-t-elle dire que toute réunion doit se tenir en présence de Blancs ? En obligeant (c’est le sens du tollé contre l’UNEF) qu’il y ait des Blancs à chaque réunion de chaque organe ou association, la classe politique entend-elle refaire l’administration coloniale ?

Et si c’est parce que l’UNEF perçoit des financements publics, pourquoi la liste de médecins racisés, qui concerne une profession libérale, a-t-elle également fait un tollé peu de temps auparavant ? Les gens n’ont pas le droit de vouloir un médecin racisé ?

Les réunions racisées sont des réunions racistes. Pour s’en convaincre, il suffit de remplacer le mot « noir » par « blanc ». (Morane)

En réponse à Morane : les USA sont donc un pays raciste de par la loi. Lisez l’arrêt de la Cour suprême américaine Moose Lodge No. 107 v. Irvis (1972) : « Discriminatory action by the State is prohibited by the Equal Protection Clause of U.S. Const. amend. XIV, while private conduct, however discriminatory, is not. » (Une action discriminatoire de l’État est prohibée par la clause d’égale protection du 14e Amendement à la Constitution des États-Unis, mais une conduite privée, même discriminatoire, ne l’est pas.) En réalité, le point de vue de Morane, des médias et de la classe politique contre l’UNEF revient à prétendre imposer un échantillonnage ethnique représentatif partout, ce qui est parfaitement absurde et de mauvais goût.

5/ Pactes de quota litis (procédure judiciaire sans frais pour le justiciable)

La bureaucratie n’a que des idées bureaucratiques : « sensibiliser », « former »… Ces mots reviennent tout le temps dans les propositions du gouvernement sur cette plateforme. Vous croyez vraiment que les gens ne sont pas déjà suffisamment « sensibilisés » et « formés » sur ces questions alors qu’on ne parle déjà presque plus d’autre chose dans le débat public ?

En cas de discrimination, il faut que le justiciable fasse valoir ses droits. Pour cela, il convient de permettre le pactum de quota litis, les contingent fees (USA) : le justiciable ne paie rien à l’avocat, le contrat entre les deux prévoit que l’avocat n’est payé qu’en cas de succès de la procédure, auquel cas il perçoit un pourcentage décidé contractuellement à l’avance sur les dommages-intérêts versés à la victime de discrimination.

De cette manière, les cabinets d’avocats proposeront spontanément leurs services aux victimes de discrimination, lesquelles aujourd’hui hésitent souvent à saisir la justice en raison des frais et des autres obstacles d’une justice bureaucratisée. L’aide juridictionnelle est loin d’être la panacée : d’une part, c’est trop bureaucratique et, d’autre part, les montants sont forcément restreints et les avocats commis pas du tout motivés. Avec le pacte de quota litis, l’avocat est proactif : c’est le professionnel qui prend tout en charge et il ne lâchera rien car sa rémunération en dépend. C’est un moyen à la fois de faciliter l’accès à la justice et de faire payer les entreprises et les administrations discriminatoires. Des énarques peuvent-ils l’entendre ?

6/ Dessaisir le juge administratif

Vous me faites bien rire avec votre Défenseur des droits : il n’a aucun pouvoir ! On en est encore à « Je saisis le Défenseur des droits » ?! Ce qu’on voudrait trouver, c’est un vade-mecum pour « Je saisis le juge » : les victimes de discrimination de la part d’entreprises ou de l’administration doivent obtenir la réparation du préjudice, des dommages-intérêts sonnants et trébuchants.

C’est pourquoi il s’agit aussi de dessaisir le juge administratif en cas de contentieux avec l’administration pour discrimination vis-à-vis soit d’agents ou candidats soit d’administrés. Il faut considérer que toute affaire de discrimination dessaisit le juge administratif et rend compétent le juge judiciaire : théorie de la voie de fait administrative. Le juge judiciaire prononcera des dommages-intérêts à la hauteur de l’enjeu et je vous garantis le résultat.

7/ Abroger la loi Séparatisme

Revenons sur la séquence. Le gouvernement annonce une loi pour lutter contre le « séparatisme islamiste ». Quand les journalistes demandent aux représentants du gouvernement si le terme « islamiste » sera dans la loi, la réponse est : « Non, car cela pourrait rendre le texte discriminatoire » et donc inconstitutionnel et contraire aux engagements européens et internationaux de la France. Mais, est-il ajouté, « on parle bien du séparatisme islamiste, pas des Corses ». Ah bon ? Ainsi, le gouvernement nous dit en substance : « Nous écrivons une loi contre le séparatisme en général pour que ce ne soit pas discriminatoire (envers un groupe, une religion, etc.) mais, rassurez-vous, nous allons l’appliquer de manière totalement discriminatoire » !

