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Droit 26 : Un arrêt de la Cour suprême de Suède sur la liberté d’expression

Cet arrêt importe à des Français dans la mesure où il s’agit d’une application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), dont la France est signataire. La loi d’un pays, ce ne sont pas seulement les textes votés par le législateur de ce pays mais également leur interprétation aux cas particuliers par les tribunaux. Par conséquent, la loi de la France est non seulement la Convention européenne des droits de l’homme, qui a force de loi chez nous depuis sa ratification, mais également son interprétation par les tribunaux, à savoir la Cour européenne des droits de l’homme, en dernier ressort après l’épuisement des voies de recours nationales, ainsi que les tribunaux nationaux. Et les tribunaux nationaux, cela ne signifie pas les tribunaux propres à chaque pays respectivement : un arrêt de la Cour suprême de Suède doit avoir autant de force en France, comme acte d’interprétation de la Convention, qu’un arrêt de la Cour de cassation ou une décision du Conseil constitutionnel ou de n’importe quel tribunal français. En effet, la Convention n’aurait aucune valeur juridique intrinsèque si telle jurisprudence nationale lui donnait un sens et telle autre un autre sens. C’est ce que le statut de la Cour européenne comme juge de dernier recours implique en soi, et cela implique en outre que les législateurs et les tribunaux nationaux doivent tendre vers une interprétation uniforme de la Convention. En somme, l’arrêt de la Cour suprême de Suède Riksåklagaren mot Åke Green (Procureur du Royaume contre Åke Green) du 29 novembre 2005 fait jurisprudence en France et dans les autres pays signataires de la Convention, jusqu’à preuve du contraire. Si cet arrêt était inconnu de la plupart des juges français et des autres juges nationaux d’Europe en dehors de Suède, comme je le suppose, ce serait la preuve d’un état très primitif du droit sur le continent, d’une intégration par le droit défaillante, et d’une protection des libertés fondamentales se constituant de la manière la plus anarchique et paresseuse.

Il s’agit par le présent billet de montrer ce que la Cour suprême de Suède a déclaré ne pas être du hate speech (j’emploierai sans réserve cette expression anglophone car la Cour de Suède y recourt elle-même dans son arrêt), en particulier pour que les prévenus français en ces affaires puissent invoquer la jurisprudence suédoise devant les tribunaux français.

J’ai déjà parlé de l’affaire sur ce blog (Law 18 : ici), en anglais, et commencerai donc par citer ce que j’ai dit.

As Finnish politician Päivi Räsänen is currently prosecuted for hate speech in Finland after having expressed her Christian views about homosexuality, let us remember a case in Finland’s neighboring Sweden, where Pentecostal Pastor Åke Green was acquitted by the Swedish Supreme Court applying Articles 9 (freedom of conscience and religion) and 10 (freedom of speech) of the European Convention on Human Rights (ECHR) against the Swedish criminal code.

For having in a sermon « described ‘sexual perversions’ (referencing homosexuality) as ‘abnormal, a horrible cancerous tumor in the body of society’ [and] said that a person cannot be a Christian and a homosexual at the same time » (Wikipedia), Pastor Green was prosecuted for group libel (hets mot folksgrupp, « incitement against a group ») and sentenced to one month in prison. The court of appeals overturned the sentence, leading the attorney general, unsatisfied that Pastor Green could get off scot-free for expressing his views, to bring the case before the Supreme Court.

In 2005 the Supreme Court, invoking the ECHR that applies to all party states (among them Finland too), upheld Pastor Green’s right to express his views.

Then, « [r]esponding to the sentence, Sören Andersson, the president of the Swedish Federation for Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Rights (RFSL), said that religious freedom could never be used as a reason to persecute people. » (Wikipedia) This is a testimony of this person’s blatantly muddled notions since, even though there were no separation of Church and State in Sweden (there is a national Lutheran church), expressing one’s negative views about homosexuality from outside the national church and state in no way can be construed (contrived) as persecution of homosexuals, and on the contrary it was Pastor Green’s conviction for his speech that was persecution – state persecution (endorsed by RFSL), until the Supreme Court overturned the conviction.

I ask the Finnish courts regarding Päivi Räsänen to uphold Sweden’s interpretation of the ECHR and not to make an empty nutshell of the Convention.

Après avoir été condamné à un mois de prison pour des propos sur l’homosexualité prononcés lors d’un prêche, le pasteur Åke Green fut relaxé en appel et la Cour suprême, saisie par le procureur insatisfait de cette relaxe, confirma le jugement d’appel : Åke Green avait été condamné injustement compte tenu du respect des articles 9 et 10 de la CEDH s’imposant aux autorités suédoises à l’encontre des dispositions du code pénal suédois.

Dans ce passage en anglais, je rappelle également que le président de la fédération suédoise des organisations LGBT protesta publiquement contre l’arrêt de la Cour suprême en contestant que la liberté religieuse puisse être utilisée à des fins de persécution. À quoi je réponds que des propos tenus en dehors de l’État et/ou de l’Église nationale (il existe en Suède une église luthérienne nationale dont le statut est encore plus ou moins, mais moins qu’au Danemark, celui d’une Église d’État, cependant le pasteur Green appartient à une autre dénomination, sans lien avec l’État) ne pouvaient être considérés comme de la persécution mais que c’est au contraire la condamnation du pasteur Green qui était de la persécution d’État (une persécution approuvée par la fédération suédoise LGBT). – Je considère du reste que même de simples propos tenus dans des positions gouvernementales ou ecclésiastiques dans une Église d’État ne seraient pas non plus de la persécution, car des paroles ne sont pas encore des actes, une politique.

Voici les propos tenus par le pasteur Green tels que cités et incriminés par le procureur suédois, quatre passages en tout. (Je les donne à lire dans ma traduction ; le texte original est renvoyé à la fin du billet.)

(1)

« La légalisation des relations sexuelles entre un homme et un homme ou entre une femme et une femme ne peut produire que des catastrophes sans pareilles. Nous en voyons déjà les conséquences. Nous le voyons avec l’épidémie du sida. Certes, les personnes malades du sida ne sont pas toutes homosexuelles mais cette épidémie est d’abord apparue, à un moment, parmi ces dernières, et depuis lors d’autres personnes peuvent naturellement être infectées à leur tour par cette horrible maladie sans pour cela avoir quoi que ce soit de commun avec ce qui se cache derrière, en termes d’homosexualité. »

« La Bible nous offre des enseignements au sujet de ces déviances (abnormiteter : anormalités). Les déviances sexuelles sont une profonde tumeur cancéreuse dans le corps social. Le Seigneur sait que les personnes déviantes sexuellement en viennent y compris à violer des bêtes. Même les bêtes ne sont pas à l’abri des désirs sexuels de l’homme et du feu qui brûle en lui. »

« Corrupteurs d’enfants. Déjà à l’époque où la Bible fut écrite, le Seigneur savait ce qui se passerait. Nous l’avons vu et nous le voyons et nous en sommes horrifiés. Paul parle dans la première épître aux Corinthiens, un et dix, des pervers. Le mot pervers est une traduction du texte original, qui parle de ‘ceux qui couchent avec des garçons’. Ceux qui couchent avec des garçons sont les pervers dont parle la Bible. Je tiens à souligner que les homosexuels ne sont pas tous pédophiles. Les homosexuels ne sont pas tous des pervers. Mais en ouvrant la porte des domaines interdits, on permet au vice de prendre racine dans l’esprit. Et celui qui est aujourd’hui un pédophile ne l’a pas toujours été mais a commencé par changer ses manières. C’est de cette façon que cela commence. Et être fidèle dans une relation homosexuelle n’est guère mieux, en aucune façon, que de changer de partenaire chaque jour. Ce n’est guère mieux, c’est tout aussi abject aux yeux de Dieu. »

« C’est librement que l’on renonce à la pureté pour adopter l’impureté. Ils changent en conscience, dit Paul. L’homosexualité est quelque chose de malade. C’est une pensée saine et pure changée en pensée contaminée. C’est un cœur sain changé en cœur malade. C’est ainsi que ça se passe : un corps sain qui a été dévasté en raison d’un retournement, dit Paul… L’homosexualité est quelque chose que l’on choisit, réponds-je. On la choisit. On ne naît pas dans cet état, on le choisit, tout simplement. »

*

Le procureur suédois a considéré que ces paroles étaient de l’incitation à la haine envers les homosexuels. La Cour suprême ne l’a pas suivi et c’est ce qui fait jurisprudence.

Il est toujours difficile de tirer des conclusions certaines de ce genre d’affaires car les juges rappellent sans cesse que c’est une appréciation en contexte, de sorte que, si nous disions qu’il est depuis cet arrêt licite en droit suédois de dire par exemple que « l’homosexualité est quelque chose de malade », ce serait peut-être encore trompeur car c’est toujours une affaire de contexte. Or la libre appréciation du contexte tend aussi toujours fortement à l’arbitraire. Comme je l’ai déjà fait remarquer ailleurs, les professionnels du droit ne sont pas d’accord et ne peuvent être d’accord sur ce qu’il est permis de dire avec des lois comme celle qui considérée (ici le procureur a eu un juge avec lui et deux contre lui), car on ne peut tout de même pas faire comme certains politiciens français et laisser croire que ce sont des opinions en tant que telles qui sont condamnables pénalement, à savoir, ici, ce que les mêmes politiciens appellent « l’homophobie » et qui n’est autre qu’une certaine opinion sur l’homosexualité, en l’occurrence une opinion négative. Ou bien on est libre d’avoir une opinion sur l’homosexualité et alors cette opinion peut être négative, ou bien on n’est pas libre et dans ce cas c’est une opinion sur l’homosexualité qui est condamnée en tant que telle et non simplement les propos injurieux ou autrement haineux qui pourraient en découler.

