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Droit 26 : Un arrêt de la Cour suprême de Suède sur la liberté d’expression
Cet arrêt importe à des Français dans la mesure où il s’agit d’une application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), dont la France est signataire. La loi d’un pays, ce ne sont pas seulement les textes votés par le législateur de ce pays mais également leur interprétation aux cas particuliers par les tribunaux. Par conséquent, la loi de la France est non seulement la Convention européenne des droits de l’homme, qui a force de loi chez nous depuis sa ratification, mais également son interprétation par les tribunaux, à savoir la Cour européenne des droits de l’homme, en dernier ressort après l’épuisement des voies de recours nationales, ainsi que les tribunaux nationaux. Et les tribunaux nationaux, cela ne signifie pas les tribunaux propres à chaque pays respectivement : un arrêt de la Cour suprême de Suède doit avoir autant de force en France, comme acte d’interprétation de la Convention, qu’un arrêt de la Cour de cassation ou une décision du Conseil constitutionnel ou de n’importe quel tribunal français. En effet, la Convention n’aurait aucune valeur juridique intrinsèque si telle jurisprudence nationale lui donnait un sens et telle autre un autre sens. C’est ce que le statut de la Cour européenne comme juge de dernier recours implique en soi, et cela implique en outre que les législateurs et les tribunaux nationaux doivent tendre vers une interprétation uniforme de la Convention. En somme, l’arrêt de la Cour suprême de Suède Riksåklagaren mot Åke Green (Procureur du Royaume contre Åke Green) du 29 novembre 2005 fait jurisprudence en France et dans les autres pays signataires de la Convention, jusqu’à preuve du contraire. Si cet arrêt était inconnu de la plupart des juges français et des autres juges nationaux d’Europe en dehors de Suède, comme je le suppose, ce serait la preuve d’un état très primitif du droit sur le continent, d’une intégration par le droit défaillante, et d’une protection des libertés fondamentales se constituant de la manière la plus anarchique et paresseuse.
Il s’agit par le présent billet de montrer ce que la Cour suprême de Suède a déclaré ne pas être du hate speech (j’emploierai sans réserve cette expression anglophone car la Cour de Suède y recourt elle-même dans son arrêt), en particulier pour que les prévenus français en ces affaires puissent invoquer la jurisprudence suédoise devant les tribunaux français.
J’ai déjà parlé de l’affaire sur ce blog (Law 18 : ici), en anglais, et commencerai donc par citer ce que j’ai dit.
As Finnish politician Päivi Räsänen is currently prosecuted for hate speech in Finland after having expressed her Christian views about homosexuality, let us remember a case in Finland’s neighboring Sweden, where Pentecostal Pastor Åke Green was acquitted by the Swedish Supreme Court applying Articles 9 (freedom of conscience and religion) and 10 (freedom of speech) of the European Convention on Human Rights (ECHR) against the Swedish criminal code.
For having in a sermon « described ‘sexual perversions’ (referencing homosexuality) as ‘abnormal, a horrible cancerous tumor in the body of society’ [and] said that a person cannot be a Christian and a homosexual at the same time » (Wikipedia), Pastor Green was prosecuted for group libel (hets mot folksgrupp, « incitement against a group ») and sentenced to one month in prison. The court of appeals overturned the sentence, leading the attorney general, unsatisfied that Pastor Green could get off scot-free for expressing his views, to bring the case before the Supreme Court.
In 2005 the Supreme Court, invoking the ECHR that applies to all party states (among them Finland too), upheld Pastor Green’s right to express his views.
Then, « [r]esponding to the sentence, Sören Andersson, the president of the Swedish Federation for Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Rights (RFSL), said that religious freedom could never be used as a reason to persecute people. » (Wikipedia) This is a testimony of this person’s blatantly muddled notions since, even though there were no separation of Church and State in Sweden (there is a national Lutheran church), expressing one’s negative views about homosexuality from outside the national church and state in no way can be construed (contrived) as persecution of homosexuals, and on the contrary it was Pastor Green’s conviction for his speech that was persecution – state persecution (endorsed by RFSL), until the Supreme Court overturned the conviction.
I ask the Finnish courts regarding Päivi Räsänen to uphold Sweden’s interpretation of the ECHR and not to make an empty nutshell of the Convention.
Après avoir été condamné à un mois de prison pour des propos sur l’homosexualité prononcés lors d’un prêche, le pasteur Åke Green fut relaxé en appel et la Cour suprême, saisie par le procureur insatisfait de cette relaxe, confirma le jugement d’appel : Åke Green avait été condamné injustement compte tenu du respect des articles 9 et 10 de la CEDH s’imposant aux autorités suédoises à l’encontre des dispositions du code pénal suédois.
Dans ce passage en anglais, je rappelle également que le président de la fédération suédoise des organisations LGBT protesta publiquement contre l’arrêt de la Cour suprême en contestant que la liberté religieuse puisse être utilisée à des fins de persécution. À quoi je réponds que des propos tenus en dehors de l’État et/ou de l’Église nationale (il existe en Suède une église luthérienne nationale dont le statut est encore plus ou moins, mais moins qu’au Danemark, celui d’une Église d’État, cependant le pasteur Green appartient à une autre dénomination, sans lien avec l’État) ne pouvaient être considérés comme de la persécution mais que c’est au contraire la condamnation du pasteur Green qui était de la persécution d’État (une persécution approuvée par la fédération suédoise LGBT). – Je considère du reste que même de simples propos tenus dans des positions gouvernementales ou ecclésiastiques dans une Église d’État ne seraient pas non plus de la persécution, car des paroles ne sont pas encore des actes, une politique.
Voici les propos tenus par le pasteur Green tels que cités et incriminés par le procureur suédois, quatre passages en tout. (Je les donne à lire dans ma traduction ; le texte original est renvoyé à la fin du billet.)
(1)
« La légalisation des relations sexuelles entre un homme et un homme ou entre une femme et une femme ne peut produire que des catastrophes sans pareilles. Nous en voyons déjà les conséquences. Nous le voyons avec l’épidémie du sida. Certes, les personnes malades du sida ne sont pas toutes homosexuelles mais cette épidémie est d’abord apparue, à un moment, parmi ces dernières, et depuis lors d’autres personnes peuvent naturellement être infectées à leur tour par cette horrible maladie sans pour cela avoir quoi que ce soit de commun avec ce qui se cache derrière, en termes d’homosexualité. »
« La Bible nous offre des enseignements au sujet de ces déviances (abnormiteter : anormalités). Les déviances sexuelles sont une profonde tumeur cancéreuse dans le corps social. Le Seigneur sait que les personnes déviantes sexuellement en viennent y compris à violer des bêtes. Même les bêtes ne sont pas à l’abri des désirs sexuels de l’homme et du feu qui brûle en lui. »
« Corrupteurs d’enfants. Déjà à l’époque où la Bible fut écrite, le Seigneur savait ce qui se passerait. Nous l’avons vu et nous le voyons et nous en sommes horrifiés. Paul parle dans la première épître aux Corinthiens, un et dix, des pervers. Le mot pervers est une traduction du texte original, qui parle de ‘ceux qui couchent avec des garçons’. Ceux qui couchent avec des garçons sont les pervers dont parle la Bible. Je tiens à souligner que les homosexuels ne sont pas tous pédophiles. Les homosexuels ne sont pas tous des pervers. Mais en ouvrant la porte des domaines interdits, on permet au vice de prendre racine dans l’esprit. Et celui qui est aujourd’hui un pédophile ne l’a pas toujours été mais a commencé par changer ses manières. C’est de cette façon que cela commence. Et être fidèle dans une relation homosexuelle n’est guère mieux, en aucune façon, que de changer de partenaire chaque jour. Ce n’est guère mieux, c’est tout aussi abject aux yeux de Dieu. »
« C’est librement que l’on renonce à la pureté pour adopter l’impureté. Ils changent en conscience, dit Paul. L’homosexualité est quelque chose de malade. C’est une pensée saine et pure changée en pensée contaminée. C’est un cœur sain changé en cœur malade. C’est ainsi que ça se passe : un corps sain qui a été dévasté en raison d’un retournement, dit Paul… L’homosexualité est quelque chose que l’on choisit, réponds-je. On la choisit. On ne naît pas dans cet état, on le choisit, tout simplement. »
*
Le procureur suédois a considéré que ces paroles étaient de l’incitation à la haine envers les homosexuels. La Cour suprême ne l’a pas suivi et c’est ce qui fait jurisprudence.
Il est toujours difficile de tirer des conclusions certaines de ce genre d’affaires car les juges rappellent sans cesse que c’est une appréciation en contexte, de sorte que, si nous disions qu’il est depuis cet arrêt licite en droit suédois de dire par exemple que « l’homosexualité est quelque chose de malade », ce serait peut-être encore trompeur car c’est toujours une affaire de contexte. Or la libre appréciation du contexte tend aussi toujours fortement à l’arbitraire. Comme je l’ai déjà fait remarquer ailleurs, les professionnels du droit ne sont pas d’accord et ne peuvent être d’accord sur ce qu’il est permis de dire avec des lois comme celle qui considérée (ici le procureur a eu un juge avec lui et deux contre lui), car on ne peut tout de même pas faire comme certains politiciens français et laisser croire que ce sont des opinions en tant que telles qui sont condamnables pénalement, à savoir, ici, ce que les mêmes politiciens appellent « l’homophobie » et qui n’est autre qu’une certaine opinion sur l’homosexualité, en l’occurrence une opinion négative. Ou bien on est libre d’avoir une opinion sur l’homosexualité et alors cette opinion peut être négative, ou bien on n’est pas libre et dans ce cas c’est une opinion sur l’homosexualité qui est condamnée en tant que telle et non simplement les propos injurieux ou autrement haineux qui pourraient en découler.
Or, en raison de ces contextualisations permanentes ne pouvant faire l’objet d’aucune définition, toutes ces lois de hate speech condamnent en réalité, partout où elles existent, certaines opinions, ce qu’elles ne sont pas supposées faire dans des sociétés qui défendent une liberté chèrement acquise. C’est pourquoi des gens comme les politiciens français ne s’embarrassent guère de dialectique subtile : pour eux, ce sont des opinions qui sont condamnées quoi qu’en dise notre Constitution. Mais un juge doit être dialecticien et c’est pourquoi il cherche à draper son arbitraire, le plus souvent, dans des argumentations balancées censées montrer qu’il a bien tenu compte de la liberté d’expression en condamnant l’expression d’une pensée. Tout cela relève d’une division du travail dans l’enfumage : les politiciens vendent ces lois comme autant de moyens de bâillonner des opinions, la justice administre des sentences comme si ces lois ne visaient pas les opinions elles-mêmes. Pour toutes ces raisons, de telles lois ne peuvent être dites avoir la clarté suffisante demandée à la loi pénale pour garantir droits et libertés. La lettre de ces lois est peut-être claire mais leur application ne l’est pas : les dissensions entre professionnels du droit ne portent pratiquement jamais, dans ce genre d’affaires, sur les faits, la personne reconnaît avoir tenu les propos incriminés, sa défense porte sur l’application de la loi aux faits, c’est-à-dire de son application aux propos tenus. Tant de dissensions avec tant de certitude quant aux faits, c’est la preuve que ces lois sont pourries.
Les paroles du pasteur Green auront, je pense, fait bondir plus d’un lecteur français, pour qui c’est de la haine à l’état pur qui se trouve exprimée là. La Cour suprême suédoise n’a aucune raison non plus de croire qu’il se trouvera des homosexuels que de telles paroles laisseront indifférents. Cependant, elle a jugé que ce n’était pas du hate speech et elle a même, nous allons le voir, catégoriquement exclu que cela puisse en être.
*
Avant d’en venir au jugement lui-même, voyons les arguments de la loi sur l’incitation à la haine tels que la Cour les résume et tels que le gouvernement suédois les a présentés au moment du débat législatif en 2003. (Je cite ces arguments dans ma traduction ; l’original se trouve en fin de billet.) Le lecteur comprendra qu’on est loin de la France. L’accumulation des réserves exprimées devant cette atteinte à la liberté d’opinion montre que l’on prend cette dernière très au sérieux. En France, cette préoccupation est comparativement inexistante.
(2)
« Au sujet de la modification de la loi, le chef d’accusation décrit par les termes ‘qui exprime de la haine (uttrycker missaktning)’ a été discuté. Ce chef d’accusation a été introduit en 1970 et a été largement employé dans la pratique. Cependant, toute parole péjorative ou humiliante n’est pas concernée. Les propos ne pouvant être considérés comme outrepassant les limites d’une critique factuelle de certains groupes sont en dehors du domaine prohibé. Pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. Le respect de la liberté d’opinion et du droit de critique ne peut certes servir de défense à des propos exprimant de la haine envers un groupe, en raison par exemple de l’appartenance à une nationalité, et qui pour cette raison seraient de peu de valeur. Le domaine illicite ne saurait cependant recevoir une extension telle qu’il puisse être appliqué à une discussion factuelle ou à une critique de l’homosexualité. On ne saurait admettre que la criminalisation des propos représente un obstacle à la liberté d’opinion ou une mise en cause de la libre formation des opinions. En outre, la liberté de la recherche scientifique doit être garantie. »
On est très loin de la France. Chez nous, un Premier ministre en exercice peut tweeter que « le racisme est un délit » et un Président de la République en exercice que « l’antisémitisme est un crime » sans que cela fasse bondir qui que ce soit parmi les commentateurs. En réalité, dans un régime constitutionnel, le racisme, l’antisémitisme ne sont ni des crimes ni des délits puisque ce sont des opinions et que les opinions sont libres. Seuls certains propos pouvant éventuellement découler de ces opinions sont condamnés (au titre, entre parenthèses, de délits et non de crimes). – L’excuse selon laquelle il ne s’agit pas, dans ces tweets, de langage juridique mais d’hyperboles vaut ce qu’elle vaut. Il est certain qu’on ne peut demander à des gens ignorants du droit de comprendre la portée juridique de leurs paroles.