Cela pose le grave problème de l’arbitraire administratif. Les lois sont appliquées de manière arbitraire et discriminatoire. C’est comme quand le ministre de l’intérieur annonce qu’il va faire prononcer des amendes contre les consommateurs de cannabis. On a envie de lui dire : « Merci de nous annoncer que l’administration va appliquer la loi. Pourquoi n’était-elle pas appliquée jusqu’à présent ? » La réponse est que le parquet, soumis hiérarchiquement au gouvernement, apprécie l’opportunité des poursuites pénales, et que, si un gouvernement ne veut pas appliquer une loi, cette loi n’existe pas, bien qu’elle soit écrite dans nos codes, et si le gouvernement ne veut l’appliquer qu’à certaines personnes, donc de manière discriminatoire, rien non plus ne l’en empêche.

II/ Argumentation sur des propositions du gouvernement
ou des mesures déjà mises en œuvre

Les sections numérotées commencent par une présentation entre guillemets de la mesure ou proposition telle qu’elle apparaissait sur le site de la consultation citoyenne.

1/ « Prévenir et réagir face aux situations de discriminations. Généraliser et évaluer la possibilité de signalement des situations de discriminations sur les applications mobiles via un bouton de signalement dédié. Ces fonctionnalités consistent en l’anonymisation des numéros de téléphone, le partage du trajet avec ses proches, le bouton d’urgence de signalement, le code PIN de déverrouillage, etc. »

Cette plateforme est dans la confusion mentale, à tout le moins conceptuelle. Je ne sais même pas de quoi il est question ici : d’actes racistes dans les transports ? Ça n’a rien à voir avec de la discrimination ! La discrimination dans les transports, c’est quand l’État, la société de transports ou son personnel crée ou maintient des inégalités entre les gens en fonction de leur appartenance ou non-appartenance à un groupe. Le passager d’un moyen de transport qui commet des actes racistes ne commet pas de discrimination.

2/ « Généralisation de l’arrêt à la demande dans les transports en commun. Mise en place de la ‘descente à la demande’ constituant une réponse pour les usagères et usagers des lignes de bus éprouvant un sentiment d’insécurité en soirée et la nuit sur la voie publique. Ce dispositif consiste à leur offrir la possibilité de descendre entre deux arrêts de bus afin de les rapprocher de leur destination. »

Hors sujet. Le sujet, c’est la discrimination de l’État, des sociétés de transports et de leur personnel vis-à-vis des usagers, pas le comportement des usagers entre eux. Tous les comportements racistes ne sont pas de la discrimination : il faut en outre une relation de pouvoir asymétrique (en particulier en raison de l’exercice de la puissance publique). Quand un État dit qu’il va lutter contre les discriminations et présente sutout des mesures de flicage de la population (je ne dis pas que c’est le cas de la mesure particulière ici proposée), il y a un problème et le problème pourrait être que cet État cherche à détourner l’attention de ses propres pratiques discriminatoires avec une plateforme de lutte contre les discriminations.

3/ « Mesurer la diversité dans les organisations publiques et les entreprises en créant un Index diversité. »

J’ai cru, en lisant le titre, que le gouvernement proposait de mettre fin au tabou des statistiques ethniques, interdites en France sauf exceptions « très encadrées ». Ce tabou est tellement ridicule : quel autre moyen d’évaluer le traitement des discriminations ethniques ? Mais le gouvernement écrit : « L’outil proposé permettra de mesurer également la diversité liée aux origines sans recourir aux statistiques ethniques mais à droit constant dans le respect des recommandations de la CNIL. » Je ne vois pas du tout comment on peut « mesurer la diversité liée aux origines » sans recourir à des statistiques ethniques ; ça n’a aucun sens et ne peut avoir aucun résultat si par « origines » on entend seulement la nationalité.