Or, en raison de ces contextualisations permanentes ne pouvant faire l’objet d’aucune définition, toutes ces lois de hate speech condamnent en réalité, partout où elles existent, certaines opinions, ce qu’elles ne sont pas supposées faire dans des sociétés qui défendent une liberté chèrement acquise. C’est pourquoi des gens comme les politiciens français ne s’embarrassent guère de dialectique subtile : pour eux, ce sont des opinions qui sont condamnées quoi qu’en dise notre Constitution. Mais un juge doit être dialecticien et c’est pourquoi il cherche à draper son arbitraire, le plus souvent, dans des argumentations balancées censées montrer qu’il a bien tenu compte de la liberté d’expression en condamnant l’expression d’une pensée. Tout cela relève d’une division du travail dans l’enfumage : les politiciens vendent ces lois comme autant de moyens de bâillonner des opinions, la justice administre des sentences comme si ces lois ne visaient pas les opinions elles-mêmes. Pour toutes ces raisons, de telles lois ne peuvent être dites avoir la clarté suffisante demandée à la loi pénale pour garantir droits et libertés. La lettre de ces lois est peut-être claire mais leur application ne l’est pas : les dissensions entre professionnels du droit ne portent pratiquement jamais, dans ce genre d’affaires, sur les faits, la personne reconnaît avoir tenu les propos incriminés, sa défense porte sur l’application de la loi aux faits, c’est-à-dire de son application aux propos tenus. Tant de dissensions avec tant de certitude quant aux faits, c’est la preuve que ces lois sont pourries.

Les paroles du pasteur Green auront, je pense, fait bondir plus d’un lecteur français, pour qui c’est de la haine à l’état pur qui se trouve exprimée là. La Cour suprême suédoise n’a aucune raison non plus de croire qu’il se trouvera des homosexuels que de telles paroles laisseront indifférents. Cependant, elle a jugé que ce n’était pas du hate speech et elle a même, nous allons le voir, catégoriquement exclu que cela puisse en être.

*

Avant d’en venir au jugement lui-même, voyons les arguments de la loi sur l’incitation à la haine tels que la Cour les résume et tels que le gouvernement suédois les a présentés au moment du débat législatif en 2003. (Je cite ces arguments dans ma traduction ; l’original se trouve en fin de billet.) Le lecteur comprendra qu’on est loin de la France. L’accumulation des réserves exprimées devant cette atteinte à la liberté d’opinion montre que l’on prend cette dernière très au sérieux. En France, cette préoccupation est comparativement inexistante.

(2)

« Au sujet de la modification de la loi, le chef d’accusation décrit par les termes ‘qui exprime de la haine (uttrycker missaktning)’ a été discuté. Ce chef d’accusation a été introduit en 1970 et a été largement employé dans la pratique. Cependant, toute parole péjorative ou humiliante n’est pas concernée. Les propos ne pouvant être considérés comme outrepassant les limites d’une critique factuelle de certains groupes sont en dehors du domaine prohibé. Pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. Le respect de la liberté d’opinion et du droit de critique ne peut certes servir de défense à des propos exprimant de la haine envers un groupe, en raison par exemple de l’appartenance à une nationalité, et qui pour cette raison seraient de peu de valeur. Le domaine illicite ne saurait cependant recevoir une extension telle qu’il puisse être appliqué à une discussion factuelle ou à une critique de l’homosexualité. On ne saurait admettre que la criminalisation des propos représente un obstacle à la liberté d’opinion ou une mise en cause de la libre formation des opinions. En outre, la liberté de la recherche scientifique doit être garantie. »

On est très loin de la France. Chez nous, un Premier ministre en exercice peut tweeter que « le racisme est un délit » et un Président de la République en exercice que « l’antisémitisme est un crime » sans que cela fasse bondir qui que ce soit parmi les commentateurs. En réalité, dans un régime constitutionnel, le racisme, l’antisémitisme ne sont ni des crimes ni des délits puisque ce sont des opinions et que les opinions sont libres. Seuls certains propos pouvant éventuellement découler de ces opinions sont condamnés (au titre, entre parenthèses, de délits et non de crimes). – L’excuse selon laquelle il ne s’agit pas, dans ces tweets, de langage juridique mais d’hyperboles vaut ce qu’elle vaut. Il est certain qu’on ne peut demander à des gens ignorants du droit de comprendre la portée juridique de leurs paroles.

Pour ce qui est de notre sujet, un document du ministère de l’intérieur indiquait que « l’homophobie n’est pas une opinion, c’est un délit ». L’administration étant hiérarchiquement soumise aux élus, il n’est pas étonnant qu’elle ressorte les mêmes mensonges ou absurdités que ceux-ci mais c’est encore plus consternant car on attend de l’administration qu’elle adopte en toutes circonstances le langage du droit plutôt que de recourir à des hyperboles fallacieuses. Or une opinion ne se définit pas par un contenu puisque tout contenu peut être une opinion. Si le gouvernement souhaite interdire une ou des opinions, il est contraint de procéder de la manière suivante : d’abord supprimer la liberté d’opinion, ensuite interdire par la loi telle ou telle opinion. Le gouvernement à la tête de l’administration qui a produit le document cité n’ayant, pas plus qu’aucun autre avant lui, supprimé la liberté d’opinion, l’homophobie reste libre. L’idée que certains contenus seraient des opinions et d’autres non est une infamie, car comment l’État pourrait-il garantir la liberté d’opinion s’il lui suffisait, pour supprimer des opinions, de décréter que ce n’en sont pas et que par conséquent la liberté ne s’y applique pas ? En réalité, même les « propos homophobes » ne sont pas en tant que tels un délit : il faut que les propos soit « injurieux », ou « diffamatoires », ou « incitent à la haine », etc. Je ne sais trop si l’on peut logiquement penser qu’un propos puisse être homophobe, c’est-à-dire contre l’homosexualité, sans être injurieux ou diffamatoire ou autre ; je sais seulement que, si c’est impossible, la loi condamne bel et bien une opinion, malgré la constitutionnelle liberté d’opinion.

Or, pour la Cour suprême suédoise, c’est possible, on peut critiquer ouvertement l’homosexualité sans tenir des propos illicites : « Le domaine illicite ne saurait cependant recevoir une extension telle qu’il puisse être appliqué à une discussion factuelle ou à une critique de l’homosexualité (en saklig diskussion om eller kritik av homosexualitet). » Qu’une « critique factuelle » et licite de l’homosexualité soit de nature à être reçue sans peine émotionnelle de la part de personnes homosexuelles est en soi douteux, et les propos du pasteur Green déclarés licites par la Cour avaient d’ailleurs suscité une émotion certaine dans les milieux homosexuels, qui réclamaient et applaudirent la sanction pénale. C’est, selon leurs représentants associatifs, ce que demandait leur balance émotionnelle. La Cour suprême suédoise indique que les états émotionnels des groupes faisant l’objet d’une critique licite ne sont pas à prendre en considération dans l’application de la loi. Je peux par conséquent, en droit, développer une critique licite sans me préoccuper des larmes des membres appartenant au groupe que je critique.

Une fois tirée cette conclusion indubitable, se pose alors la question : quel est donc l’objet de la loi ? Pourquoi certaines critiques sont-elles licites et d’autres non si elles doivent toutes faire subir une sorte de préjudice moral aux membres des groupes critiqués ? La jurisprudence de la Cour montre en creux qu’il n’existe aucune justification à l’adoption d’une telle loi, car si la loi vise à prévenir un préjudice moral elle devrait prendre en considération toutes les situations créant ce préjudice. Les restrictions apportées à une liberté fondamentale doivent, aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, répondre à une nécessité sociale. Celle-ci, nous dit en substance la Cour suédoise, est inexistante. D’un autre côté, si je ne laisse aucune latitude à la critique de tel ou tel groupe, je supprime en réalité une opinion purement et simplement, ce qui n’est pas non plus permis en raison de la liberté d’opinion chèrement acquise. Il ne reste donc que le moyen dérisoire et pathétique de définir certaines opinions comme n’étant pas des opinions.

Poursuivons l’analyse des limites de la loi. « [T]oute parole péjorative (nedsättande) ou humiliante (förnedrande) n’est pas concernée », c’est-à-dire n’est pas illicite. Cela renforce l’idée précédemment développée que toute parole susceptible de troubler l’équilibre émotionnel des personnes du groupe critiqué ne saurait être condamnable sans d’autres qualifications qui la fassent tomber sous le coup de la loi. J’ai le droit de tenir des propos péjoratifs et/ou humiliants à l’encontre d’un groupe : ce n’est pas cela, en tant que tel, qui est condamné.

« Pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair (fullt klart) que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. » Il est certain, au vu de ce qui précède, que pour la Cour une discussion peut être factuelle et objective tout en comportant des termes ou des paroles péjoratives ou humiliantes, c’est-à-dire que cette critique factuelle peut être passionnée et même emportée, ou bien encore blessante de façon réfléchie. En outre, si l’on peut encore penser, dans ces conditions, que des limites puissent être jamais outrepassées, il faut que ce soit, non pas simplement sensible, ni même simplement manifeste, mais « parfaitement clair », ce qui signifie que le moindre doute à ce sujet doit empêcher une condamnation. On sait qu’en matière pénale « le doute profite à l’accusé » ; ce principe n’a aucune réalité en droit français, où c’est l’intime conviction du juge qui est déterminante (et elle ne saurait justement s’appliquer que dans les cas douteux), mais je crois que la formule employée par la Cour suédoise a du sens dans ce pays, et quand quelque chose doit être « parfaitement clair » dans le contexte d’une interprétation sémantique, je ne vois d’autres possibilités de poursuites que dans l’aveu d’un prévenu qui demanderait lui-même sa condamnation.

Je passe rapidement sur la « liberté de la recherche scientifique (vetenskapens frihet) » qui doit être garantie, si bien que la critique factuelle des homosexuels ou d’autres groupes pourrait être, selon la Cour, confirmée par une libre recherche.

*

Saisi par le Conseil des Églises libres de Suède (Sveriges Frikyrkosamråd) sur la menace que la loi faisait peser sur des prédicateurs chrétiens, le gouvernement ajouta encore les garanties suivantes, que rappelle la Cour dans son arrêt. (Ici dans ma traduction ; original en fin de billet.)

