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Glossaire de l’occulte thaï (reboot)

Le présent glossaire est une fusion des listes successives de ce blog Glossaire de l’occulte thaï (I) et Thai Mysteries (II-V). Pour le plus grand nombre de ces entrées, elles sont ici pour la première fois en français.

Il n’existe pas de transcription unique du thaï. Je recours à une transcription personnelle simplifiée, le plus phonétique possible pour le lecteur francophone. Ainsi, « eu » se lira comme dans « feu » en français, « ou » comme dans « fou ». Le w est toujours liquide : « wa » se lit « oua ». Le r est roulé. Le tj est censé rendre une consonne particulière : « tjo » se lit à peu près comme « tchio ».

Les entrées sont classées selon l’ordre alphabétique de cette transcription.

Je donne pour chaque entrée le terme original en thaï, notamment parce que des recherches d’image sur internet ne peuvent donner de bons résultats avec la transcription que j’emploie (et le résultat ne peut d’ailleurs être qu’à peine meilleur pour un grand nombre de ces termes dans des transcriptions plus courantes) : il faut recourir au thaï pour avoir accès aux banques d’images, et c’est une recherche que je ne peux qu’encourager pour bien s’imprégner de l’imaginaire thaïlandais.

Glossaire

Abaïpoum (อบายภูมิ). Les mondes abandonnés, c’est-à-dire a/ les huit plans de l’enfer, b/ le monde des prétt, c/ le monde des asuras et d/ le monde des bêtes.

Les prétt (du sanskrit preta) sont également connus sous le nom de fantômes affamés ; on les représente le plus souvent sous l’aspect de grandes carcasses maigres avec une bouche fine comme une aiguille et un ventre bedonnant qu’en raison de l’étroitesse de leur bouche ils ne peuvent jamais remplir. Les asuras sont quant à eux des démons bien connus de la mythologie hindouiste et bouddhiste.

Aksonn-kom (อักษรขอม). « Écriture khmère » : l’écriture khmère était utilisée jusqu’à la fin du dix-neuvième en Thaïlande pour la littérature bouddhiste (par exemple pour la traduction du canon pali du bouddhisme théravada, le Tripitaka). La réforme du roi Rama V, et notamment la publication en thaï du Tripitaka, fut combattue par les segments conservateurs du Sangha (les bonzes) en raison des propriétés magiques attribuées à l’écriture khmère. Aujourd’hui, l’écriture khmère (qui diffère cependant du khmer actuel) est toujours employée dans le contexte des pratiques occultes, et apparaît sur les amulettes, les tatouages magiques, les diagrammes mystiques, etc. Chaque fois que le mot yantra, qui désigne un symbole ou ensemble de symboles (diagramme) magiques, apparaît dans le présent glossaire, il faut comprendre que cette symbologie est véhiculée par ladite écriture khmère (aksonn-kom-thaï).

Ampoutchini (อัมพุชินี). Étang aux lotus.

Anantriyakam (อนันตริยกรรม). Les cinq péchés capitaux : 1 tuer son père ; 2 tuer sa mère ; 3 tuer un saint (arahant) ; 4 infliger une blessure à un Bouddha ; 5 faire renoncer un moine à ses vœux.

Ang-yi (อั้งยี่). Société secrète chinoise.

Anoussaï (อนุสัย). Les sept tares enracinées dans la nature humaine : 1 l’appétit pour le plaisir sexuel ; 2 l’irritabilité ; 3 les vues erronées ; 4 le doute, l’hésitation ; 5 l’arrogance ; 6 la préoccupation pour le monde et les buts mondains ; 7 la connaissance imparfaite ou l’ignorance.

Apapa (อพพะ). Nombre de valeur élevée, égal à dix millions à la puissance onze. Aksaohini (อักเษาหิณี). Nombre élevé : un suivi de quarante-deux zéros.

Ce sont deux exemples des connaissances numériques héritées de l’antique culture sanskrite par les civilisations du bouddhisme théravada. Les nombres élevés permettaient notamment de computer la valeur des cycles du temps. Selon Mircea Eliade, la durée de vie du dieu Brahma est de 311.000.000.000.000 d’années (veille et sommeil), ce qui est encore peu relativement à la valeur d’aksaohini.

Apinya (อภิญญา). Les six formes de sagesse les plus élevées : 1 l’acquisition de pouvoirs magiques ; 2 la clairaudience (audition surnaturelle) ; 3 la connaissance des intentions d’autrui ; 4 le souvenir de ses vies antérieures ; 5 la clairvoyance (vision surnaturelle) ; 6 le dépassement du désir.

Ariya (อริยะ). (Du mot sanskrit pour « Aryen ») Dans le bouddhisme, ceux qui réalisent le glorieux dharma : illumination, mérite, cessation de la souffrance, etc. Exemple : ariya-sangha, ceux qui, moïnes ou laïcs, pratiquent le dharma avec diligence, méthode et maîtrise.

Aroupapatjonn (อรูปาพจร, อรูปาวจร). Un dieu Brahma incorporel possédant les quatre jhanas/dhyanas, ou états, sans forme de non-esprit.

Dans le bouddhisme, les Brahmas sont des dieux et non un dieu. Ils vivent dans deux mondes distincts, l’un pour les Brahmas corporels et l’autre pour les Brahmas sans forme (incorporels). Ces deux mondes sont des subdivisions du Brahmaloka ou monde de Brahma ou des Brahmas ; le dieu Brahma en tant que tel (Prom), représenté avec quatre visages, est le seigneur du Brahmaloka.

On appelle « posséder » un jhana la pratique méditative de l’état correspondant, à savoir, pour les quatre états sans forme : l’espace infini (dépassement de la notion d’objet), la conscience infinie (dépassement de la notion d’espace), le néant (dépassement de la conscience), l’état ni perceptif ni non-perceptif.

Aroupapop (อรูปภพ) or Arupapoum (อรูปภูมิ). Le monde de ceux qui ont acquis les quatre arupa-jhanas (ou arupa-dyanas) ou états sans forme de non-esprit.

Aroupaprom (อรูปพรหม). (Sanskrit a-rupa-Brahma) Une classe de dieux du Brahmaloka (monde des Brahmas) dans la doctrine bouddhiste : un Brahma incorporel. Ils n’ont ni corps ni apparence. Il en existe quatre sous-classes.

Au contraire des rupaprom (voir ce mot) ou Brahmas corporels, les arupaprom sont une particularité du bouddhisme. Ce sont d’anciens ascètes ayant acquis des pouvoirs de méditation (voyez Arupapop et Arupapatjon).

Atsadayoutt (อัษฎายุธ) ou Atsadawoutt (อัษฎาวุธ). « Les huit armes » : la lance de diamant, l’épée-éléphant (longue épée utilisée pour frapper depuis le dos d’un éléphant), le trident, le chakra (arme de jet sous forme de disque denté), l’épée avec bouclier, l’arc, la faux de guerre, et un certain type de mousquet ancien. Ces armes sont présentées au nouveau roi durant la cérémonie de couronnement.

Atsatamongkonn (อัษฎมงคล, อัษฏมงคล). (Du sanskrit Ashtamangala) « Les huit objets auspicieux », à savoir : le krop-na (un ornement frontal en forme de kratiang, motif artistique thaï consistant en feuilles s’ouvrant en deux bras), le sceptre, la conque marine, la roue chakra, le drapeau triangulaire tongsamchaï, le croc de cornac (conducteur d’éléphant), la vache albinos (en hommage à Nandi, vache de Shiva), et le chauffe-eau.

Ceci est la version théravada thaïlandaise d’une liste de symboles auspicieux de l’hindouisme. Dans le bouddhisme, ces objets sont considérés auspicieux car ils furent offerts par les dévas au Bouddha lors de sa naissance.

Attabann (อัฐบาน). « Les huit jus », les jus de fruit qu’un moine est autorisé à boire l’après-midi (à titre d’exception à l’interdiction pour les moines de toute intussusception après l’heure de midi). Ces jus sont le jus de mangue, le jus du fruit du jamelonier ou le jus de pomme-rose (jambosier), le jus de banane (deux sortes de banane), le jus de madhuca (Madhuca pierrei), le jus du fruit de l’Aglaia silvestris ou le jus de raisin, le jus de rhizome de lotus, enfin le jus de Bouea burmanica ou le jus de litchi.

Ces huit jus sont nommés dans le Vinaya (partie du canon pali relative aux régulations monacales) et sont donc connus à partir d’une source en langue pali. Dans le processus de traduction en thaï, il semblerait que des incertitudes se soient présentées, car trois de ces jus peuvent être de tel ou tel fruit (par exemple, « le jus du fruit du jamelonier ou le jus de pomme-rose », qui sont deux fruits différents). Du fait de cette traduction, prise littéralement, les « huit jus » sont en réalité au nombre de onze. Certains considèrent d’ailleurs que l’exception est valable pour tous les jus de fruit, mais l’étymologie du mot attaban contredit a priori cette opinion (atta=huit).

Awétchi (อเวจี). La plus profonde fosse de l’enfer, où reçoivent leur châtiment les plus grands pécheurs, et où l’expiation est la plus longue (339.738.624×1010 années). C’est un cube de 300.000 kilomètres de côté. Ceux qui s’y trouvent ont commis un des cinq crimes capitaux (voyez Anantriyakam).

Badann (บาดาล). (Du Sanskrit Patala) Le monde souterrain des nagas.

Les nagas – nak en thaï – sont les fameux serpents, divinités chtoniennes des mythes d’Asie du Sud, trop connus pour que j’y consacre une entrée.

En langue thaïe, un novice bouddhiste est appelé du même nom qu’un naga (nak) et, si l’on croit Éveline Porée-Maspero (1951), cela n’est en rien dû au hasard : selon cette chercheuse, dans certains formes traditionnelles d’ordination des novices, les nagas sont explicitement appelés à prendre possession du corps du candidat.

Baï-miang (ใบเมี่ยง). 1 Tissu enveloppant un cadavre dans une urne mortuaire. 2 Arrangement de feuilles (de bayteul et autres plantes) utilisé dans la cuisine thaïlandaise pour les mets enveloppés dans des feuilles.

Baïpattassima (ใบพัธสีมา), Baïssima (ใบสีมา) ou Baïsséma (ใบเสมา). Stèle dont le sommet est en forme de lotus, marquant les limites du terrain d’un temple bouddhiste.

Bangsoukoun (บังสุกุล). Nom de la robe portée par un moine ; elle a préalablement été étendue sur le cadavre d’une personne.

Beua (เบื้อ). Animal ayant une apparence semblable à celle d’un homme, à ceci près qu’il n’a pas de rotules et est couvert de poils comme un singe. Il ne parle pas. On le rencontre dans les forêts du nord-est de la Thaïlande. (Les adeptes de cryptozoologie ont-ils répertorié, et recherchent-ils, cette variété tropicale du Yéti ?)

Beuk-maï (เบิกไม้). Conduire une cérémonie pour les esprits de la forêt avant d’abattre un arbre.

Bia-kè (เบี้ยแก้). Coquillage (Mauritia mauritiana) utilisé pour produire des médicaments ou comme amulette.