4/ « Dispositif existant : Formation initiale et continue des policiers et gendarmes aux discriminations. »

Vous payez des gens pour dire aux policiers : « Le racisme, la discrimination raciale, ce n’est pas bien » ? Et c’est quoi, le budget pour ce « dispositif existant », s’il vous plaît ? Allez lire ma proposition « Pactes de quota litis (procédure judiciaire sans frais pour le justiciable) » et vous saurez que ce qu’il faut, c’est faciliter l’accès à la justice. Quand les administrations auront payé quelques dommages-intérêts bien salés pour discrimination, elles sauront sensibiliser leurs agents, aucun doute à ce sujet, et cela évitera que les agents passent pour des esprits infantiles à qui il faut prétendument enseigner ce que tout le monde sait.

5/ « Dispositif existant : Les règles régissant la formation professionnelle des agents immobiliers et la délivrance de la carte professionnelle incluent désormais une obligation de formation à la lutte contre les discriminations. »

Leçon 1 Le racisme c’est pas bien. Leçon 2 Le racisme c’est mal. Leçon 3 Il ne faut pas être raciste. Leçon 4 Rappel de la leçon 1. Leçon 5 etc.

5/ « Développer les mises en situation professionnelle pour déceler les compétences de manière innovante. Lancer un plan de formation et de professionnalisation des responsables ressources humaines à des recrutements exempts de toute forme de discrimination. »

Trop vague. Comptez-vous parmi les méthodes innovantes les tests d’association implicite (implicit association tests, IAT), « une méthode permettant d’étudier les associations d’idées automatiques, souvent inconscientes. Elle est notamment utilisée pour mesurer les stéréotypes racistes ou sexistes d’un individu. Le test est également utilisé dans le marketing et la psychologie industrielle » (Wikipédia). Pourquoi ne pas soumettre tous les fonctionnaires à ces tests et radier ceux qui réalisent de mauvais scores ? Pourquoi ne pas y soumettre tous les juges ? Pourquoi ne pas y soumettre ceux qui déposent des plaintes pour racisme et ceux qu’ils dénoncent, pour voir comment les uns et les autres performent en termes de racisme objectif ? La lutte contre les discriminations, ce n’est pas se rengorger sur son bon cœur, sa vertu, ses bonnes intentions : vous avez là un instrument de mesure du racisme objectif, faites-en le critère de sélection numéro un dans tous les domaines et vous éliminerez le racisme.

Law 16: Where knowing the law is of no use

English (I) and French (II).

I

Critical race theory is correct: civil rights legislation is rubbish and the liberals’ record a piece of trash.

*

Where knowing the law is of no use

British man cleared after being arrested for “offensive” online video. A win for free expression.

A win for free expression? “The court cleared L. after learning he did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes.” The police picked up the man randomly among 400 “criminals” and there was a trial and that wasn’t the trial of the police but of the man and you call that a win for free expression? No, it would have been a win if the police had been tried and convicted for harassing a law-abiding citizen.

Why do I say the man was subjected to police harassment? Normally, when police bring a man before a criminal court for trial, if the court, differing from the police, pronounces acquittal, it is based on a difference as to facts. The police thought, according to the evidence at their disposal, that the man was guilty, but the court found out the story was another one. They differ on the facts of the case. But when the court acquits the accused based on the same facts upon which the police and the prosecutor acted to prosecute the accused, how do you call this?

Here the court learnt that L. “did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes,” but the police investigation, which obviously had reached the selfsame conclusion that L. “did not make the video, shared it as a joke, and the clip had been quote-tweeted 369 times, and retweeted 47 times, and had 107 likes” had sent L. before a court for these –and no other– facts! Clearly L. had NOT told the police he had made the video himself, in dead earnest, and was the only person to share it, because we will assume he is not suicidal–if he were he would have told the court the same story. Therefore, the police, having all the facts it needed to leave L. alone, ignored the law and subjected L. to a dire ordeal–out of sadism? one might ask.

With these perverted laws repressing speech, it is always the same and everybody knows it and no one dares speak their mind because a trial’s always possible, it all depends on the subjective appreciation –or even whims– of this or that officer or magistrate. This, I believe, is a strong motive why the U.S. Supreme Court wants none of such insanities, whereas in Britain they are still children living in the days of Blackstone who thought free speech is protected when there is no prior restraint.

In other words, they all agree on the facts of the case; yet, based on facts on which they all agree, one demands a conviction and the other acquits. This means no one can know what is permissible and what is not, as knowing the law is of no use. What is required of citizens is not so much knowing the law as being able to read people’s minds.

*

Feudalism and Liberty

Since when can anyone not to mention employers, punish anyone for stating their thoughts and opinions? My employer is not my “daddy” and I am not their property so whatever I say or do as long as it is not at work is none of their concern, ever. (Dr Z.)