(3)

« L’objectif n’est pas de faire obstacle au raisonnement ni aux discussions concernant l’homosexualité, la bisexualité ou l’hétérosexualité, que ce soit à l’église ou en d’autres lieux de la société. Il doit aussi être possible aux homosexuels et aux autres de répondre, dans un débat libre et ouvert, à des conceptions erronées et de les corriger, afin de s’opposer de cette manière à des préjugés qui risquent autrement de se maintenir dans l’esprit des personnes condamnées.

L’actuelle législation sur l’incitation à la haine envers un groupe comporte aussi des limites, de façon que tout propos comportant des jugements envers un certain groupe ou toute marque de mépris n’est pas illicite. Les travaux préparatoires, entre autres, montrent que, pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. … Un certain champ de licéité doit être évidemment laissé à la critique ou à d’autres propos du même genre. »

Le gouvernement suédois a lui aussi pleinement conscience des nécessaires limites de la loi. Il ajoute l’argument selon lequel la libre discussion de l’homosexualité est un moyen de permettre de corriger des préjugés. Examinons cette affirmation. Les personnes critiques de l’homosexualité ont le droit d’exprimer leur point de vue dans les limites posées par la loi. Ces limites sont présentées, on l’a vu, comme laissant une très large latitude aux locuteurs, sont réellement présentées comme étant à peine des limites : je peux être péjoratif et humiliant, c’est-à-dire blesser des sentiments, il faut pour que je sois condamné qu’il soit « parfaitement clair » que j’outrepasse les limites d’une discussion factuelle, où j’ai le droit d’être blessant, et je peux invoquer la liberté de la recherche. Présentée ainsi, la loi ne peut guère être dissuasive. Or ne l’est-elle pas au contraire bien plus que le juge ne paraît le souhaiter ? La critique de l’homosexualité fait-elle partie du paysage médiatique, littéraire, intellectuel, scientifique, artistique ? fait-elle partie du débat public ? Poser la question, c’est y répondre. Les Suédois n’auraient donc aucune critique à formuler vis-à-vis de l’homosexualité, étant convaincus d’avoir le droit de le faire dans les limites d’une discussion factuelle ? Je m’interroge : la loi avait-elle la moindre utilité si personne ne songeait à critiquer l’homosexualité ? En France, on parle, pour ces lois, de « contentieux de masse » : tout le monde ou presque, semble-t-il, veut critiquer les catégories que ces lois protègent, dont les homosexuels, seulement ils ne savent pas se contenir dans les limites d’une critique factuelle. Plaisanterie à part, la loi suédoise est massivement dissuasive et c’est ce qu’il est impossible de comprendre en lisant les éléments d’information présentés par le gouvernement et par la Cour.

*

Mais le plus étonnant est que la Cour suprême de Suède, après avoir peint ce tableau idyllique de la loi suédoise éminemment respectueuse de la liberté d’opinion et d’expression, considère néanmoins qu’elle ne va pas assez loin dans le respect des libertés fondamentales et l’écarte au profit d’une application directe de la Convention européenne des droits de l’homme.

(4)

« Dans une appréciation générale des circonstances de l’espèce – avec à l’esprit la pratique de la Cour européenne –, il est clair d’emblée (till en början klart) dans le cas d’ÅG [Åke Green] qu’il ne s’agit pas de ce type de propos haineux que l’on appelle couramment hate speech. Cela vaut même pour celles de ses paroles qui peuvent être considérées comme allant le plus loin dans la description des déviances sexuelles comme un cancer, car le propos, éclairé par ce qu’il dit dans son prêche en relation à ceci, n’est pas de nature à pouvoir être perçu comme une incitation à la haine ou une justification de la haine envers les homosexuels. »

« Le terme de ‘haine’ (missaktning) dans la disposition relative à l’incitation à l’encontre d’un groupe ne saurait être considéré comme ayant une signification si dépourvue d’ambiguïté qu’un conflit de normes surgisse ici entre la Convention européenne et le code pénal [suédois]. Il résulte de ce qui précède que, d’après les travaux préparatoires, il est entendu que des propos tels que ceux que le procureur a relevés dans son acte d’accusation doivent être considérés comme exprimant de la haine au sens de la disposition. Cependant, l’une des raisons de l’incorporation de la Convention européenne en droit suédois a été le souhait de créer une base explicite pour permettre aux tribunaux nationaux d’appliquer directement la Convention. La Cour suprême a également indiqué dans plusieurs arrêts que les interprétations sur le sens d’une règle de droit élaborées au cours de procédures législatives ou d’origine jurisprudentielle doivent pouvoir être écartées lorsque l’exige l’interprétation exprimée dans les arrêts de la Cour européenne. Cela conduit à ce que la disposition sur la responsabilité relative à l’incitation à la haine envers un groupe doive être ici interprétée de manière plus restrictive que ce que suggèrent les travaux préparatoires de la loi, afin de parvenir à une application conforme à la Convention. »

Après tout ce que nous venons de dire, il est difficile de comprendre comment la Cour suprême a encore pu trouver la loi suédoise trop répressive car, si l’on s’en tient aux travaux préparatoires dont elle parle, c’est-à-dire à ce que nous avons discuté, la loi apparaît au contraire extrêmement soucieuse de préserver la liberté d’opinion et d’expression. On notera par ailleurs un fort élément de contexte dans son arrêt, à savoir la prédication religieuse, peut-être de nature à vider cette jurisprudence de toute portée en dehors de ce contexte particulier.

La Cour suédoise a une lecture de la CEDH à ses articles 9 (liberté religieuse) et 10 (liberté d’expression) et des arrêts de la Cour européenne extrêmement protectrice puisqu’elle permet au pasteur Green de traiter licitement l’homosexualité de « quelque chose de malade », de « pensée contaminée » et, avec les autres déviances sexuelles, de « tumeur cancéreuse dans le corps social », propos ayant conduit des manifestants outrés à brandir des pancartes « Je ne suis pas une tumeur cancéreuse » (Jag är ingen cancersvulst).

La Cour rappelle que, dans les travaux préparatoires à la loi, le Comité constitutionnel (Konstitutionsutskottet) a en gros écarté l’idée de règles spécifiques au contexte de prédication religieuse. Il faut croire que c’est ce qui a décidé la Cour suprême à trouver la loi nationale trop répressive. Cependant, le même comité déclarait, selon la Cour elle-même, que la citation de sources religieuses dans le contexte d’une prédication, accompagnée de la simple admonestation à suivre la direction morale de ces sources, est licite : cf. (5) en fin de billet. La Cour trouve donc, conformément aux arguments du procureur, que ce n’est pas ce qu’a fait le pasteur Green ; autrement, elle aurait pu défendre ce dernier à partir des déclarations du comité.

Par ailleurs, les restrictions apportées à la généralité de son propos par le pasteur (« les personnes malades du sida ne sont pas toutes homosexuelles », « les homosexuels ne sont pas tous pédophiles », « pas tous des pervers ») sont écartées comme moyen de défense tant par le procureur que par la Cour. Le pasteur aurait donc pu se passer de celles-ci, est-on conduit à penser, sans que cela le rendît coupable aux yeux de la Cour. Celle-ci considère que le terme de « haine » (missaktning) de la loi nationale doit recevoir une acception plus restreinte en raison de la jurisprudence européenne, et que c’est cette jurisprudence qu’auraient dû suivre le procureur et le tribunal, dont les arguments sont dépourvus de toute portée pour l’avoir ignoré.

Selon la Cour suprême, la liberté religieuse de l’article 9 CEDH ne peut aux termes de la Convention être limitée : « Denna frihet får inte begränsas. » Elle rappelle que des limites aux libertés fondamentales sont permises en cas de conflits entre libertés ; dans ce cas, toutefois, à la liberté religieuse doit être accordée une considération toute particulière. La Cour considère ainsi que la liberté d’expression de l’article 10 CEDH n’est pas protégée avec la même rigueur : « När det gäller yttrandefriheten … så får den i viss utsträckning begränsas genom lag. » Elle souligne par ailleurs que la Constitution suédoise garantit les deux libertés de la même manière tandis que la Convention permettrait des limitations plus strictes de la liberté d’expression. De sorte que, puisque la Cour suprême a cru bon de recourir à la Convention, c’est qu’elle considère que c’est la liberté religieuse de l’article 9 qui a été violée par le tribunal plutôt que la liberté d’expression de l’article 10.

(On se retrouve donc devant un état du droit comparable à celui en vigueur aux États-Unis. L’affirmation est paradoxale car il n’existe pas de lois condamnant le hate speech aux États-Unis : elles ont toutes été déclarées inconstitutionnelles. Cependant, les lois dites Civil Rights Acts interdisent les pratiques discriminatoires dans l’administration publique ainsi que dans plusieurs domaines du secteur privé lucratif, à savoir l’emploi et le logement, mais aussi, dans une moindre mesure, le commerce ; tous autres intérêts privés, par exemple un club ou une église, ne sont pas soumis à ces règles. Une église peut ainsi avoir des activités commerciales, loger et employer des gens sans être soumise à la législation antidiscriminatoire. Il ne faut donc pas s’étonner de voir fleurir ici et là d’étranges dénominations comme la United Church of Adolf Hitler, par ailleurs parfaitement légale, tout comme le ou les partis nazis américains, puisque les États-Unis prennent la liberté d’opinion au sérieux.)

Selon la Cour suédoise, l’article 9 CEDH isole le cas spécial de la prédication religieuse. Elle invoque à l’appui de cette affirmation l’arrêt Kokkinakis c. Grèce de 1993. Elle discute ensuite divers arrêts de la Cour EDH relatifs à l’article 10 dont j’ai bien du mal à voir comment ils peuvent la conduire à sa conclusion, que nous connaissons. L’arrêt Gündüz c. Turquie, par exemple, est cité pour dire que l’État dispose d’une certaine « marge d’appréciation » et peut interdire certains propos au nom de valeurs morales ou religieuses. Elle rappelle également que la Cour européenne trouve permis d’interdire le hate speech. Dans l’arrêt Feridun Yasar et autres c. Turquie, la Cour EDH a, nous dit cependant le juge suprême suédois, refusé de voir du hate speech ou de l’appel à la violence dans un discours politique condamné par l’État turc. C’est alors que la Cour suédoise revient au pasteur Green pour dire, à la citation (4), que, s’agissant des paroles poursuivies par le procureur, il était « clair d’emblée » que ce n’était pas du hate speech – une conclusion à laquelle je dois dire que rien ne nous prépare. La seule explication véritablement dialectique qui soit apportée porte sur le contexte de prédication (« éclairé par ce qu’il dit dans son prêche en relation à ceci »).

Elle complète par deux autres points qui apportent plus de confusion que de clarté. Le premier est que les paroles du pasteur ne sont pas aussi dépréciatives que le passage de la Bible en question (« inte sägas vara så mycket nedsättande än ordalagen i aktuella bibelställan »). S’agit-il de dire que, dans le contexte de la foi chrétienne, des propos ne peuvent pas être considérés comme du hate speech à moins qu’ils n’aillent au-delà des dépréciations contenues dans la Bible ? Le second point est que la Cour EDH trouverait certainement disproportionnée la sanction prononcée, ce qui est fort possible mais étranger à la question de savoir si les paroles du pasteur Green sont du hate speech ou non. Est-ce à dire que le juge suédois aurait accepté l’argumentation du procureur et du tribunal ayant trouvé Green coupable si ce dernier n’avait été condamné qu’à une amende et non à de la prison ?

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En conclusion, si l’on ne veut pas voir dans l’arrêt Åke Green la création d’un privilège ecclésiastique, une immunité des prédicateurs religieux face aux lois d’incitation à la haine, ce qui serait une interprétation étrange de l’article 9 CEDH, il faut, comme par ailleurs nous ne pouvons considérer que la prégnance du contexte dans les affaires de « droit de la presse » (pardon d’employer une expression française absurde) empêche irrémédiablement toute jurisprudence, toute élaboration du droit par stare decisis, il faut, dis-je, nécessairement conclure que ce genre de paroles ou des paroles de ce genre – le genre de celles prononcées par le pasteur Green – ne sont pas du hate speech et sont au contraire protégées par la CEDH.

Comme j’ai commencé par citer l’ex-ministre finlandaise Päivi Räsänen, inquiétée pour ses critiques de l’homosexualité et dont le procès m’a conduit à discuter l’affaire du pasteur Green en Suède et son acquittement quinze ans plus tôt, j’ai le plaisir d’informer mon lecteur que Mme Räsänen a elle-même été acquittée en mars 2022 de tous les chefs d’accusation portant contre elle. Le procureur finlandais a cependant fait appel.

Nous aurons sans doute l’occasion de discuter de cette nouvelle jurisprudence, dont on peut déjà dire qu’elle tourne elle aussi principalement, plus encore que l’arrêt Åke Green, autour de la question religieuse puisque la cour n’a pas suivi le procureur au motif que les tribunaux ne sont pas compétents pour « interpréter les concepts bibliques ». Ceci se transpose nécessairement aux sources scripturaires de toute autre religion. – Même en limitant strictement ces deux arrêts au contexte religieux, ils manifestent clairement, à eux seuls et s’il en était besoin, que le traitement administratif des « prêches radicaux » par les autorités françaises est, sous couvert de lutte contre le terrorisme, une abomination. Nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir.

Pasteur Åke Green (source: Sveriges Radio)

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TEXTE ORIGINAL SUÉDOIS

(1)

« Genom att legalisera då partnerskap mellan män och män och mellan kvinna och kvinna, så kommer det att skapa katastrofer helt enkelt. Utan dess like. Vi ser följderna redan av det här. Vi ser det genom AIDS somme sprider sig. Nu är inte alla AIDS-smittade homosexuella, men det har uppstått på grund av detta en gång i tiden och sedan kan naturligtvis oskyldiga människor bli smittade av denna hemska sjukdom utan att för den skull ha någonting med det som ligger bakom i detta vad gäller homosexualitet. »

« Bibeln tar upp här och undervisar om dessa abnormiteter. Och sexuella abormiteter är en djup cancersvulst på hela samhällskroppen. Herren vet att sexuellt förvridna människor kommer till och med att våldta djuren. Inte heller djuren går fria från människans sexuella behov och branden som är tänd i en människa. Utan till och med det kan ägna sig åt. »

 « Gosseskändare. Redan då bibeln skrevs visste Herren vad som skulle ske. Vi har upplevt det här och upplever det och vi förfasar oss över det. Och Paulus talar i första korintierbrevet ett och tio om perversa människor. Och perversa människor är översatt från grundtexten som säger ‘en som ligger med pojkar’. En som ligger med pojkar är perversa människor som då bibeln talar om. Nu vill jag understryka att alla homosexuella är inte pedofiler. Och alla homosexuella är inte perversa. Men man öppnar ändå porten till förbjudna områden och låter synden få fäste i tankelivet. Och den som är pedofil i dag börjar inte som sådan. Utan började helt enkelt med att byta sitt umgänge. Det var så det började. Och att vara trogen i ett homosexförhållande är inte på något sätt ett bättre förhållande än där man byter partner varenda dag. Det är inget bättre förhållande. Utan det är lika föraktligt i Guds ögon. »

 « Frivilligt lämnar jag renheten och tar emot orenheten. Medvetet bytte de säger Paulus. Homosexualitet det är någonting sjukt. Det är alltså en frisk och ren tanke som blivit utbytt mot en besmittad tanke. Där ett friskt hjärta som blivit utbytt mot ett sjukt hjärta. Det är så man har gjort. Där en frisk kropp som har blivit ödelagd på grund av ett byte säger Paulus… Är homosexualitet något man väljer, svar ja. Man väljer det. Man är inte född till det. Man väljer det här helt enkelt. »

(2)

I samband med lagändringen diskuterades ansvarsbestämmelsens rekvisit ‘uttrycker missaktning’. Detta rekvisit infördes år 1970 och har i praxis fått en vidsträckt tillämpning. Alla uttalanden av nedsättande eller förnedrande natur omfattas dock inte. Uttalanden som inte kan anses överskrida gränserna för en saklig kritik av vissa grupper faller utanför det straffbara området. För straffbarhet krävs att det är fullt klart att uttalandet överskrider gränsen för en saklig och vederhäftig diskussion rörande gruppen i fråga. Hänsyn till opinionsfriheten och kritikrätten får visserligen inte åberopas som skydd för uttalanden som uttrycker missaktning mot en hel folkgrupp på grund av den t.ex. tillhör en viss nationalitet och av denna anledning skulle vara mindre värt. Det straffbara området skall dock inte sträckas så långt att det kommer att omfatta även en saklig diskussion om eller kritik av homosexualitet. Kriminaliseringen skall inte utgöra hinder mot opinionsfriheten eller ett hot mot den fria åsiktsbildningen. Vidare skall vetenskapens frihet bevaras.

(3)

Meningen är alltså inte att hindra resonemang och diskussioner om homosexualitet, bisexualitet eller heterosexualitet vare sig inom kyrkor eller på andra håll i samhället. Det måste också vara möjligt för homosexuella och andra att i en fri och öppen debatt bemöta och tillrättalägga felaktiga uppfattningar och på så sätt motverka fördomar som annars riskerar att konserveras och leva kvar i det fördolda.

Den nuvarande lagstiftningen om hets mot folkgrupp innehåller också begränsningar så att varje yttrande som innehåller omdömen om en viss grupp eller varje uttryck för missaktning är straffbelagt. Således sägs i förarbetena bl.a. att det för straffbarhet bör krävas att det är fullt klart att uttalandet överskrider gränsen för en saklig och vederhäftig diskussion rörande gruppen i fråga. … Ett visst utrymme för straffria kritiska eller liknande uttalanden måste självfallet finnas.

(4)

Vid en samlad bedömning av omständigheterna – mot bakgrund av Europasdomstolens praxis – i ÅGs fall är det till en början klart att det inte är fråga om sådana hatfulla uttalanden som brukar kallas hate speech. Detta gäller även det av hans uttalanden som får betraktas som mest långtgående där sexuella abnormiteter beskrivs som en cancersvulst eftersom uttalandet, sett i belysning av vad han sagt i samband med detta i sin predikan, inte är sådant att det kan anses uppmuntra till eller rättfärdiga hat mot homosexuella. (…)

Uttrycket missaktning i bestämmelse om hets mot folkgrupp kan inte anses ha en så entydig innebörd att en verklig lagkonflikt här uppkommer mellan Europakonventionen och brottsbalken. Av det förut anförda följer visserligen att det enligt förarbetena är avsett att yttranden av sådant slag om dem som riksåklagaren har åberopat i den justerade gärningsbeskrivningen skall anses ge uttryck för missaktning i bestämmelsens mening. Ett av skälen för att inkorporera Europakonventionen i svensk rätt har emellertid varit att skapa ett uttryckligt underlag att direkt tillämpa konventionen vid svenks domstol. Högsta domstolen har också i flera avgöranden slagit fast att sådana uttalanden om en lagregels innebörd som har gjorts i lagförarbeten eller rättspraxis måste kunna frångås när detta krävs enligt den konventionstolkning som kommer till uttryck i Europadomstolens avgöranden. Det anförda leder till att ansvarsbestämmelsen om hets mot folkgrupp i detta fall bör tolkas mera restriktivt än vad dess förarbeten ger vid handen för att en konventionsenlig tillämpning skall uppnås.

(5)

När det gäller predikosituationer skulle det enligt utskottets mening normalt komma att ligga utanför det straffbara området att citera religiösa urkunder och endast uppmana åhörarna att följa urkundernas inriktning.

TW23 Fumus persecutionis de Luna Parquet

Anthologie Twitter septembre 2019 FR-EN

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Scander « Homo-folie, ça suffit ! » à proximité de stands LGBT que l’on vient de saccager ne constitue pas une injure à caractère homophobe. 🤔 (Curiosités juridiques)

Votre étonnement vient peut-être de ce que vous croyez que l’article 33 de la loi de 1881 interdit de s’opposer (pacifiquement, donc le saccage du stand reste a priori répréhensible) à l’action politique d’un mouvement, fût-il établi pour défendre les points de vue d’une minorité protégée.

