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Notes de science administrative et politique

Si une personne, pour telle ou telle raison, entend absolument connaître l’identité d’un internaute quand bien même celui-ci utiliserait un pseudonyme, il lui suffit de rémunérer les services d’un hacker ou autre, qui lui communiquera l’information qu’elle recherche. Le devoir de réserve du fonctionnaire français ne saurait lui imposer de parer les techniques d’espionnage les plus diverses, contre lesquelles un fonctionnaire ordinaire n’a d’ailleurs pas les moyens de se prémunir. Les personnes qui connaissent un fonctionnaire et peuvent par conséquent l’identifier à partir d’un compte internet à son nom sont tenues au même raisonnement : le cas particulier dont elles ressortissent n’infirme pas la règle générale, qui est que toute personne conjecturant une identité de personne sur la base d’éléments non probants et demandant une corroboration, n’est pas fondée à faire passer cette simple conjecture pour une preuve. En d’autres termes, que le nom du fonctionnaire apparaisse à la fois sur le site de son administration et, par exemple, sur un compte Twitter ne permet pas, sans plus, de savoir qu’il s’agit d’une seule et même personne. Ce fonctionnaire a respecté son devoir de réserve s’il a tu en toute circonstance la nature de ses activités professionnelles sur son compte Twitter.

Même si le fonctionnaire publie sa photo sur son compte Twitter, il faudrait pour que le précédent raisonnement soit contredit que sa photo soit également publiée sur le site de son administration. Autrement, le cas particulier des personnes connaissant personnellement ce fonctionnaire n’infirme pas la règle générale (mais plutôt « l’exception confirme la règle »). La comparaison de deux photos sur deux sites différents peut permettre à une personne ne connaissant pas le fonctionnaire de l’identifier de façon probante comme étant à la fois ce fonctionnaire et l’auteur du compte Twitter ; c’est la seule identification probante possible, le reste n’est que conjectures. Une photo parfaitement identifiable ne constitue pas, pour les gens qui ne connaissent pas le fonctionnaire, une preuve que l’auteur du compte Twitter est le fonctionnaire dont le nom figure sur le site de l’administration sans photo.

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Un homme d’État qui avait, dit-on, de l’esprit, Winston Churchill, a ainsi décrit la démocratie : « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » J’y vois l’aveu lucide (et spirituel) que la démocratie n’est pas une forme parfaite, que ce régime a ses contradictions. Un régime imparfait ne saurait se placer au-dessus de la critique. Par sa nature même, la démocratie n’est pas au-dessus de la critique, car c’est la tyrannie qui est au-dessus de la critique, pas la liberté. Qu’il y ait en démocratie des critiques de la démocratie elle-même n’a donc rien de choquant. La pratique de l’Assemblée nationale en France confirme cette pensée : députés royalistes et bonapartistes sous la Troisième République, députés communistes, et même staliniens, pendant la Guerre froide…

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Quand, dans une situation de crise, la classe politique adopte une attitude systématiquement hostile envers la fonction publique, le dilemme du fonctionnaire, pris entre sa loyauté envers la classe politique et sa loyauté envers la fonction publique, devient aigu, par exemple si le nécessaire respect des critères maastrichtiens conduit la classe politique à une entreprise de destruction de la fonction publique, alors même que ce nécessaire respect appellerait tout autant une refonte en profondeur des modalités de notre démocratie politique, la refonte d’une classe politique pléthorique (un Français sur cent est un élu), compte tenu des aspirations de plus en plus grandes des citoyens à des formes plus directes de démocratie.

Le respect des critères maastrichtiens appelle une négociation des modalités pour parvenir à l’objectif fixé et un effort de la part de tous, car « l’État » ce n’est pas seulement la fonction publique, c’est la fonction publique et la classe politique (ou les organes de la démocratie politique). Les hauts fonctionnaires seraient bien placés pour faire entendre un tel point de vue, et ce en tant que hauts fonctionnaires plutôt qu’en passant par des campagnes électorales car ils rejoindraient alors la classe politique et en adopteraient, par un certain déterminisme des dynamiques sociales, les intérêts, c’est-à-dire qu’ils se mettraient à dire purement et simplement que les critères maastrichtiens appellent une refonte de l’État entendu sous le seul angle de la fonction publique. J’ai en tête l’exemple d’un général qui, après avoir vécu dans sa chair les contradictions que je viens de décrire (ayant démissionné après s’être entendu dire par un homme politique : « Un militaire, c’est comme un ministre : ça ferme sa gueule ou ça s’en va ») a décidé de se lancer en politique et tient désormais, sur Twitter, le discours selon lequel la France est contrôlée par une technocratie de fonctionnaires, et ce alors même qu’en tant que fonctionnaire il a pu se rendre compte peut-être mieux que quiconque de la considération avec laquelle l’expertise d’un fonctionnaire est accueillie par la classe politique quand elle ne plaît pas à cette dernière.