Boripann (บริภัณฑ์). Le nom collectif des montagnes qui entourent le mont Mérou en sept chaînes concentriques est : les sept montagnes de Boripann.

Les noms de ces chaînes de la plus proche à la plus éloignée sont Yukonton, Issinton, Karawik, Soutassana, Néminton, Wintaka, and Atsakan. Ces chaînes de montagne sont séparées entre elles, et le mont Mérou de la chaîne Yukonton, par des mers appelées Sitandon.

Boup-péssan-niwatt (บุพเพสันนิวาส). Le fait de s’être aimés, d’avoir été unis dans une vie antérieure.

Boup-péniwassanoutsa-tiyann (บุพเพนิวาสานุสติญาณ). Connaissance de ce que l’on a été et où l’on a vécu dans ses vies antérieures, connaissance de ses vies antérieures. Ce qui se traduit parfois par rétrocognition.

Chagamapatjonn (ฉกามาพจร) ou Chagamawatjonn (ฉกามาวจร). Nom collectif des six Paradis : Tjatumaharatt, Daowadeung, Yama, Doussitt, Nimmanoradi, and Paranimitawatt-Sawatdi.

Chaque paradis a ses propres habitants : les quatre Grands Rois, gardiens des quatre directions cardinales, et leurs cours à Tjatumaharatt ; Indra et sa cour à Daowadeung ; les dévas Sumaya à Yama, qui volent dans les airs dans des aéronefs appelés vimanas ; les dévas Sandoussitt (ainsi que Maïtreya, le prochain Bouddha) à Doussitt, etc (avec des dévas dont la vie se mesure en milliards d’années humaines). Le Paranimitawat-Sawatdi est l’état le plus raffiné dans lequel on puisse naître au sein du Samsara (étant entendu que tous ces paradis font partie du Samsara ou cycle des réincarnations).

Chaï-koun-chonn (ชยกุญชร). Éléphant de guerre. Les éléphants de guerre nous sont connus par les récits de Quinte-Curce et d’autres sur les conquêtes d’Alexandre et ses batailles contre les armées de l’Inde. Ils sont un élément familier de l’histoire de l’Asie du Sud-Est.

Chaléo (เฉลว). Symbole produit à l’aide de lanières de bambou croisées entre elles en forme d’étoile à cinq branches. Il est placé au-dessus de chaudrons où sont en train de bouillir des remèdes, sur des marchandises, comme indication de lieu, comme talisman contre la possession par les esprits, etc.

C’est la même chose que le pentagramme ou pentacle occidental (Drudenfuß en allemand, c’est-à-dire le pied d’un esprit malfaisant appelé Drude, qui était dit posséder des pieds comme ceux d’une oie), et il en partage les propriétés et usages mystiques et apotropaïques.

Chamop (ฉมบ, ชมบ) ou Tamop (ทมบ). Fantôme d’une femme morte en forêt et qui hante les environs du lieu de sa mort. Son apparence est floue, relativement indistincte.

Chang-nam (ช้างน้ำ). « Éléphant des eaux », animal ayant le corps d’un éléphant, une trompe et des défenses comme celles de l’éléphant, et une queue de poisson.

Chang-niam (ช้างเนียม). Éléphant possédant trois qualités distinctives : la peau noire, des ongles noirs et des défenses en forme de banane.

Chang-samkann (ช้างสำคัญ). Éléphant possédant les sept signes auspicieux qui en font de droit un éléphant royal, à savoir : des yeux blancs, un palais blanc, des ongles blancs, des poils corporel blancs, une peau blanche ou de couleur argileuse, les poils de la queue blancs, et un scrotum (étui pénien) blanc ou de couleur argileuse.

Chappana-rangsi (ฉัพพรรณรังสี). Lumière composée de six couleurs, à savoir : le bleu de la fleur d’aloès (pois bleu), le jaune de l’orpiment, le rouge du soleil au crépuscule, le blanc d’une assiette d’argent, l’orange d’une patte d’oie, et la brillance du cristal. Telle est la lumière du halo émanant du corps du Bouddha. Le tong-chappana-rangsi, ou drapeau de la lumière des six couleurs, est le drapeau de la religion bouddhiste. (Ces couleurs sont sur le drapeau au nombre de cinq et se répètent chacune une seconde fois dans la bande verticale à l’extrémité droite du drapeau, car cette sixième couleur est en fait la combinaison des cinq autres, et le chappana-rangsi en tant que tel est donc lui-même une seconde combinaison.)

Chappayapoutta (ฉัพพยาปุตตะ). Naga arc-en-ciel.

Relativement à la couleur des écailles, il existe trois autres espèces de naga : les nagas dorés, les nagas verts et les nagas noirs. Les nagas arc-en-ciel sont extrêmement beaux.

Chinabanchon (ชินบัญชร). Un certain paritt (voir ce mot) ou récitation auspicieuse et protectrice particulièrement répandue en Thaïlande, rédigée sous sa forme actuelle par le bonze Somdet To (†1872). Le mot vient du sanskrit et signifie « armure du vainqueur », c’est-à-dire armure du Bouddha, et la formule est décrite allégoriquement en thaï comme créant une armure de diamant autour de celui qui la récite.

Dao-tjonn (ดาวโจร). En astrologie, étoile faisant de la personne née sous son influence un voleur. D’où l’expression Yati-dao-tjonn : personnes à qui l’on ne peut se fier.

Dok-doua (ดอกดั้ว). Corne d’animal révérée comme un objet magique (protégeant la maison de son possesseur de l’incendie), par exemple la corne de diverses espèces de buffle ou, dans les textes anciens, la corne d’une vache sacrée.

Fang-kém (ฝังเข็ม). 1 Planter une aiguille enduite d’« huile-mantra » (voyez Nam-mann-monn) dans un membre du corps en récitant des incantations afin d’accorder l’invulnérabilité. 2 Acupuncture chinoise.

Gajasih (คชสีห์). Éléphant-singha, animal légendaire qui a le corps d’un lion singha (lion légendaire souvent représenté dans l’art thaïlandais) et une trompe d’éléphant.

Galawaga (กาฬาวก). Une des dix familles d’éléphant, qui sont les suivantes : 1 Galawaga-Hati (éléphant noir) ; 2 Dangkaï-Hati (à la couleur « comme celle de l’eau d’un ruisseau ») ; 3 Pantara-Hati (blanc argenté) ; 4 Tamop-Hati (cuivré) ; 5 Pingkon-Hati (doré clair, comme les yeux de chat) ; 6 Kanta-Hati (couleur de calambac ou bois d’aloès, et l’éléphant dégage une odeur suave) ; 7 Mongkon-Hati (couleur de pois bleu, et les mouvements de l’éléphant sont gracieux) ; 8 Hem-Hati (jaune comme l’or) ; 9 Ubosot-Hati (doré) ; 10 Chattan-Hati (blanc comme l’argent fondu, avec la bouche et les ongles rouges). Selon la cosmologie thaïlandaise exposée dans le livre connu sous le nom de Traïpoum-Pra-Ruang (Les Trois Terres, 1345), ces éléphants vivent dans la forêt d’Himmapan entourant le mont sacré Mérou au centre du monde (tiré de la mythologie hindoue). Cette forêt est dite exister dans l’Himalaya.

Ganpirom (กรรภิรมย์). Ombrelle à cinq étages en tissu blanc marquée de symboles magiques (yantras) dorés, avec un manche également doré. Elle est portée devant les troupes lors de défilés et dans les processions d’éléphants. On voit ainsi l’importance des yantras au plus haut niveau de l’État thaïlandais.

Garawik (กรวิก). 1 L’oiseau de paradis (Paradisaeidae). 2 Nom de la troisième chaîne de montagnes parmi les septs qui entourent le mont Mérou. Voyez Boripann : ces chaînes de montagne entourent l’axe du monde de manière concentrique.

Gasak (กาสัก). Un oiseau magique qui reste invisible quand il vole. Si quelqu’un parvient à s’emparer d’une ou plusieurs de ses plumes, il acquiert le pouvoir de se rendre invisible.

Gramouatt (กระหมวด). Le nerf supérieur de la tête d’un éléphant ; c’est un organe important figurant parmi les critères utilisés pour caractériser un éléphant royal, c’est-à-dire un éléphant blanc (albinos), ces critères ayant en effet à voir avec la dépigmentation de diverses parties du corps de l’animal. (Cet organe n’apparaît pas dans la liste de critères présentés sous Chang-samkann [voir ce mot]… Je ne fais que le remarquer, sans pouvoir pour le moment l’expliquer.)

La découverte d’un éléphant blanc dans la forêt est, en raison d’une histoire de la vie du Bouddha narrant sa rencontre avec l’éléphant blanc Palilaï dans la forêt du même nom, considérée auspicieuse, et c’est pourquoi le roi de Thaïlande est leur protecteur, d’où le statut d’éléphants royaux de ces éléphants. Le nom thaï utilisé pour décrire un éléphant blanc est chang peuak, littéralement « éléphant taro », du nom d’une plante comestible (Colocosia esculenta) dont la chair est d’un blanc éclatant.

Héra (เหรา). Animal légendaire mi-naga mi-dragon (mangkonn).

Ho (เหาแ). L’art magique de voler dans les airs.

Hong (หงส์). Un oiseau légendaire de noble descendance, son chant est mélodieux et il sert de monture à Brahma. La langue thaïe se sert également de ce nom pour désigner le cygne.

Hong-praï (โหงพราย). Esprit qu’un sorcier conjure pour en être obéi. C’est un koumann-tong (voir ce mot) féminin.

Hongronn-mangkonram (หงส์ร่อนมังกรรำ). « Le cygne qui plane, le dragon qui danse » : cérémonies magiques accomplies par une femme pour rendre un homme follement amoureux et timide avec les autres femmes. Le « cygne qui plane » consiste principalement à couvrir de son entre-jambes la marmitte où cuit le repas avant de servir le contenu à l’homme en question. Le « dragon qui danse » se sert de l’eau du bain qu’a pris la femme, qu’elle utilise ensuite pour préparer à manger.

Houn-payonn (หุ่นพยนต์). Figure ou figurine à laquelle ont donné vie des incantations et qui sert de protecteur mystique à son possesseur.

On peut en acquérir auprès de bonzes. Le houn-payon que je possède, de quelque 5 cm de hauteur, est composé d’un fragment d’os humain constituant le ventre de la figurine et enveloppé dans le fragment d’un linceul, des cheveux d’homme ont été placés sur la tête, laquelle est une turquoise taillée en forme de crâne, et des takroutt, c’est-à-dire ici de petits cylindres métalliques renfermant des parchemins de formules magiques, forment le corps et les membres (douze au total) ; la figurine est enfermée dans une châsse en plastique, où elle est plongée dans de l’« huile d’exorcisme » rouge jusqu’à hauteur du bassin. Ce talisman a été fabriqué par le bonze Luang Po Somchat du temple Wat Huay Bong (province de Lopburi). Son possesseur est supposé l’« activer » par des incantations spéciales sur un papier joint par le bonze à la figurine.