Que les auteurs des propos soient « des étudiants catholiques » [selon l’article de presse joint au tweet] n’entraîne pas non plus une présomption d’homophobie. Même si cette présomption tombait sous le sens, elle ne pourrait être admise, sinon la religion catholique devrait être interdite pour illégalité de son objet.

Mais même une présomption irréfragable d’homophobie n’impliquerait pas ipso facto que les propos sont illicites. Ce n’est pas l’homophobie en tant que telle qui est condamnée par la loi de 1881 mais certains propos homophobes : l’injure (article 33), la diffamation (article 32), l’incitation à la haine (article 24).

[Je perçois pleinement la contradiction des deux arguments précédents, l’un parlant d’illégalité de l’homophobie, l’autre expliquant que l’homophobie n’est pas illégale. C’est que ce point mériterait une clarification du juge ou du législateur, expliquant sans ambiguïté que l’homophobie (pas plus que le racisme, l’antisémitisme, etc.) n’est pas en soi illégale. Même si c’est ce qui résulte des textes à l’évidence, il est hautement probable que nous attendrons une telle clarification encore longtemps.]

L’article 33 mettant dans le même sac race, orientation sexuelle et religion, et d’aucuns prétendant que l’on peut critiquer une religion sans que ce soit une injure, on peut, par le même raisonnement, critiquer une race ou l’homosexualité sans que ce soit une injure.

Comme cela s’applique également à l’incitation [provocation] à la haine, il faut croire que l’on peut critiquer (selon le dictionnaire, « émettre un jugement négatif sur ») un groupe de personnes « à raison de sa race, de son ethnie, de sa nationalité etc. » sans que ce soit une incitation à la haine envers ce groupe de personnes.

J’avoue que tout cela reste très mystérieux et peu compréhensible, et c’est dommage dans le pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. » (Article 11)

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« Le chef cuisinier qui présente ses plats de sorte que les morilles représentent des testicules et l’asperge une verge commet une faute grave. » Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 avril 2015 (Curiosités juridiques)

Preuve que la justice française connaît le subliminal.

La police aussi : tableau « VOYOU » (rien d’autre sur le tableau que ce mot en noir sur fond blanc) dans un bureau où se tiennent des auditions… Le subliminal, dans ce tableau, c’est que c’est censé être un élément décoratif dans un bureau, alors que c’est un moyen de pression psychologique.

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Cette publicité [ci-dessous] est-elle une faute grave de l’employé ou bien une technique bien rodée ? « Le cadeau préféré des mamans » ne ressemble-t-il pas fortement à des morilles et une asperge ?

Justice pour le chef cuisinier : il n’a fait qu’obéir aux ordres !

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« En raison de sa trop grande fantaisie, le prénom ‘Ravi’ est contraire à l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir sur le souci d’originalité des parents. » Cass., Civ. 1ère, 5 juin 1993 (Curiosités juridiques)

« Ravi signifie ‘soleil’ en sanskrit. Ravi est le dieu hindou du soleil, parfois assimilé à Surya. Un Ravi célèbre est le musicien Ravi Shankar » (qui joua à Woodstock). [Ce passage est ma traduction d’une page du site behindthename.com.] Un petit défaut de culture chez les juges français ?

J’ai connu une Clytemnestre en vrai (de mon âge, la quarantaine aujourd’hui). Ce prénom d’origine grecque antique me semble d’une plus grande « fantaisie » que Ravi d’origine sanskrite et nom d’un musicien contemporain de renommée internationale. Les juges ont imposé dans cette décision leurs modèles culturels.

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Police : le « business » de l’outrage à agents. Les contrôles de police se passent souvent dans un climat de tension et les outrages à agents peuvent fuser rapidement. Les policiers peuvent ensuite porter plainte, car c’est un délit. Sauf qu’un business autour de ce délit est actuellement dénoncé par des avocats. (francetvinfo.fr)

Quel beau pays…

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Justice Clarence Thomas called for the Supreme Court to reconsider New York Times v. Sullivan, the landmark First Amendment ruling that makes it hard for public officials to prevail in libel suits. (NYT Politics)

Le juge Clarence Thomas de la Cour suprême américaine demande de reconsidérer la jurisprudence NYT v. Sullivan qui rend difficile (quasi impossible) à une personne dépositaire de l’autorité publique de gagner un procès en diffamation. – That would be the end of American Exceptionalism and Manifest Destiny.

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Acte 44

Lien vidéo x (Acte 44 des Gilets Jaunes à Rouen)

Le canon à eau tiré dans les jambes fait tomber un homme (cela ne m’étonnerait pas que ce soit sur la tête) et projette son corps sur 5-7 mètres, où il percute une seconde personne, qui tombe à son tour (avant de se relever). Le premier reste à terre.

C’est sûr que s’il avance pour se placer pile-poil dans le jet, il va se rendre compte que ce n’est pas un brumisateur. C’est aussi c** que de ramasser une grenade pour la relancer.

On voit parfaitement sur la vidéo qu’il essaye d’éviter les jets.

Non : on le voit qui veut y aller… avec son pote qui le retient…Et puis son pote arrête de vouloir le retenir… Et plaf le chien…

Il y a deux jets et il avance pour éviter celui qui touche le bras de la personne qui le tient par le sac à dos. La personne le lâche, non pas qu’elle l’ait voulu, contrairement à ce que vous affirmez, mais parce que le jet d’eau lui frappe le bras. Leur groupe est violemment coupé en deux et le choc propulse le premier en avant plus qu’il ne l’aurait voulu, juste sous le second jet.

Chacun voit ce qu’il veut voir. Bref, ce c** n’avait pas à braver les forces de l’ordre, on ne va pas pleurer non plus.

Il n’y a qu’une chose à voir sur cette vidéo et c’est ce que j’ai décrit. Le jet touchant le bras et coupant le binôme est à 0:02. « Et puis son pote arrête de vouloir le retenir » est la plus évidente de vos multiples erreurs (en quelques lignes). « Arrêter de vouloir » implique que la personne avait le choix, mais la force du jet ne le permettait pas.

C’est curieux ce besoin de vouloir expliquer aux gens ce qu’ils doivent voir sur une vidéo… Et si vous laissiez chacun regarder et se faire sa propre opinion plutôt que de vouloir imposer la vôtre ?

Vouloir imposer une opinion, c’est exactement ce que vous faites en tweetant. Commencez par appliquer vous-même votre propre principe, en vous taisant, et peut-être que je le suivrai. 😂 Blague à part, votre remarque est aussi pertinente que de dire à un électeur qu’il cherche à imposer son candidat préféré en votant. Vous manquez de culture civique. C’est vouloir imposer ses opinions par la force qui est répréhensible. Comme si, en commentant une vidéo, j’imposais mon opinion par la force. Avec vos conseils, Twitter peut mettre la clé sous la porte. Censeur. Si mon point de vue s’imposait, ce ne serait pas par la force ou la contrainte. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. » (Article 11 DDHC)

On découvre avec cette vidéo que le canon à eau peut être une arme dangereuse. Cela vaut la peine d’être dit. L’usage d’une arme dangereuse engage la responsabilité des forces de l’ordre sans faute à prouver.

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Hong Kong Protests

According to the 1985 Joint Declaration on the transfer of sovereignty, Hong Kong is due to be fully integrated in mainland Chinese one-party regime in 2047 (28 years from today). How could the people of Hong Kong submit willingly?

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‘‘In accordance with the ‘One country, two systems’ principle agreed between the United Kingdom and the People’s Republic of China, the socialist system of the People’s Republic of China would not be practised in the Hong Kong Special Administrative Region (HKSAR), and Hong Kong’s previous capitalist system and its way of life would remain unchanged for a period of 50 years. This would have left Hong Kong unchanged until 2047.’’ (Wkpd page Handover of Hong Kong)

Why write “would have left” rather than “would leave”? The Declaration says that Chinese Socialism will fully apply in Hong Kong after 50 years (1997-2047), which no doubt means, for the PRC, full socio-political ‘normalization’ of Hong Kong (the end of One Country Two Systems).

I have a bad feeling about 2047…

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Francisation du vocabulaire : Qui voudrait devenir champion de « planche à roulettes » ? #Skateboard

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Lapsus. Après avoir dit que la justice était indépendante, la garde des sceaux dit : « Ça je le dis à mes procureurs, euh, aux procureurs ». Brillant. (Antoine Léaument, Communication numérique La France Insoumise)

« Mes procureurs » est juridiquement correct. C’est bien ça, le problème, et pas tellement qu’un ministre ne sache pas comment faire pour que ça ne se voie pas.

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Edward Snowden : « Cela doit nous alarmer quand toutes les démocraties occidentales commencent à dire qu’on a tellement peur du terrorisme, de ceci, de cela, qu’on va commencer à détruire nos propres droits. » (France Inter)

Les États-Unis ont beaucoup plus à perdre que nous en termes de droits. La bonne nouvelle, donc, c’est que les Français ne vont pas perdre grand-chose.

P.S. Snowden parle ici des libertés fondamentales, je pense, pas des droits sociaux. Ces droits sociaux, les Français vont les perdre, oui, mais c’est une autre histoire.

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E. Borne réagit à la relaxe de deux militants écologistes [qui avaient décroché en mairie des portraits du Président de la République] : « Les comportements inciviques ne méritent pas d’être encouragés par des décisions de ce type. » (Télématin)

L’article 434-25 code pénal punit de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende « le fait de chercher à jeter le discrédit publiquement sur un acte ou une décision juridictionnelle » mais il faut que le discrédit soit « de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance ». Il me semble que la clause restrictive signifie que la personne cherchant à discréditer une décision juridictionnelle doive être assez influente pour pouvoir porter atteinte à l’autorité ou à l’indépendance de la justice. Un membre du pouvoir exécutif, par exemple.

Il n’est pas très sain que des membres du pouvoir exécutif commentent des décisions de l’autorité judiciaire. Cela ne peut que nuire à l’indépendance de celle-ci. En outre, les magistrats n’ont a priori pas de droit de réponse en raison de leurs obligations statutaires.