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Il arrive que des dictatures se dotent d’organes délibératifs, parfois même appelés des assemblées ; l’existence d’une assemblée ne suffit donc pas à elle seule à caractériser un pays libre doté d’institutions libres.

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Les obstacles que les députés eux-mêmes opposent à l’encadrement du débat parlementaire rendent depuis des décennies les dispositions des règlements des Chambres en la matière totalement inopérantes et les réformes successives et continuelles pour y pallier, absolument vaines. Certains adoptent le point de vue que de telles dispositions des règlements ne sont pas conformes à ce que doit être l’esprit des institutions démocratiques et se réjouissent par conséquent de leur non-application. Ce qui me conduit à demander comment le Royaume-Uni fait pour se croire un pays démocratique avec des procédures telles que la « guillotine » (guillotine ou closure), en vigueur depuis 1887, le « kangourou » (kangaroo motion), en vigueur depuis 1909, et d’autres, qui font dire à l’anglophile Maurice Duverger que le débat parlementaire en Grande-Bretagne est fortement encadré. – Certes, l’encadrement du débat parlementaire doit être plus simple dans un régime de bipartisme (le régime britannique) que dans un régime de multipartisme.

Alors que la communication des hommes politiques se fait désormais presque à 100 % dans les médias de masse, cette communication est soumise aux propres règles de ces médias, quand bien même ceux-ci, quelle que soit leur importance dans une société démocratique, n’ont pas la légitimité du suffrage universel, tandis que les règles que la représentation nationale se fixe elle-même, dans le règlement de l’Assemblée, la représentation nationale y oppose en permanence l’argument de l’atteinte à la démocratie. Quelle contradiction ! Cette facilité langagière lourde de conséquences passe complètement sous silence la nécessaire discipline que le débat parlementaire doit conserver pour ne pas bloquer le fonctionnement des institutions.

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Les dérogations aux libertés fondamentales ont pour principal effet de tirer la communauté citoyenne vers le bas, de l’entraver dans son émancipation et élévation. Le militaire qui n’a pas le droit de se syndiquer, et dont la femme doit s’exprimer le visage flouté à la télévision pour dénoncer les indignes conditions de travail de son conjoint dans le cadre du plan Vigipirate, des mois entiers à dormir dans un gymnase loin de sa famille, tire la citoyenneté vers le bas. Le fonctionnaire, avec son statut désuet de devoirs saugrenus, tire la citoyenneté vers le bas.

Les libertés élémentaires des travailleurs restent lettre morte du fait des dépendances objectives qu’ils subissent au quotidien sur le marché du travail. Que l’administration montre donc l’exemple en assurant concrètement les libertés de ses fonctionnaires, pour que les autres travailleurs puissent revendiquer à leur tour une protection identique.

L’administration doit montrer l’exemple. L’État protège-t-il vraiment la liberté d’expression du peuple, celle du travailleur dépendant d’un employeur ? Pourquoi, sur Twitter, en dehors des personnalités publiques, en dehors des porte-parole d’organisations, d’entreprises, d’institutions, de partis, et en dehors des plumes stipendiées, mercenaires, les utilisateurs sont-ils en grande majorité anonymes ? Quel est le sens de cet anonymat généralisé ? Pourquoi le peuple est-il réduit à l’anonymat ? Doit-on se satisfaire d’être passé du peuple réduit au silence au peuple réduit à l’anonymat ? Il est évident que la majorité de ces internautes anonymes entendent se prémunir des représailles de ceux dont ils dépendent pour gagner leur vie. Ce constat, plus de deux siècles après la proclamation des droits de l’homme et du citoyen, est désolant et décourageant.

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Dans notre État de droit, toute personne, en particulier toute personne mise en cause, est fondée à contester non seulement l’application des normes aux cas d’espèce mais aussi les normes elles-mêmes, soit devant les juridictions internationales de rang supérieur telles que la Cour européenne des droits de l’homme soit devant les juridictions nationales par le recours à une question prioritaire de constitutionnalité. Il est ainsi parfaitement établi qu’un fonctionnaire a le droit de se prononcer sur le caractère des obligations qui sont les siennes en tant qu’agent public. S’y conformer reste, en l’absence de jugement, une nécessité mais la contestation verbale, réfléchie des règles auxquelles une personne est soumise, non seulement n’implique pas en soi la violation de ces règles mais est la base même du pacte démocratique, qui reconnaît à tout citoyen, même fonctionnaire, le droit de s’exprimer sur les normes qui doivent s’appliquer dans la société.