Itti-patihann (อิทธิปาฏิหาริย์). Pouvoirs au-delà des limites communes de la nature humaine, tels que le pouvoir de se rendre invisible, le pouvoir de voler, etc. Ces pouvoirs sont un des trois patihann ou « miracles », avec atétsana-patihann, le pouvoir de lire dans la pensée d’autrui, et anusatsana-patihann, la doctrine (permettant de persuader autrui de croire et d’admirer).

Kaliyoukka-sakaratt (กลียุคศักราช). Le Kali Yuga, l’ère de 2.558 années précédant l’ère bouddhiste (qui commence avec l’entrée du Bouddha Gautama dans le Nirvana).

Kampop (กามภพ). Lieu de naissance de ceux qui sont restés attachés au désir sexuel (kama) ; les mondes de ceux qui restent dépendants de la sensibilité, à savoir les quatre abaïpoum (voir ce mot) – les plans de l’enfer et les mondes respectifs des bêtes, des prétt et des asuras –, le monde humain et les six paradis.

Kantakouti (คันธกุฎี). « Cellule parfumée » : nom de la cellule qui fut construite pour servir de résidence au Bouddha à Jétavana (Inde).

Kantamatt (คันธมาทน์). En tant qu’adjectif, le mot veut dire : enivrer (des animaux) de parfums. En tant que nom, il désigne « la montagne parfumée » qui se trouve dans la forêt d’Himmapan. Son parfum provient de diverses plantes et essences de bois. On y trouve des grottes : la grotte d’or, la grotte de cristal et la grotte d’argent. Elle est le lieu de résidence des Pratyékabouddhas, qui devinrent des Bouddhas en dehors de la direction du Bouddha Gautama.

Kaopao (ข้าวเภา). Riz mêlé à des pigments jaunes et rouges et utilisé lors des cérémonies d’admission d’éléphants royaux (éléphants blancs) conduites par les brahmanes preutibatt, c’est-à-dire la classe des brahmanes dédiés aux cérémonies relatives aux éléphants.

Les « brahmanes » ont continué et continuent de jouer un rôle à la cour royale de Thaïlande et dans la société thaïlandaise même après l’introduction du bouddhisme, mais ils ne sont pas reconnus comme faisant partie de la communauté internationale de l’hindouisme, qui inclut les communautés religieuses traditionnelles de l’Inde, du Népal et de Bali (en Indonésie). Ces prêtres thaïlandais sont souvent associés aux moines bouddhistes lors de cérémonies importantes comme les mariages.

Voici un témoignage intéressant du chercheur Pierre Lefèvre-Pontalis (Notes sur des amulettes siamoises, 1926) :

« Comme au Cambodge, il y a encore de nos jours, à la cour des rois de Siam, des Brahmes qui président à certaines cérémonies officielles, tirent les horoscopes, désignent les jours et les heures favorables. Ceux qui desservent à Bangkok le temple brahmanique sont originaires de Ligor dans la péninsule malaise. Sous la direction de Raja Khrou Vamathib, qui accompagne le souverain dans tous ses déplacements, ils ont atteint le degré de complaisance et de scepticisme nécessaire en une cour bouddhiste, où, si l’on ne croit pas à la divinité du maître, on ne saurait cependant admettre qu’aucun dieu lui soit supérieur dans la hiérarchie céleste. ‘Si l’on en croit les textes, a dit M. Foucher, Çakyamuni lui-même n’aurait toujours nié qu’il fût un dieu que parce qu’il était bien davantage.’

Le chef des Brahmes de Bangkok lui-même a bien de la peine à distinguer les divinités dont il a la garde. Pénétré de l’idée officielle que Bouddha est supérieur à toutes, il ne reconnaît comme images orthodoxes de Siva (Phra In Suen en siamois) que celles où le plus grand des dieux porte un Bouddha assis dans sa chevelure. Visnu lui aussi n’est admis qu’en qualité de Narâyana (Phra Naraï des Siamois), dieu complexe qui procède directement de l’hindouisme. »

Kaotok-dokmaï (ข้าวตอกดอกไม้). Une offrande religieuse (courante) de riz grillé et de fleurs.

Ka-Si-Nassop (ขษีณาศรพ). Une personne au-delà du désir (parvenue à l’éveil) ; un saint bouddhique.

Kassinn (กสิณ). Forme de méditation utilisant la concentration sur un objet ou un élément (terre, air, eau, feu) ; par exemple, quand il y a du vent, se concentrer sur la sensation du vent. Cette méditation permet notamment d’acquérir des pouvoirs magiques relatifs aux éléments et objets considérés dans la méditation, quand celle-ci est suffisamment maîtrisée.

Kèow-Sanpatt-Neuk (แก้วสารพัดนึก). Cristal magique qui assure à son possesseur la réalisation de ses vœux.

Kiao-kèo (เขี้ยวแก้ว). « Dent de verre ». 1 Les dents du Bouddha sont connues sous le nom de Pra-kiao-kèo. 2 Les dents du dieu singe Hanuman. 3 Crochets d’un serpent venimeux.

Kiatmouk (เกียรติมุข). Un être non-humain de la cour du dieu Shiva. Leur visage ricanant, mi-ogre (yaksa) mi-lion (singha), n’a pas de menton apparent. Ils ne possèdent ni corps ni membres. Ce sont des dieux gardiens des seuils, chassant le mal. On les trouve souvent gravés sur les portails monumentaux anciens.

Kinari (กินรี). Un kinnon femelle. Selon certaines définitions, kinonn serait le nom générique, kinari le nom de la femelle et kingbouroutt celui du mâle. (Voir ces mots)

Kingbouroutt (กิงบุรุษ). Un animal légendaire ayant le corps d’un cheval et une tête d’homme. Dans le folklore thaï, cependant, il s’agit d’une créature mi-homme mi-oiseau (la partie antérieure humaine et la partie postérieure aviaire) vivant dans la forêt d’Himmapan entourant le mont Mérou au centre du monde.

King-ka-yak (กิ้งก่ายักษ์). Ce mot, qui signifie littéralement « lézard géant » ou « dragon géant » (ou bien encore dragon-yaksa) et qui a été donné à un type de reptile existant, peut aussi servir à désigner les dinosaures.

La langue islandaise recourt à un système comparable : risaeðla veut dire « lézard géant ». Il s’agit dans les deux cas, plutôt que de recourir au grec (« lézard terrible »), de créer le terme à partir du lexique national.

En thaï, on a procédé de cette manière à partir du sanskrit/pali pour toute une série d’inventions occidentales ; de même que « téléphone », « microscope » etc. sont des mots communs aux langues européennes qui dérivent du grec, leurs équivalents dérivant du sanskrit/pali sont communs à plusieurs langues d’Asie du Sud-Est, le thaï, le khmer, sans doute d’autres. Cette méthode est tombée en désuétude à la fois en Europe et en Asie du Sud-Est. L’usage de l’anglais s’est banalisé, et le terme le plus courant aujourd’hui pour désigner en thaï un dinosaure, peut-être aussi en raison de l’autre sens de king-ka-yak signalé plus haut, est la pure et simple transcription du mot anglais : « daïnossao ».

Kinonn (กินนร). Créature légendaire dont il existe deux espèces, l’une mi-homme mi-oiseau (la partie antérieure humaine et la partie postérieure aviaire), l’autre ayant une apparence humaine mais possédant des ailes et une queue, et capable de voler.

Kok (ก๊ก). Réseau, connections d’une société secrète. Boonyapaluk (auteur d’un dictionnaire thaï-français) donne de ce mot les définitions suivantes : « association, bande, cabale, clan, clan chinois, clique ».

Komott (โขมด). Fantôme de la forêt qui apparaît sous l’aspect d’une vive lumière dans la nuit ; feu-follet.

Kong-koï (กองกอย). Fantôme vampirique n’ayant qu’un pied et pas de rotule si bien qu’il doit marcher sur la pointe de son pied unique. Il a l’habitude de sucer le sang de ceux qui passent la nuit en forêt, par le gros orteil.

Konntann (คนธรรพ์). Les ghandarvas (sanskrit), une classe d’habitants des demeures du ciel, considérés comme des dieux mineurs. Ils constituent la cour de Déva Tatarott, l’un des quatre Rois du premier paradis, et ce sont des musiciens et chanteurs. Leurs épouses sont les apsaras.

Kott (คด). Objet dur comme une pierre trouvé à l’intérieur de certains animaux et certaines plantes, et utilisé comme amulette. C’est un bézoard, un genre d’objet considéré comme ayant des propriétés magiques dans de nombreuses traditions du monde, si ce n’est dans toutes.

Krabi-krabong (กระบี่กระบอง). Art martial traditionnel pratiqué avec des épées et des bâtons.

Krabong-deng (กระบองแดง) : « La baguette rouge », une baguette passée au tour, au manche doré, dont le corps est peint en rouge vermillon, la pointe dorée également et sculptée en forme de laitue d’eau (Pistia stratiotes). L’objet est remis au médecin royal lors de son investiture et symbolise le privilège de la collecte des herbes et plantes médicinales dans le royaume.

Krasseu (กระสือ). Fantôme qui prend possession du corps d’une femme et aime à se repaître d’immondices. Elle fait la paire avec le krahang, qui prend le corps d’un homme. Quand elle sort la nuit pour se nourrir, elle a l’aspect d’une tête volante d’où pendent les viscères ; les autres parties de son corps restent où elle réside. Elle prend parfois aussi l’apparence d’une boule de feu de couleur verte.

Krata-tongdeng (กระทะทองแดง). Grandes poêles brûlantes où les damnés sont mis à frire dans les fosses infernales.

Kring (กริ่ง). Petite amulette creuse dans laquelle est enchâssé un objet sacré. Quand on secoue l’amulette, elle produit le son kring kring, d’où son nom (pra-kring, le préfixe pra étant généralement accolé aux amulettes ainsi qu’aux personnes et images sacrées).

Krouti (ครุฑี). Garuda (krout) femelle. Les garudas sont les créatures ressemblant à des oiseaux qui servent d’emblème héraldique à la Thaïlande. Garuda est dans la mythologie hindouiste la monture du dieu Vishnou.

Koumann-tong (กุมารทอง). Esprit qu’un sorcier conjure pour en être obéi. Autrefois, cela passait par un fœtus mort dans le ventre de sa mère (et pour cela par la mort de la mère), fœtus que le sorcier mettait à rôtir et couvrait ensuite de feuilles d’or. En pratiquant certaines offrandes et d’autres rites en présence de l’effigie ainsi produite, le sorcier s’acquérait un démon familier. La pratique se survit sous la forme d’amulettes et d’effigies artificielles.

Kumpanntaprétt (กุมภัณฑเปรต). Un démon prétt (du sanskrit preta) ayant d’énormes testicules.

Les prétt sont une sorte d’êtres surnaturels ou démons vivant dans un monde à eux guère différent d’un plan des enfers (voyez Abaïpoum). Il arrive toutefois qu’ils entrent en contact avec les hommes, dans certaines circonstances. Il existe différentes typologies de ces démons, dont l’une comporte le présent kumpanntaprétt, prétt éléphantiaque, pour ainsi dire.