Pour ce qui est de notre sujet, un document du ministère de l’intérieur indiquait que « l’homophobie n’est pas une opinion, c’est un délit ». L’administration étant hiérarchiquement soumise aux élus, il n’est pas étonnant qu’elle ressorte les mêmes mensonges ou absurdités que ceux-ci mais c’est encore plus consternant car on attend de l’administration qu’elle adopte en toutes circonstances le langage du droit plutôt que de recourir à des hyperboles fallacieuses. Or une opinion ne se définit pas par un contenu puisque tout contenu peut être une opinion. Si le gouvernement souhaite interdire une ou des opinions, il est contraint de procéder de la manière suivante : d’abord supprimer la liberté d’opinion, ensuite interdire par la loi telle ou telle opinion. Le gouvernement à la tête de l’administration qui a produit le document cité n’ayant, pas plus qu’aucun autre avant lui, supprimé la liberté d’opinion, l’homophobie reste libre. L’idée que certains contenus seraient des opinions et d’autres non est une infamie, car comment l’État pourrait-il garantir la liberté d’opinion s’il lui suffisait, pour supprimer des opinions, de décréter que ce n’en sont pas et que par conséquent la liberté ne s’y applique pas ? En réalité, même les « propos homophobes » ne sont pas en tant que tels un délit : il faut que les propos soit « injurieux », ou « diffamatoires », ou « incitent à la haine », etc. Je ne sais trop si l’on peut logiquement penser qu’un propos puisse être homophobe, c’est-à-dire contre l’homosexualité, sans être injurieux ou diffamatoire ou autre ; je sais seulement que, si c’est impossible, la loi condamne bel et bien une opinion, malgré la constitutionnelle liberté d’opinion.
Or, pour la Cour suprême suédoise, c’est possible, on peut critiquer ouvertement l’homosexualité sans tenir des propos illicites : « Le domaine illicite ne saurait cependant recevoir une extension telle qu’il puisse être appliqué à une discussion factuelle ou à une critique de l’homosexualité (en saklig diskussion om eller kritik av homosexualitet). » Qu’une « critique factuelle » et licite de l’homosexualité soit de nature à être reçue sans peine émotionnelle de la part de personnes homosexuelles est en soi douteux, et les propos du pasteur Green déclarés licites par la Cour avaient d’ailleurs suscité une émotion certaine dans les milieux homosexuels, qui réclamaient et applaudirent la sanction pénale. C’est, selon leurs représentants associatifs, ce que demandait leur balance émotionnelle. La Cour suprême suédoise indique que les états émotionnels des groupes faisant l’objet d’une critique licite ne sont pas à prendre en considération dans l’application de la loi. Je peux par conséquent, en droit, développer une critique licite sans me préoccuper des larmes des membres appartenant au groupe que je critique.
Une fois tirée cette conclusion indubitable, se pose alors la question : quel est donc l’objet de la loi ? Pourquoi certaines critiques sont-elles licites et d’autres non si elles doivent toutes faire subir une sorte de préjudice moral aux membres des groupes critiqués ? La jurisprudence de la Cour montre en creux qu’il n’existe aucune justification à l’adoption d’une telle loi, car si la loi vise à prévenir un préjudice moral elle devrait prendre en considération toutes les situations créant ce préjudice. Les restrictions apportées à une liberté fondamentale doivent, aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, répondre à une nécessité sociale. Celle-ci, nous dit en substance la Cour suédoise, est inexistante. D’un autre côté, si je ne laisse aucune latitude à la critique de tel ou tel groupe, je supprime en réalité une opinion purement et simplement, ce qui n’est pas non plus permis en raison de la liberté d’opinion chèrement acquise. Il ne reste donc que le moyen dérisoire et pathétique de définir certaines opinions comme n’étant pas des opinions.
Poursuivons l’analyse des limites de la loi. « [T]oute parole péjorative (nedsättande) ou humiliante (förnedrande) n’est pas concernée », c’est-à-dire n’est pas illicite. Cela renforce l’idée précédemment développée que toute parole susceptible de troubler l’équilibre émotionnel des personnes du groupe critiqué ne saurait être condamnable sans d’autres qualifications qui la fassent tomber sous le coup de la loi. J’ai le droit de tenir des propos péjoratifs et/ou humiliants à l’encontre d’un groupe : ce n’est pas cela, en tant que tel, qui est condamné.
« Pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair (fullt klart) que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. » Il est certain, au vu de ce qui précède, que pour la Cour une discussion peut être factuelle et objective tout en comportant des termes ou des paroles péjoratives ou humiliantes, c’est-à-dire que cette critique factuelle peut être passionnée et même emportée, ou bien encore blessante de façon réfléchie. En outre, si l’on peut encore penser, dans ces conditions, que des limites puissent être jamais outrepassées, il faut que ce soit, non pas simplement sensible, ni même simplement manifeste, mais « parfaitement clair », ce qui signifie que le moindre doute à ce sujet doit empêcher une condamnation. On sait qu’en matière pénale « le doute profite à l’accusé » ; ce principe n’a aucune réalité en droit français, où c’est l’intime conviction du juge qui est déterminante (et elle ne saurait justement s’appliquer que dans les cas douteux), mais je crois que la formule employée par la Cour suédoise a du sens dans ce pays, et quand quelque chose doit être « parfaitement clair » dans le contexte d’une interprétation sémantique, je ne vois d’autres possibilités de poursuites que dans l’aveu d’un prévenu qui demanderait lui-même sa condamnation.
Je passe rapidement sur la « liberté de la recherche scientifique (vetenskapens frihet) » qui doit être garantie, si bien que la critique factuelle des homosexuels ou d’autres groupes pourrait être, selon la Cour, confirmée par une libre recherche.
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Saisi par le Conseil des Églises libres de Suède (Sveriges Frikyrkosamråd) sur la menace que la loi faisait peser sur des prédicateurs chrétiens, le gouvernement ajouta encore les garanties suivantes, que rappelle la Cour dans son arrêt. (Ici dans ma traduction ; original en fin de billet.)
(3)
« L’objectif n’est pas de faire obstacle au raisonnement ni aux discussions concernant l’homosexualité, la bisexualité ou l’hétérosexualité, que ce soit à l’église ou en d’autres lieux de la société. Il doit aussi être possible aux homosexuels et aux autres de répondre, dans un débat libre et ouvert, à des conceptions erronées et de les corriger, afin de s’opposer de cette manière à des préjugés qui risquent autrement de se maintenir dans l’esprit des personnes condamnées.
L’actuelle législation sur l’incitation à la haine envers un groupe comporte aussi des limites, de façon que tout propos comportant des jugements envers un certain groupe ou toute marque de mépris n’est pas illicite. Les travaux préparatoires, entre autres, montrent que, pour qu’une condamnation puisse être prononcée, il faut que soit parfaitement clair que le propos outrepasse les limites d’une discussion factuelle et objective au sujet du groupe en question. … Un certain champ de licéité doit être évidemment laissé à la critique ou à d’autres propos du même genre. »
Le gouvernement suédois a lui aussi pleinement conscience des nécessaires limites de la loi. Il ajoute l’argument selon lequel la libre discussion de l’homosexualité est un moyen de permettre de corriger des préjugés. Examinons cette affirmation. Les personnes critiques de l’homosexualité ont le droit d’exprimer leur point de vue dans les limites posées par la loi. Ces limites sont présentées, on l’a vu, comme laissant une très large latitude aux locuteurs, sont réellement présentées comme étant à peine des limites : je peux être péjoratif et humiliant, c’est-à-dire blesser des sentiments, il faut pour que je sois condamné qu’il soit « parfaitement clair » que j’outrepasse les limites d’une discussion factuelle, où j’ai le droit d’être blessant, et je peux invoquer la liberté de la recherche. Présentée ainsi, la loi ne peut guère être dissuasive. Or ne l’est-elle pas au contraire bien plus que le juge ne paraît le souhaiter ? La critique de l’homosexualité fait-elle partie du paysage médiatique, littéraire, intellectuel, scientifique, artistique ? fait-elle partie du débat public ? Poser la question, c’est y répondre. Les Suédois n’auraient donc aucune critique à formuler vis-à-vis de l’homosexualité, étant convaincus d’avoir le droit de le faire dans les limites d’une discussion factuelle ? Je m’interroge : la loi avait-elle la moindre utilité si personne ne songeait à critiquer l’homosexualité ? En France, on parle, pour ces lois, de « contentieux de masse » : tout le monde ou presque, semble-t-il, veut critiquer les catégories que ces lois protègent, dont les homosexuels, seulement ils ne savent pas se contenir dans les limites d’une critique factuelle. Plaisanterie à part, la loi suédoise est massivement dissuasive et c’est ce qu’il est impossible de comprendre en lisant les éléments d’information présentés par le gouvernement et par la Cour.
*
Mais le plus étonnant est que la Cour suprême de Suède, après avoir peint ce tableau idyllique de la loi suédoise éminemment respectueuse de la liberté d’opinion et d’expression, considère néanmoins qu’elle ne va pas assez loin dans le respect des libertés fondamentales et l’écarte au profit d’une application directe de la Convention européenne des droits de l’homme.
(4)
« Dans une appréciation générale des circonstances de l’espèce – avec à l’esprit la pratique de la Cour européenne –, il est clair d’emblée (till en början klart) dans le cas d’ÅG [Åke Green] qu’il ne s’agit pas de ce type de propos haineux que l’on appelle couramment hate speech. Cela vaut même pour celles de ses paroles qui peuvent être considérées comme allant le plus loin dans la description des déviances sexuelles comme un cancer, car le propos, éclairé par ce qu’il dit dans son prêche en relation à ceci, n’est pas de nature à pouvoir être perçu comme une incitation à la haine ou une justification de la haine envers les homosexuels. »
« Le terme de ‘haine’ (missaktning) dans la disposition relative à l’incitation à l’encontre d’un groupe ne saurait être considéré comme ayant une signification si dépourvue d’ambiguïté qu’un conflit de normes surgisse ici entre la Convention européenne et le code pénal [suédois]. Il résulte de ce qui précède que, d’après les travaux préparatoires, il est entendu que des propos tels que ceux que le procureur a relevés dans son acte d’accusation doivent être considérés comme exprimant de la haine au sens de la disposition. Cependant, l’une des raisons de l’incorporation de la Convention européenne en droit suédois a été le souhait de créer une base explicite pour permettre aux tribunaux nationaux d’appliquer directement la Convention. La Cour suprême a également indiqué dans plusieurs arrêts que les interprétations sur le sens d’une règle de droit élaborées au cours de procédures législatives ou d’origine jurisprudentielle doivent pouvoir être écartées lorsque l’exige l’interprétation exprimée dans les arrêts de la Cour européenne. Cela conduit à ce que la disposition sur la responsabilité relative à l’incitation à la haine envers un groupe doive être ici interprétée de manière plus restrictive que ce que suggèrent les travaux préparatoires de la loi, afin de parvenir à une application conforme à la Convention. »
Après tout ce que nous venons de dire, il est difficile de comprendre comment la Cour suprême a encore pu trouver la loi suédoise trop répressive car, si l’on s’en tient aux travaux préparatoires dont elle parle, c’est-à-dire à ce que nous avons discuté, la loi apparaît au contraire extrêmement soucieuse de préserver la liberté d’opinion et d’expression. On notera par ailleurs un fort élément de contexte dans son arrêt, à savoir la prédication religieuse, peut-être de nature à vider cette jurisprudence de toute portée en dehors de ce contexte particulier.
La Cour suédoise a une lecture de la CEDH à ses articles 9 (liberté religieuse) et 10 (liberté d’expression) et des arrêts de la Cour européenne extrêmement protectrice puisqu’elle permet au pasteur Green de traiter licitement l’homosexualité de « quelque chose de malade », de « pensée contaminée » et, avec les autres déviances sexuelles, de « tumeur cancéreuse dans le corps social », propos ayant conduit des manifestants outrés à brandir des pancartes « Je ne suis pas une tumeur cancéreuse » (Jag är ingen cancersvulst).
La Cour rappelle que, dans les travaux préparatoires à la loi, le Comité constitutionnel (Konstitutionsutskottet) a en gros écarté l’idée de règles spécifiques au contexte de prédication religieuse. Il faut croire que c’est ce qui a décidé la Cour suprême à trouver la loi nationale trop répressive. Cependant, le même comité déclarait, selon la Cour elle-même, que la citation de sources religieuses dans le contexte d’une prédication, accompagnée de la simple admonestation à suivre la direction morale de ces sources, est licite : cf. (5) en fin de billet. La Cour trouve donc, conformément aux arguments du procureur, que ce n’est pas ce qu’a fait le pasteur Green ; autrement, elle aurait pu défendre ce dernier à partir des déclarations du comité.
Par ailleurs, les restrictions apportées à la généralité de son propos par le pasteur (« les personnes malades du sida ne sont pas toutes homosexuelles », « les homosexuels ne sont pas tous pédophiles », « pas tous des pervers ») sont écartées comme moyen de défense tant par le procureur que par la Cour. Le pasteur aurait donc pu se passer de celles-ci, est-on conduit à penser, sans que cela le rendît coupable aux yeux de la Cour. Celle-ci considère que le terme de « haine » (missaktning) de la loi nationale doit recevoir une acception plus restreinte en raison de la jurisprudence européenne, et que c’est cette jurisprudence qu’auraient dû suivre le procureur et le tribunal, dont les arguments sont dépourvus de toute portée pour l’avoir ignoré.
Selon la Cour suprême, la liberté religieuse de l’article 9 CEDH ne peut aux termes de la Convention être limitée : « Denna frihet får inte begränsas. » Elle rappelle que des limites aux libertés fondamentales sont permises en cas de conflits entre libertés ; dans ce cas, toutefois, à la liberté religieuse doit être accordée une considération toute particulière. La Cour considère ainsi que la liberté d’expression de l’article 10 CEDH n’est pas protégée avec la même rigueur : « När det gäller yttrandefriheten … så får den i viss utsträckning begränsas genom lag. » Elle souligne par ailleurs que la Constitution suédoise garantit les deux libertés de la même manière tandis que la Convention permettrait des limitations plus strictes de la liberté d’expression. De sorte que, puisque la Cour suprême a cru bon de recourir à la Convention, c’est qu’elle considère que c’est la liberté religieuse de l’article 9 qui a été violée par le tribunal plutôt que la liberté d’expression de l’article 10.
(On se retrouve donc devant un état du droit comparable à celui en vigueur aux États-Unis. L’affirmation est paradoxale car il n’existe pas de lois condamnant le hate speech aux États-Unis : elles ont toutes été déclarées inconstitutionnelles. Cependant, les lois dites Civil Rights Acts interdisent les pratiques discriminatoires dans l’administration publique ainsi que dans plusieurs domaines du secteur privé lucratif, à savoir l’emploi et le logement, mais aussi, dans une moindre mesure, le commerce ; tous autres intérêts privés, par exemple un club ou une église, ne sont pas soumis à ces règles. Une église peut ainsi avoir des activités commerciales, loger et employer des gens sans être soumise à la législation antidiscriminatoire. Il ne faut donc pas s’étonner de voir fleurir ici et là d’étranges dénominations comme la United Church of Adolf Hitler, par ailleurs parfaitement légale, tout comme le ou les partis nazis américains, puisque les États-Unis prennent la liberté d’opinion au sérieux.)