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Les classes sociales ne se distinguent plus aussi nettement qu’autrefois par la ségrégation du langage. Des termes qualifiés autrefois d’argotiques dans le dictionnaire sont entrés dans le registre « familier », les termes autrefois « familiers » ne sont plus décrits en tant que tels et leur usage passe pour parfaitement acceptable dans le plus large éventail de registres.

La charge d’outrage d’un gros mot n’est souvent plus aussi lourde que par le passé. Les médias regorgent de vocabulaire vulgaire, nous en sommes tous imprégnés, la contrariété conduit à prononcer des gros mots même aux personnalités publiques. J’ai grandi en regardant, diffusés à une heure de grande audience tous les jours de la semaine, les célébrissimes Guignols de l’info, dont une des plus fameuses répliques à l’époque était « J’ai niqué Couilles Molles »…

Récemment, le mot « déconner » a été employé par le Président de la République lors d’une réunion publique. Le mot « déconner » vient de « con » et n’appartient pas au registre relevé. Si le propos a choqué, si d’aucuns ont parlé de « dérapage », d’« insulte », ce n’est pas sur la forme puisque, par exemple, l’un des hommes politiques à avoir réagi à ce propos de manière critique a dit au micro d’un journaliste : « Il y a un mépris de classe. Le Président de la République a en permanence ce mépris de classe. Ceux qui sont dans la difficulté n’ont pas toujours déconné, loin de là. » (N. Dupont-Aignan) Par conséquent, du point de vue de ce dernier, si le propos est critiquable, ce n’est pas en raison de l’emploi du mot « déconner », qu’il emploie lui-même sans s’excuser.

Voici un florilège d’expressions employées devant les caméras par le Président de la République au cours de sa carrière politique : « pognon de dingue », « se tailler un costard », « foutre le bordel », « c’est pas bibi », « c’est de la pipe » (qui semble être une euphémisation de « c’est du pipeau »), « raconter des craques »… (sans parler de l’expression «  [l’embarcation appelée kwassa-kwassa] amène du Comorien », qui semble peu respectueuse de l’humanité des personnes en question).

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Il est étonnant, mais surtout affligeant, qu’un ancien législateur puisse être membre, et même président, du Conseil constitutionnel malgré la réforme ayant introduit les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), c’est-à-dire un contrôle de constitutionnalité sur les lois votées dans le passé. Si une loi qu’un membre du Conseil a contribué à faire adopter en tant que législateur est soumise au contrôle du Conseil, ce membre se trouve dans la position de juge et partie.

Si un membre quelconque du Conseil constitutionnel a voté une loi dont le Conseil est saisi par voie de QPC, ce membre doit se récuser en vertu du principe « nul ne peut être juge et partie » (Nemo judex in causa sua). Il faut que ce soit clair au cas où le constituant a omis d’envisager l’hypothèse lorsqu’il a constitutionnalisé les QPC.

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Je considère que le droit européen a consacré une forme de droit non écrit que je qualifierais de principe de subsidiarité de la liberté. Dès lors que « la liberté est la règle et l’interdiction l’exception » (formule du Conseil d’État français qui rappelle un principe fondamental de l’ordre juridique républicain), le citoyen européen doit pouvoir opposer au juge national la liberté que la loi nationale lui refuse si une loi d’un pays européen la reconnaît. Les citoyens européens sont tous égaux et ont droit aux mêmes libertés ; s’ils ne sont point égaux et n’ont pas droit aux mêmes libertés, ils ne partagent pas une même citoyenneté européenne. Principe de subsidiarité de la liberté, donc, parce que la législation nationale est subsidiaire s’il existe une législation moins restrictive dans l’Union. C’est une conséquence nécessaire des principes posés par les traités normatifs.

Par exemple, si les agents publics de tel ou tel pays de l’Union européenne bénéficient d’un régime d’obligations plus libéral que le régime français, le fonctionnaire français a le droit de se prévaloir du même régime que celui de ses concitoyens européens, c’est-à-dire de leur liberté, contre les atteintes de l’État français à son endroit. Comme indiqué, c’est une conséquence nécessaire de la citoyenneté européenne inscrite dans le traité de l’Union européenne, et l’on ne saurait la méconnaître sans affirmer par là-même que le traité est rempli de phrases creuses.