Lék-laï (เหล็กไหล). Type de métal susceptible de fondre à la flamme d’une bougie. La définition est un peu sommaire et pourrait désigner un vulgaire alliage de plomb. Il s’agit en fait d’un métal magique dont les bonzes versés dans la pratique alchimique font des amulettes. Cette pratique est si répandue qu’un film est sorti, il n’y a pas longtemps, sur L’homme lék-laï, un super-héros tout ce qu’il y a de moderne qui bénéficie des pouvoirs de ce métal (titre anglais du film : Mercury Man).

On notera que, dans les pratiques occultes malaises, la science de l’invulnérabilité (kebal) est dite reposer sur une injection magique de mercure dans le corps de la personne, c’est-à-dire que le film thaï évoqué ci-dessus emprunte aussi à cette conception.

Lék-yann (เลขยันต์). (Du sanskrit lekka-yantra). Symbole dessiné sur un yantra (diagramme magique).

Louk-chang (ลูกช้าง). Le pronom « je » quand l’orateur est un esprit des forêts.

Louk-kèo (ลูกแก้ว). 1 Bille de verre ; plus spécifiquement, désigne les billes de verre utilisées par les shamans pour prédire l’avenir. 2 Enfant qui s’est rasé la tête comme prescrit pour devenir novice (c’est-à-dire pour appliquer, en tant qu’enfant, certaines régulations monacales du bouddhisme).

Long-kong (ลองของ). Tester une amulette pour déterminer si ses pouvoirs magiques sont effectifs.

Louk-krok (ลูกกรอก). Fœtus humain ou animal, notamment de chat, mort dans le ventre de sa mère. Le corps est complet mais de petite taille. On croit qu’il porte bonheur à celui qui le possède et peut servir d’amulette. (Voyez Koumann-tong)

Louk-nimitt (ลูกนิมิต). Boules de pierre, de la taille de deux bols à aumône approximativement, posées à même la terre pour délimiter les limites d’un sanctuaire bouddhiste.

Louk-om (ลูกอม). Bille pouvant être composée de matériaux divers et qui, placée dans la bouche, sert d’amulette.

Mahalaï (มหาละลวย). L’art magique de rendre les gens amoureux.

Mahaoutt (มหาอุจ). En astrologie, planète qui confère des bénéfices éminents et rend faste le destin de la personne née sous ses auspices.

Mahatatt (มหาธาตุ). Une relique du Bouddha. Les temples (wat) qui renferment une de ces reliques sont appelés de ce fait wat-mahatatt.

Makkaliponn (มักกะลีผล). Nom d’un arbre de la forêt d’Himmapan qui porte des fruits ayant l’apparence de jeunes femmes nues, pendant de ses branches. Au bout de sept jours, ces fruits tombent au sol et pourrissent.

Makorakountonn (มกรกุณฑล). Pendentifs d’oreille en forme de dragons.

Mekkapatt (เมฆพัด). Nom d’un alliage métallique noir brillant émettant des réflections scintillantes de couleur verte à la manière du bupestre (scarabée). Il s’obtient en fondant ensemble du plomb et du cuivre et en ajoutant du soufre (c’est la recette courte). Les amulettes composées dans cet alliage alchimique s’appellent pra-mekkapatt.

Mèo-wichian-matt (แมววิเชียรมาศ). Le chat siamois est le « chat diamant (wichian) et or (matt) », l’or et le diamant étant désignés, qui plus est, par leurs noms poétiques et non par leurs noms courants. Un beau nom pour un bel animal.

Mérou-Boup-Po (เมรุพระบุพโพ). Crématoire de petite taille servant à brûler la lymphe du corps (« eau jaune » en thaï), employé surtout dans les temples aux reliques. C’est un terme réservé aux cérémonies royales (et donc, assurément, cet objet n’est employé que pour les personnes de sang royal).

Mè-seu (แม่ซื้) or Mè-wi (แม่วี). Une divinité ou un esprit féminin réputé protéger les nouveaux-nés pendant les premiers jours de leur vie.

Selon le jour de la semaine où l’enfant est né, ce dernier a un ange gardien différent. Les mé-seu sont donc au nombre de sept. Le dimanche, c’est Witjitoramawann, rouge avec une tête de lionesse singha ; lundi, Wanongkrann, blanche avec une tête de jument ; mardi, Yaksaborisoutt (« Yaksa/ogresse pure »), rose avec une tête de buffle ; mercredi, Samonlatatt, verte avec une tête d’éléphante ; jeudi, Galotouk, jaune clair avec une tête de biche ; vendredi, Yaknongyao (« belle Yaksa/ogresse »), bleue avec une tête de vache, et samedi, Ekalaï, noire avec une tête de tigresse. Elles portent toutes des vêtements de fil d’or.

(Les yaksas sont des ogres ou des géants mais il ne faut pas prendre l’appellation en mauvaise part ; ces créatures sont en effet souvent représentées dans les temples bouddhistes où ils servent à repousser les mauvais esprits par leur aspect peu engageant.)

Les mé-seu ne doivent pas être confondues avec les sept déesses de Songkran, filles de Brahma et concubines d’Indra, liées au festival annuel de Songkran, et qui sont elles aussi associées chacune à un jour de la semaine et à un animal (qui leur sert de monture).

Ming-mia (มิ่งเมีย). Une femme auspicieuse à son mari et à sa famille.

Mitt-mo (มีดหมอ). Couteau magique employé entre autres dans les exorcismes.

Moranapap (มรณภาพ). Mourir, ou la mort (terme réservé aux bonzes). Exemple de phrase employant le terme : « Les Thaïlandais croient qu’un bonze qui meurt (moranapap) revêtu de sa robe se réincarne en esprit protecteur (pra-poum) », c’est-à-dire en esprit auquel un foyer thaï, en principe, dresse une maison miniature (sann-pra-poum) et fait des offrandes quotidiennes. Ces esprits protègent les humains des mauvais esprits ou fantômes (pi, dont le présent glossaire présente quelques variétés, notamment aux mots commençant par pi-).

Mo-tao (หมอเฒ่า). Personne versée dans la connaissance des éléphants (un champ d’étude à part entière nommé kok-satt) et experte dans le domaine de leur capture (pour domestication).

Il existe une littérature rituelle adressée aux éléphants ainsi capturés, par laquelle on s’excuse, dans des poèmes, de les éloigner de leur forêt natale, tout en dépeignant les avantages et les douceurs de la vie au milieu des hommes. (Les éléphants de guerre n’existent plus.)

Nakbatt (นาคบาศ). « Nœud des nagas », nom d’une arme de jet du héros Indrajit (dans le Ramakien, version thaïlandaise du Ramayana). Dans les légendes, les chasseurs se servent de cette arme pour chasser les kinari (voyez ce mot).

Il existe dans le bouddhisme théravada une tradition d’interprétation du sens ésotérique du Ramakien, où les différents épisodes représentent des étapes initiatiques et d’élévation spirituelle.

Par ailleurs, on trouve en Thaïlande des amulettes appelées nakbatt, en forme de nagas enroulés sur eux-mêmes.

Nakprok (นาคปรก). Nom d’une position des statues ou images du Bouddha, où le Bouddha est assis les jambes croisées (position samadhi) avec les mains l’une sur l’autre la paume vers le haut contre le bassin, tandis que les coiffes (capuchons) dilatées de nagas l’ombragent. Il en existe deux modèles : l’un où les anneaux circulaires des nagas servent au Bouddha de siège et l’autre où le Bouddha est assis à l’intérieur du cercle des anneaux.

Nam-mann-monn (น้ำมันมนตร์). « Huile-mantra » : huile de noix de coco activée par des formules magiques et utilisée comme onguent ou huile de massage en vue de traiter douleurs, courbatures, foulures, etc, ou pour conférer des bénédictions ou pouvoirs spéciaux (voyez Fang-kèm).

Nam-mann-praï (น้ำมันพราย). Une huile recueillie au cours de sa crémation sur le corps d’une femme morte pendant sa grossesse. Quand on asperge une femme de cette huile, elle tombe amoureuse.

Nam-monn (น้ำมนต์, น้ำมนตร์). « Eau mantra » : eau consacrée ou bénite, pour s’y baigner, boire, ou en asperger des personnes ou des objets.

Nang-kwak (นางกวัก). « La jeune fille au salut », image sainte sculptée en forme de femme assise et saluant de la main, considérée comme porte-bonheur, de façon générale ou dans les affaires.

Nang-maï (นางไม้). Esprit féminin qui réside dans les arbres. C’est un roukkatéwada (voir ce mot), c’est-à-dire une apsara, une nymphe.

Nèng (แหนง). Cérémonie de magie noire destinée à empêcher une femme de se marier.

Ngang (งั่ง). 1 Statue ou statuette fondue avec du métal destiné à des statues du Bouddha, assise en position samadhi, avec la poitrine non couverte, n’ayant ni robe ni châle (deux des trois éléments du vêtement monacal bouddhiste : voyez Traï-tjiwonn), avec seulement une guirlande autour du cou. Étant fondue avec une bien plus grande quantité de cuivre que les autres statues, on l’appelle pra-ngang (pra-« cuivre »). 2 Nom d’une statue du Bouddha qui n’a pas encore reçu la touche finale, à savoir la complétion des yeux (qui réclame une cérémonie particulière).

Ngasann (งาสาน) ou Pat-ngasann (พัดงาสาน). (Dans le passé) éventail honorifique en ivoire, emblème de la secte de moines Aranyawasi, qui vivaient dans la forêt.

Nopsoun (นภศูล, นพศูล). (Du sanskrit naba shula, « lance céleste ») Ornement du toit des pagodes, en métal et en forme de lance, pourvu de branches en forme d’épées pointées vers les quatre points cardinaux.

Un autre ornement caractéristique du toit des temples bouddhistes thaïlandais est le cho-fa (ช่อฟ้า), posé aux angles de la toiture, et qui représente assez souvent des garudas ou des nagas.

Oppatika (โอปปาติกะ). Créatures nées sans progéniteurs et n’ayant pas de karma. Le nom est appliqué aux dévas, aux Brahmas, aux créatures infernales, aux démons malfaisants et aux asuras. Parmi les dévas sont inclus les garudas et nagas, mais pas tous, seulement certaines variétés de ces derniers naissant oppatika.

Ounalom (อุณาโลม). Symbole auspicieux ressemblant au chiffre thaï 9 et au symbole du « troisième œil » du Bouddha, souvent inscrit sur des diagrammes magiques pour prévenir le danger ou sur le front des novices durant la cérémonie tam-kwann-nak (au cours de laquelle on leur rappelle d’être reconnaissants envers leurs parents).

Païsatji (ไปศาจี). Le langage des fantômes.

Pakawam (ภควัม). Amulette représentant un personnage dont les neuf ouvertures corporelles, à savoir les yeux, les oreilles, les narines, la bouche, l’anus et l’urètre, sont bouchés. (Ce qui donne le plus souvent un personnage se cachant le visage dans les mains, avec parfois d’autres bras et mains pour boucher le reste.) Elle sert de talisman pour prévenir les blessures physiques.

Palatt-kik (ปลัดขิก) ou Kik (ขิก). Image de phallus en bois servant d’amulette. Tong-pra-koun (ทองพระขุน) ou Koun-pétt (ขุนเพ็ด) ou Ay-kik (อ้ายขิก). Image taillée de l’organe génital masculin, servant d’amulette. (J’ignore les distinctions, s’il en y a, entre ces différentes appellations de la même amulette phallique.)