I agree the situation Dr Z. describes much resembles feudalism. However, if we take the problem as one of freedom maximizing, we probably should leave employers some room to dismiss at will, which remains the default rule in most of the United States (De Geest, American Law: A Comparative Primer, 2020).

To begin with, the U.K. Equality Act, which excludes opinion as a just cause for dismissal (except “discrimination” –read: content that is not politically correct, and you can count on British courts to make the exception as broad –or rather as discriminatory– as they can, and “harassment”), is of 2010, that is, it is a recent creation. Before that, British employers could fire workers based on their opinions and that would be construed most of the time as fitting the employer’s discretion.

In the U.S. there is no federal Equality Act statute and, as I said, the at-will doctrine remains the default rule. How they blend this with fair employment clauses of the civil rights statutes is beyond my knowledge. Be that as it may, one’s opinion is not one of the protected classes covered by the civil rights acts, so if an employee displeases his boss because of his opinions and the boss fires him, probably there is not much the employee can do about it.

An employer might argue his collaborator is undermining his business (which has a public relations dimension) by making his opinions known and sometimes that could well be the case, so I cannot agree 100% with Dr Z. because it is a business owner’s freedom against that of his employee, and both must retain some degree of freedom. Yet we all perceive that employers will bend to outside pressures to dismiss any employee who expresses views unpleasant to this or that community or lobby so long as they cannot reply to such cancel mobs (heckler’s veto) that the law bars them from dismissing the employee based on his or her opinions. So, yes, probably some statute is needed to shield the employees, because that would even shield the employer. The latter would then face boycott campaigns (boycott is protected speech) but –who knows?– he might survive it. However I don’t expect business organizations to support such a policy.

*

Claim Settlement, or The New Aristocracy

How can you settle claims as prosecution for a crime does not depend on actual claims at all? Even though nobody would file a claim when there is a dead man, prosecuting authorities, if they’ve got a suspect, will send him or her before a court of law. So what does it mean that claims are settled? In theory an injured party has no power to prevent criminal prosecution. Is it settled with the prosecutor then? On what grounds?

Another example: the OJ Simpson trials. There were two trials: criminal and civil (tort suit). As you remember OJ was aquitted by the criminal court and found guilty in the tort trial (due to different evidence rules) but that’s not what interests me now. What interests me is how parties can settle a claim in a criminal trial when they’re not even supposed to be there and it takes a civil trial for them to be represented (in some countries the criminal and tort aspects would have been judged in one single trial)?

ii

My conjecture is that claims are settled when the prosecutor doubts that the evidence is beyond a reasonable doubt (the legal standard of proof in criminal trials) and therefore doubts that a criminal trial can thrive against the suspect, so the prosecutor treats the whole matter as a tort case that can be settled between parties. However, on what principle can the pondering of evidence value at the disposal of the prosecution allow the prosecution to make a tort of a crime (or to erase, so to speak, the criminal dimension of an offense that is both a tort and a crime)–while evidence value is the fortuitous result of police work?

The consequence is that rich people, no matter how criminally they behave, will hardly ever have criminal records–rules of subsequent offenses, among other things, will not apply to them. What a privilege.

Tocqueville, a keen observer of the United States, warned about two dangers: tyranny of the masses, which libertarians are fond to recall, but also the tyranny of a money aristocracy.

*

State Action of Private Platforms

Lawsuit against Twitter reveals how it works with Democrats to censor. (Reclaim the Net, June 18, 2021)

Evidence of state action:

“One of these documents is an email from M., Press Secretary for then-California Secretary of State P., to Twitter employee K. that appears to refer to this dedicated channel as ‘the partner portal.’ In the email, M. flagged a tweet from another Twitter user that was previously reported through this partner portal and stated: ‘We would like this tweet taken down ASAP to avoid the spread of election misinformation.’”

1/ Not only did the state refer the tweets through the “dedicated channel,” which would be the usual procedure, but also and in any case the state, via a public officer, made the alleged usual procedure an unusual one by sending an unsollicited email (“Flagging the following tweet that I reported…”), which can be construed as a threat and command to process the report according to the state’s wish.

2/ If the appellation “partner portal” is a true description, then obviously the nexus is established between the private party and the state and therefore the private party’s action is state action.

Given state action, censorship by the private party is a civil liberties First Amendment case.