Selon la Cour suédoise, l’article 9 CEDH isole le cas spécial de la prédication religieuse. Elle invoque à l’appui de cette affirmation l’arrêt Kokkinakis c. Grèce de 1993. Elle discute ensuite divers arrêts de la Cour EDH relatifs à l’article 10 dont j’ai bien du mal à voir comment ils peuvent la conduire à sa conclusion, que nous connaissons. L’arrêt Gündüz c. Turquie, par exemple, est cité pour dire que l’État dispose d’une certaine « marge d’appréciation » et peut interdire certains propos au nom de valeurs morales ou religieuses. Elle rappelle également que la Cour européenne trouve permis d’interdire le hate speech. Dans l’arrêt Feridun Yasar et autres c. Turquie, la Cour EDH a, nous dit cependant le juge suprême suédois, refusé de voir du hate speech ou de l’appel à la violence dans un discours politique condamné par l’État turc. C’est alors que la Cour suédoise revient au pasteur Green pour dire, à la citation (4), que, s’agissant des paroles poursuivies par le procureur, il était « clair d’emblée » que ce n’était pas du hate speech – une conclusion à laquelle je dois dire que rien ne nous prépare. La seule explication véritablement dialectique qui soit apportée porte sur le contexte de prédication (« éclairé par ce qu’il dit dans son prêche en relation à ceci »).
Elle complète par deux autres points qui apportent plus de confusion que de clarté. Le premier est que les paroles du pasteur ne sont pas aussi dépréciatives que le passage de la Bible en question (« inte sägas vara så mycket nedsättande än ordalagen i aktuella bibelställan »). S’agit-il de dire que, dans le contexte de la foi chrétienne, des propos ne peuvent pas être considérés comme du hate speech à moins qu’ils n’aillent au-delà des dépréciations contenues dans la Bible ? Le second point est que la Cour EDH trouverait certainement disproportionnée la sanction prononcée, ce qui est fort possible mais étranger à la question de savoir si les paroles du pasteur Green sont du hate speech ou non. Est-ce à dire que le juge suédois aurait accepté l’argumentation du procureur et du tribunal ayant trouvé Green coupable si ce dernier n’avait été condamné qu’à une amende et non à de la prison ?
*
En conclusion, si l’on ne veut pas voir dans l’arrêt Åke Green la création d’un privilège ecclésiastique, une immunité des prédicateurs religieux face aux lois d’incitation à la haine, ce qui serait une interprétation étrange de l’article 9 CEDH, il faut, comme par ailleurs nous ne pouvons considérer que la prégnance du contexte dans les affaires de « droit de la presse » (pardon d’employer une expression française absurde) empêche irrémédiablement toute jurisprudence, toute élaboration du droit par stare decisis, il faut, dis-je, nécessairement conclure que ce genre de paroles ou des paroles de ce genre – le genre de celles prononcées par le pasteur Green – ne sont pas du hate speech et sont au contraire protégées par la CEDH.
Comme j’ai commencé par citer l’ex-ministre finlandaise Päivi Räsänen, inquiétée pour ses critiques de l’homosexualité et dont le procès m’a conduit à discuter l’affaire du pasteur Green en Suède et son acquittement quinze ans plus tôt, j’ai le plaisir d’informer mon lecteur que Mme Räsänen a elle-même été acquittée en mars 2022 de tous les chefs d’accusation portant contre elle. Le procureur finlandais a cependant fait appel.
Nous aurons sans doute l’occasion de discuter de cette nouvelle jurisprudence, dont on peut déjà dire qu’elle tourne elle aussi principalement, plus encore que l’arrêt Åke Green, autour de la question religieuse puisque la cour n’a pas suivi le procureur au motif que les tribunaux ne sont pas compétents pour « interpréter les concepts bibliques ». Ceci se transpose nécessairement aux sources scripturaires de toute autre religion. – Même en limitant strictement ces deux arrêts au contexte religieux, ils manifestent clairement, à eux seuls et s’il en était besoin, que le traitement administratif des « prêches radicaux » par les autorités françaises est, sous couvert de lutte contre le terrorisme, une abomination. Nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir.
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TEXTE ORIGINAL SUÉDOIS
(1)
« Genom att legalisera då partnerskap mellan män och män och mellan kvinna och kvinna, så kommer det att skapa katastrofer helt enkelt. Utan dess like. Vi ser följderna redan av det här. Vi ser det genom AIDS somme sprider sig. Nu är inte alla AIDS-smittade homosexuella, men det har uppstått på grund av detta en gång i tiden och sedan kan naturligtvis oskyldiga människor bli smittade av denna hemska sjukdom utan att för den skull ha någonting med det som ligger bakom i detta vad gäller homosexualitet. »
« Bibeln tar upp här och undervisar om dessa abnormiteter. Och sexuella abormiteter är en djup cancersvulst på hela samhällskroppen. Herren vet att sexuellt förvridna människor kommer till och med att våldta djuren. Inte heller djuren går fria från människans sexuella behov och branden som är tänd i en människa. Utan till och med det kan ägna sig åt. »
« Gosseskändare. Redan då bibeln skrevs visste Herren vad som skulle ske. Vi har upplevt det här och upplever det och vi förfasar oss över det. Och Paulus talar i första korintierbrevet ett och tio om perversa människor. Och perversa människor är översatt från grundtexten som säger ‘en som ligger med pojkar’. En som ligger med pojkar är perversa människor som då bibeln talar om. Nu vill jag understryka att alla homosexuella är inte pedofiler. Och alla homosexuella är inte perversa. Men man öppnar ändå porten till förbjudna områden och låter synden få fäste i tankelivet. Och den som är pedofil i dag börjar inte som sådan. Utan började helt enkelt med att byta sitt umgänge. Det var så det började. Och att vara trogen i ett homosexförhållande är inte på något sätt ett bättre förhållande än där man byter partner varenda dag. Det är inget bättre förhållande. Utan det är lika föraktligt i Guds ögon. »
« Frivilligt lämnar jag renheten och tar emot orenheten. Medvetet bytte de säger Paulus. Homosexualitet det är någonting sjukt. Det är alltså en frisk och ren tanke som blivit utbytt mot en besmittad tanke. Där ett friskt hjärta som blivit utbytt mot ett sjukt hjärta. Det är så man har gjort. Där en frisk kropp som har blivit ödelagd på grund av ett byte säger Paulus… Är homosexualitet något man väljer, svar ja. Man väljer det. Man är inte född till det. Man väljer det här helt enkelt. »
(2)
I samband med lagändringen diskuterades ansvarsbestämmelsens rekvisit ‘uttrycker missaktning’. Detta rekvisit infördes år 1970 och har i praxis fått en vidsträckt tillämpning. Alla uttalanden av nedsättande eller förnedrande natur omfattas dock inte. Uttalanden som inte kan anses överskrida gränserna för en saklig kritik av vissa grupper faller utanför det straffbara området. För straffbarhet krävs att det är fullt klart att uttalandet överskrider gränsen för en saklig och vederhäftig diskussion rörande gruppen i fråga. Hänsyn till opinionsfriheten och kritikrätten får visserligen inte åberopas som skydd för uttalanden som uttrycker missaktning mot en hel folkgrupp på grund av den t.ex. tillhör en viss nationalitet och av denna anledning skulle vara mindre värt. Det straffbara området skall dock inte sträckas så långt att det kommer att omfatta även en saklig diskussion om eller kritik av homosexualitet. Kriminaliseringen skall inte utgöra hinder mot opinionsfriheten eller ett hot mot den fria åsiktsbildningen. Vidare skall vetenskapens frihet bevaras.
(3)
Meningen är alltså inte att hindra resonemang och diskussioner om homosexualitet, bisexualitet eller heterosexualitet vare sig inom kyrkor eller på andra håll i samhället. Det måste också vara möjligt för homosexuella och andra att i en fri och öppen debatt bemöta och tillrättalägga felaktiga uppfattningar och på så sätt motverka fördomar som annars riskerar att konserveras och leva kvar i det fördolda.
Den nuvarande lagstiftningen om hets mot folkgrupp innehåller också begränsningar så att varje yttrande som innehåller omdömen om en viss grupp eller varje uttryck för missaktning är straffbelagt. Således sägs i förarbetena bl.a. att det för straffbarhet bör krävas att det är fullt klart att uttalandet överskrider gränsen för en saklig och vederhäftig diskussion rörande gruppen i fråga. … Ett visst utrymme för straffria kritiska eller liknande uttalanden måste självfallet finnas.
(4)
Vid en samlad bedömning av omständigheterna – mot bakgrund av Europasdomstolens praxis – i ÅGs fall är det till en början klart att det inte är fråga om sådana hatfulla uttalanden som brukar kallas hate speech. Detta gäller även det av hans uttalanden som får betraktas som mest långtgående där sexuella abnormiteter beskrivs som en cancersvulst eftersom uttalandet, sett i belysning av vad han sagt i samband med detta i sin predikan, inte är sådant att det kan anses uppmuntra till eller rättfärdiga hat mot homosexuella. (…)
Uttrycket missaktning i bestämmelse om hets mot folkgrupp kan inte anses ha en så entydig innebörd att en verklig lagkonflikt här uppkommer mellan Europakonventionen och brottsbalken. Av det förut anförda följer visserligen att det enligt förarbetena är avsett att yttranden av sådant slag om dem som riksåklagaren har åberopat i den justerade gärningsbeskrivningen skall anses ge uttryck för missaktning i bestämmelsens mening. Ett av skälen för att inkorporera Europakonventionen i svensk rätt har emellertid varit att skapa ett uttryckligt underlag att direkt tillämpa konventionen vid svenks domstol. Högsta domstolen har också i flera avgöranden slagit fast att sådana uttalanden om en lagregels innebörd som har gjorts i lagförarbeten eller rättspraxis måste kunna frångås när detta krävs enligt den konventionstolkning som kommer till uttryck i Europadomstolens avgöranden. Det anförda leder till att ansvarsbestämmelsen om hets mot folkgrupp i detta fall bör tolkas mera restriktivt än vad dess förarbeten ger vid handen för att en konventionsenlig tillämpning skall uppnås.
(5)
När det gäller predikosituationer skulle det enligt utskottets mening normalt komma att ligga utanför det straffbara området att citera religiösa urkunder och endast uppmana åhörarna att följa urkundernas inriktning.
Macri Hierolexicon
Il y a du vrai dans tous les contes, et du faux dans toutes les doctrines.
Alain, Propos du 6 décembre 1921, La magie naturelle.
Si nous voulons que nos garçons et nos filles aient quelques vues de l’histoire humaine, nous ne pouvons pas vouloir qu’ils ignorent le catholicisme ; et la vérité du catholicisme ne peut pas être séparée de ce paganisme qu’il a remplacé. Ce passage est d’importance ; il domine encore nos mœurs et se trouve marqué dans toutes nos idées sans exception.
Alain, Propos du 4 octobre 1921, Les Martyrs.
D’où l’humble contribution présente au projet présenté par le philosophe, par un choix commenté d’objets tirés du Hierolexicon (dictionnaire sacré), édition de 1712, de Domenico Magri, Maltais, théologien de l’Université de Viterbe (Dominicus Macer, 1604-1672).
Le Macri Hierolexicon fut d’abord écrit en italien sous le titre Notizia de’ vocaboli ecclesiastici puis traduit et publié par le frère de Domenico, Carlo Magri, en latin. L’ouvrage a connu plusieurs éditions, dont celle dont je me suis servi.
Au cours de ce travail de sélection et annotation, j’ai constaté que l’original italien était, tout comme la ou les versions latines, disponible en ligne, ce qui m’a aidé dans mes traductions. Cependant, d’une version à l’autre, certaines entrées manquent et les citations des textes originaux sont de toute façon en latin dans la version italienne.
Je demande pardon pour la reproduction des termes grecs, étant donné que Magri recourt à l’accentuation minutieuse du grec de son époque, dans une typographie de l’époque, et que j’ai donc préféré limiter les dégâts en limitant ici l’accentuation des mots grecs au plus basique.
Dans la sélection ci-dessous, les définitions sont ce que j’ai retenu de chaque entrée et pas forcément l’intégralité de la définition telle qu’elle se trouve dans l’original. Magri emploie des crochets [ ] au lieu de guillemets pour les citations, mais, dans mes traductions, conformément à un usage constant de ce blog, les mêmes crochets enferment une remarque de ma part sur la traduction ou un ajout qui m’a semblé nécessaire. Mes traductions sont en couleur, de même que les commentaires qui la suivent le cas échéant, dans un ou des paragraphes distincts.
Quand je cite la Bible, il s’agit du texte de la Bible de Jérusalem [BJ], catholique. Dans certains cas, j’y ajoute la traduction de la Bible suisse protestante de Louis Segond [LS], pour montrer les variations de l’une à l’autre.
A
ABYSSUS, à græca voce βυσσος, fundum, & α, particula privativa, idest, absque fundo. Inde Abyssus dicitur in Euangelio damnatorum locus, ubi rogaverunt Christum dæmones expulsi : [Ne imperaret illis, ut in abyssum irent. Luc. 8.31]
Du grec byssos, fond, avec la particule privative a-, soit : qui est sans fond. Dans l’Évangile selon S. Luc, est ainsi appelé le lieu des damnés, quand les démons chassés implorèrent le Christ « de ne pas leur commander de s’en aller dans l’abîme » (8-31).
Les damnés ne peuvent être, à ce jour, que les anges rebelles et déchus, car nos morts à nous, humains, « dorment » (voyez l’entrée Cœmeterium plus bas) et ne sont ni au paradis ni en enfer : cette division interviendra au jour de la Résurrection.
ACHEROPOETA, appellabatur mirabilis Imago illa Salvatoris, Αχειροποίητος græcè, quod nos Non manufactam dicimus, quæ Romam translata magna veneratione conservabatur. In vetustis Basilicæ Lateranensis monumentis habetur hanc venerabilem Iconem à Divo Luca inchoatam, & ab Angelis perfectè absolutam fuisse, quod confirmatur ex Joanne Lateranense Diacono apud Honuphrium Panvinum in opusculo M.S. in quo de hac Basilica egit, cujus hæc sunt verba : [Super hoc Altare est imago Salvatoris mirabiliter super quadam tabula depicta, quam Lucas Euangelista designavit, sed virtus Domini Angelico perfecit opificio] & Angelicus Doctor in 3 par. quæst. 25.