On trouve aussi, au-delà de la définition qui précède, des amulettes phalliques en métal, mais encore des amulettes ithyphalliques (comme le Priape romain) de toutes sortes, avec des animaux, des personnages légendaires ou des créatures mythologiques, ou des phallus anthromorphisés, comme un personnage dont la tête est un gland de phallus saluant auspicieusement à la manière de la figure nang-kwak (voir ce mot), ou des phallus ithyphalliques. Les représentations d’accouplement ainsi que la bestialité ne sont pas non plus rares sur les amulettes censées maintenir ou renforcer la puissance sexuelle de l’homme.

Palilaï (ปาลิไลยก์). 1 Nom d’une forêt où le Bouddha passa la saison des pluies. 2 Nom d’un éléphant vivant dans cette forêt. 3 Nom d’une position des images et statues du Bouddha où le Bouddha est représenté assis sur un rocher, les pieds reposant sur une fleur de lotus, les deux mains sur ses genoux, tandis qu’un éléphant accroupi lui tend une jarre d’eau avec sa trompe et un singe un rayon de miel.

Paritt (ปริตร). Récitation de versets des écritures pali pour prévenir le danger et les maux.

Pi-dip (ผีดิบ). 1 Un cadavre qui n’a pas subi la crémation. 2 Fantôme d’un mort resté sans crémation ; mort-vivant.

Pi-nang-ram (ผีนางรำ). Fantôme d’une danseuse traditionnelle thaïe (nangram).

Pi-pong (ผีโพง) ou Pong (โพง). Fantôme qui se nourrit de viande crue.

Pi-pop (ผีปอบ) ou Pop (ปอบ). Fantôme qui entre dans le corps des gens pour leur dévorer les entrailles. Quand il ne reste rien à manger, il quitte le cadavre.

Pirott (พิรอด). Anneau en tissu marqué de symboles magiques ou en coton bénit (voyez Saï-sin) utilisé comme amulette.

Quand il est en coton, il est découpé dans le fil qui relie tous les participants à la cérémonie considérée ; ce fil, qui sert de lien entre tous les participants en prière, accumule des vertus mystiques au cours de la cérémonie.

Pitsamonn (พิสมร). Une amulette en forme de triangle ou de carré, faite de fil. Elle peut être attachée à un takroutt.

Plouk-Pi (ปลุกผี). « Appeler le fantôme », c’est-à-dire réciter des incantations jusqu’à ce qu’un fantôme se matérialise et agisse conformément aux souhaits de qui l’invoque. L’expression désigne également la pratique consistant à recueillir du corps d’une femme morte en couches, pendant sa crémation, des graisses fondues en vue de composer une huile qui sera utilisée comme philtre pour rendre les femmes amoureuses (nam-maan-praï).

Plouk-Pra (ปลุกพระ). « Appeler le saint », c’est-à-dire réciter des incantations sur une amulette afin d’en activer les pouvoirs magiques.

Pouttangonn (พุทธันดร). La durée temporelle entre un Bouddha vivant et la naissance du Bouddha suivant.

Pouttankoun (พุทธังกูร). Un Bouddha enfant, c’est-à-dire qui deviendra Bouddha.

Pouttapissek (พุทธาภิเษก). Cérémonie durant laquelle des incantations sont chantées devant une statue du Bouddha ou un objet sacré par un groupe de moines assis, appelés en la circonstance kanaprok (voir ce mot), qui se concentrent de cette manière afin d’insuffler les vertus du Triple Joyau (Bouddha, Dharma [loi bouddhiste], Sangha [communauté bouddhiste]) dans la statue ou l’objet et lui conférer des propriétés magiques.

Praï-krassip (พรายกระซิบ). Un esprit familier qui murmure (krassip) à l’oreille de son possesseur pour lui révéler la cause des événements.

Un praï-krassip peut s’acquérir de la même manière qu’un houn-payonn, autre type d’esprit servant, comme celui que j’ai acquis en Thaïlande.

Praï-tani (พรายตานี). Fantôme de femme qui hante les bananiers sauvages.

Pra-Pom (พระผอม) ou Luang-Po-Pom (หลวงพ่อผอม). Le Bouddha émacié, une image ou statue du Bouddha le représentant dans sa période de mortification ascétique.

Pra-pong (พระผง). Amulette réalisée à partir d’une poudre ou d’un mélange de poudres bénites par des incantations (mantras) ou parce que les matériaux réduits en poudre étaient inscrits de symboles magiques ou de mantras, et compactées en forme de Bouddha ou autre.

Pra-tiatt (ประเจียด). Pièce de tissu marquée de yantras (symboles et diagrammes mystiques) considérée comme un talisman contre le danger et les blessures. Il est porté autour du cou, du biceps, etc.

Prayatékroua (พระยาเทครัว). Homme marié à la fois avec la mère et la fille, ou avec deux sœurs. (La polygamie est légalement interdite en Thaïlande depuis 1935 mais…)

Prok (ปรก). (Du verbe « couvrir ») Le nom donné aux moines en prière durant une cérémonie de consécration d’une image du Bouddha ou d’un objet sacré est kana-prok (le collectif de couverture).

Pour un autre usage du terme prok, voyez Nakprok.

Prouatt (ปรวด). Médecin pour éléphants.

Rak-yom (รักยม). Amulette ayant l’apparence d’un petit enfant à deux têtes, ou de deux petits enfants enchâssés dans une même capsule, en bois d’arbre à laque et de groseillier à maquereau, et qui a le pouvoir de faire aimer passionnément celui qui la porte.

Je subodore un ou plusieurs jeux de mots dans l’affaire. Le nom de l’arbre à laque est maï-rak, c’est-à-dire « bois d’amour ». Le groseillier à maquereau se nomme maï-mayom. On trouve dans le nom de l’amulette, en plus de rak (amour), yom, qui peut signifier jumeau, d’où la dualité de la figurine (cette dualité représentant entre autres l’union de deux personnes dans l’amour). Il existe aussi un bois maï-yom.

Raleuk-Chatt (ระลึกชาติ). Le souvenir de ses vies antérieures.

Rang-kwann (รังควาน). 1. Fantôme malfaisant qui peut entrer dans le corps des gens. 2 Esprit attaché à un éléphant sauvage – d’où, je pense, certaines connaissances occultes exigées, à l’origine, du mo-tao (voir supra) comme l’indique déjà son nom, qui comporte le terme หมอ mo, souvent traduit par « guérisseur » et qui s’emploie en général pour toute personne disposant de pouvoirs occultes : astrologue/mo-dou, exorciste/mo-pi

Reussi (ฤๅษี). (Du sanskrit rishi). Ermite. La tradition shamanistique toujours vivante en Thaïlande fait fond sur les pratiques érémitiques de l’Inde védique. Les shamans sont requis pour différentes fonctions telles que les tatouages sak-yann (voir ce mot) ou la consécration de maisons des esprits (sann-pra-poum) dans les foyers thaïs. Autant le tatouage est pratiqué aussi bien par les shamans que par les bonzes, autant la consécration de maisons aux esprits, en dépit du fait qu’elle soit un élément caractéristique de la culture thaïe, ne fait pas intervenir de bonzes du Sangha, seulement des shamans.

Roukkamoulika-toudong (รุกขมูลิกธุดงค์). L’une des treize observances toudong qu’un moine pratique pour obtenir des mérites : celle-ci consiste à vivre au pied d’un arbre.

C’est le neuvième toudong du canon pali. D’autres observances sont nommées dans les entrées correspondantes du présent lexique.

Roukkatéwada (รุกขเทวดา). Un esprit hantant les arbres.

Ces esprits sont des gandharvas ou, dans le cas d’esprits féminins, leurs conjointes les apsaras (ici, donc, de véritables nymphes des forêts). Les habitants du premier paradis, le plus proche de notre monde, voyagent en permanence entre l’un et l’autre.

Roupaprom (รูปพรหม). Une sous-classe de dieux Brahmas (les Brahmas, au pluriel, sont en effet, dans le bouddhisme théravada, une classe de dieux) ayant un corps apparent et vivant dans seize domaines célestes du Brahmaloka (monde des Brahmas).

Saï-sin (สายสิญจน์). Fil de coton blanc utilisé dans différentes cérémonies religieuses, par exemple quand les moines prient en commun pour consacrer un objet religieux (le fil est alors tendu de l’un à l’autre, reposant sur leurs mains et formant un lien entre eux) ou pour entourer une maison afin de rendre le terrain auspicieux lors d’une cérémonie de bénédiction.

Sak-yann (สักยันต์). Tatouage de symboles magiques (yann, du sanskrit yantra) pour bénéficier de leur protection. Certains bonzes sont des maîtres-tatoueurs réputés.

L’encre elle-même n’est pas ordinaire, c’est un mélange d’encre de Chine avec d’autres substances, par exemple corporelles, comme, dans le passé, des fluides d’un ennemi particulièrement courageux, ou de particules exfoliées de la peau d’un bonze, ce qui rend la personne tatouée digne de respect de ce fait, étant désormais « vêtue d’une peau de bonze ».

Salap (สะลาบ). Petites pelures métalliques qui jaillissent hors du moule d’une amulette lorsque la chaleur décroît brutalement.

Salika (สาลิกา). Type d’amulette : takroutt de petite taille conservé dans la bouche et servant à faire tomber amoureux de son possesseur.

Saming (สมิง). Tigre dont on pense qu’il a été un habile magicien ayant le pouvoir de se transformer en cet animal ; ou encore, tigre ayant dévoré de nombreux hommes, dont les esprits viennent alors le hanter de sorte qu’il devient capable de prendre une apparence humaine.

Satou-kann (สาธุการ). Musique cérémonielle très importante jouée pour appeler la propitiation des Trois Joyaux (Bouddha-Dharma-Sangha), des divinités, des objets sacrés, exprimant envers ceux-ci une salutation polie et déférente.

On peut en écouter sur YouTube (copier/coller le mot thaï ci-dessus), et c’est plutôt rébarbatif. Mais comme dit Rousseau : « Les plus beaux chants, à notre gré, toucheront toujours médiocrement une oreille qui n’y sera point accoutumée ; c’est une langue dont il faut avoir le dictionnaire. » (Essai sur l’origine des langues)

Sék-Pao (เสกเป่า). « Souffler la magie », c’est-à-dire consacrer quelque chose en soufflant dessus après avoir récité des formules religieuses.

Siamsi (เซียมซี). (Du chinois) Système de divination pratiqué dans les sanctuaires et temples chinois. Des bâtonnets en bambou marqués avec des nombres sont placés dans des cylindres que la personne secoue jusqu’à ce qu’un ou plusieurs bâtonnets en tombent ; les chiffres sont alors interprétés à l’aide d’une affiche. (Voir aussi Tiou)

Sini (สินี). Une femme à la peau blanche (claire) ; une belle femme.

Il convient de noter que l’adjectif fair en anglais présente exactement la même polysémie.