Ma conviction est que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, la France est particulièrement répressive. Je rappelle que le dernier classement des démocraties de l’Economist Intelligence Unit pour l’année 2018 (Democracy Index, disponible en ligne), classe la France au vingt-neuvième rang, parmi la catégorie des « démocraties imparfaites » (flawed democracies). La France est derrière les pays suivants de l’Union européenne : Suède, Danemark, Irlande, Finlande, Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, Grande-Bretagne, Autriche, Malte, Espagne, Estonie, Portugal. C’est-à-dire que, sauf la Belgique, l’Italie, la Grèce et Chypre, la France est le moins démocratique des pays d’Europe occidentale (au sein de l’UE, mais la Norvège, l’Islande et la Suisse sont également devant).

Le même raisonnement peut être tenu à partir du Human Freedom Index (France : 32e rang en 2018) et du Press Freedom Index (France : 33e rang en 2018).

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« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » (article 2 de la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État). En vertu de la loi, dès lors que l’État laïque ne reconnaît aucun culte, il ne distingue pas entre cultes majoritaires et minoritaires. Si une religion, parce que minoritaire, était légalement prémunie de la caricature, l’État laïque reconnaîtrait le même droit aux autres religions, même à une religion majoritaire. La problématique de la protection des minorités ne relève donc pas du même sujet, et il faut par conséquent faire une différence entre la critique de la religion et la critique de personnes appartenant à des minorités raciales ou sexuelles au nom de cette appartenance.

Outre l’absence de reconnaissance par la République de religions minoritaires et majoritaires, la critique de la religion est conditionnelle, la religion étant un ensemble de (croyances et) pratiques, tandis que la critique de la race est forcément inconditionnelle puisqu’un individu ne peut changer de race. Un individu ne doit pas être contraint de changer de religion contre sa volonté mais il ne peut demander, en vertu des principes qui viennent d’être énoncés, que sa religion soit prémunie par la loi de toute critique. Ce qui n’empêche pas que l’État laïque ne doit pas discriminer contre des individus en raison de leur religion, comme de leur race. Les deux principes (non-discrimination pour religion et libre critique de la religion) ne sont pas contradictoires et découlent en réalité tous deux de la liberté de culte.

En outre, il ne faudrait pas que des individus puissent se prévaloir de leur religion pour se prétendre au-dessus de la critique et couvrir par ce moyen d’éventuelles turpitudes. Or c’est ce qui se produirait si leur religion mettait par principe des individus, ou des idéologies, à couvert de la critique.

La laïcité est la liberté de culte et la liberté de ne pas avoir de religion. Elle est aussi la liberté de faire du prosélytisme : « Le prosélytisme est propre à chaque religion et ne saurait en soi être considéré comme fautif. » (Cour d’appel de Montpellier, 13 juin 2000) Il en découle nécessairement que la critique de la religion est libre, à défaut de quoi personne ne pourrait faire de prosélytisme (qui implique de mettre en avant une religion par rapport aux autres, de hiérarchiser les religions) ni ne pourrait se justifier de n’avoir aucune religion (car la justification de l’athée ou de l’agnostique passe nécessairement par une critique de la religion en général et/ou des religions en particulier).

Je remarque que la France ne passe pas, au niveau international, pour être particulièrement respectueuse de la liberté de culte, notamment du fait de sa lutte contre les dérives sectaires. On peut citer le cas de la scientologie et des Témoins de Jéhovah, pour lesquels les États-Unis ont exprimé des « préoccupations » (USCIRF, Commission des États-Unis pour la liberté religieuse internationale), ou encore celui des Brahma Kumaris, qui figurent parmi les sectes du rapport parlementaire de la MIVILUDES alors qu’ils ont une représentation à l’UNESCO, dont le siège est à Paris, sans parler de la loi française relative au voile islamique qui vient d’être « condamnée » (c’est un simple avis) par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. L’État français exerce donc une forme de critique de la religion à son niveau et il serait par conséquent incohérent qu’il la condamne chez les citoyens français.

P.S. Le terme de « critique » ici employé ne figure pas dans la loi, qui condamne les injures ou les incitations à la haine. Cependant, la frontière peut être extrêmement floue entre la critique et l’injure ou l’incitation, et il n’est pas sain que le juge soit établi en arbitre de ces questions, car c’est en faire un arbitre de la pensée, laquelle doit être libre. L’objet de cette section était de montrer que, même dans le cadre légal actuel, répressif pour la liberté d’opinion et d’expression, l’inclusion de la « religion » parmi les motifs aggravants dans les cas d’injure ou d’incitation est extrêmement problématique et, de fait, largement incohérent avec les autres pans de notre droit.

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Dans le domaine de la liberté d’opinion et d’expression, il est d’autant plus important que la liberté soit la règle et la restriction l’expression que la pensée est dialectique et que quelqu’un qui n’a pas examiné avec la même probité la thèse et l’antithèse d’une question ne peut dire avoir pensé, il en est resté aux opinions préconçues. Toutes restrictions en ce domaine interférant avec le processus de la pensée, elles doivent rester aussi exceptionnelles que possible. C’est là sans doute un truisme puisque le principe est consacré depuis longtemps, mais la pratique a malheureusement tendu à s’en écarter, avec la création d’un contentieux de masse.

Cette remarque relative au système judiciaire français est également valable pour des procédures disciplinaires envers des agents publics. Un devoir de dignité, par exemple, ne devrait pas être opposé à la pensée individuelle, qui, dans son cheminement dialectique, doit pouvoir « penser l’indigne », et un fonctionnaire ne peut renoncer, en tant qu’il reste un être humain, à la pensée. En outre, sans doute fatalement, les lois de restriction de la parole, si elles ont contribué à créer en la matière un contentieux de masse incompatible, en réalité, avec un ordre républicain (la liberté est-elle encore la règle quand il existe un contentieux de masse sur des restrictions à la liberté d’expression ?), n’atteignent pas leur objectif affiché, concernant la protection des minorités, puisque les études sur les discriminations à l’embauche ou les contrôles au faciès, par exemple, montrent que ceux-ci restent fréquents en France. L’approche des États-Unis d’Amérique en ces matières, totale liberté d’expression et lois anti-discrimination (à l’embauche), est la seule voie véritablement démocratique.

Or ce pays a également une approche plus démocratique de la fonction publique. La question du devoir de réserve et de neutralité des agents publics se pose en effet aux États-Unis de manière différente, ou plutôt ne se pose pas, en raison du spoils system (système des dépouilles), qui fait qu’une majorité politique remplit elle-même, en puisant dans ses propres rangs, les postes de la haute fonction publique. Dès lors, la haute administration nord-américaine adhère par conviction à la politique conduite par la majorité politique. Le sociologue Max Weber a montré divers défauts de cette conception de l’État, qu’il décrit comme archaïque et vouée à être remplacée partout par le système qui constitue véritablement l’État moderne selon lui, à savoir une administration occupée par des fonctionnaires indépendants du pouvoir politique, techniciens neutres et impartiaux de la chose publique. Mais cette conception serait elle-même excessivement problématique, serait une violence à la nature humaine plus grande que les vieilles morales ascétiques, si elle aboutissait à concevoir la neutralité et l’impartialité comme imposant au fonctionnaire de n’avoir aucune opinion personnelle, ou d’avoir telle ou telle opinion. Impartial ne veut dire ni sans opinion ni centriste.

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Fonctionnaire international, Cornélius Castoriadis (1922-1997) fut économiste à l’OCDE, où il occupa à la fin de sa carrière un poste de directeur de département. En même temps révolutionnaire déclaré, théoricien de l’autogestion ouvrière, il écrivait sous pseudonyme ce que d’aucuns pourraient appeler des brûlots anticapitalistes, dont il ne révéla être l’auteur qu’après sa retraite (à cinquante ans), où il en publia une nouvelle édition sous son vrai nom. Le fait qu’il ait écrit ce qu’il a écrit entache-t-il la neutralité de ses travaux d’économiste senior pour l’OCDE ? Si la réponse est oui, l’anonymat était  lui-même une faute vis-à-vis de l’institution qui l’employait car la révélation ex-post de ses écrits jette de manière rétrospective le discrédit sur celle-ci. Si la réponse est non, l’anonymat n’était pas justifié. Ou bien l’anonymat était justifié seulement comme une défense face à de la malveillance toujours possible. Mais, dans un État de droit, la malveillance ne doit pas prévaloir sur le droit.

Prolegomena to the Ultimate System of Philosophy (or Tweetantho 10)

The first part presents tweets from Nov-Dec 2017, the second part is older tweets that were omitted in my previous anthologies and that on second thought I want to publish on my blog.

Nov-Dec 2017

Do you think hashtagging mass shooters’ names like #KevinJansonNeal or #StephenPaddock or #ScottOstrem or #DevinPatrickKelley will provoke attention-seeking shootings? Explain why you think so.

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1/ I think straight workers suffer more than gay bosses in this world.

2/ X: I’m a worker and I’m gay. Me: Yeah? What are you doing for your fellow workers?

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#AddParenthesesRuinAFilm The Sound of (Elevator) Music (Peter Grant, ‘Author of the popular Stinky Stories’)

Thinking about that movie would actually spoil my enjoying the music in the elevator.

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My working-class friends and Salvador Dali have one commonality: Contrary to art critics, they are aware today’s painters don’t know their job. (Cf Les Cocus du vieil art moderne)

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#IlovetheWayYou

are trying, while talking, to open that chocolate box I’ve brought and the box ends up in shreds.

always say the most awkward things at parties, dear, but don’t you try my patience too much.

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Uncle Zim

1 /Mugabe has his good side. He once called Tony Blair and Britons “gay gangsters,” which sounds very accurate.

2/ Mugabe’s paramilitary were called the Green Bombers and that’s cool. First thing next spring I buy me a green bomber jacket.

3/Defiant Mugabe vows to stay on (BBC)

#ImWithZim

4/

Uncle Zim
You’re the life of this country
Without you it’s all dust again over the desert extent
Black grandees there will be yes:
Black lustered Chesterfields where multinationals’ goons will be sitting.

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A scientist is a specialist. Another name for a specialist is a manic. Manics belong to the loony bin.

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I wonder if I am truly insane how I would know that. (Wednesday’s Child)

Besides, the institution’s policy is to not contradict your delusions.

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#MyFiveYearPlan Buy a Principality somewhere and then maybe Australia. (Wednesday’s Child)

Australia is not for sale as it is the inviolable property of the Dutch.

That would be news.

History can be news. [See Tweet Anthology 6 here: The Truth About New Holland (A Dialogue)]

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#QuestionsForAMan How do you feel about earning less than any woman in my Glorious Revolution? (Wednesday’s Child)

As a Christian convinced there’s a Chosen People of which I’m no part, I am fit for any kind of abject subservience whatsoever.

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Silicon Sycophants and Twitter: It was found in labs that compliments, although knowingly made by bots/computers/screens, light on a little light in the reward system of our brains… And now we’re swamped by bot flattery.

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More people die from alcohol than from guns in USA. Why do you ask for gun control and not for Prohibition?

Gun control is opposed to Socialism. For all Socialist thinkers that I know, a standing army is a parasitic scourge and Socialism is by definition the armed people.

The first decree of the Commune was the eradication of the standing army and its replacement by the armed people.” (Karl Marx, The Civil War in France, quoted by Lenin in The State and Revolution)

The disarming of the workers was the first commandment for the bourgeois, who were at the helm of the state” (Friedrich Engels, preface to Marx’s The Civil War in France, quoted by Lenin in The State and Revolution) => Bourgeois Gun Control [See also Ernesto Cardenal’s experience in revolutionary Cuba, in Tweetantho 9 here]

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#AlcoholIn4Words

The Reason Islam Wins (because Islam prohibits alcohol). Islam will rule over you, wino kafirs. You’ll pay the kafir tax and jumbo heavy boozer taxes.

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The reason why it takes some time for driverless cars to pervade our environment right now is not technology but legal matters: In case of accident, who’s legally responsible?

And how does an AI taxi decide who to injure in an unavoidable collision?

Yes, maybe a machine can make such decisions, and the only criterion I can think of is minimizing the body count. As to a human driver, he probably can’t think much before crashing on the right or on the left. On the other hand, if AI is that efficient, the car may choose to hit a group of 5 rather than a group of 2 if it can predict the impact will only injure the 5 but kill the 2.

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Yes. Now my Followers outstrip my Following. This is the natural order of things. (Wednesday’s Child)

Let’s say one number shows how popular you are and the other number shows how curious you are. Which one shows you’re an interesting person?

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On the so-called Common Era. Are you telling me it’s more respectful of others to call the era starting with the birth of a Galilean “common” (to everyone)? That looks like awful cultural imperialism to me! The so-called Common Era is no more common than the Muslim Era or the Buddhist Era or any other Era. Stop the nonsense.

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Children in single-parent families by race (U.S. 2015): Black 66%, American Indian 52%, Latino 42%, White 25% (1 out of 4), Asian 16%.

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US President Donald Trump receives Bahrain’s crown prince at the White House; promises a $9bn deal with Arab country. (Press TV)

Is U.S. a free enterprise country? Business deals are made by politicos and diplomats. Not competition but connections is the key word. (Competition persists somewise for the small fry.)

[As was already perceived by Lenin: ‘’Finance capital has created the epoch of monopolies, and monopolies introduce everywhere monopolist methods: the utilization of ‘connections’ for profitable transactions takes the place of competition on the open market.’’ (Imperialism: The Highest Stage of Capitalism, 1917) One hundred years later we are still stuck in the highest stage of capitalism…]

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You vote for politicos #AddSpanishImproveAnything

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Don’t expect too many respectable married women to join the ROSEARMY [actress Rose McGowan’s movement for improving awareness of concealed sexual harassment and sexual crimes]. As their children’s thriving depends not a little on their father’s unblemished reputation, they’ll stand to their man like ferocious she-wolves, no matter what he did.

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American casualties in Vietnam War (dead): 58,209. US population in 1961: 183.7M, hence 91.85M males, of which above 19 years old: 56.25M. Makes 1 adult American male out of 1.000 – dead in Vietnam War (a war lost by US).

American casualties in WWII (dead; military and civilian): 419,400. US population in 1941: 133.4M, hence 66.7M males of which (applying same ratio as 1961) 40.92M above 19 yrs old. Makes 1 per cent, 10 per 1.000 American adult males dead in WWII.

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Older Tweets

I’m tired of being a hard-working man.

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John Bolton… Weird name… for a neocon.

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Reality Check: @AJUpFront reveals how Obama’s immigration policies have led to millions of deportations. (Al Jazeera English)

Deporter-in-Chief” ‘s both supporters and detractors think he’s been immigration-friendly. Completely misjudged by both friends and foes.

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Except for the clenched fist, Trump’s hand gestures are subtly effete. Most people don’t perceive the dissonnance consciously. His subliminal hermaphroditism has made Donald Trump win.

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Everyone commented on whom Trump nominated as ambassador to Israel, but only a few commented on Rex Tillerson as head of the Department of State. Tillerson is the oil lobby. Historically, the oil lobby has been the major, perhaps the sole counterbalance to AIPAC on U.S. foreign policy because the oil lobby doesn’t want U.S. to alienate Arab countries altogether. When the Zionists want to say U.S. foreign policy is biased, they say it is dictated by the oil lobby, meaning that it is not pro-Israel enough, that too much attention is given to Arab demands. But the media kept silent on the meaning of Tillerson’s nomination, so people won’t support him and he can fall any time in the general indifference.

[With Saudi Arabia’s new stand on the Middle East affairs, this comment of mine may already have lost a good deal of relevance.]

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These Arab leaders [faced with Zionism] are all talk and no action.

While the Israeli left have been so effectual, haven’t they?

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Let it be known from the outset that Mexican immigrants are “just another brick in the Wall.”

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Church attendance and mass-media consumption makes you a double sucker.

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Nietzsche said a passion for history is a crippling one.

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Business mouthpieces –read: the media– are all for cheap-labor immigration and, of course, government assuming the costs.

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I stopped listening President Trump’s joint address to Congress at the “unbreakable alliance with the state of Israel.” No state ought to be given blank check. Wrong message to the world! Make Israel a state of the US, if that’s the idea, or treat it like any other state.

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Remember the “rooster dance” from Chinese PLA [People’s Liberation Army] soldiers? Here comes the dress rehearsal. (People’s Daily, China)

Why are they doing this? It’s insane. You’ve got some real whackos at PLA command, I tell you. Scary. Take off the guns from these nuts.

[Of course, the aim of this clownish ‘rooster dance’ is to sugarcoat for the feeble-minded the repressive nature of the army.]

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Israeli TV Host Denounces Treatment Of Palestinians: ‘Apartheid Has Been Here For Ages’ (Nation of Islam Research Group)

He can say that without being called an antisemite, while you can’t. Your not being a Jew puts you at risk, on some topics, to be called an antisemite –if that’s of any consequence– whereas being a Jew makes the label rather irrelevant.

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The problem is that the art world has been a bastion of the left forever. Why should taxpayers fund it? (Kevin McDonald)

How do you account for this? Is it because people on the right have no taste?

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Remember Zionist Jonah Goldberg: “Why wasn’t Assange garroted in his hotel room years ago?” (Chicago Tribune)

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Judge Gorsuch will be sworn in at the Rose Garden of the White House on Monday at 11:00 A.M. (POTUS) (April 2017)

Ah, Rose Garden, Saadi, Gulistan…

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Since the American airstrike on Syria I sense the climate in U.S. has considerably warmed for the President… This is appeasement.

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Not invade a country [Syria] because Ivanka [Trump’s daughter] cried at some pictures.

I can show her pictures of a few Yemeni children if she likes pictures.

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Remember, there’s no shortage of important work that can be done only by humans. (MITSloan Mgmt Review)

Who told you humans wanted to do these jobs?

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Black people live in the “ghetto.” But Jewish intellectual Allan Bloom objected to their using the word, because the Jewish ghetto was… cultured.

[I can’t tell whether Allan Bloom said such callous things only in private or not, as my source is the book of memories Ravelstein (2000) written by his friend the Nobel Prize Saul Bellow, who quotes him saying (I must quote in French as I read it in that language): ‘’Les Juifs du ghetto avaient une sensibilité hautement développée, un courage civilisé – des milliers d’années de formation. Ils avaient des communautés et des lois. « Ghetto » est un terme de pisse-copie ignorant. Ce n’est pas d’un ghetto qu’ils viennent, c’est d’un ramdam bruyant, aveugle et nihiliste.’’]

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The most beautiful city in the world (Paris)

Blow it: make it a livable, comfy place, not a museum. Signed: A Parisian.

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Given that President Evo Morales has banned the Rothschild bank, if Macron is elected will the President of France be able to travel to Bolivia? Think about it.

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Remember the Battle of Puebla and Mexico’s anti-slavery roots. On this day in 1862, Mexico struck a blow against white empire. #CincodeMayo

An outrage to every Moulin Rouge and Crazy Horse artiste and champagne supplier.

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Schopenhauer has a phrase for Western Civilization, he calls it “foetor judaicus.

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Euphemisms for “animals” in research departments: Neurophysiology: preparations Ecology: systems Psychology: Ss Medicine: models Any more? (Richard Dawkins)

How many have you vivisected yourself?

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Here’s (More) Evidence Testosterone Makes Men Dumber (NYMag)

As reaching high social status boosts one’s testosterone, then becoming a big man makes one dumber.

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If a Pontifex doesn’t have a grim face, then he must be doing naughty things behind closed doors…

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Love is real, by John Lennon, sounds very much like Love Israel. I’ve stopped humming it.

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The very idea that the British tried to convert worthy Hindus to Anglicanism gives me the shudder. Luckily that was a total failure. Cf Schopenhauer.

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I have an ancestor called Sheikh Qadhib, which could mean sword or penis.

My beurette girlfriend calls me Kabir Qadhib.

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The president of the EU commission, Jean-Claude Juncker, reminds Donald Trump of the legal technicalities of the Paris Climate Agreement. (June 2017)

“I’m a Transatlanticist, whatever that means. That means nothing but it means everything.” Couldn’t be clearer. Be warned.

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Je suis Charlie Qatar. #QatarCrisis

As UAE is expelling Qatari citizens, UAE citizens will be expelled from Qatar, some of them losing a livelihood. What is Emirati authorities’ plan for them? No plan, I guess. The authoritarian decision isn’t supported by Gulf populations, which haven’t been consulted and won’t be allowed to speak out.

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Thank God, no terror attack in France today during national election. How could media cover both election’s results and the attack?

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When I see gypsies begging with children I am appalled; it’s like my country’s government never heard of robachicos abducting children to exploit them. In backwater France, the government lets gypsy women beg with babies in the street. Who are these babies? They could be abductees, for all we know. So many child abductions and yet the French government lets gipsy women beg with children at the foot of the Eiffel Tower!

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How can I be sure my wife’s employer won’t ask her to lift her niqab in the backroom?

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Schopenhauer thought whites were “whitened blacks” while Darwin thought blacks were “blackened whites.”

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Dentists have a lousy job (that pays well); they turn to politics whenever they can. Spending the whole day on filthy mouths… I’d rather be a bum.

I can be brutally frank because I use English and I think my dentist won’t read it and won’t pull out all my teeth in retaliation.

Films The Dentist (1996) & The Dentist 2 (1998) by Brian Yuzna are good, funny approaches of this sensitive topic.

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Congress should enjoy no exemptions in any area differing from an American citizen. (James Woods)

People voting for Congress means people have no power on Congress. See what I mean?

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I like Twitter coz they never know it’s u clicking so u can boost ur own private stats clicking like mad on ur own tweets!