II

À l’occasion de l’enfarinage de J.-L. Mélenchon le 12 juin, j’apprends, dans le journal, qu’un homme a été interpellé pour « violence sur personne chargée d’une mission de service public ». Je suppose que ce sont les députés et autres élus que notre code pénal décrit comme des personnes chargées d’une mission de service public.

La situation est donc la suivante aux élections : un candidat déjà élu est une personne chargée d’une mission de service public, ce qui lui vaut une protection judiciaire spéciale, tandis que ses concurrents qui ne sont pas déjà élus ne sont rien. C’est octroyer à certains candidats un avantage contraire à tous les principes d’un régime électif. (Je ne crois pas que Mélenchon l’ait jamais dénoncé, ni le Conseil constitutionnel mais ça ce n’est même pas un peu étonnant.)

*

Une justice de bons petits soldats du gouvernement

Je pense que les juges ne devraient plus être inamovibles comme actuellement mais élu par la population locale et notés sur leurs résultats.

Je suis moi-même pour l’élection des juges (ou de la plupart des juges) mais cette personne fait erreur sur le statut actuel du juge français.

1/ Obligation statutaire de mobilité :

“Le juge français est soumis à une obligation statutaire de mobilité géographique ou fonctionnelle qui est exercée généralement tous les cinq à sept ans.”

2/ Un seul pool de magistrats du parquet (hiérarchiquement dépendants du ministère de la justice !) et du siège, avec passage de l’un à l’autre et dans les deux sens, exemple ce jeune magistrat : “Issu du premier concours de l’ENM (celui des étudiants), trois ans de parquet, deux ans et des poussières de siège civil.”

Dans les pays civilisés, l’administration du parquet est staffée par des fonctionnaires administratifs de même statut que les autres fonctionnaires de l’administration centrale, c’est-à-dire de la branche exécutive ; en France, elle l’est par… des juges. (Il n’est pas “juge” quand il est au parquet, car on l’appelle alors un “procureur” ou son “substitut”, mais c’est bien la même personne qui passe de l’un à l’autre.)

Alors parler d’inamovibilité…

ii

Mes cours de droit sont un peu lointains mais je confirme que le juge est inamovible. Les magistrats ne peuvent pas recevoir une nouvelle affectation sans avoir donné leur consentement. Leur indépendance est garantie par le fait que le gouvernement ne peut pas suspendre, déplacer ou destituer un magistrat.

Mon interlocuteur a bonne mémoire mais réciter des cours de droit n’aide malheureusement pas, le plus souvent, à bien juger de la situation.

C’est comme quand, en 2013, le gouvernement pond une loi sur « l’indépendance du parquet », parce que la Cour européenne des droits de l’homme est un peu critique (un peu seulement mais quand même, ça fait tâche) et qu’en 2018, donc après cette loi sur « l’indépendance du parquet », la Cour EDH confirma sa jurisprudence (et ses critiques) dans un nouvel arrêt (Thiam c/ France). Vous voyez le problème ? Je suis certain qu’il y a beaucoup de commentaires élogieux de cette loi et de l’indépendance du parquet.

Mais nous parlons du siège et, citation pour citation, je connais celle-là : « Il est plus étonnant que le Conseil constitutionnel ait estimé que la condition de mobilité imposée aux magistrats du siège par la loi organique du 25 février 1992 ne méconnaissait pas le principe fondamental d’inamovibilité. » (Turpin, Mémento de la jurisprudence du Conseil constitutionnel) Étonnant, voire risible.

Ce que mon interlocuteur dit n’est pas faux, simplement il faut prendre en compte la porosité entre les deux administrations, qui ne peut en aucun cas décrire une séparation des pouvoirs, que l’inamovibilité des juges est censée garantir.

iii

Dans ce contexte, l’élection des juges serait un renforcement du pouvoir des juges et de leur indépendance effective vis-à-vis du gouvernement.

Il y a plusieurs raisons à cela. Je me borne à en citer deux. La première, pas forcément la plus fondamentale selon moi, est qu’il y aurait des juges élus sur d’autres plateformes électorales que celle du gouvernement en place, de la même manière qu’il y a des régions ou des départements et autres de couleurs politiques différentes de celle du gouvernement. Ces juges auraient des comptes à rendre à un électorat, c’est-à-dire qu’ils appliqueraient une politique judiciaire dans leur ressort juridictionnel. De fait, aujourd’hui, c’est le parquet (le gouvernement) qui applique dans les cours une politique judiciaire, tandis que les juges ne sont que des machines à « appliquer la loi ».