Siraprapa (ศิรประภา). Halo de rayons irradiant de la tête d’une personne sainte ou d’une statue du Bouddha.

Sompong (สมพงศ์). 1 Calcul astrologique consistant à déterminer si un homme et une femme qui souhaitent se marier ont des destins compatibles. 2 Examen astrologique des dates de naissance des futurs époux en vue de déterminer si leur mariage sera heureux.

Sompoutt (สมผุส) ou Sampoutt (สัมผุส). Calcul astrologique évaluant la conjonction de la terre et des étoiles. Les bonzes le pratiquent.

Sossanika (โสสานิกะ). 1 Un vêtement laissé dans un cimetière (comme acte commémoratoire ou offrande). 2 Une personne vivant dans un cimetière (par exemple, un bonze, bhiksu-sossanika : c’est la onzième observance toudong du canon pali).

Soubann (สุบรรณ). « Les merveilleux », un nom des garudas.

Il existe cinq sortes de garudas en ce qui concerne l’apparence, à savoir : ceux qui ont l’apparence entièrement humaine si ce n’est qu’ils possèdent des ailes, ceux qui ont un corps humain et une tête d’oiseau, ceux qui ont un corps humain et une tête et des ailes d’oiseau, ceux qui ont un corps d’oiseau et une tête humaine, et enfin ceux qui sont complètement comme des oiseaux. Les garudas vivent dans le premier paradis. Ils mangent les mêmes nourritures divines que les dévas mais aussi des fruits et de la viande, et même des nagas.

Soutassini (สุธาสินี). Qui se nourrit d’aliments surnaturels, c’est-à-dire les dévas. Vient de suta, qui désigne une sorte de nectar (au sens surnaturel).

Takroutt (ตะกรุด). Amulette cylindrique en métal ou en parchemin inscrite de formules magiques.

Taksa (ทักษา). Nom collectif des huit planètes en astrologie thaïe, à savoir le soleil (dont la localisation permanente est le nord-est et qui est représenté par le chiffre 1), la lune (est 2), Mars (sud-est 3), Mercure (sud 4), Saturne (sud-ouest 7), Jupiter (ouest 5), Rahu (nord-ouest 8) et Vénus (nord 6).

Les personnes familières avec l’astrologie védique auront reconnu les Navagraha (« neuf demeures »), dont l’un, Ketu, est ici absent. Ketu est considéré comme un corps immatériel et fait la paire avec l’autre planète immatérielle Rahu (ici numéro 8).

Talapatt (ตาลปัตร) or Talipatt (ตาลิปัตร). Un éventail au long manche fait d’une feuille de palmier ou de soie, utilisé par les bonzes lors de différentes cérémonies.

Tammakaï (ธรรมกาย). « Corps du dharma ». Forme de méditation consistant à visualiser au centre du corps une boule de cristal lumineuse qui devient progressivement un corps de Bouddha méditant en cristal (on parle d’embryologie mystique), en vue de parvenir à la révélation de son « être vrai ».

Tang-Naï (ทางใน). « La voie du dedans », c’est-à-dire la capacité de prévoir les choses à venir par l’effort mental. Au sens figuré, ou laïcisé, le mot désigne une conjecture correcte.

Tantima (ทัณฑิมา). Un oiseau de la forêt d’Himmapan ayant l’apparence d’un garuda tenant une masse (arme ou objet de cérémonie). Selon d’autres définitions, cet oiseau a le corps d’un garuda et la tête d’un oiseau, et tient une masse. (ce qui signifie que le garuda n’a pas la tête d’un oiseau, mais on a vu plus haut (cf. Soubann) qu’il existe plusieurs classes de garudas selon l’apparence.

Tapa (ตบะ). « Pénitence », à savoir, la suppression du désir par la mortification physique. Dans la religion bouddhiste, cela signifie l’évacuation du désir hors de l’esprit par la pratique des préceptes religieux, la méditation, la patience, le toudong (la voie de l’acquisition des mérites et autres pratiques monacales)…

Tiang-seu (เจียงซือ). (Du chinois) Fantôme maléfique sautillant les bras tendus, sortant la nuit à la recherche de victimes. Également appelé pi-dip-tjin ou pi-dip chinois (voyez pi-dip).

Tié-to-pariya-yann (เจโตปริยญาณ). Connaissance des pensées et intentions d’autrui.

Le témoignage d’un cas de lecture mentale de pensées par un bonze, d’origine occidentale, vivant en Thaïlande est donné par l’écrivain italien Arnaldo Fraccaroli dans son récit de voyage Le Bouddha d’émeraude (Il Budda di smeraldo, 1935, p. 215). (Le Bouddha d’émeraude est le palladium de la nation thaïlandaise.) En l’occurrence, ce bonze put connaître mentalement et dire le nom de son interlocuteur dont il n’avait jamais entendu parler et qu’il voyait pour la première fois. Interrogé sur la manière dont cela pouvait être possible, il répondit que ce nom lui était venu à l’esprit spontanément, dans un éclair d’inspiration.

Tioï (จ๊อย). Unité d’opium, valant 1,6 kilogramme.

Tiom-tap (โจมทัพ). Bataillon d’éléphants de guerre, dont la fonction était de charger contre l’ennemi.

Tiou (ติ้ว). (Du chinois) Bâtonnets la plupart du temps en bambou, de 25 à 50 cm de long, utilisés pour marquer des points ou, si des symboles ou des chiffres sont inscrits dessus, pratiquer la divination (voyez Siamsi) ou jouer à la loterie.

Tipitakadara (ติปิฏกธร). « En Birmanie de nos jours, vivent plusieurs moines auxquels a été conféré le titre de Tipitakadara ou ‘véhicule du canon pali’ pour leur connaissance mot à mot du canon (les écritures saintes du bouddhisme théravada en langue pali), qui, dans sa version thaïe, compte plus de 22.000 pages. » (Bikkhu P. A. Payutto, Dhamma Bilingualized : ‘In Myanmar nowadays we can find living examples in several monks on whom the title Tipitakadhara ‘bearer of the Pali Canon,’ has been conferred, who are word-perfect in reciting the entire Pali Canon, which, according to the printed version in Thai script, is well over 22,000 pages in length.’)

Tjakarawonn (จักรวาล). (Sanskrit chakravala) 1 Les trois divisions de l’univers selon la foi bouddhiste, à savoir : a/ les mondes de la sensualité, b/ les mondes des Brahmas corporels, et c/ les mondes des Brahmas sans forme (incorporels). Sur ces notions, voyez Rupaprom et Arupaprom. Ces Brahmas ne sont pas les prêtres (brahmanes) mais des dieux. 2/ Une chaîne de montagnes entourant le monde comme un mur, démarcation entre la lumière et les ténèbres qui se trouvent au-delà.

Tjaturapoum (จตุรภูมิ). Les quatre niveaux de l’esprit, à savoir : a/ la réalité de ceux qui voyagent dans le kampop ou monde des sens, b/ la réalité de ceux qui voyagent dans le rupapop, c/ la réalité des voyageurs de l’arupaprop, (voir ces trois mots) et enfin d/ le Lokoutarapoum, le monde détaché du monde.

Tjinteng (จีนเต็ง). Patron chinois d’une fumerie d’opium ou d’une maison de jeu clandestine.

Tjoulamani (จุฬามณี). 1 Épingle ornementale du chignon des personnes de haut rang. 2 Nom du chignon du Bouddha. 3 Pagode bâtie par Indra dans le deuxième paradis (Daowadeung ou paradis d’Indra) pour y conserver le chignon du Bouddha.

Traï-tjiwonn (ไตรจีวร). Vêtements que le Vinaya, la partie du canon pali consacrée au monachisme et à ses règles, autorise un moine à porter, à savoir, l’antarawassok, qui couvre le bassin et les jambes, l’outarassang, la robe elle-même, et le sangkati ou châle pour les épaules et la poitrine.

Le port de ces seules trois pièces de vêtement est la deuxième observance toudong du canon pali.

Tripop (ตรีภพ), Tripoum (ครีภูมิ), ou Tripouwa (ตรีภูวะ). Les trois mondes, à savoir : le monde des sens, le monde des Brahmas corporels et le monde des Brahmas incorporels. Dans la foi populaire, les cieux (les paradis), le monde des hommes, et les enfers. Également Triloka.

Wanapa (วนัปติ). 1 Un grand arbre ; le banyan, littéralement « le roi des arbres ». 2 Un esprit de la forêt.

Wétann (เวตาล). (Du sanskrit vetala) Fantôme qui hante les cimetières. Les sages qui meurent sans avoir transmis leur savoir deviennent des fantômes de ce type.

Ya-fètt (ยาแฝด). Plat qu’une femme sert à manger à un homme afin d’en être aimée à l’exclusion de toute autre femme, préparée en accomplissant à cette fin certains rites magiques.

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La présente liste est également disponible en format PDF sur le site de la Scénariothèque, où je l’ai déposée à titre d’aide de jeux pour rôlistes (ici).

Anaïs et Marie-Madeleine

Il convient d’établir une distinction entre science et technique. Cette dernière n’a jamais été empêchée par une vision traditionnelle, religieuse du monde : que l’on en juge par les pyramides d’Égypte, les édifices de Cuzco, l’aqueduc romain de Ségovie… En termes de technique, l’esprit des Lumières, ou plus généralement l’esprit positiviste, ne représente donc pas une rupture fondamentale, dans la mesure où les capacités techniques n’étaient pas entravées auparavant et ne l’ont peut-être jamais été. La Chine qui se ferme au monde pour, semble-t-il, vivre éternellement selon ses dogmes traditionnels, est celle qui construit une « grande muraille » à cette fin. En réalité, la rupture tient bien plutôt à l’apparition d’un positivisme scientifique qui, s’il ne s’accompagne pas en toutes circonstances de la plus grande liberté d’opinion et d’expression, est la substitution d’un dogmatisme à un autre (par exemple, en plein vingtième siècle, l’« interprétation de Copenhague », tissu d’interprétations arbitraires de résultats expérimentaux [voyez ici : Copenhagen interpretation]).

Alors qu’une certaine forme de pensée mystique subsiste chez Leibniz et Newton, l’apport de ces derniers, en termes d’avancée de la pensée scientifique, est bien supérieur à nombre de leurs successeurs chez qui cette pensée mystique a disparu.

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Lorsque Jünger défend l’astrologie tout en affirmant qu’elle ne peut être jugée du point de vue rationnel, il ne convainc personne. L’astrologie ne se donne pas à connaître comme un jeu, elle cherche à défendre sa pratique rationnellement.

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À Zénon qui affirmait que le mouvement n’existe pas, Diogène le Cynique « répondit » en allant et venant. Comme si Zénon ne s’était pas aperçu qu’il pouvait aller et venir lui aussi. Si une démonstration apparemment juste peut nier le mouvement en dépit de l’expérience sensible, cette dernière n’est pas invitée à servir de contre-argument.

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Paul Bourget est contre la circonstance atténuante de la passion dans le crime passionnel au motif que l’indulgence favorise le crime. Le droit lui a entre-temps donné raison et favorise à présent le cocufiage.