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Citizen Four

Le lanceur d’alerte [Edward Snowden], qui a révélé l’espionnage massif et mondial conduit par les services américains, sort un livre et demande l’asile à la France. La ministre de la justice, qui se dit favorable à une telle mesure, a été recadrée. (Mediapart)

En ne démissionnant pas du gouvernement, la ministre de la justice montre au contraire qu’elle n’est pas favorable à la demande d’asile. Compte tenu du principe de solidarité gouvernementale, tout propos individuel d’un ministre qui n’est pas avalisé par le collectif gouvernemental ne doit jamais être porté au crédit de ce ministre, s’il ne démissionne pas.

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La demande d’asile de Snowden doit passer par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dit le gouvernement [article du Canard enchaîné du 18 septembre « Snowden Ding Dong »], mais comment imaginer que l’office, sous tutelle du ministère de l’intérieur, décide d’accueillir une personnalité comme Snowden sans demander leur avis aux plus hautes autorités du pays ? Se défausser de cette manière, faire croire que c’est le préposé en bas de l’échelle qui décide des relations internationales du pays, alors que ces actes sont des « actes de gouvernement », à l’abri de tout contrôle juridictionnel, c’est inimaginable.

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Est justifiée l’hospitalisation sous contrainte de celui qui « évoque ses dons métaphysiques à l’audience, ses relations avec un comité galactique, sa vision du Christ dans son corps astral et ses échanges mails avec Obama et Mandela. » Cour d’appel d’Angers, 24 avril 2015 (Curiosités juridiques)

La cour ne peut pourtant pas démontrer que cette personne n’a pas de dons métaphysiques, ni n’a de relations avec un comité galactique, ni ne voit le Christ en corps astral. Et cette personne a peut-être reçu des réponses des staffs d’Obama et Mandela à ses e-mails.

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De l’impôt

« Une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » (Article 13 DDHC)

Je ne suis pas sûr de comprendre par quel raisonnement on passe de cet article à l’impôt progressif.

Une « contribution également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » veut dire que les riches payent plus que les pauvres du fait que tous payent un pourcentage égal. Si le pourcentage de prélèvement n’est pas égal (est « progressif »), la contribution ne peut être dite « également répartie ».

L’article 13 DDHC a ainsi été écrit pour empêcher que les lois budgétaires fixent des montants d’impôt forfaitaires, car une même somme payée par tous signifie une contribution relativement supérieure des pauvres (un plus grand pourcentage de leurs revenus est consacré à la contribution commune). Inversement, l’impôt progressif enfreint la clause d’égalité de l’article 13 en déterminant une plus grande contribution relative des hauts revenus à l’impôt. C’est peut-être légitime mais en contradiction prima facie avec la Déclaration des droits de l’homme.

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Dire au premier adjoint au maire : « Qu’est-ce qu’il veut le nain ? Si tu veux des sous, je connais des gens qui sont prêt à payer pour sodomiser un nain ! » est un outrage à personne chargée d’une mission de service public. Cass, crim, 14 mai 2013 (Curiosités juridiques)

L’outrage est une insulte aggravée en fonction du destinataire de l’insulte. Si le destinataire a du pouvoir, l’insulte est aggravée, est un outrage. Cela semble peut-être normal à des Français mais les États-Unis ne connaissent pas cette mentalité féodale.

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Brigitte Macron réclame près de 40.000 euros à Closer après les révélations du magazine people sur son opération de chirurgie esthétique cet été. … Le dossier sera plaidé devant le TGI de Nanterre. (Un journaliste du Point, et non le compte Twitter du journal lui-même)

Le point de droit est le suivant. Une personne publique (qui fait parler d’elle dans les journaux ou passe à la télé tous les jours) peut-elle à bon droit faire passer une opération de chirurgie esthétique, qui aura forcément un impact sur sa communication publique, pour une affaire purement privée ?

Après les saillies du Président brésilien Bolsonaro et de plusieurs de ses ministres, des militants LREM ont répondu en défendant le physique de la Première dame. Puisqu’ils ont fait de son physique, en répondant à ce niveau, un élément de discussion politique, une opération de chirurgie esthétique n’est pas une affaire purement privée.

Des militants LREM ont en effet répondu à Bolsonaro et al. : « Si, la Première dame est belle ! » Ils continueront demain à nous dire « Regardez comme elle est belle », comme une sorte d’argument. Et le public n’aurait pas le droit de savoir que, dans cette beauté, il y a de la chirurgie esthétique ?

L’argument fondé sur ces échanges est peut-être mince si ce sont seulement des militants de base qui ont adopté une telle défense (car on pourrait alléguer alors que les cadres du parti ne sont pas responsables de la communication des militants de base). Reste que les motivations d’une opération de chirurgie esthétique, dans le cas d’une personnalité médiatique, ont jusqu’à preuve du contraire un lien avec sa communication publique. En raison du lien entre chirurgie esthétique et communication, si Closer était condamné, cela signifierait que la Première dame est la seule à décider de ce qui peut être communiqué concernant son rôle de Première dame, c’est-à-dire qu’elle exercerait un contrôle absolu de cette communication publique, et ce serait contraire au droit à l’information et aux exigences du débat démocratique (Cour européenne des droits de l’homme).

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Anticor avait relancé l’affaire Ferrand : son vice-président est visé par une enquête administrative. (francetvinfo)

« Il est reproché à Éric Alt d’avoir signé la constitution de partie civile. Or Alt était à la fois le plaignant mais également le collègue [je souligne] du juge qui instruisait l’affaire Ferrand. En effet, Éric Alt est magistrat au tribunal de grande instance de Paris. » Coupable d’être collègue, c’est nouveau ? Les responsables de l’enquête semblent croire à l’existence d’une présomption d’implication dans une affaire du fait qu’elle a été traitée par un autre magistrat du même TGI. Comme s’il existait un principe de « solidarité tribunicienne » comparable à la solidarité ministérielle…

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Sur un plateau de télé, question d’une journaliste à un député : « Le peuple a-t-il toujours raison ? » Pour limiter le pouvoir absolu du peuple, pourquoi ne pas constitutionnaliser un pouvoir dictatorial, avec séparation des pouvoirs ? Le dictateur ferait la loi et le peuple la ratifierait par acclamation.

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Luna Parquet

La question de l’indépendance du parquet ne se pose plus : le procureur français n’est pas une autorité judiciaire indépendante, selon la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné deux fois la France, en 2008 et 2010.

Il est indigne que la France n’ait pas réformé son système judiciaire pour tenir compte de ces condamnations. (Elle a quand même dû abandonner, en 2009, une réforme Sarkozy qui prévoyait de supprimer les juges d’instruction pour confier toutes les enquêtes pénales aux procureurs !)

La loi sur « l’indépendance du parquet » votée en 2013 ne répond pas aux observations de la Cour européenne des droits de l’homme sur le parquet français ; c’est une réformette qui n’a pas changé la situation, une réponse cosmétique. Le parquet n’est toujours pas indépendant. Dans l’arrêt Thiam c/ France (octobre 2018), la Cour rappelle sa position selon laquelle le parquet français n’est pas une autorité judiciaire indépendante. Elle précise toutefois que la France n’est pas tenue de considérer son parquet comme une autorité judiciaire !

Deux remarques sur Thiam c/ France : 1/ La Cour ne considère pas que la loi de 2013 « sur l’indépendance du parquet » doive la conduire à réviser sa jurisprudence selon laquelle le parquet français n’est pas une autorité judiciaire indépendant ; et 2/ sauf pour le contrôle de la privation de liberté, le parquet a le droit d’être ce qu’il est, à savoir un pur service administratif.

Le problème, c’est que les magistrats français passent au cours de leur carrière du parquet au siège et vice-versa. Comme si les qualités pour être un juge indépendant étaient les mêmes que celles pour être un agent administratif soumis au principe hiérarchique ! Contamination.

Conclusion : Quand on t’a bercé avec l’État de droit et que tu te plonges dans l’étude du système français, c’est comme découvrir que ton conjoint est un tueur en série cannibale… L’horreur.

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Quand un député dit : « Nous pensons que le garde des sceaux ne doit pas être un simple observateur de la justice », il pense donc que le garde des sceaux doit en être un acteur ! Mais comment un ministre peut-il être acteur de la justice dans un État de droit où le pouvoir judiciaire est indépendant ? Dans un État de droit, la « politique pénale » du gouvernement ne peut s’exercer que par la loi (dont l’exécutif a l’initiative en France [comme partout ailleurs]) et le pouvoir réglementaire général. Tout le reste est en violation de la séparation des pouvoirs (article 16 DDHC).

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Fumus persecutionis : Stop Lawfare

Le contexte de la phrase de Jean-Luc Mélenchon « La République c’est moi » est le suivant : « Je suis parlementaire … La République c’est moi, c’est moi qui suis parlementaire. » Rien à redire, c’est constitutionnellement correct. « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants » (article 3 de la Constitution).

Un député est pleinement légitime à dire qu’il est la République (« La République c’est moi ») en tant que représentant du peuple qui exerce par son biais la souveraineté nationale.

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La vidéo de Quotidien sur la perquisition au siège de La France Insoumise [qui a valu à Jean-Luc Mélenchon et à plusieurs autres députés et cadres du parti un procès pour rébellion et autres choses] montre au début les policiers empêcher les députés LFI de monter à l’étage. Puis tout le monde monte à l’étage. Si la police avait ordre que personne ne monte, pourquoi les gens montent-ils finalement ? Si la police avait respecté cet ordre, il n’y aurait pas eu de problèmes. Et si la police n’avait pas ordre d’empêcher les députés LFI de monter à l’étage, pourquoi leur avoir dit qu’ils n’avaient pas le droit de monter, avant de les laisser monter ?

iii

Si les réformes de l’immunité parlementaire l’ont réduite à la peau de chagrin, elles n’ont pas vidé le principe du fumus persecutionis qui en est le fondement : la nécessité de protéger l’opposition parlementaire des abus de procédure judiciaire. D’où le hashtag #StopLawfare.

Le procès doit donc porter sur la perquisition elle-même, dans la mesure où toute la conduite de Jean-Luc Mélenchon ce jour-là est dictée par un fumus persecutionis, un soupçon de lawfare, de persécution à l’encontre de représentants du peuple (par détournement et abus de la procédure judiciaire via le parquet). Si le lawfare est avéré, la relaxe s’impose.

En l’occurrence, et Mélenchon l’explique ce jour-là même (c’est dans la vidéo), le traitement subi par LFI avec ces perquisitions signale une rupture d’égalité qui demande à être expliquée, car il pèse sur elle un fort fumus persecutionis (soupçon d’abus de procédure).

Une enquête sur les circonstances dans lesquelles le parquet (qui n’est pas indépendant de l’exécutif selon la Cour européenne des droits de l’homme) a décidé ces perquisitions chez un parti d’opposition est nécessaire.

La rupture d’égalité qui est un fumus persecutionis dans le cas des perquisitions chez La France Insoumise est illustrée par ce rappel du Canard enchaîné (du 18 septembre 2019) : « Surtout quand d’autres politiques – Bayrou pour ne pas le citer – suspectés eux aussi d’avoir fait travailler des assistants parlementaires pour leur parti n’ont pas exactement eu droit au même traitement. » L’opposition n’a pas droit au même traitement mais il n’y a pas abus de procédure du pouvoir en place contre l’opposition ?

iv

La vice-procureure demande à JL Mélenchon ce qu’elle devra dire à un simple justiciable si une personne publique refuse de se soumettre à l’autorité judiciaire. (Vincent Michelon, journaliste LCI)

La vice-procureure devra dire à ce simple justiciable que le parquet français « n’est pas une autorité judiciaire indépendante » selon la Cour européenne des droits de l’homme. Refuser de se soumettre au parquet n’est donc pas refuser de se soumettre à l’autorité judiciaire. 🤷‍♂️ #StopLawfare

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À Nantes, 48 heures de garde à vue pour un homard de carnaval en papier mâché. Le procureur voulait poursuivre pour « association de malfaiteurs », le juge n’a pas suivi. (via Mediapart)

Le juge n’a pas donné suite à des poursuites pour association de malfaiteurs du fait d’un homard en carton mais il n’a pas le pouvoir de sanctionner l’abus de procédure que constitue une demande si évidemment dénuée de tout fondement ! #StopLawfare

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Charybde ou Scylla, je pose ça là [sous un tweet du journal Fakir] : « Un député, même s’il sort des champs ou de l’usine, aura bientôt des opinions de député, car c’est un métier d’être député. Au travail de persuader, on prend bien vite une idée étrange des difficultés, des moyens et des solutions. C’est exactement devenir bourgeois … le métier de député change tout l’homme, et fort promptement. Adieu ouvrier, adieu paysan ! » Alain, Propos du 10 janvier 1931.

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Acte 45

Le nassage de touristes sur les Champs-Élysées a-t-il pour but de permettre de fouiller des sacs de touristes ne parlant pas français après leurs emplettes dans les boutiques de luxe ?

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Dans un tweet, la préfecture de police appelle les Champs-Élysées, selon le poncif, « la plus belle avenue du monde » (qu’elle a sécurisée). Et quand le Français s’envoie des fleurs, non, il n’est pas ridicule. (C’est quand les autres font la même chose que c’est ridicule.)

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« Homophobie dans les stades : En fait-on trop? » (Bandeau CNews)

Si vous pensez que la fédération de football en fait trop, alors la loi expression de la volonté générale je ne vous raconte même pas…

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No Deal

Quand, pour la Cour EDH, le parquet français, bien qu’il ne soit « pas une autorité judiciaire indépendante », a le droit d’exister (avec les énormes pouvoirs judiciaires qu’il possède !), je ne m’étonne pas que les Anglais aient deux fois [voire trois fois] menacé de quitter le Conseil de l’Europe. Notez bien : Avec le Brexit, les Anglais vont quitter l’Union européenne mais ils quitteront peut-être aussi le Conseil de l’Europe. Et ils le feront parce que leurs libertés sont incompatibles avec le droit continental autoritaire et indécrottable ! Ils le feront donc pour la même raison que le Brexit. Et c’est pourquoi un No Deal ne peut être un obstacle au Brexit : parce que le sujet est une divergence de conception juridique, donc de conception de la liberté, et non d’abord le sujet économique.

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What’s Wrong With U.S. Whistleblowers Legislation

Government employees are only protected by the First Amendment when they are speaking as private citizens. If their speech is part of their official job duties, then they can be fired or disciplined for it (Garcetti v. Ceballos, 2006).

“Government employees who are performing whistleblowing functions are not protected by the First Amendment, since reporting misconduct is often part of an employee’s official duties.” (freedomforuminstitute.org)

It results from the preceding that a (civil servant) whistleblower who performs whistleblowing, because public reporting would entail overwhelming retaliation, is not protected by the First Amendment, nor is the employee who reports publicly, as he then acts as an official employee. Thus, no civil servant who reports misconduct is protected by the First Amendment.

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Happy Slapping dans ta face, Gilet Jaune !

5 mois de prison avec sursis pour une vidéo de manif. (dijoncter.info)

Un manifestant [Gilet Jaune] condamné en vertu de la loi « anti-slapping » de 2007, qui rend complice des violences physiques toute personne qui filme et diffuse ces violences sans être journaliste. À l’époque il s’agissait de lutter contre les agressions filmées « pour rire » par les agresseurs. (G. Champeau)

Je pensais que les juges étaient censés tenir compte de l’intention du législateur. Si l’exposé de la loi et les débats législatifs montrent que la loi est destinée à ce que vous dites, cette condamnation n’est-elle pas un détournement de l’intention du législateur par le juge ?

Une loi est déposée avec un exposé des motifs, que le ministre rappelle oralement au commencement des débats. C’est sur la foi de cet exposé que les parlementaires débattent et votent. Aucun parlementaire n’a donc, par la loi anti-slapping, voté une loi permettant la présente condamnation.

Ou bien, les parlementaires ont voté une telle loi à leur insu, c’est-à-dire à l’insu de leur plein gré, l’exposé des motifs et le débat ne les ayant pas suffisamment éclairés, et cela doit dès lors être imputé à un subterfuge du gouvernement (ex ante) ou de l’autorité judiciaire (sous l’influence du parquet) (ex post). Un subterfuge par lequel on rendrait suspect a priori le fait de filmer l’action des forces de l’ordre lors d’opérations d’encadrement de manifestation.

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Privilèges à vie

Les anciens Premiers ministres conserveront voiture et chauffeur à vie. (Capital Magazine) [Un titre qui, pour beaucoup de gens qui ne savaient pas que les anciens Premiers ministres conservent voiture et chauffeur à vie depuis bien longtemps, signifiait que cet avantage venait d’être créé.]

En gros titre, « Les anciens Premiers ministres conserveront voiture et chauffeur à vie », on peut comprendre qu’ils ne les conservaient pas jusqu’à présent. C’était ce que j’avais compris et j’allais vraiment m’énerver. Vous l’avez fait exprès, @MagazineCapital ?

Beaucoup de gens, en fait presque tous, ne lisent pas les articles dont ils ont lu le titre. Il faut donc interroger Capital. C’est peut-être un acte de malveillance envers notre cher Président ! Car ce gros titre de Capital enflamme la Toile, en faisant passer une positive mesurette de suppression de quelques avantages pour une création de nouveaux avantages.

Or le Premier ministre « avait indiqué en février vouloir faire en sorte que les moyens qu’on attribue aux anciens Premiers ministres ne soient pas accordés à vie, mais pendant dix ans » (Le Parisien). Mais la voiture et le chauffeur finalement restent à vie, contrairement à l’annonce de février : ça aussi, ça énerve les gens.

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Le ministère de l’Intérieur contraint de reconnaître le LBD comme « arme de guerre » (Capital, avril 2019)

Si le ministère reconnaît que le LBD est une arme de guerre, c’est forcément une « arme dangereuse » selon notre jurisprudence administrative. L’usage d’une arme dangereuse engage la responsabilité des forces de l’ordre pour les blessures commises avec ces armes « sans faute » des forces de l’ordre à prouver. Cette jurisprudence concerne « les tiers » aux opérations. Il serait curieux (et malsain) qu’en cas de manifestation tous les manifestants soient exclus a priori du statut de « tiers à une opération », pour refuser d’appliquer la responsabilité sans faute aux cas de blessures par LBD, si les blessures ont été occasionnées lors d’une opération d’encadrement de manifestation.

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First Amendment & the New Agora

Isn’t it strange that “The First Amendment does not impact the ability of private citizens and organizations to punish or limit speech” (freedomforuminstitute.org), thus allows Twitter, as a private company, to suppress speech according to its own rules, and at the same time “a judge ruled that President Trump could not block people from following him on Twitter. It was the most prominent in a series of rulings finding that access to public figures on social media is a constitutional right’’ [as] ‘’public officials use these accounts to conduct official business or make announcements” &, as a commentator puts it, “social media is where so much of our public discourse is happening these days” (governing.com, Sorry Politicians, You Can’t Block Critics on Twitter, Sep 2018). Twitter private company has the First Amendment power to decide what speech is allowed on its platform “where so much of our public discourse is happening these days.” That objectively makes it a bigger (potential) censor than any government of bygone ages. As a matter of fact, platforms like Twitter, but especially Twitter, are becoming the Agora (public forum) of the IT age. On these privately owned platforms, public officials and constituents alike obey the discretionary rules of the private owner.

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Cocorico le Barbare

Concernant la plainte contre Mélenchon pour son « policiers barbares », dans les articles du code pénal sur l’injure ou la provocation à la haine « envers un groupe de personnes à raison de », je trouve beaucoup de choses, race, nationalité, religion, sexe, orientation sexuelle…, mais pas « à raison de leur corporation ».

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A défaut de lire la réponse à la question essentielle, j’ai compté les lignes de votre article [LCI] sur mon écran : 47 lignes et pas de réponse à la question essentielle : Quelle infraction Mélenchon a-t-il commise pour justifier une plainte?

Diffamation. (ixtebe64)

La réponse est non. Dans l’article 32 de la loi de 1881, relatif à la diffamation, il est question de diffamation envers les particuliers ou « envers un groupe de personnes à raison de » : ethnie, nation, race, religion, sexe, orientation sexuelle, identité de genre, handicap. Tout sauf « à raison de leur corporation ». [Exactement comme pour l’injure et la provocation à la haine, donc : voyez supra.)