Achéropoïète, nom grec de l’image miraculeuse du Sauveur, qui signifie qui n’est pas de la main (de l’homme), conservée à Rome avec une grande vénération. Dans les anciennes chroniques de la Basilique du Latran, il est indiqué que cette icône fut commencée par S. Luc et terminée par les anges, ce qui est confirmé par Jean Diacre de Latran cité par Onofrio Panvinio dans un manuscrit sur la Basilique, dont les paroles à ce sujet sont les suivantes : « Sur cet autel se trouve l’image miraculeuse du Sauveur commencée par Luc l’Évangéliste et menée à sa perfection par l’action des anges », ainsi que par le Docteur angélique [S. Thomas d’Aquin].
Je laisse les connaisseurs apprécier le talent artistique des anges.
ADAM, Primus prævaricator.
Adam, le premier prévaricateur, premier pécheur.
ADMINICULATOR, officium in Ecclesia Romana antiquum pro defensione viduarum, pupillorum, aliorumque hujusmodi destitutorum erectum ; sicut hodie pauperum Advocati faciunt.
« Adminiculateur », une fonction établie dans l’ancienne Église romaine pour la défense des veuves, des orphelins et de toutes autres personnes destituées ; comme font aujourd’hui les avocats des pauvres.
La chevalerie médiévale reprit donc ces prérogatives de l’Église primitive mais les exemples me manquent pour confirmer que cette « protection de la veuve et de l’orphelin » (auxquels on ajoutait parfois aussi « les pauvres ») n’était pas qu’une simple parole.
ÆGYPTII, quid significare intendebant per sphingis simulacrum. Quid per Serapin.
« Égyptiens », peut servir à désigner des statues de sphinx. Ou le dieu Sérapis.
AFA, vox græca Αφη, quæ pulverem significat. [Ægyptium video in Afa voluntantem. In Vita Propertii, & Felicis] Palæstricam artem alludit ; nam luctatores oleo uncti in arena involvuntur, nè facilè ab adversario amplexari, & prosterni valeant. Hic autem de dæmone fabulatur in forma Ægyptii apparente.
Mot grec signifiant poussière, sable : « Je vois un Égyptien qui se roule dans le sable. » (Vies de saintes Perpétue et Félicité) Le mot renvoie à l’art de la lutte, car les lutteurs enduits d’huile se roulaient dans le sable pour ne pas être si facilement embrassés et jetés à terre par l’adversaire. La citation évoque une apparition du démon sous forme d’« Égyptien » [de sphinx ? Voyez Ægyptii].
De prime abord, il semblerait pourtant que le corps d’un lutteur doive être moins facile à saisir fermement sans aucun sable sur l’huile dont il est recouvert.
AGAMUS, græca vox Αγαμος, idest, Cœlebs : γαμος enim nuptiæ dicuntur ; unde Agamus sine nuptiis, idest, innuptus. [Primus Adam monogamus, secundus agamus. Qui bigamiam probant, exhibeant tertium Adamum bigamum. D. Hieron. contra Jovin.]
« Agame », Gr. agamos, célibataire, non marié : « Le premier Adam fut monogame, le deuxième agame. Ceux qui appliquent la bigamie suscitent le troisième Adam. » (S. Jérôme, Contre Jovinien)
AMBIGENA, persona utriusque sexus, hermaphroditus. [Ambigena non generat teste Hippocrate. Blesens. epist. 90.]
« Ambigène », personne ayant les deux sexes, hermaphrodite : « L’ambigène n’est pas fertile, selon Hippocrate. » (Lettre 90 de Pierre de Blois [Petrus Blesensis])
ANAVIVAZON, Ascendens, à græco verbo αναβιβάζω. Astrologi ita appellant planetam, sub quo aliquis vel concipitur, vel nascitur.
« Ascendante », du verbe grec anabibazon. Les astrologues appellent ainsi la planète sous laquelle une personne a été conçue ou est née.
Remarquez le sens du mot « ascendant » en français : « avoir de l’ascendant sur quelqu’un ». Il a en vieux français le sens astrologique de « degré du zodiaque qui monte sur l’horizon au moment de la naissance » puis de « destinée qui est censée en résulter » (Robert Dictionnaire historique de la langue française). L’idée d’influence exercée sur quelqu’un dérive de ce sens astrologique.
Je place ici mon court essai inédit (2008) sur l’astrologie au moyen âge.
L’Astrologie au Moyen-Âge
L’astrologie dont il est ici question est celle que pratiquaient les clercs et théologiens. Tandis que les procès en sorcellerie étaient monnaie courante de l’activité judiciaire, les papes possédaient des ouvrages d’astrologie dans leurs bibliothèques et la cour pontificale était fréquentée par des astrologues ; c’est dire que cette matière n’était nullement considérée comme hérétique en soi. Nous examinerons deux types d’usage de l’astrologie au Moyen-Âge : la production de talismans et le calcul des conjonctions astrales pour aider à la prise de décision politique. Le premier usage pouvant être suspect de magie, c’est surtout le second qui était pratiqué au sein de l’Église ; il convient néanmoins de distinguer celui-ci de la divination prophétique, également reconnue.
L’introduction de l’astrologie aux plus hauts degrés de la hiérarchie ecclésiastique fut d’abord le fait du pape Boniface VIII, qui recourut, à partir de 1301, aux services du médecin et théologien Arnaud de Villeneuve, pour traiter ses coliques néphrétiques. Sa guérison, qui fit grand bruit, aurait été due à une médaille thérapeutique représentant le signe du Lion et gravée sous l’influence de ce signe. Le but de tels objets astrologiques était de capter les influences célestes dans un sens favorable à leurs possesseurs. Cette pratique de l’astrologie était cependant fort proche de la magie, donc suspecte. Au sein même du clergé, Boniface VIII fut accusé de posséder un démon portatif (homunculus) doué de pouvoirs magiques et divinatoires. Lors de son procès posthume, on retint contre lui qu’il avait domestiqué des démons pour son usage privé, et qu’il portait, de son vivant, un esprit dans une bague*. (Voyez Paredros plus bas.)
L’usage de l’astrologie dans les affaires personnelles, notamment en médecine, fut progressivement écarté. À cet égard, l’Université de Paris avait du reste adopté la position d’Avicenne (Ibn Sinna) selon laquelle « le praticien ne doit tenir compte que des causes proches des maladies, l’art médical n’ayant guère de prise sur les causes lointaines, divines ou astrales ». Néanmoins, plusieurs traités médiévaux de médecine font appel à des considérations astrologiques pour expliquer les grandes épidémies de peste.
C’est dans sa fonction prédictive que l’Église continua de recourir, tout au long du Moyen-Âge, à l’astrologie. Il ne s’agissait pas d’établir de cette manière un strict déterminisme philosophique, qui se serait opposé à la doctrine de l’Église ; le calcul des conjonctions astrales relevait davantage, toutes proportions gardées, d’un calcul statistique, considérant que certaines conjonctions sont de nature à favoriser ou défavoriser certains événements sur la Terre.
Prenons pour l’illustrer l’exemple d’un calcul effectué par le chanoine et « magnus astronomus » Jean des Murs, et adressé en 1344 au pape Clément VI, concernant la fin de l’islam. Jean des Murs calcula pour l’année 1365 « l’une des conjonctions les plus grandes, celle de Saturne et Jupiter avec permutation d’une triplicité d’air en triplicité d’eau, et Mars, la même année et dans le même signe, s’appliquera à se conjoindre avec ces planètes ». Cette conjonction s’avérait être la même que celle qui avait signifié, en son temps, l’élévation de Mahomet. Une telle conjonction ne devant se reproduire que 794 ans plus tard, l’astrologue invitait le pape à profiter de ces circonstances astrales exceptionnelles concernant directement le proche avenir de l’islam : « Si, à ce moment, cette secte était ébranlée énergiquement et attaquée vigoureusement par les chrétiens, alors (…) elle devrait se changer en une autre loi ou bien s’affaisser et s’écrouler sur elle-même. »**
Ainsi, le calcul astral n’avait-il pas tant vocation à prédire des événements qu’à détecter les occasions favorables à certaines entreprises. Le recours de l’astrologie par les papes ne fit que s’accroître tout au long des quinzième et seizième siècles.
*Il devait vraisemblablement s’agir d’une bague-talisman, fonctionnant selon les mêmes principes que la médaille du Lion. Le procès de Boniface VIII n’est pas resté sans conséquence sur celui du Temple, dans la mesure où il fragilisa la position de Clément V, qui aurait voulu, semble-t-il, aider les templiers mais qui se trouvait également devant la nécessité de maintenir non seulement le prestige de sa fonction, mais aussi l’unité de la chrétienté, alors menacée.
**Pour une nouvelle conjonction identique, il faut donc attendre 1365 + 794 = l’an 2159.
ANDRONA, græca vox ανδρων, locus in Ecclesia pro viris destinatus. Locus iste erat ex meridionali parte, cum antiquissimus sit mos separatim in Ecclesia viros, & mulieres orare, quod rigorisissimè ab omnibus sectis in Oriente observatur, ubi mulieres in pare remotiore, ac strictim per cancellos separatæ, cum earum janua peculiari seponuntur. Ratio verò, & significatus hujus usus ab Amalario lib. 3. de Eccles. off. cap. 2. traditur, inquiens : [Masculi stant in australi parte, & fœminæ in boreali, ut ostendatur per fortiorem sexum firmiores Sanctos semper constitui in majoribus tentationibus æstus hujusmodi.]
Gr. andron, place assignée aux hommes dans l’église. C’était la partie méridionale. L’usage de séparer les hommes et les femmes était une coutume ancienne de l’Église, laquelle continue d’être strictement observée par toutes les sectes de l’Orient, où les femmes occupent la partie la plus éloignée, séparées par des sortes de grilles ou jalousies, avec leur propre porte pour entrer et sortir. La raison de cette coutume est expliquée par Amalaire de Metz [775-850] de la manière suivante : « Les hommes occupent la partie méridionale et la femmes la partie septentrionale car le sexe masculin représente les Saints de la perfection la plus accomplie, pouvant résister aux plus grandes chaleurs de la tentation. »
Cette définition rappelle indirectement que les églises sont orientées (vers l’Orient). La partie « la plus éloignée » (in pare remotiore) assignée aux femmes doit s’entendre par rapport à un point défini par l’orientation de l’église.
ANGELOPTES, Ανγγελόπτης. FR. Epitheton S. Joannis Ravennatis Archiepiscopi, ob continuas Angelorum apparitiones sibi à Deo concessas. Videns Angelum.
Épithète de l’archevêque Jean de Ravenne, en raison des continuelles apparitions d’un ange qui lui furent accordées par Dieu. « Qui voit un ange. »
Il s’agit de Jean Angelopte (430-?).
ANTHROPOPATHOS, ανθρωποπάθως. FR. figura Rhetoricæ, quando, scilicet, tribuitur Deo id, quod hominibus convenit.
Figure de rhétorique, par laquelle est attribué à Dieu ce qui appartient aux hommes.
Souvent traduit par « anthropomorphisme ».
APOTELESMA, græcè Αποτέλεσμα. Astrologorum judicium juxta constellationem, & planetarum aspectum, de quo vocabulo Gregorius Nazianz.
Jugement astrologique à partir de l’aspect des constellations et des planètes (astrologie judiciaire) ; voir Grégoire de Nazianze.
Le Grand Larousse du 19e siècle connaît le mot apotélésmatique : « Se disait, au moyen âge, de l’astrologie judiciaire basée sur l’inspection des planètes, des étoiles, du ciel : art ~, calcul ~. » (Le mot apotélesme a dans ce même dictionnaire le sens de « terminaison d’une maladie ».)
(Voyez également Anavivazon et mon essai sur l’astrologie au moyen âge.)
AQUILUS, (à Dæmon) Item Aquilus dæmon dicitur ; Aquilus tamen non ab aqua (ut aliqui perperàm existimant) sed à colore aquilino, fusco, nigroque ità dicitur, atque fuscus, & niger etiam pro malo translativè, & pro bono albus sumitur.
Se dit du démon, mais l’étymologie ne vient pas de l’eau (aqua), contrairement à ce qu’affirment certains, mais de la couleur sombre ou noire car métaphoriquement le noir est le mal et le blanc est le bien.
ARCHIGALLUS, primus inter Eunuchos custodes ad regium fœminarum conseptum, Principisque libidinosum seminarium.
Chef des eunuques gardiens des appartements des femmes et des plaisirs voluptueux du prince.
La citation de Tertullien ajoutée par Magri en parle de cette manière en effet mais, à l’origine, ce mot désigne les prêtres eunuques de Cybèle, les galles, dont l’archigalle est le premier, et qui n’avaient pas pour fonctions celles d’eunuques d’un harem.
ARCHISTRATEGUS, Αρϰιστράτηγος, Princeps militiæ, ità Græci Archangelum Michaelem vocant.
« Archistratège », chef d’armée ; c’est ainsi que les « Grecs » [Chrétiens orthodoxes] appellent l’archange Michel.
B
BIBONES, muscæ sunt, & metaphoricè suggestiones diabolicas.
Mouches, et, métaphoriquement, suggestions diaboliques.
BISOMATOS, vox latino-græca, quæ adhuc in multis sepulchralibus lapidibus legitur, ac denotat, quòd in tumulo illo duo corpora continentur, nam σωμα græcè corpus significat ; sic etiam Trisomatos in aliis epitaphiis legitur, idest, trium corporum.
Mot gréco-latin que l’on trouve encore sur de nombreuses pierres tombales et qui indique que la sépulture contient deux corps, car soma en grec veut dire « corps ». De même, Trisomatos indique la présence de trois corps.
BULGAROCTONUS, βουλγαροϰτόνος. FR. Bulgarum occisor : quo titulo Basilius Græcorum Imperator appellari voluit, ob stragem Bulgaris illatam, nam græcè ϰτεινω occidere significat. Ita vice versa Romæoctonus denominari voluit Carlo Joannos Bulgarorum Rex, idest, Græcorum occisor.
« Bulgaroctone », exterminateur de Bulgares : titre par lequel Basile, empereur byzantin, souhaita être appelé en raison des défaites qu’il infligea aux Bulgares. De son côté, le roi des Bulgares Joanisse Calojean [Jean Kaloyan] souhaita être nommé « Roméoctone », c’est-à-dire exterminateur de Grecs [Romains d’Orient].
Il s’agit de Basile II Bulgaroctone (958-1025).
BUSTUARIA, altaria gentilium, ubi in sacrificio superstitioso, ac diro humanæ creaturæ comburebantur.
Autel des païens où, en sacrifices superstitieux et horribles, des victimes humaines étaient brûlées.
BUXTULA, pyxidula.
Petite pyxide.