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Les visées œcuméniques admettent tacitement, même malgré elles, que les rites propres à chaque Église n’ont aucune valeur surnaturelle, qu’un fidèle s’y soumet par conformisme, et consacrent ainsi la supériorité d’une doctrine purement pratique comme le zwinglianisme, où la messe est une simple commémoration sans valeur surnaturelle.

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L’eucharistie : « Celui qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle. » Alors que le Christ dit lui-même ailleurs qu’il s’exprime par paraboles, et pourquoi il le fait, et alors que les théologiens recourent à l’interprétation symbolique des Écritures, de l’ancien comme du nouveau testament, il est permis de demander pourquoi la parole citée ici a reçu un sens aussi littéral dans le rite catholique.

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Il y a dans le Journal d’Anaïs Nin la pensée qu’elle n’avait jamais rendu son mari aussi heureux que depuis qu’elle avait un amant. Quel mari ne voudrait pas être malheureux plutôt qu’heureux dans ces conditions ?

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Une passion ne se satisfait jamais qu’au détriment d’un scrupule, dans certaines âmes consciencieuses. Y renoncer, c’est la sacrifier à un scrupule, mais jamais elle ne s’estime à si bas prix et rien ne la paye assez de son sacrifice.

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Il est plus difficile à celui qui a de la culture qu’à celui qui n’en a pas de montrer qu’il possède un vernis de culture comme demandé dans les épreuves de culture générale.

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Arriver par les femmes, loin d’être un motif de honte, c’est un double motif de fierté pour le Français : être arrivé et par les femmes.

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Sautez toujours la préface. Dans une édition de La Princesse de Clèves, le préfacier écrit : « Elle [Mme de La Fayette] évite de nous montrer le ventre de Henri VIII ‘chargé de graisse’ que l’annaliste anglais etc. », puis on lit dans le texte de Marie-Madeleine de La Fayette, en p.72 de la même édition : « Henri VIII mourut, étant devenu d’une grosseur prodigieuse. » Si ce n’est pas montrer le ventre d’Henri VIII, qu’est-ce que c’est ?

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Nietzsche a écrit « Dieu est mort » mais aussi « l’art est mort » : à l’ère de l’écroulement des certitudes, les représentations idéales, idéalisées de l’art sont périmées. La science a déclassé un art plus beau que le réel, les esprits s’émancipent également de cette mystification-là. Pourtant, l’art n’a pas disparu ; ce qui porte aujourd’hui ce nom semble être en grande partie une activité spécialisée dans la production d’œuvres plus laides que le réel (expressionnisme…). Est-ce encore une forme de mystification consolatrice, une manière de rendre le réel tolérable par comparaison ?

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Une certaine spécialisation des facultés semble inhérente à la nature humaine. Même aux esprits les plus doués et les plus éclectiques il est difficile de s’intéresser en même temps à des œuvres d’imagination et à des travaux analytiques (de sciences exactes). Une sorte de baromètre intérieur leur signale le dommage, à tout le moins provisoire, que le passage d’un type d’intérêt ou d’activité à un autre fait subir à la disposition cultivée dans la pratique de l’une ou l’autre. Tandis qu’il s’adonne à tel domaine, l’esprit adopte un certain type de personnalité conforme à ce domaine et excluant provisoirement l’intérêt pour tout autre domaine. Ces autres domaines appellent chacun à leur manière un type de personnalité différent. Une éducation trop large risque donc de favoriser les intelligences moyennes, l’esprit doué qui entend donner sa pleine mesure étant conduit à se chercher un domaine de spécialisation. Il conviendrait donc peut-être de commencer par la spécialisation et d’élargir ensuite, avec l’âge, le champ des études, à rebours de ce qui se pratique. Le postulat implicite de l’éducation actuelle est que les esprits ne sont doués que pour un certain type de savoir et qu’il convient de déterminer lequel en présentant à l’élève différents domaines du savoir parmi lesquels sa tendance interne se prononcera. Ce passage programmé du généralisme à la spécialisation demande à l’esprit d’être généraliste d’emblée ou de rester médiocre (excellent dans un domaine et médiocre dans les autres : la moyenne est médiocre). On peut craindre que l’esprit doué soit ainsi voué à la médiocrité dans un système qui va du généralisme à la spécialisation plutôt que de la spécialisation au généralisme.

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Apprendre des choses, cela peut aussi revenir à tuer le poète en soi.

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Ce qui m’a longtemps retenu de m’intéresser à un parti portant le nom de Labour, c’est justement son nom, à cause de ce que cela représente de contraire à mes tendances profondes.

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J’avais des rêves de grandeur et voilà que je lis Zazie dans le métro

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Sottisier poétique
(Avec tout le respect dû aux maîtres)

La mer gronde et se gonfle, et la bave des eaux
Bien au-dessus des monts va noyer les oiseaux
(Leconte de Lisle, Poèmes barbares)

Le mot bave ne s’emploie plus au sens de « par métaph. ou compar. liquide écumeux » (Grand Robert).

Don Rui tire sa lame
Et lui fend la cervelle en deux jusques à l’âme
(ibid.)

On entendait mugir le semoun meurtrier,
Et sur les cailloux blancs les écailles crier
Sous le ventre des crocodiles
(Victor Hugo, Les Orientales)

Il semblerait que ce vent violent qu’est le simoun doive rendre difficile d’entendre le ventre des crocodiles glisser sur les cailloux, à moins que les crocodiles ne soient des espèces de colosses blindés.

L’héraldique lion qui fait rugir d’effroi
Les lionnes vivantes
(ibid.)

Ne songe plus qu’aux vrais platanes (ibid.)

Où sont les faux, dans le poème ?

Ces cheveux
qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule
(ibid.)

Est-ce parce qu’on parle de saule pleureur que le poète dit que les feuilles du saule pleurent ?

Grenade, la bien nommée,
Lorsque la guerre enflammée
Déroule ses pavillons,
Cent fois plus terrible éclate
Que la grenade écarlate
Sur le front des bataillons
(ibid.)

Bien nommée parce qu’elle éclate comme une grenade explosive !

Ton sabre
Toujours dans la bataille on le voit resplendir,
Sans trouver turban qui le rompe
(ibid.)

Le turban peut en effet casser un sabre, s’il est employé pour désigner par métonymie la tête, mais c’est bien le seul cas possible.

Berceau que la tombe a fait creux ! (Théophile Gautier, Émaux et Camées)

Quelle chute ! Le berceau que vide la mort de l’enfant est fait creux par la tombe…

Mille soldats partout, bandits aux yeux ardents (Victor Hugo, Les Burgraves)

La raison pour laquelle ce vers figure ici tient à la sonorité du second hémistiche, si l’on respecte, comme en principe on le devrait, les liaisons : « Bandits zaux zyeux zardents »…

Rome à ce grand dessein ouvrira tous ses bras (Corneille, Sertorius)

Rome comparée à la déesse indienne Kali…

Me croit-il en état de croire son arrêt ? (Corneille, Tite et Bérénice)

Faut croire.

Ses cheveux, par l’angoisse aplatis sur sa tête (Lamartine, Jocelyn)

Je crois me rappeler que Laurel et Hardy se sont inspirés de ce vers dans certains de leurs sketchs. Mais peut-être qu’ils avaient lu « dressés sur sa tête ». – Ou bien s’inspiraient-ils plutôt de cet autre vers de Lamartine :

Le vol de sa pensée agitait ses cheveux (Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses)

Pégase te soufflait des vers de sa narine (Hugo, Les Contemplations)

Les morts, ne marchant plus, dressent leurs pieds funèbres (ibid.)

Cédar la regarda les bras croisés de joie (Lamartine, La chute d’un ange)

Comme on lance une roche aux gouffres effrayés (ibid.)

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Aragon m’a toujours fait l’effet d’être le plus mauvais des surréalistes : celui qui n’ose pas se droguer comme les copains. C’était peut-être aussi le plus mauvais des communistes.

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Louis Belmontet est un poète qui a écrit des Poésies guerrières sous le Second Empire et fut pour cette raison député. C’était avant la déculottée de l’armée française au Mexique et bien sûr avant Sedan.

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La notation numérique de l’école et de l’université françaises (de 0 à 20) est plus individualisante et par conséquent plus hiérarchisante que la notation littérale nord-américaine (A, B, C…).

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Nos ancêtres les Sarrazins

Provence et Midi de la France (voyez La chèvre d’or de Paul Arène), Vendée (La fosse aux lions d’Émile Baumann), Savoie (Le cœur et le sang d’Henri Bordeaux), Normandie (Devant la douleur de Léon Daudet)…

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Gongorismes bien français

D’habitude les plus matineux sont les pigeons de Jaume ; l’aube aux mains molles jongle avec eux. (Giono, Colline)

(Le chien le suit) et Gondran écoute joyeusement le grignotis des petites pattes onglées, derrière lui. (ibid.)

La note filée d’un clairon blesse, d’une vague déchirante, le lac tumultueux de sa mémoire. (Antoine Blondin, Les enfants du Bon Dieu, 1952)

La cité de leurs fronts ombrageait la fontaine
De leurs yeux
(Léon Deubel, Poèmes)

Mais les plus forts restent quand même les Hispaniques. Quelques gongorismes mexicains :

Carballo eyacula una sonrisa espesa como la esperma, como esperma mezclada de lodo. (Rubén Salazar Mallén, ¡Viva México!, 1968)

Con veloces navajas las estrellas cortan la piel de los abrevaderos. Sangra el agua. Sangra trémulos destellos (ibid.)

La mañana está echada como un perro azul en las azoteas y ladra luz. (ibid.)

Por las puertas de sus manos entra un ademán consternado. (ibid.)

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Hypothèse. Il ne peut y avoir d’ataraxie parfaite. L’esprit qui s’en approche tend à s’accuser et à souffrir d’écarts de plus en plus minimes. De plus, l’absence de tout sentiment de coulpe dans ce même esprit serait un mouvement de passion (l’orgueil) qui le ramènerait en arrière. Non la sagesse mais l’amitié pour la sagesse.

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Barrès qui s’attaque à Kant en racontant des histoires d’amour (Les Déracinés), c’est d’une hallucinante loufoquerie.

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« Son visage pur » (Léon Daudet, Le cœur et l’absence) Pur de quoi ?

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La parcimonie des descriptions empêche qu’une atmosphère s’installe. La littérature contemporaine est retournée au stade primitif. Elle ennuiera ceux qui n’ont rien vu du monde censé se trouver dans ses pages.

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Quelques licences poétiques de Corneille

Et l’énigme du sphinx fut moins obscur pour moi (Œdipe)

Énigme est ici masculin : le vers ne peut pas être corrigé car obscure, au féminin, le rallongerait d’une syllabe.

Mais je ne réponds pas que vous trouviez les Grecs
Dans la même pensée et les mêmes respects
(La conquête de la toison d’or)

Grecs est à prononcer « grès » pour le faire rimer avec respects.

Que voulez-vous, Madame, ici que je vous die ? (ibid.)

Pour rimer avec perfidie.

Je vous avouerai plus : à qui que je me donne (Sertorius)

Votre intérêt m’arrête autant comme le mien (ibid.)

Et détruit d’autant plus, que plus on le voit croître,
Ce que l’on doit d’amour aux vertus de son maître
(Othon)

Croître doit ici, pour rimer avec maître, se prononcer craître (ou maître se prononcer moître).

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L’escobarderie au fond des intellectuels catholiques militants : « Quel plus lourd fardeau que leur morale [luthérienne] » (Maritain) Opposé à une morale légère ?

« C’est une absurdité flagrante, et en même temps un lâche procédé de réduction, de traiter les hommes comme des parfaits, et la perfection à acquérir, dont la plupart restent très loin, comme constitutive de la nature même. Tel est cependant le principe de Rousseau, son perpétuel postulat. » (Maritain, Trois réformateurs)

Écoutons donc Rousseau : « Il n’y a point d’intérieur humain, si pur qu’il puisse être, qui ne recèle quelque vice odieux. » (Les Confessions)

Au temps pour le « perpétuel postulat ». Toujours l’escobarderie.

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Les comètes du nôtre [de notre siècle] ont dépeuplé les cieux. (Musset, Poésies nouvelles)

Note du commentateur : « Ce vers obscur et peut-être fautif (certains voudraient lire « conquêtes ») a suscité de multiples discussions d’érudits. » Rien de plus simple à comprendre, pourtant : la science (l’astronomie, connaissance des comètes) a étouffé la croyance aux dieux, à la divinité. Pas besoin de je ne sais quelles conquêtes, les comètes sont nécessaires à l’équilibre du vers : ce sont des objets célestes – célestes mais objets de science – qui dépeuplent les cieux, demeure traditionnelle des dieux.

Le même commentateur n’a visiblement rien compris au vers suivant, pas plus qu’à Musset en général :

Et de ce bruit honteux qui salit la pensée

où le commentateur voit, je le cite, une « allusion aux lois de septembre 1835 contre la liberté de la presse ». Que va-t-il chercher ! La liberté de la presse est certes un beau combat mais il n’y a dans ce passage aucune allusion à de telles lois, seulement à la littérature dans la lignée de Voltaire et des philosophes dénoncée par Musset tout au long de ses poèmes. Le commentateur semble chercher à faire de Musset un libéral ou – mais ce serait un aveuglement incroyable – est convaincu qu’il l’est…

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Étude : les défroqués chez les Jacobins, Hébertistes, Enragés… La liste semble longue.

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Je peux être convaincu de la valeur de la vertu sans croire à celle de la messe.

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Tant que je n’avais pas de situation, j’avais un avenir, et maintenant que j’ai une situation je ne me vois aucun avenir, il me semble que ma vie est derrière moi.

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Dans ses carnets de voyage aux États-Unis, publiés sous le titre Outre-Mer (1895), Paul Bourget insiste sur la totale absence de grivoiserie au théâtre et dans les caricatures en Amérique. Quelle différence, par la suite, avec Hollywood (‘Pre-Code Era’) !

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Strindberg ne s’est pas trompé avec son « combat des âmes » (själakamp) : même après la mort de l’homme de génie, son préfacier le traite comme une créature malsaine.

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Zola, sur son roman La Débâcle, dans Le Gaulois : « une œuvre de patriote … maintenant la nécessité de la revanche ».

Cinq ou six ans plus tard, il écrivait J’accuse.

Les antidreyfusards, du moins certains d’entre eux parmi les plus en vue, en défendant si peu discrètement la raison d’État, le châtiment même sans culpabilité, avaient perdu d’avance : même un despote absolu a de la pudeur sur ce point et voile la raison d’État derrière des motifs plus convenables.

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Pourquoi ne pas être un homme du passé ? Le passé a sa grandeur.

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Il ne suffit pas de dire « c’est un homme à femmes » : il faut dire quelles femmes.

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Rêves-contacts (1)

Hypothèse. Les intelligences extraterrestres communiquent avec nous dans nos rêves (Nýall).

1

La nuit du 12 avril 2013, j’ai rêvé que je trouvais un fragment de roche contenant une trace de vie extraterrestre, sur le modèle de l’ambre qui encapsule un moustique de la préhistoire, à ceci près que cette roche contenait un hologramme animé d’insecte, insecte d’une dimension peu ordinaire, espèce de grand cloporte. Cet objet était considéré par moi comme provenant des étoiles. À mon réveil, j’eus la pensée qu’on avait cherché à entrer en communication avec moi, qu’on cherchait à répondre à mon poème sur les intelligences extraterrestres qui est un appel au contact.

2

G. n’a plus répondu depuis l’envoi de mon poème sur les intelligences extraterrestres. Il a peur d’un contact du troisième type. La plupart des gens ont peur, ou auraient peur s’ils pensaient le provoquer, d’un tel contact, car il devient évident à un nombre toujours plus grand de personnes que c’est quelque chose de possible.

3

Kant a une curieuse façon d’insister sur d’hypothétiques êtres non humains extraterrestres doués de raison, pour dire qu’ils sont comme nous soumis à la loi morale.

4

Nuit du 4 mai 2013. De l’existence des géants sur terre avant l’homme. C’était une époque où l’alternance des saisons s’accompagnait de phénomènes climatiques beaucoup plus intenses que ce n’est le cas aujourd’hui. Un désert de glace se transformait ainsi en quelques jours en océan plein de vie, donnant lieu à des scènes de cataclysme. Pour que la vie soit possible, il fallait une constitution physique prodigieuse. C’est sur ce seul point que Schopenhauer conteste la théorie de Darwin. Le philosophe rappelle par ailleurs qu’Averroès a vécu à Nîmes et que lui-même loge dans une chambre aux fenêtres en « papier gâché ». Sa révélation sur les géants provoque chez moi une grande exaltation, et je plane au-dessus d’un monde préhistorique qui est le monde, d’abord une mer la nuit, puis une terre d’une grande beauté, couverte de forêts et dorée par les premiers rayons de l’aube, entendant une voix qui m’exhorte à en déchiffrer les mystères.

5

Nuit du 7 mai 2013. Sur une autre planète, je suis conduit, comme prisonnier, dans une arène naturelle entre des rochers escarpés dont les flancs, derrière des grillages, servent de gradins au public. Le combat doit être un combat psychique. Chaque combattant a les pieds fixés sur un billot. Je suis ainsi un gladiateur psychique pour le plaisir de cette population extraterrestre. Or j’apprends que j’ai toutes mes chances car les humains sont considérés comme ayant un grand pouvoir psychique.

Exilé sur une autre planète, je suis transformé en figurine de pain. Je retrouve espoir en voyant un jour mon reflet sur une pièce polie de tuyauterie, car je me vois tel qu’en moi-même, et j’acquiers alors la certitude que je saurai reconduire tous ceux qui comme moi ont été transformés en pantins divers et variés, chez eux, où chacun retrouvera son vrai moi.

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Les progrès de la science semblent avoir pour conséquence de toujours plus établir l’homme dans la nature, au détriment de sa réalité nouménale, en même temps que le régime démocratique qui a toujours assuré favoriser ce progrès lui oppose toujours l’obstacle du libre-arbitre de l’homme, dont on ne sait d’où il le tire s’il ne le rapporte à une liberté de la volonté indépendante de la nature.

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Schopenhauer réfute les antinomies kantiennes en disant que quelque chose de réel (Wirkliches) ne peut en même temps être et ne pas être. Or les (deux premières) antinomies portent sur le temps et l’espace : ce sont des formes a priori qui ne disent rien du réel en tant que tel.

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Les vortex cosmiques en philosophie (Wirbel, δίνη) : Empédocle, Démocrite, Descartes, Laplace, Kant (dans Geschichte der Philosophie de Schopenhauer). J’ajoute, dans l’histoire des sciences et des idées sinon dans celle de la philosophie : Swedenborg (jeune) et Hans Hörbiger (Welteislehre).

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« Le soleil tourne autour du monde [de la terre] » (Rousseau, L’Émile) : le soleil suivrait un cercle dont le centre est au cœur de la terre. Et il a existé un état de nature où les hommes vivaient solitairement.

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« L’aveugle mécanisme de la matière mue fortuitement » ne peut conduire à l’harmonie du monde, affirme Rousseau, dans sa réfutation du matérialisme, à la suite de considérations sur les « jets » de Diderot par lesquels, selon ce dernier, s’est ordonné le chaos primordial (jets au sens probabiliste de combinaisons). Or, si le monde est volonté et représentation (Wille und Vorstellung), ces essais combinatoires de la matière en mouvement n’ont pas eu lieu réellement.

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Les langues tonales comme le thaï (où l’intonation sert à distinguer les mots entre eux) ont besoin de recourir à des expressions langagières pour exprimer les nuances émotionnelles que les autres langues expriment par des intonations. Par exemple, เสียเลย sia-lei « exprime le soulagement ».

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Selon Schopenhauer (Parerga und Paralipomena), les vérités du christianisme le distinguent du paganisme gréco-romain (à peine métaphysique) et le rapprochent du brahmanisme et du bouddhisme. D’ailleurs, le nouveau testament doit être d’origine indienne. Pendant la fuite en Égypte (Matthieu 2:13-15), Jésus fut initié par des prêtres égyptiens à leur religion, qui était d’origine indienne. Il aurait plus tard accompli des prodiges « au moyen de l’influence métaphysique de la volonté » (mittelst des metaphysischen Einflusses des Willens).

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Schopenhauer confirme mon objection à Max Weber sur les protestants « virtuoses de l’ascèse », en signalant, avant même que se soit exprimé Weber, qui aurait bien fait de lire son compatriote, que le protestantisme a rejeté le célibat et l’« ascèse authentique » (die eigentliche Askese).

Je rappelle la chronologie des faits :

1/ Schopenhauer dit que le protestantisme a rejeté l’ascèse authentique ;

2/ Max Weber écrit que les protestants sont des virtuoses de l’ascèse ;

3/ Je lis Weber et trouve que son idée n’a aucun sens, bien que ce soit une idée reçue autour de moi ;

4/ Je prends connaissance de 1/ et me félicite de n’avoir pas cédé aux tenants de l’idée reçue, car à présent nous sommes deux pour la combattre.

[Comme témoignage de 3/ voyez mon essai La théorie de l’agir communicationnel de Jürgen Habermas, de 1998, au chapitre 1A « Rationalisation et modernisation chez Max Weber » (ici). Habermas reprend à son compte l’idée de Weber sans discussion.]

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Avec Heidegger méditant sur la chose en soi kantienne, on approche dangereusement de la « pensée Tetris » (Tetris thinking) : comme les tétraminos, les pensées s’annulent et disparaissent en se combinant. Exemple : la chose en soi est un néant car elle n’est pas un étant : « Par néant, nous entendons ce qui n’est pas un étant mais est tout de même quelque chose. » (Kant et le problème de la métaphysique)

Je ne condamne pas d’emblée la pensée Tetris : c’est peut-être l’usage de la pensée le plus rationnel chez l’homme. Le flux constant de pensées-tétraminos en mode psychique par défaut nous contraint à une activité permanente de dégagement.

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Quand une dangereuse bête sauvage s’affaire dans vos provisions, vous n’êtes pas assez fou pour faire le moindre geste et risquer de provoquer une attaque de sa part. Vous l’observez de biais, pétrifié. Mais si elle lève les yeux sur vous ?