Et même si la diffamation était retenue, Mélenchon « a en sa possession des éléments lui permettant de s’exprimer comme il l’a fait ». Ces éléments sont publics.

On peut aussi raisonner par l’absurde : Que peut-on critiquer si tout propos critique est passible de poursuites pénales ? Rien. Ça ne vous dérange pas ? Cette plainte ne débouchera sur rien mais elle instille un climat qui conduit à l’étouffement de la parole.

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C’est parce que le mort était mort que son assassin l’a tué

Est caractérisé de tentative d’homicide volontaire le fait d’essayer de tuer une personne qui en réalité est déjà morte mais que l’auteur croit encore en vie. Cass, crim, 16 janvier 1986 (Curiosités juridiques)

Il ne peut y avoir de tentative d’homicide car il ne peut y avoir d’homicide. La tentative implique plus qu’une intention. Ici, c’est l’intention que le juge condamne, pas une tentative. Or le souhait ou l’intention de tuer quelqu’un n’est pas condamnable en soi.

À l’intention subjective doit correspondre une situation objective, pour pouvoir parler de tentative. Si, sur la foi de certaines superstitions, je plante des aiguilles dans une poupée pour tuer un homme, il n’y a pas tentative d’homicide volontaire.

Dès lors, la seule infraction qu’a commise cette personne est l’atteinte à l’intégrité d’un cadavre (article 225-17 du code pénal). Mais il est important de noter que cette atteinte est involontaire.

ii

Si j’ai bien compris, le texte s’applique dans le cas où, par exemple, quelqu’un poignarde un mort en pensant qu’il était vivant. Il y a bien une tentative d’homicide, qui aurait sûrement réussi si la victime n’était pas déjà morte. Dans le cas de la poupée vaudoue, que la victime soit vivante ou morte, il ne s’agit pas d’une tentative « réelle ». En revanche, je me demande si on peut poursuivre quelqu’un pour l’intention… (T. Boudawa)

La tentative avec la poupée est réelle pour celui qui l’accomplit. Et la tentative n’est pas plus réelle pour celui qui poignarde un mort.

(Pour l’anecdote – mais ce n’est sans doute pas déplacé dans un fil de « curiosités juridiques » –, le Concile de Tolède de 694 a interdit les missae pro morte inimicorum (messes pour la mort des ennemis) comme superstitieuses et vindicatives.) [Voyez mon Macri Hierolexicon]

iii

Mais ici le juge utilise les termes « le fait d’essayer », donc si l’on s’en tient compte de cela on peut dire qu’il condamne bel et bien la tentative et non l’intention. Car dans l’intention il n’y a aucune action et par conséquent aucune infraction… (L’anticonformiste)

Une intention avec action mais sans possibilité matérielle objective de réalisation n’est pas une tentative, et c’est pourquoi le juge ne condamne pas comme tentatives d’homicide les rites de sorcellerie par exemple.

Le juge a condamné comme tentative d’homicide des coups à un cadavre car, alors qu’il méprise celui qui tente de réaliser ses intentions homicides par magie, il voit de la dangerosité chez l’autre. Or condamner des « états dangereux » est une philosophie totalitaire du droit. [Comme le savent les étudiants en ces matières.]

iv

« qui aurait sûrement réussi si la victime n’était pas déjà morte » (cf ii)

Imaginons que l’individu entre dans le salon, trouve son ennemi mortel assis dans un fauteuil, croit qu’il dort (il est mort), il y a un couteau sur la table à côté, la haine accumulée depuis des années remonte, il le poignarde. S’il l’avait vu bouger, il aurait simplement refermé la porte. Dans ce cas, c’est parce que le mort était mort que son assassin l’a tué.

Car il est plus facile d’assassiner un mort qu’un vivant, et le moindre signe de vie aurait sans doute empêché la haine de se transformer en intention criminelle. Le cadavre était trop tentant.

Dès lors, on ne peut même pas déduire avec certitude le risque que pose aux vivants celui qui a tué un mort. Tout ce qu’on sait de cette personne, c’est qu’elle est capable de tuer un mort. Or notre société est la société des vivants et c’est la société des vivants que protège le droit.

1/ Il est vrai que votre raisonnement se tient. Mais je ne parviens pas à écarter l’idée que l’auteur de l’acte croit sa victime vivante… Mais dans ce cas en effet la distinction doit être à effectuer quant aux motivations de l’auteur, entre une “simple” haine ou un crime calculé.

2/ Mais cela contrevient quelque peu au principe d’indifférence des mobiles, si l’on effectue une distinction lors de la qualification entre deux actes non prémédité, l’un étant passionnel et l’autre de sang froid. (Briac de V.)

Réponse à 1. Je le crois aussi [réponse à « Mais dans ce cas en effet la distinction doit être à effectuer quant aux motivations de l’auteur, entre une ‘simple’ haine ou un crime calculé »]  (j’ai par ailleurs dans mes écrits [mes écrits non publiés] une réfutation de l’excuse de la poche vide [cf le prof. Guillaume Beaussonie, qui cite au titre des « infractions impossibles » : « tirer sur une victime déjà morte ; tenter de faire avorter une femme qui n’est pas enceinte ; voler une poche vide »]). Le crime calculé semble déduit par beaucoup (ici) du jugement, ce qui donne indirectement du poids à mon raisonnement.

[En réalité, même la préméditation ne ruine pas cette ligne de raisonnement (il n’a pas échappé au lecteur que mon argumentation repose sur deux lignes de raisonnement), car le crime peut, tout en ayant été prémédité, avoir été favorisé par l’état cadavérique au-delà de ce qu’il aurait été permis à l’accusé d’espérer s’il avait eu affaire à une personne vivante.]

Rép. à 2. Il faudrait déterminer à quel degré l’état cadavérique a permis à l’accusé de surmonter ses inhibitions. Même si l’accusé avait renversé des chaises sur le chemin vers sa victime, celle-ci ne se serait pas réveillée (et pour cause), et il aurait cru que la chance lui sourit.

v

La poche vide, je considère que ce n’est pas la même chose : [ce que j’appelle] la situation objective ne manque pas, simplement le pickpocket a choisi la mauvaise poche, ou le mauvais jour (la personne est sortir sans argent ce jour-là). Le mort, lui, ne peut être tué ni aujourd’hui ni demain ni d’aucune manière.

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Lubrizol
(Incendie d’une usine classée Seveso à Rouen)

Et si tu mets un masque anti-pollution pour sortir, tu es coupable de « dissimulation du visage dans l’espace public » (loi N°2010-1192).

Les images des médias sur Lubrizol montrent des gens dans la rue avec des masques antipollution. Arrêtez, c’est insupportable, ces violations de la loi !

On me dit que des dérogations sont possibles si « la tenue est justifiée par des raisons de santé ». Dans ce cas, prouvez l’effet du masque antipollution sur la santé ! Il n’y a aucune preuve scientifique, donc vos excuses vous pouvez vous les garder.

ii

Rouen: pour la maire de Canteleu, « il faut que la solidarité nationale s’exprime ». (BFMTV) Réaction d’un twittos : Non, il faut que les pollueurs PAIENT !!!

La solidarité nationale paye bien pour les accidents du travail-maladies professionnelles…

Les travailleurs payent pour les cotisations AT-MP « à la charge des employeurs » et c’est constaté par le rapport constant 2/3:1/3 entre revenus du capital et revenus du travail sur les 150 dernières années (Thomas Piketty). Les AT-MP sont une fonction statistique du niveau d’activité et sont donc de la seule responsabilité des patrons. Facialement, les cotisations sont à la charge de l’employeur, mais réellement le travailleur, ou la « solidarité nationale », paye.

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A Florida library once only allowed teens with parental permission to check out The Autobiography of Malcolm X, because of its “anti-white racism.” (ACLU=American Civil Liberties Union)

Was it a privately-run library? If it was such a library, shouldn’t the rule apply to its private management: “The First Amendment does not impact the ability of private citizens and organizations to limit speech”?

Another question: Does ACLU see its role as that of a pressure group pressing private organizations to promote, or at least to avoid limiting access to some kind of speech, or does it also question the constitutionality of that First Amendment interpretation according to which private organization can limit speech? (The principle that private organizations can limit speech is not the letter of the First Amendment and results from precedent.)

According to E.U. law, the private management would, unless I’m mistaken, abide by the public regulations. But E.U. law makes no difference between public and private organizations as to prohibited speech. In the E.U., private organizations cannot limit speech any more than public organizations; that would be discrimination based on speech*. Yet the difference with U.S. is also that E.U. law prohibits a much larger range of speech. So a private org would not be allowed either, any more than a public one, to give access to such prohibited speech.

*[I am probably overoptimistic regarding the existence of what I here call speech-based discrimination in the E.U.]

I link to a Center for Digital Education’s paper called “Privately-Run Libraries Expand Throughout U.S.” (2015) and the question is whether these privately-run libraries are public or private organizations re First Amendment law. “A Maryland company that runs public libraries faces opposition as it seeks to add the 24 libraries in California’s Kern County to its portfolio of 82 in six states.” That company might invoke the principle that ‘’the First Amendment does not impact the ability of private organizations to limit speech” and thus would be fully justified by U.S. law to limit access to such books as the Autobiography of Malcolm X.

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Depuis 1994, en France, les prisonniers peuvent voter.

Les personnes détenues peuvent voter par procuration ou demander une permission de sortir.

Cependant, bon nombre d’entre elles sont exclues de cette deuxième option car elles n’y sont pas éligibles. Par ailleurs, la demande de permission de sortir peut toujours être refusée, et ce à quelques jours du scrutin, empêchant celle qui n’a pas prévu de procuration de voter.

Si les personnes détenues n’ont plus d’attache dans leur commune d’origine, elles doivent s’inscrire sur les listes électorales de la commune du lieu d’implantation de la prison. Et pour la procuration trouver un mandataire inscrit dans la même commune.

(Observatoire international des prisons, section française, août 2017)

Depuis 1994 😂 😭