C
CALYBITA, græcè ϰαλυβίτης, tugurii habitator. Ita Sanctus Joannes, qui in insula Tiberina diu in tugurio permansit, hoc vocabulo cognominatus est.
Gr. calybitès, habitant d’une cabane. S. Jean Calybite est ainsi nommé pour avoir longtemps vécu dans une cabane dans l’île de Tibérine.
CARAGUS, Incantator. Quod vocabulum à græca dictione Κάραγος derivatur, quæ strepitum, & stridorem sagarum significat ; fortassè, quia verba strepitantia, atque tetra in earum superstionibus proferre solent.
Enchanteur. Le mot vient du grec karagos, qui signifie vacarme, et spécifiquement le bruit de la scie ; peut-être parce que ces enchanteurs avaient l’habitude de proférer des cris horribles pendant leurs rites.
CARBONARIUS, ludus gladiatorius, qui Neapoli erat in usu, & à Joanne XXII. de anno 1327, sub pœna excommunicationis prohibitus fuit, ut ipsemet Geroldo Capuano Archiepiscopo scribit.
Jeu gladiatoire qui était pratiqué à Naples et fut interdit sous peine d’excommunication par le pape Jean XXII en l’an 1327, ainsi que l’a écrit l’archevêque Geroldo Capuano.
Outre l’étonnement de voir parler de ludus gladiatorius au 14e siècle (mais peut-être s’agissait-il d’une sorte de spectacle de boxe ou de catch, le dictionnaire ne le dit pas), la ressemblance du mot avec le nom des membres de la société secrète des Carbonari est d’autant plus frappant que cette société s’introduisit en Italie par la ville et la région de Naples, dont il est ici question pour ces jeux.
CARSAMATIUS, Eunuchus, cui genitalia cum membro virili amputantur, à dict. barbaro-græca Καρσαμάτιος ; cujusmodi sunt custodes in clausura venerea Turcarum Imp.
Eunuque dont le membre viril a été tranché ; vient du terme gréco-barbare karsamatios. Toutes sortes d’eunuques sont gardiens des appartements vénériens de l’empereur turc.
CATABOLICUS, spiritus maligni species, & sonat calumniatorem, seu oppressorem, qui solet ad terram proiecere, & vexare energumenos ; eo modo, quo ille Lucæ cap.9. obsessum exagitabat.
Espèce d’esprit malfaisant, démon qui jette à terre et blesse les « énergumènes » [les possédés], comme celui qui agite le possédé dans le chapitre 9 de l’évangile selon S. Luc [c’est-à-dire, dans la Bible de Jérusalem, « le démoniaque épilectique » (Luc, 9:37-43)].
Le Grand Larousse parle d’un « démon qui emportait les hommes pour les briser en les jetant avec violence contre terre », ce qui laisse entendre qu’il les emportait haut en l’air, mais il ne s’agit sans doute que de celui qui tombe à terre, par exemple saisi par une crise d’épilepsie, c’est-à-dire qui tombe à la renverse.
CAURSINUS, mercator usurarius : sic enim Itali in Anglia appellati fuere.
Marchand (prêteur sur gages) : les Italiens étaient appelés de ce nom en Angleterre.
En français, caoursin/cahoursin, Lombard.
CHOEROGRYLLUS, græca vox χοιρόγρυλλος [[χοιρογρύλλιος]], Histrix animal, de quo cap.11. Levit. [Choerogryllus, qui ruminat] At hoc animal non ruminat, & consequenter textus sensui interpretatio non concordat. Hebræi tamen Cuniculum exponunt.
Mot grec choïrogryllos. Porc-épic, ou hérisson, dont il est question dans le Lévitique, au chap.11 : « le daman, ruminant » [11-5 ; notez que le daman n’est pas un hérisson]. Or cet animal ne rumine pas et par conséquent le texte ne s’accorde pas avec cette interprétation. Les Hébreux interprètent le terme comme désignant le lièvre.
COEMETERIUM, locus ad sepeliendos Christianos destinatus, ex græca voce Κοιμητήριον, & significat dormitorium ; Christianorum enim fides resurrectionem mortuorum docens, hinc mortem quasi somnum, & dormitionem existimat.
Cimetière, lieu destiné à la sépulture des Chrétiens, du grec koïmeterion, qui signifie dortoir, car la foi chrétienne enseignant la résurrection des morts, il en résulte que la mort est considérée comme un sommeil.
COENOMYIA, vox græca ϰοινομυια, muscarum adunatio. [Venit cœnomyia, & ciniphesin omnibus finibus eorum. Psalm.104.]
Essaim de mouches : « les insectes passèrent, les moustiques sur toute la contrée » (Ps. 105-31 BJ) / « et parurent les mouches venimeuses, Les poux sur tout le territoire » (LS).
Le Psalmiste évoque dans ce passage deux « plaies d’Égypte », lesquelles semblent mal connues des exégètes puisque, outre les différences entre les deux traductions bibliques ci-dessus, on trouve à la page Wkpd relative aux plaies d’Égypte, que la plaie n°2 sont « les moustiques (ou les poux) » et la plaie n°3 « les mouches (ou les taons ou les bêtes sauvages) ». Entre un moustique et un pou, la différence est pourtant considérable, et elle l’est bien plus encore entre une mouche (ou un taon) et une bête sauvage.
COLENTES, appellabantur, qui ab idolotria ad Judaismus transibant.
« Célébrants », nom de ceux qui passaient de l’idolâtrie au judaïsme.
COLYMPHA, navis genus ; at juxta græcam originem Colymba scribi deberet, à græco verbo ϰολυμβάω, quod ire sub aquis significat. [Ajunt enim in ipsas colimphas ipsum Alexandrum introisse, & profundum conscendisse usque ad imum, ut sciret Oceani profundum, & differentiam maris, & abyssi ; nobis verò incredibile videtur. D.Hieronym.] Non erat fortassè navis ; sed potiùs ex corio vestis, sicut nostris temporibus fieri solet, ad descendendum in aquarum profunditatem.
Genre de navire qui devrait, en raison de son origine grecque s’écrire colymba, du verbe grec colymbaon, qui signifie plonger sous l’eau : « On prétend qu’Alexandre le Grand entra dans ce colympha et qu’il descendit au fond de la mer pour connaître les océans, les différentes mers et les abysses, ce que nous tenons pour invraisemblable. » (S. Jérôme) Ce n’était peut-être pas un navire mais plutôt un vêtement de cuir comme celui que l’on revêt de nos jours pour descendre dans les profondeurs.
Ce passage comporte une double surprise. Tout d’abord, il est douteux en effet, comme le trouvait déjà S. Jérôme, qu’Alexandre le Grand fût jamais entré dans un sous-marin pour explorer le fond des mers. C’est pourquoi le terme colympha est généralement traduit par « cloche de plongée », un dispositif rudimentaire dont des exemples anciens sont attestés, bien que les faits décrits dans le cas d’Alexandre paraissent excéder de loin les capacités limitées d’une telle cloche. Exagération des chroniqueurs, sans doute.
Mais il n’est pas moins surprenant que Magri, doutant, comme S. Jérôme, de l’existence de ce qui est décrit comme un véritable sous-marin moderne, décrive comme explication alternative plausible un scaphandre, à savoir un vêtement de cuir (« ex corio vestis ») servant à la plongée sous-marine, comme il en existait, nous dit-il, à son époque (« sicut nostris temporibus fieri solet »), alors que les premiers scaphandres passent pour ne pas être plus anciens que la fin du 18e siècle. Je rappelle ce que j’ai indiqué en introduction, à savoir que Magri est décédé en 1672 et que l’édition de son dictionnaire dont je me suis servie date de 1712.
CONCILIUM, seu Conciliabulum, Martyrum cappella, seu cœmeterium, ubi recondita sunt eorum corpora.
Concile, ou Conciliabule, chapelle de martyrs, ou cimetière, où sont conservées leurs dépouilles.
CONSTIPATORIUM, Remedium, seu emplastrum, ad sistendum vulnerum sanguinem.
« Constipatoire », remède ou emplâtre pour fermer une blessure.
D’où (du latin constipo, entasser, regrouper) l’espagnol constipado, enrhumé, congestionné, la congestion étant dans le rhume celle des voies nasales et dans la constipation celle de l’intestin.
CONTINA, apud Slavos templum significabat. Contina dicebatur, quia in ea Idolorum simulacra continebantur.
Nom qui désignait un temple chez les Slaves, où ils gardaient leurs idoles.
COPRONYMUS, Κοπρόνυμος, stercoratus, à voce græca ϰόπρος, idest, stercus, & ὄνομα, nomen, quo vocabulo cognominatus est Constitantinus Imperator Leonis Isaurici filius, quia dum trina immersione in sacro fonte juxta Græcorum ritum baptizaretur, sacras aquas constercoraverat, atque tunc S. Germanus Constantinop. Patriarcha de hoc infante vaticinavit, eum commaculaturum esse Christianam Religionem, quod ex acerrima ejus in sacras imagines persequutione verificatum fuit.
Gr. copronymos, « souillé d’excréments » (stercoratus), du grec copros, excrément, et onoma, nom, surnom du fils de Léon l’Isaurien, empereur de Constantinople, qui, lors de l’immersion dans les fonts sacrés au moment de son baptême selon le rite grec, souilla l’eau de ses excréments, ce qui fit prédire à S. Germain, patriarche de Constantinople, que cet enfant déshonorerait la religion chrétienne, comme cela fut avéré par la suite en raison de sa persécution des images saintes.
Il s’agit de Constantin V Copronyme (718-775), fils de Léon III l’Isaurien.
CRANIUM, aliquando calvarium montem denotat. [Adam primus noster parens in hoc, qui nunc dicitur cranium, loco dicitur esse sepultus, ubi meus Christus pro nobis crucem, & mortem suscepit. In vita S. Theodos. Cœnobiar.]
(Mont du) Crâne, désigne parfois le Calvaire ou Golgotha : « On dit qu’Adam notre premier père est enterré en ce lieu que nous appelons aujourd’hui le Crâne, où le Christ fut crucifié pour nous et reçut la mort. » (Vie de Théodose le Cénobiarque)
CRIOBOLUM, ϰριοβόλιον, genus sacrificii, in quo arietes mactabantur, ex græco ϰρίος, idest, aries, & βολέω, percutio, macto.
Criobole, genre de sacrifice où l’on immolait des béliers.
Auquel on peut ajouter, parmi les sacrifices païens les plus courants, le taurobole (taurobolium), immolation de taureaux, et l’égibole (egibolium ou aegobolium), immolation de chèvres.
CURMI, potio ex hordeo, vel alia frugum specia commixta, communiter cervisia appellata.
Boisson à base d’orge mêlé à d’autres produits, communément appelée cervoise.
D
DACTYLOTHECA, δαϰτυλοθήϰη, Capsula, in qua digitorum anuli conservantur. FR. Sed ex Plinio quantitatem, seu museum gemmarum significare colligitur.
Boîte où l’on gardait des anneaux. Mais dans Pline le terme est entendu comme une collection ou un musée [une mosaïque ?] de pierres précieuses.
DIACOPOSIS, & Diacopsis, sic Diacopi, διάϰοποι, dicti sunt canales illi per quos Nili inundatio in Ægyptiacos campos compartiebatur.
Ce sont, en Égypte, les canaux par lesquels les eaux des inondations du Nil sont réparties entre les champs.
DICANITIUM, clava argentea, italicè Mazza, quæ antiquitus antè Imperatorem & Magistratum ferebatur, hodie tamen ante Cardinales defertur.
Masse en argent, appelée mazza en italien, qui dans les anciens temps était portée au-devant des empereurs et des magistrats, et qui l’est encore aujourd’hui au-devant des cardinaux.
Le Macri italien est un peu différent : « Dicanitium. Mazza di argento, la quale anticamente si portava avanti alcuni Officiali della Corte Imperiale, come si costuma hoggi fare alli Cardinali, & altri Magistrati. » Selon cette version, cette masse était portée dans les anciens temps devant certains personnages officiels de la cour impériale, et aujourd’hui devant les cardinaux et d’autres magistrats.
On sait que le Parlement britannique a conservé une fonction de massier et que la masse est placée à différents endroits, sur ou sous la table, selon le type de séance ouverte.
DUSIUS, dæmon incubus : [Dæmones, quos Dusios Galli nuncupant, hanc assiduam immunditiam & tentare, & affligere plures asseverant. D.Aug. lib.15 de Civit. Dei.]
Dusien, démon incube : « (comme c’est un fait public et que plusieurs ont expérimenté ou appris de témoins non suspects que les Sylvains et les Faunes, appelés ordinairement incubes, ont souvent tourmenté les femmes et contenté leur passion avec elles, et comme beaucoup de gens d’honneur assurent que) certains démons, à qui les Gaulois donnent le nom de Dusiens, tentent et exécutent journellement toutes ces impuretés (en sorte qu’il y aurait une sorte d’impudence à les nier, je n’oserais me déterminer là-dessus, ni dire s’il y a quelques esprits revêtus d’un corps aérien qui soient capables ou non – car l’air, simplement agité par un éventail, excite la sensibilité des organes – d’avoir eu un commerce sensible avec les femmes) » (S. Augustin, La cité de Dieu, livre 15)
E
EDUCERE SE PER AENEUM, legis Salicæ phrasis in tit.59. & est, quando reus cogitur suam innocentiam probare, summergendo brachium in aqua ferventi, & ita purgatur à calumnia, absque idoneis testibus ei imposita.
« Se tirer d’affaire par le chaudron », expression de la loi salique, quand un accusé est forcé de prouver son innocence en plongeant le bras dans l’eau bouillante pour se disculper de cette manière d’une accusation portée contre lui sans les témoins requis.
ELEPHANTINUS MORBUS, lepra, ita dicta, quia cutem scabiosam reddit ad instar elephantum.
« Maladie éléphantine », la lèpre, ainsi appelée parce que la peau devient rugueuse comme celle de l’éléphant.
EMBRYORECTES, formatur ex græcis vocibus εμβρυορέϰτης, idest, chirurgicum instrumentum quo discinditur embrio, ut ex materno utero frustratim extrahatur.
Instrument chirurgical servant à réduire en pièces l’embryon et à l’extraire de la matrice morceau à morceau.
ENCOLPIUM, ένϰόλπιον, parva Crux pectoralis Episcopi ; significat etiam quodlibet pectorale reliquiarium.
Petite croix pectorale portée par les évêques ; désigne également tout reliquaire pectoral.
ENERGEMA, Ενέργηπα, operatio, efficacia, & accipitur in malum sensum, scilicet, pro operatione diabolica in Energumenis excitata.
Action, force, entendue comme l’action diabolique suscitée dans les « énergumènes » ou possédés.
ENIDIOS, marmoris genus, ità frigidissimum, ut in aquam convertat ambientem aerem : [Unde Constantinopoli in veteri palatio imperiali sub terra quasdam conchas marmoreas vidi de simili lapide, quæ plenæ existentes aqua, evacuantur aliquotes, & sine omni humano studio plenæ inveniuntur aqua. Guglielmus, de Terra Sancta, apud Canisium.]
Genre de marbre, si froid qu’il change l’air ambient en eau : « Dans les caves de l’ancien palais impérial de Constantinople, j’ai vu quelques vasques de ce marbre, qui une fois vidées de leur eau se remplissent de nouveau d’elles-mêmes. » (Récit d’un voyage en terre sainte par [un certain] Guglielmus, dans S. Pierre Canisius)
ENGASTRIMITUS, Græcum vocabulum ἐγγαστρίμυτος, idest, ventriloquus : sic ab Origene appellatus est quoddam ejus opus, in quo de spiritibus pythonicis egit, qui ex ventre responsiones proferebant.
Gr. engastrimytos, à savoir, ventriloque : nom d’une œuvre d’Origène où il est question des esprits pythiens, qui donnaient leur réponse par le ventre.
« La pythie ou la pythonisse de Delphes rendant des oracles de temps immémorial ; non seulement elle était ventriloque, mais elle recevait l’inspiration dans son ventre. » (Voltaire)
ENSALMUS, incantatio, quæ in certis superstitiosis orationibus continetur, cujusmodi est oratio illa Crux Christi salva me à quodam Archiepiscopo Græco composita.
Incantation que comportent certaines prières superstitieuses, à la manière de Croix du Christ, sauve-moi composée par un certain archevêque grec.
La version italienne ajoute que cette oraison Croix du Christ, sauve-moi a été composée contre la peste et qu’elle fut encore employée lors de la peste de 1656 en Italie, avant d’être condamnée par l’Inquisition : « Nell’anno 1656, grassando la peste in alcune principali Città dell’Italia, alcuni ostinatamente adopravano le sopredette parole scritte in cifre. … Finalmente doppo molto controversie furono condanatte dal supremo Tribunale del sant’Officio di Roma, e dichiarate superstitiose. »
EXCETRA, εϰϰετρα, hydra, serpens in aquis degens, & translativè pro impatientia accipitur à Tertulliano.
Hydre, serpent aquatique, et métaphoriquement l’impatience, selon Tertullien.
F
FABARIUS, perantiquum Cantorum vocamen. [Antiqui pridie, quàm cantandum erat, cibis abstinebant, psallentes tamen legumine in cause vocis assiduè utebantur. Unde & Cantores apud Gentiles Fabarii dicti sunt. Isidor. de Eccles. off. lib.2.c.12.]
Dénomination antique des chanteurs : « Naguère, à la veille de chanter, les chanteurs s’abstenaient de nourriture, mais ils mangeaient fréquemment des fèves pour leur voix. C’est pourquoi les chanteurs sont appelés fabarii, mangeurs de fèves, chez les païens. » (Isidore)
FACULARUM ACCENSORES, dicebantur Christiani, qui Gentilium superstitiones retinentes, lucernas ad fontes accendebant, quæ superstitio à Conciliis Toletano, Antisiodorensi [[Autissiodorensi ?]], & Nannatensi aliisque condemnata fuit.
« Allumeurs de flambeaux », nom donné aux Chrétiens qui, conservant des superstitions païennes, allumaient des lampes au bord des fontaines, superstition qui fut condamnée par les Conciles de Tolède, d’Auxerre et d’autres.
FERDINANDUS, est nomen Arabicum à Fer-din-handu, idest, Gaudium fidei habet ipse, sivè Gaudium fidei apud eum ; ideò hoc nomine appellatus fuit primus B. Ferdinandus Rex Hispaniæ, eo quia hoc regnum à Saracenorum tyrannide ipse liberaverat.
Nom arabe, de Fer-din-handu, qui signifie « qui a en soi la joie de la foi » ; d’où ce nom fut donné au premier roi d’Espagne, Ferdinand, parce qu’il libéra son royaume des Sarrazins.
D’autres donnent à ce prénom une origine germanique. Et il est plutôt étonnant de donner à un roi un nom arabe pour avoir chassé les Sarrazins de la péninsule, ce qui suppose d’ailleurs que le roi fût appelé Ferdinand après cette action plutôt qu’à son baptême. En outre, si ce Ferdinand est bien, comme je le suppose, Ferdinand le Catholique, époux d’Isabelle de Castille, il s’agit de Ferdinand V, et tous les Ferdinand qui le précèdent n’ont pas eu l’honneur de « libérer leur royaume des Sarrazins », même si la plupart les eurent combattus. En outre, en espagnol le nom est Fernando, sans le din qui veut dire « foi » en arabe.
FORMALIUM, Gemma, seu aurea lamina gemmata, posita in fibula pluvialis Episcopi. Aliquando tamen Firmale dicitur.
Gemme ou bande d’or ornée de gemmes apposée sur l’attache de la chape des évêques. Parfois appelée [en latin] Firmale.
FRICTRIX, Mulier inhonesta, & libidinosa.
Femme malhonnête et libidineuse.
A donné fricatrice en français.
G
GABBARA, Ægyptiaca vox significat cadaver exiccatum, & aromatibus conservatum, quod vulgariter in officinis Mumia dicitur.
Mot égyptien désignant un cadavre vidé et conservé par des aromates, communément appelé momie.
Dans le Grand Larousse du 19e siècle, à gabbare on lit : « Momie égyptienne embaumée par les chrétiens du pays, aux premiers siècles de l’Église. » Cette nuance ne se trouve pas dans la définition du Macri, pour lequel il s’agit simplement d’un synonyme de momie. La définition du Larousse est intéressante par l’idée que les premiers chrétiens auraient pratiqué l’embaumement et la momification à la manière des Égyptiens, mais peut-être qu’elle ne résiste pas à l’examen des faits. En l’occurrence, la définition du Larousse résulte sans doute d’une confusion, comme il semble ressortir de l’ambiguité même de sa formulation : si des chrétiens embaument une momie égyptienne, la momie est deux fois embaumée…
À noter l’embaumement du Christ dans les Évangiles (Jean 19:39-40) : « Nicodème … vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs. » (BJ) « Ils prirent donc le corps de Jésus, et l’enveloppèrent de bandes, avec les aromates, comme c’est la coutume d’ensevelir chez les Juifs. » (LS) Les « bandes » rappellent fortement les « bandelettes » des momies égyptiennes, de même, à vrai dire, que l’ensemble de la cérémonie ainsi décrite, si ce n’est qu’il y manque l’excérébration et l’éviscération, dont le passage biblique ne dit rien.
GENITEI, sic appellabantur inter Hebreos illi, qui veram originem, & descendentiam ex Abrahamo trahere ostentabant ; nam in captivitate Babilonica multi utriusque sexus Hebræi cum infidelibus, & alienigenis matrimonio conjuncti fuerant, sed observantiores nonnisi cum fœminiis Israeliticis passi sunt commisceri. Isidor. lib.8.c.4.
Parmi les Hébreux, sont ainsi appelés ceux qui font valoir une véritable origine et descendance d’Abraham ; car lors de la captivité à Babylone de nombreux Hébreux de l’un ou l’autre sexe s’unirent conjugalement à des étrangers et païens, tandis que les plus observants ne s’unirent qu’à des femmes israélites.
GENNADES, appellantur fœminæ nobiles, quæ à propria nobilitate degenerantes viris plebeis in matrimonio junguntur.
Femmes nobles qui font déchoir leur noblesse en s’unissant à des hommes de la plèbe.
Gennade, dans le Grand Larousse du 19e siècle : « Jurisp. anc. Femme qui avait épousé un homme d’une condition inférieure à la sienne. »
GYNAECONA, γυναιϰων, locus pro mulieribus in Ecclesia destinatus.
Place dans l’église destinée aux femmes.
Voyez Androna pour la place destinée aux hommes.
H
HANNAPUS, incensi navicula.
Petit encensoir.
La ressemblance du terme avec le hanap est frappante. Le hanap était une coupe à boire.
HIEROPHANTA, Ιεροφάντης, Sacerdotis titulus apud Athenienses, qui, (ut D. Hieronymus contra Jovinianum scribit) ad extinguendos venereos ardores, cicutæ succum absorbebant.
Grec iérophantès, titre de prêtres chez les Athéniens, qui, selon S. Jérôme dans Contre Jovinien, buvaient le jus de la cigüe pour éteindre les désirs vénériens.
Socrate aussi but du jus de cigüe ; contrairement aux hiérophantes, il en mourut.
HOLOSERICUS, Heliogabalus fuit primus Romanorum, qui holoserica veste usus est, cùm antea subserica in usu esset. Lamprid. in Heliogab.
Héliogabale fut le premier à porter des vêtements entièrement en soie (holosericus) alors qu’auparavant on portait des habits à moitié en soie (subsericus) (selon l’histoire du règne d’Héliogabale par Lampride).
HYDROMYSTA, υδρομύστης, qui curam habet in Ecclesia conficiendi aquam benedictam, & eadem Ecclesiam intrantes aspergere.
Gr. hydromystes, personne chargée dans l’Église de produire l’eau bénite et d’en asperger les personnes entrant dans l’église.
HYEMANTES, erant illi, qui propter enormia & gravia delicta manebant sub dio propè Eccliesam, agentes publicam pœnitentiam ; non enim admissi erant in Ecclesiæ porticu cum aliis pœnitentibus.
Nom de ceux qui, en raison de l’énormité et de la gravité de leurs fautes, devaient faire pénitence sur le parvis en dehors de l’église ; ils n’étaient pas admis à passer les portes de l’église avec les autres pénitents.
Macri ajoute qu’ils devaient rester prostrés sur le parvis en demandant pardon aux fidèles qui passaient pour entrer et sortir de l’église. Les lépreux, « ou ceux qui l’avaient été », étaient assignés à cette place de façon permanente.
I
IDOLOTHYTUM, ειδωλόθυτον, idolo consecratum. [Sed non in omnibus est scientia. Quidam autem cum conscientia usque nunc idoli quasi idolothytum manducant.] Et inferius : [Ad manducandum idolothyta. I.Corinth.c.8. Et manducare de idolothytis. Apocalyp. cap.2.]
« Idolothyte », consacré, sacrifié aux idoles : « Mais tous n’ont pas la science. Certains, par suite de leur fréquentation encore récente des idoles, mangent les viandes immolées comme telles » (BJ) / « Mais cette connaissance n’est pas chez tous. Quelques-uns, d’après la manière dont ils envisagent encore l’idole, mangent de ces viandes comme étant sacrifiées aux idoles » (LS) (I Corinthiens, 8-7) et Apocalypse 2-20 : « cette femme qui se dit prophétesse égare mes serviteurs, les incitant à se prostituer en mangeant des viandes immolées aux idoles » (BJ) & « tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes serviteurs, pour qu’ils se livrent à l’impudicité et qu’ils mangent des viandes sacrifiées aux idoles » (LS)
ILLUMINATI, hæretici in Anglia recentiores, quos Hispani Adombrados vocant. Antiquitus tamen ità dicebantur Neophyti.
Hérétiques anglais d’origine récente, que les Espagnols appellent Adombrados. Dans le passé, on donnait ce nom aux néophytes ou nouveaux baptisés.
Car, s’agissant des néophytes, on appelait parfois le baptême « illumination » (illuminatio) et le baptistère « luminaire » (illuminatorius).
En revanche, les Illuminati renvoient aujourd’hui plutôt aux Illuminés de Bavière, donc à des « hérétiques » allemands, mais cette société ne fut créée qu’en 1776, donc bien après la mort de Domenico Magri. Plus loin (Voyez Tremulantes), ce nom espagnol d’Adombrados, quelque peu oublié, semble-t-il, paraît être appliqué aux Shakers protestants, vu que tremulantes pourrait être une traduction littérale de leur nom.
INCARMINATRIX, incantatrix.
Incantatrice (Macri italien : strega incantatrice).
L
LABORANTES, Clerici dicebantur, qui sepeliendi mortuos curam habebant. [Saluto hypodiaconos, lectores, janitores, laborantes, exorcistas. S. Ignatius Martyr. epist.112. ad Antioch.] Item dicuntur Copiatæ. Vide Synonyma in dict. Fossarii.
Clercs anciennement chargés d’enterrer les morts : « Je salue les hypodiacres, les lecteurs, les gardiens, les laborantes, les exorcistes. » (S. Ignace Martyr)
Ils faisaient ainsi partie des ordres mineurs de l’Église primitive, aux côtés des exorcistes et des autres ci-dessus nommés (« Numeravanti tra gli ordini minori nella primitiva Chiesa, como si raccoglie delle parole de S. Ignatio Martire »).
LABYRINTHUS, λαβύρινθος, mons est in Creta, habens antrum sinuosum, difficile ingressu, & reditus difficilius.
Une certaine montagne de Crète ayant des cavernes tortueuses, dont il est difficile de trouver l’entrée et difficile, une fois entré, d’en ressortir.
Le Dictionnaire historique de la langue française (Robert) indique : « Le mot aurait d’abord été employé en Crète à propos d’un complexe de cavernes [ce qui confirme le Macri], puis d’un ensemble de bâtiments réunis par des passages contournés, des couloirs inextricables. » Mais ce dictionnaire donne au terme une origine très improbable, à savoir le nom lydien de la hache. L’étymologie de Magri n’est cependant guère plus convaincante : « Ita dictus, quòd januam non capiat, seu eam non admittat. Videtur à λαβειν, capere, & θύρα, janua. » « Ainsi appelée car elle n’a pas de porte ou n’en admet pas. Des mots grecs pour comporter et porte. » Ce serait donc parce qu’elle n’a pas de porte que cette montagne ou son dédale de cavernes serait appelé « qui possède une porte » ?
À noter que labyrinthus existe en français, dans le domaine de l’astronomie (planétologie), où il désigne « un réseau complexe de vallées et de canyons entrecroisés. Des labyrinthi ont été décrits sur Mars et sur Vénus. » (Wkpd) S’agissant de Mars (voyez photo, tirée de la même page), ce sont sans doute ces fameux « canaux » qui ont pu faire croire à l’existence d’une civilisation martienne.
LIBELLATICI, lapsi in idolatriam ob martyrii timorem, qui duplicis generis erant, Sacrificati & Thurificati. Sacrificati dicebantur, qui sacrificia Idolis præstebant. Thurificati, qui thus Idolis dederant.
Chrétiens retombées dans l’idolâtrie par crainte du martyre. Ils étaient de deux sortes. Les « sacrifiants » (Sacrificati) acceptaient de sacrifier aux idoles et les « thuribulants » (Thurificati) d’encenser les idoles.
LUCIFUGAE, ta ex contemptu à Rutilio Numatiano [[Namatiano]] gentili appellati fuerunt Monachi, lib.1.itinerar.
Les « Lucifuges », ceux qui fuient la lumière, appellation péjorative donnée aux moines chrétiens par le [poète] païen Rutilius Namatianus.
LUPANAR, prostibulum, & ganeum, ubi Meretrices degunt. Aliquando pro conseptu ferarum accipitur ; nam in passione SS. Chrysanthi, & Dariæ habtur, [Daria verò in lupanar compulsa, leonis tutela, dum in oratione defixa est, à contumelia divinitus defensa est]
Maison de prostituée et taverne où vivent des prostituées. On appelle ainsi parfois un enclos à bêtes, comme dans la passion de saints Crisant et Daria : « Daria fut enfermée dans le lupanar, l’enclos d’un lion, mais tant qu’elle resta absorbée en ses prières elle fut défendue par volonté divine. »
Selon la page Wkpd Crisant et Daria (saints), Daria « est prostituée mais sa chasteté est défendue par une lionne ». Ce qui ne se comprend guère et paraît être une erreur de traduction du passage cité là par Magri. Il faut dire que le texte latin est particulièrement ambigu. Tout d’abord, « leonis tutela » pourrait en effet vouloir dire que Daria est sous la protection d’un lion, mais tutela est aussi un enclos. On se demande bien ce que faisait ce lion dans une maison de prostitution ! Cependant, le texte dit aussi que Daria a été défendue des outrages, ou des insultes (contumelia), ce qui n’est pas le genre de menace qu’on s’attendrait à voir décrire s’agissant d’un lion, si c’est bien du lion que Daria a été protégée, à moins que le terme soit habituel dans les martyrologes pour désigner les blessures mortelles infligées par les bêtes aux martyrs chrétiens notamment dans les jeux du cirque.
M
MANDRA, μάνδρα, spelunca, cubile, caula. Hinc metaphoricè pro monasterio dicitur. Ideò Archimandrita superior Monasterii, & Monachus Mandrita dictus est.
Gr. mandra, caverne, tanière, cavité, et, métaphoriquement, monastère. C’est pour cela qu’on appelle archimandrites les supérieurs des monastères et mandrites les moines.
En français, le terme archimandrite semble s’appliquer seulement pour l’Église orthodoxe tandis que mandrite, de même que les mandres (nom féminin) où ils résident, sont appliqués aux moines de l’Église catholique d’Orient.
MANDRAGORA, μανδραγόρα. Est herba valdè soporifera, quæ (ut aliqui putant) juxta mandras, seu circa speluncas provenit. Ejus radix est figura humana efformata, & quidem masculina, aut fœminina : & indè à plerisque vocatur ανθρωπόμορφος. Nam ανθρωπος, est homo, & μορφή, figura, forma.
Mandragore, herbe aux puissantes propriétés soporifiques, qui, d’après certains, pousse près des grottes. Sa racine a forme humaine, masculine ou féminine : d’où le nom anthropomorphos donné par d’aucuns à cette plante.
MANSUR, Arabica dictio, idest, adjustus, auxiliatus ; quo titulo D. Jo. Damascenus appellatus est, ex eo quia auxilio Beatæ Mariæ Virginis, in pristinum conjuncta ei fuit manus, quæ ab Iconomachis detruncata fuerat.
Mot arabe signifiant « aidé, assisté » ; le titre fut donné à S. Jean Damascène car la Vierge lui rendit intacte sa main qui avait été coupée par les Iconomaques (iconoclastes).
MANUTHIA, μανούθια, boleti per terræ exaltationes producti [Cùm nos autem aliquando colligeremus alimentum in solitudine : id verò erat, quod vulgò solet nominari manuthia. In Vita S. Euthymii.]
Bolets [champignons] produits par les exhalaisons de la terre : « Nous trouvions notre subsistance dans les solitudes : c’était ce qui est communément appelé manuthia. » (Vie de S. Euthyme)
MATRONAEUM, locus in Ecclesia pro matronis assignatus.
Place assignée aux matrones dans l’église.
MEDICAMENTARIUS, qui incantationibus, aliisque superstitiosis artificiis ad corporales infirmitates utitur.
Ce qui, par incantations et autres moyens superstititeux, est employé au traitement des maladies du corps.
METEMPSYCHI, à græca dictione Μετεμψύϰωσις, idest, animæ transmigratio, Hæretici dicuntur, qui ad imitationem Pythagoricum transmigrationem animarum asserebant. Hanc impiam doctrinam asserunt Rabbini, blasphemantes, quod Adami anima transmigratura sit in futurum Messiam : igitur hæc pythagorica opinio fuit antiqua inter Hebræos a tempore Christi interris degentis, qui illum putabant Eliæ, aut Jeremiæ, vel alicujus alterius Prophetæ animam in se habuisse.
« Métempsyques » furent appelés les hérétiques qui, après Pythagore, affirmaient la transmigration des âmes. Les rabbins continuent de soutenir cette doctrine en affirmant que l’âme d’Adam doit migrer dans leur futur Messie. Cette opinion pythagoricienne était déjà répandue parmi les Hébreux au temps du Christ, certains d’entre eux affirmant qu’il avait en lui l’âme d’Élie, de Jérémie ou d’un autre prophète.
« Quant à la réincarnation, c’est une doctrine chrétienne, écartée par le clergé. Jésus-Christ prétend que saint Jean-Baptiste fut une réincarnation d’Elias. » (Strindberg, Inferno)
MISSA PRO MORTE INIMICORUM, frequentabatur in Hispania, quæ tanquam superstitiosa, & vindicativa, de ann.694. in XVII. Conc. Tolet. can.5. sub gravissimis pœnis prohibita fuit.
Messes pour la mort des ennemis, fréquentes en Espagne jusqu’à leur prohibition, sous peines sévères, pour superstitieuses et vindicatives, par le dix-septième Concile de Tolède en 694.
MONAZONTES, μοναζόντες. Monachi solitarii. Cassianus collat.18 cap.5.
Moines solitaires (dans Cassien).
Ou bien simplement moines, car ils quittaient le monde et se séparaient de leurs parents et proches.
Je place ici mon court essai inédit sur la querelle des moines au moment de l’apparition des ordres mendiants (2008).
Contra Mendicos
L’émergence et le développement des ordres mendiants donnèrent à la vie monastique en particulier et à la communauté chrétienne en général une physionomie nouvelle, étrangère à l’esprit du premier Moyen-Âge. Ces ordres ne s’imposèrent cependant pas sans résistance de la part des communautés qui leur préexistaient et étaient porteuses d’une autre forme de spiritualité.
La résistance aux ordres mendiants s’organisa tant au sein du clergé séculier qu’au sein du clergé régulier, mais particulièrement au sein de ce dernier. Le clergé séculier s’opposa à l’émergence des mendiants sur le plan doctrinal, notamment au sujet de l’interprétation de la bulle Ad fructus uberes de 1281 qui leur conférait des privilèges. Les chaires universitaires furent un lieu privilégié de cette controverse, qui ne devait prendre fin qu’au bout de neuf ans par la confirmation des privilèges des mendiants. Par ailleurs, le clergé séculier s’opposa mollement à l’installation de couvents de mendiants dès lors que les prérogatives des paroisses étaient préservées.
En revanche, les réguliers menèrent une opposition radicale. L’ordre cistercien repose entièrement sur la notion d’abbaye et les relations des unes aux autres à l’intérieur d’un réseau d’abbayes-mères et d’abbayes-filles, d’où la relative autonomie de l’ordre à l’égard de la cour pontificale. Certaines abbayes possédaient des droits seigneuriaux étendus, qui leur permirent de s’opposer à l’installation des mendiants dans leur voisinage : aucune maison religieuse ne pouvait s’installer dès lors que les obligations fiscales auxquelles les habitants étaient soumis ne pouvaient être remplies ; de cette manière, il devenait impossible de fonder un monastère sans l’autorisation de l’abbé, et les ordres usèrent avec constance de leurs prérogatives pour empêcher l’expansion des mendiants.
Seules des pressions énergiques pouvaient faire ployer un tel obstacle, et c’est ce à quoi s’efforcèrent le haut clergé et, tout particulièrement, le Vatican, conscient de l’utilité des mendiants dans un projet de centralisation pontificale. Seigneurs et bourgeois prodiguèrent également des appuis aux mendiants, notamment certaines familles qui, dans le Midi de la France, étaient en relation avec les hérésies vaudoise et cathare.
En réaction à ces pressions, plusieurs cas de voies de fait et agressions physiques sont avérés de la part de moines des anciens ordres contre les mendiants, faits qui attestent de leur hostilité profonde envers ces derniers.
Ce serait une explication insuffisante d’imputer cette hostilité à de pures considérations matérielles. Dans le but, certes louable, de dénoncer des moeurs ecclésiastiques corrompues et de se consacrer par la prière au salut des âmes, prétendument négligé par les anciens ordres, les mendiants portèrent un coup à l’organisation monastique alors existante, ainsi qu’à sa mystique. Alors que les Cisterciens font reposer leur existence monastique sur le concept du travail, et que l’utilité des ordres militaires, protégeant les pèlerins, est évidente, les mendiants introduisirent dans la chrétienté la figure du parasite pieux. L’activité de prédication caractéristique des mendiants (tels que les Dominicains, ou frères prêcheurs), est significative en soi, car les premiers chrétiens et les anciens ordres prêchaient en réalité par l’exemple et non en haranguant les foules.
MORTICINUM, animal naturaliter mortuum, cujus carne vesci prohibuit Deus in veter. testam. [Morticina vitabitis. Levit. cap.11.]
Animal mort de mort naturelle, dont la chair est interdite à la consommation dans le Lévitique (11-11) : « Vous aurez en dégoût leur cadavre. »
MORTUUS, aliquando Idolum intelligitur. Vide Necrothyta (res mortuis).
Mort, parfois entendu pour idole. Cf « Nécrotythe » : la chose pour les morts (la « chose aux morts »), ce qui est immolé aux idoles.
MYGALE, mus araneus, de quo mentionem facit Ælianus, ex græco vocabulo μυγάλη, est inter immunda animalia in Levit. cap.11. computatus.
Musaraigne, comptée parmi les animaux immondes dans le Lévitique chap.11.
Le terme est tiré du Lévitique 11-30, dans la Vulgate : « mygale, et chamaeleon, et stellio, et lacerta, et talpa. » que l’on trouve ainsi traduit en français (?) : « gecko, koah, letaah, caméléon et tinchamète » (BJ) ou « le hérisson, la grenouille, la tortue, le limaçon et le caméléon » (LS).
La mygale, au sens contemporain, est ainsi appelée car elle appartient à la famille des Mygalomorphae, c’est-à-dire des araignées « à forme de musaraigne ». Or la musaraigne est, selon l’étymologie, une « souris-araignée ». La mygale est donc l’araignée à forme de souris-araignée.
MYROBLUITA, μυροβλύτα. FR. Ita cognominatus est S. Dominicus Martyr à Græcis, quia ex ejus sepulchro liquor scaturiebatur pro infirmitatibus mirabilis : voces quidem græca sunt, nempè, μύρον, unguentum, & βλύω, scateo, mano.
Gr. myroblyta, myroblite, myroblyte, surnom donné par les Grecs à S. Dominique Martyr car de son sépulcre jaillissait un liquide miraculeux capable de guérir les infirmités. Le mot est grec et vient de myron, onguent, et blyon, jaillir, sourdre.
Dominique n’est pas le seul saint myroblite. « Par contre Lydwine ne fit point partie du groupe des Myroblites, c’est-à-dire des déicoles, dont les cadavres distillèrent des essences et des baumes. » (J.-K. Huysmans, Sainte Lydwine de Schiedam)
N
NOTATUS, aliqua nota infamis. Quare cicatrix in facie ad reminiscentiam alicujus infamiæ Nota dicitur.
Marque infamante. Une cicatrice sur le visage infligée en réminiscence d’une infamie est également appelée nota.
NYMPHAEUM, fons ad Ecclesiæ januam, ubi manus lavabant Christiani, antequam ad orandum ingrederentur.
Fontaine ou bassin près de la porte de l’église, où les Chrétiens se lavaient les mains avant d’entrer pour prier.
Dictionnaire latin Olivetti : nymphée, source sacrée aux nymphes. Dictionnaire latin Chatelain : temple des nymphes.
NYSUS, vox Syracusana, idest, claudus ; ideò Syracusani Bacchum Dio nysum ex Διος, & Νύσος, idest, Juppiter claudus appellabant.
Mot syracusain signifiant boiteux ; d’où le nom du dieu syracusain Bacchus, Dionysos, Jupiter boiteux.
O
OASENA DEPORTATIO, exilium ad quendam Ægypti locum, qui Oasis dicebatur, de qua pœna fit mentio in Theodos. Codice lib.9. tit.32.
« Déportation oasienne », condamnation à l’exil en un certain lieu d’Égypte appelé Oasis, peine dont il est fait mention dans le Code de Théodose.
Il ne s’agit sans doute pas d’une oasis unique, toute oasis, seul lieu de vie possible au milieu d’immensités désertiques, pouvant servir de prison.
OLIBANUM, incensum ; Græci λίβανος, & Arabes Alluban dicunt.
Oliban, encens : Grec libanos et Arabe al-luban.
Voyez dans ma Note sur l’indonésien :
« Luban. Encens ; luban jawi, benjoin. / De l’AR لبان (lubân), encens, لبان جاوي (lubân jâwî), encens de Java. C’est précisément ce nom arabe de « l’encens de Java » qui a donné (par l’intermédiaire du catalan, selon le Robert étymologique) le mot français « benjoin », en anglais benzoin. »
ONONYCHITES, Christianorum Deus à Gentilibus ex contemptu, teste Tertulliano, appellatus ; græce enim ὀνονυχίτης, asininis unguibus præditum significat, quæ fictio originem traxerat ex Tacito lib.5. hist.
Appellation péjorative des Chrétiens par les païens, selon Tertullien, du grec ononychites, qui a des pieds ou des sabots d’âne, légende tirée du livre 5 des Histoires de Tacite.
P
PAREDRUS, πάρεδρος, Assessor, consiliarius, accipitur etiam pro malo spiritu, qui Incantatoribus ac Magis assistere solet. Salmasius per Paredros Deos minores intelligit.
Assistant, conseiller, dit d’un esprit maléfique serviteur des enchanteurs et des mages. Salmasius l’entend quant à lui comme dieu mineur.
Salmasius est, semble-t-il, et c’est assez remarquable pour le souligner, l’humaniste protestant Claude Saumaise. Le mot français parèdre a retenu son interprétation (dieu mineur) et oublié le sens ici donné par Magri.
PENTAGLOTTUS, quasi quinquilinguis dici potest, græcè Πεντάγλωττος. Ita dictus Sanctus Epiphanius, Salaminæ in Cypro Episcopus, vir eruditione, & sanctitate, & ob quinque linguarum, Græcæ videlicet, Hebraicæ, Latinæ, Syriacæ, & Ægypticæ à S. Hieronymo commendatus, & Pentaglottus vulgò nuncupatus.
« Le pentaglotte », S. Épiphane, évêque de Salamine de Chypre, homme saint et érudit qui parlait cinq langues, à savoir le grec, l’hébreu, le latin, le syriaque et l’égyptien, ainsi surnommé et loué par S. Jérôme.
PHRONTISTERIUM, φροντιστήριον, idest, contemplationis mantio, pro Monasterio usurpatur.
Gr. phrontistérion, maison de contemplation, pour désigner un monastère.
PHYSICA, φυσιϰη, Ecclesiasticis prohibita. Medicina intelligitur in sex. decretal. lib.3. tit.34. cap.1.&2.
La physique, entendue comme l’art de la médecine (dans les décrétales), est interdite aux ecclésiastiques.
C’est en vertu du principe Ecclesia abhorret a sanguine (l’Église a horreur du sang) que, d’une part, les tribunaux ecclésiastiques ne condamnaient jamais à mort les clercs, soumis à leur seule juridiction, et faisaient appel pour les exécutions au bras séculier, et, d’autre part, que les conciles défendirent aux clercs d’exercer le métier de chirurgiens.
PLUMBATAE, genus martyrii, de quo sæpè in Martyrol. Flagellum ex funiculis erat, ad cujus extremitates pendebant plumbeæ pilulæ.
Genre de martyre dont il est souvent question dans le Martyrologe. C’est un instrument de flagellation dont les lanières sont pourvues à leurs extrémités de billes de plomb.
POULAINIA, calceamenti cuspis acuta, qua forma illis temporibus Principes utebantur, ut ex antiquis picturis colligitur : ita appellabatur ex forma acuta ad similitudinem unguis pulli.
Poulaine (souliers à la), souliers de forme pointue, portée par les princes [et la noblesse] aux siècles passés, ainsi qu’on peut le voir dans les anciennes peintures. Ils tirent ce nom de leur forme pointue semblable aux ergots de poulet.
PROTOMARTYR, πρωτομάρτυρ, primus martyr, quo titulo appellari solet ab Ecclesia D.Stephanus ; primus enim fuerat, qui inter Christianos gloria Martyrii coronari meruerit : sic etiam vocatur justus Abel respectu veteris martyrum testamenti, & inter Christianas fœminas Sancta Thecla in Menologio græco his verbis celebratur : [Sanctæ Protomartyris, & paris Apostolis Theclæ.]
Premier martyr, titre conféré par l’Église à S. Stéphane, qui fut le premier à s’acquérir la gloire de la couronne des martyrs ; de même le juste Abel, dans l’Ancien Testament, et parmi les femmes S. Thècle, dans le Ménologe grec « Sainte Thècle protomartyre et acteur apostolique ».
S
SABBATUM HENOCH, phrasis Christianorum Æthiopiæ in eorum Calendario apposita ; hujus autem modi loquendi origo, secundum aliquorum opinionem, à periodo solarium annorum provenit, qui periodos septem millia annorum continet, cujus decima pars dicitur Sabbatum Henoch, quia hic homo natus fuerat anno 700. ab Orbe condito, ut Scaliger lib.7. de emendat. refert ; licet alii hanc nativitatem statuant anno 622.
Expression employée par les Chrétiens d’Éthiopie dans leur calendrier. Selon certains, cette expression provient de la période de sept mille années solaires, dont la dixième partie, c’est-à-dire sept cents ans, est appelé Sabbatum Henoch parce qu’Henoch est né 700 ans après la création du monde (Scaliger), bien que d’autres aient affirmé qu’il fût né en l’an 622.
Il faut rappeler, concernant ces généalogies bibliques, que, selon Voltaire, elles commencèrent à être mises à mal quand les voyageurs firent connaître que les Chinois possédaient des chroniques plus anciennes que le monde selon les généalogies de la Bible.
SALISATORES, Magi, sive Divinatores, qui sumebant auguria ex corporis palpitatione, & membrorum tremore.
Mages ou devins qui tiraient des augures des palpitations du corps et des tremblements des membres.
SCORPIACUM, medicinale antidotum contra scorpionum ictus : hoc vocabulo Tertullianus suum tractatum contra Gnosticos hæreticos denominavit, quos hæreticos etiam S. Epiphanius scorpionibus assimilavit.
Antidote contre la piqûre des scorpions : le mot sert de titre au traité de Tertullien contre les hérétiques gnostiques, que S. Épiphane comparait à des scorpions.
SCORPIO, martyrii genus ; erat enim nodosa, ac spinea virga, quæ percutiendo carnem lacerabat, ita appellata, quia ad instar scorpionis caudæ curvabatur.
Genre de martyre : il s’agissait d’un bâton noueux et épineux qui lacérait les chairs et était ainsi appelé car il était courbé à l’instar de la queue du scorpion.
Dans le dictionnaire latin Olivetti : « Sorte de bâton armé de pointes de fer qui était employé comme instrument de torture. »
SCOTALLUM, œnopolium, sive taberna, in qua cervisia venditur. Ex saxonibus Scot, idest, signum, quod in tabernis solet apponi, & Ala, nempè, cervisia.
« Oenopole » ou taverne où l’on vend de la cervoise. Du saxon scot, enseigne, car les tavernes étaient identifiées par une enseigne, et ala, bière [l’ale anglaise].
SCREONA, & Screuna, domus subterranea. Ex germanica dict. Eschrenes.
Maison souterraine. Du germain Eschrenes.
Macri italien : « Casa sotterranea, dove sogliono vegliando la notte lavorare le zitelle in campagna. Vocabolo della legge Salica. »
SCRIPTORIUM, locus in Monasterio, ubi Monachi ad scribendum conveniebant tempore hyberno, qui locus conservabatur calidus.
Partie d’un monastère où les moines se réunissaient pour écrire pendant l’hiver, laquelle était chauffée.
SOMNIALIA, liber superstitiosus ita inscriptus, in quo somniorum observationes continebantur, sub nomine Danielis Prophetæ falsò divulgatus.
Livre de superstition dans lequel étaient inscrites des observations relatives aux rêves, et faussement attribué au prophète Daniel.
SORS, idest, divinatio. = Sortilegium
Divination.
A donné le mot « sort ».
SORTIARIA, Venefica, Maga.
Magicienne, celle qui lance des sorts.
SQUATUS, piscis species, italicè squadro dicitur, cujus aspera pelle utuntur fabri lignarii ad puliendum eorum opus ; ideò à Græcis ρίνη, idest, lima ; à Latinis autem squatina dicitur.
Espèce de poisson appelée squadro en italien, dont la peau rugueuse est employée par les artisans en ébénisterie pour polir leurs œuvres ; c’est pourquoi on l’appelle riné en grec, ce qui signifie une lime. Également appelé squatina en latin.
En français, ange – et non limande.
STANTES, dicebantur Christiani in persecutione fidei constantes ; è contrario Lapsi qui timore tormentorum à fide apostatabant.
Nom des Chrétiens restés fidèles dans les persécutiones, par opposition aux Lapsi (relaps) qui apostasiaient la foi par peur des tortures.
STAUROPHYLAX, idest, Crucius Custos. Dignitas in Ecclesia Hierosolymitana, ad quam lignum veræ Crucis custodire spectabat.
« Gardien de la Croix » : dans l’église de Jérusalem, dignité de celui qui avait le bois de la vraie croix sous sa garde.
STRIA, strix, venefica, maga. In lege salica tit.67. ubi appellatur Strio portus locus, in quo striges conveniunt. FR. Strix propriè avem nocturnam, quam aliqui Bubonem esse dicunt, significat ; indè translativè striges dicuntur veneficæ mulieres, quæ de nocte malè operantur.
« Estrie », sorcière, magicienne. Dans la loi salique, est appelé Strio portus un lieu où les sorcières se réunissent. Le strix est spécifiquement un oiseau nocturne, dans lequel certains voient le hibou, et par métaphore le terme a servi à désigner des sorcières qui commettent leurs maléfices la nuit.
SUTULARES, calceamenta ex superiori parte contecta, sed absque soleis, quibus Sancta Gundula usa est, ut hac sancta simulatione ejus pœnitentiam tegeret.
Souliers ayant une partie supérieure mais dépourvus de semelle, que portait sainte Gudule en vue de cacher sa pénitence par une pieuse dissimulation.
SYNELITES, vox quidem corrupta apud Honorium lib.1. de imagine mundi cap.14. cum selenites, σεληνίτης, idest, lunaris, scribendum esset ; est autem gemma quædam, quæ crescit, ac decrescit, cum lunæ incremento, & decremento, quam Lunarem Latini appellant, & à Dioscoride Aphroselenus lib.5. appellatur ; & ibi Marcellus : corruptè tamen in textu Plinii lib.37.c.10. dicitur Aphrodisiace.
Corruption, dans Honorium, de selenites, c’est-à-dire pierre de lune : une gemme qui croît et décroît avec la lune. Lunaris en latin et aphrosélénus dans Dioscoride, par erreur appelée aphrodisiace par Pline.
T
TEGULARIA, Maga, Incantatrix, quia super tecta, ac tegulas earum præstigia facere solent. [Tegularia malefica, quod supra tegulare sacrificet. Gloss. Isidori]
Magicienne qui réalisait ses prodiges sur des toits ou terrasses : « Tégulaire maléfique, qui sacrifie sur les toits. » (Glossaire d’Isidore)
TEMPESTARII, Fascinatores, qui mediantibus eorum incantationibus tempestates in aeris regione conmovent, de quibus S. Agobertus, qui etiam inquit, quod hujusmodi tempestates à vulgo Aura levatitia dicebantur.
Magiciens qui par leurs incantations suscitaient des tempêtes dans le ciel. S. Agobard, qui en parle, explique que les tempêtes ainsi créées étaient appelées par le vulgaire « vent levé » (Aura levatitia).
TILON, vermis pilosus.
Ver poilu.
TRACONES, subterranei meatus, in quibus aquæ, vel aer inclusus serpent ; sive quia ibi Dracones generari solent : [Cum profundis traconibus, ac concavitatibus, in quibus secundum Philosophos solet terræmotus generari. Matth. Paris. in ejus Hist. an.1247.]
Cavité souterraine où les eaux ou l’air enfermé circule ; ou bien où sont engendrés les dragons : « De profonds tracones, ou gouffres, où selon les philosophes sont produits les tremblements de terre. » (Matthieu de Paris, dans son Histoire de 1247)
TRASCO-DRUGITARE, hæretici, ità appellati ex phrygiis vocibus Trascus, quæ palum significat, & Drusus, nasum, seu rostrum ; nam hi quando orabant, digitum indicem in naso imponebant.
Hérétiques ainsi nommés du phrygien trascus, poteau, et drusus, nez ou visage, car ils se mettaient le doigt dans le nez quand ils priaient.
TREMULANTES, hæretici in Anglia, quos Hispani Adombrados vocant.
« Trembleurs », hérétiques anglais que les Espagnols appellent Adombrados.
Ce nom latin fait immanquablement penser aux Shakers protestants, qui doivent leur origine aux camisards cévenols émigrés en Angleterre après la révocation de l’édit de Nantes. On a vu plus haut que ces Adombrados sont également appelés Illuminati.
TRIPASSALUM, τριπάσσαλον, pertica cum tribus cuspidibus, instrumentum martyrii, quo Syri utebantur, quemadmodum in vita S. Ephrem apud Vossium legitur.
Pieu à trois pointes, instrument de martyre employé par les Syriens, comme on peut le lire dans la Vie de S. Éphrem traduite par Vossius.
TYPHON, τυφὠν, ventum turbulentum, fulgur, & vorticem significat. De quo fabulosè cecinerunt Poetæ, erat Seth Adami filius, nam [Seth apud Ægyptios, Typhon apud Græcos dicitur. Plutarch. de Iside, & Osiride.]
Gr. typhon, vent violent, foudre et tourbillon d’air. Les poètes ont affirmé qu’il s’agissait de Seth, fils d’Adam : « Le Seth des Égyptiens appelé Typhon chez les Grecs » (Plutarque, Isis et Osiris)
U/V
VALESII, hæretici in Arabia à Valesio Arabe provenientes, quæ secta Eunuchorum etiam dicta ; nam secundum litteram Euangelium ineptè interpretantes, omnes se castrabant, non percipientes allegoricam Christi parabolam, ubi ajebat : Beati, qui se castraverunt &c. de quorum secta fuerat Origenes. Baron. an.249. nu.9.
Valésiens, hérétiques arabes sectateurs de l’Arabe Valésius ou Valens, appelés Eunuques car, suivant une interprétation littérale des Évangiles, ils se castraient tous, ne saisissant pas le sens allégorique de la parabole du Christ « Bienheureux ceux qui se sont rendus eunuques [pour le royaume des cieux] ». Origène appartenait à cette secte.
La phrase latine « Beati, qui se castraverunt propter regnum cœlorum » du passage (Matthieu 19-12) n’est plus traduite sous cette forme. Le Beati sunt (Bienheureux…) a disparu tant de BJ que de LS.
VOLUTABRUM, limus, in quo porci revolvuntur.
Boue dans laquelle se vautrent les cochons.
Dictionnaire latin Olivetti : « marais, marécage ».
USTRICULAE, ferrea instrumenta candentia, quibus comburebantur pili in mento crescentes, ut juvenilis aspectus ostentaretur.
Instrument de fer incandescent avec lequel on se brûlait les poils du menton afin de conserver un aspect juvénile.
VV(=W)ODAN, fabulosus Deus Mercurius, olim apud Septentrionales veneratione habitus.
Z
ZABULUS, ζάβουλος, Diabolus : in æolico enim idiomate sæpè particula ζα ponitur loco δια.
Gr. Zaboulos ; diable, car dans le dialecte éolien la particule za- est souvent employée à la place de dia-.
ZASUS, Jesus. Unde Itali quoque Giesù dicunt.
Zasus est le nom « Jésus » d’où les Italiens tirent Giesù.