Cette première raison n’est pas sans lien avec celle qui me semble plus fondamentale encore et qui est qu’un juge élu ne peut pas être un fonctionnaire anonyme soumis au devoir de réserve, et soumis dans tout son être, comme le juge actuel. Un élu soumis au devoir de réserve ? Absurde. Or le juge français est, dans notre droit, la personne la plus soumise aux restrictions draconiennes du devoir de réserve, de par le statut écrit de la magistrature (le plus draconien à cet égard avec le statut militaire). Cela doit être également pris en considération quand on parle de sa prétendue inamovibilité : en réalité, il est enserré dans un inextricable réseau de chicane statutaire et la moindre prise de parole de sa part équivaut, en fait, à sa mort professionnelle. C’est la forme la plus insidieuse de castration jamais conçue, mais comme elle n’empêche pas de se reproduire je suppose que les intéressés estiment avoir préservé l’essentiel.

iv

On ne peut pas être un bon juge indépendant avec les qualités qui font un bon petit soldat du gouvernement comme le magistrat du parquet, et quand un système prétend, comme le système français, que les deux sont interchangeables, en réalité il organise une justice de bons petits soldats du gouvernement, par contamination.

*

Enquête ouverte sur un ex-général, accusé de propos antisémites. (Le Figaro, 18/6/21)

Non, une enquête n’est pas ouverte sur le général Delawarde pour « propos antisémites ».

Une enquête est ouverte pour « diffamation publique et provocation à la haine et à la violence à raison de l’origine ou de l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ».

Des propos antisémites ou homophobes ou ce que vous voulez qui ne sont ni de la diffamation (diffamation envers un groupe, catégorie totalement sui generis qui ne s’encombre pas de la moindre « exception de vérité » disculpatoire en matière de diffamation) ni de la provocation à la haine ni de l’incitation à la violence ni de l’injure ni de l’incitation à la consommation de stupéfiants ni de l’outrage à personne responsable d’une mission de service public ni de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ni de l’outrage aux symboles républicains ni des fausses informations, c’est-à-dire des fake news, ni de la violation du secret de l’instruction ni de la violation du secret médical ni de l’atteinte à la vie privée ni du blasphème (contrairement à ce que prétend la classe politique, il y a de la jurisprudence en 5e République) ni de la divulgation d’informations privées à des fins malveillantes sur une personne chargée d’une mission de service public ni de l’offense au chef de l’État (ah non, pardon, ç’a été abrogé en 2013, au temps pour moi) ni de l’atteinte au droit à l’image ni de la contestation de crime contre l’humanité ni de l’apologie d’actes de terrorisme ni de l’apologie de crimes de guerre ni de l’apologie d’eugénisme ni qu’est-ce que j’ai bien pu oublier ? NE SONT PAS UN DÉLIT.

ii

« Une enquête a été ouverte… »

Bonjour Monsieur. Êtes-vous le général Dominique Delawarde ? – Oui. Avez-vous tenu tel jour sur la chaîne Cnews les propos, je cite, « … » ? – Oui.

Vachement dure, l’enquête… (Oh là là, qu’est-ce qu’on a progressé depuis Sherlock Holmes !)

Dans ces affaires, il y a le plus souvent, peut-être presque toujours, un accord de tous, police, procureur, accusé, juge (tout le monde sauf le jury parce qu’il n’y a pas de jury), sur les FAITS (« machin a dit truc ») et pourtant il arrive que, pour des faits sur lesquels ils sont tous D’ACCORD, l’un exige une condamnation et l’autre acquitte.

« Va comprendre, Charles ! Avec le PMU on joue comme on aime. » Ils ont trop regardé la télé, ma parole… Quand les faits sont établis sans contestation, c’est la loi qui est le PROBLEME si elle permet ces divergences.

*

Rimbaud inconnu : L’Ascétique

Citations tirées d’Une saison en enfer (c’est nous qui soulignons) :

À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu’il fait : il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. Devant plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d’une de leurs autres vies. – Ainsi, j’ai aimé un porc.

J’ai eu raison de mépriser ces bonshommes qui ne perdraient pas l’occasion d’une caresse, parasites de la propreté et de la santé de nos femmes, aujourd’hui qu’elles sont si peu d’accord avec nous.

N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume ? Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l’ivrognerie ! et le tabac ! et l’ignorance ! et les dévouements ! – Tout cela est-il assez loin de la sagesse de l’Orient, la patrie primitive ? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s’inventent !

Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !