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Philo 26 Le corps du moi : Etude transcendantale
FR-EN
« Par-delà le bien et le mal » : si les enfants de quatre ans formaient un parti politique, ce serait leur programme. Des enfants de quatre ans, on en trouve de tous les âges. Il y a des adultes qui sont des enfants de quatre ans. Ils n’ont pas le temps de lire Nietzsche, qui devait bien le savoir. Car lire de la philosophie, ce n’est pas précisément être par-delà le bien et le mal, mais devenir vieux.
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Le droit de rêver
Le grand sommeil auquel j’ai droit après ma mort et le droit de rêver que j’ai dans cette vie.
(ii)
La perspective d’un grand sommeil n’est pas du tout réconfortante, car le sommeil est agréable seulement quand on est sûr de se retrouver au réveil. Ce sont bien plutôt ceux qui croient à la résurrection qui éludent le sérieux de la mort, en s’inventant un réveil après celle-ci. Mais ce sont des rêveurs, car dans la mort on se perd à tout jamais. Dormir dans ces conditions est pire que souffrir pour l’éternité ; c’est donc nous autres, en sachant tout cela, qui avons pesé le véritable enjeu. La peur de se perdre dans un sommeil sans réveil est plus grande que la peur de souffrir éternellement, à laquelle on ne peut croire un seul instant, même avec la meilleure volonté du monde, car il nous manque l’organe pour appréhender ce que veut dire le mot « éternellement ». C’est donc une peur véritable, tangible et pesée, virile, contre une peur puérile, une imagination d’enfant qui voit des monstres dans le noir. Ainsi, plus on jouit de la vie, plus on est content de soi, et plus l’enjeu est sérieux et la pensée profonde. Plus la vie nous est chère et plus sa perte est une affaire sérieuse. D’ailleurs, dans toute vie il y a des hauts et des bas, ce n’est pas un long fleuve tranquille ; c’est vivre pleinement qui compte et ce n’est pas donné à tout le monde. Que ceux qui vivent chichement, les médiocres, croient au paradis pour se consoler, c’est à nous de pleurer une si grande perte que notre moi et la vie qui va avec. Amen.
– Des larmes pour être sérieux ? Vous n’y pensez pas, cher ami ! C’est celui qui rit le plus fort qui prend la condition humaine le plus au sérieux. Une gaîté indéfectible est la preuve que la décadence n’est pas notre lot et que c’est donc une vie mâle et du meilleur alliage qui se dissoudra dans le néant fatal. Ce dont je ris aussi, bruyamment, parce que le rire aère les bronches des natures saines.
– Certes, mais entre deux rires toniques il est important de dire leur fait à ceux qui nous prennent pour des esprits légers alors qu’ils vivent dans les enfantillages et rendent toutes choses ridicules.
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La remarque de Carl Schmitt selon laquelle une guerre au nom de l’humanité est le moyen de conduire une guerre complètement inhumaine, en déniant la qualité d’homme à l’adversaire, est, faut-il ajouter, un excellent moyen de se faire craindre, car c’est dire : « Je suis celui dont il faut attendre la plus grande inhumanité. »
« Der Krieg spielt sich dann in der Form des jeweils „endgültig letzten Krieges der Menschheit“ ab. Solche Kriege sind notwendigerweise besonders intensive und unmenschliche Kriege, weil sie, über das Politische hinausgehend, den Feind gleichzeitig in moralischen und anderen Kategorien herabsetzen und zum unmenschlichen Scheusal machen müssen, also nicht mehr nur ein in seine Grenzen zurückzuweisender Feind ist. » (Der Begriff des Politischen, 1932)
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Prétendre qu’on n’a pas une foi absolue en la raison (absolute Vernunftsglaube) quand on n’est pas hégélien est ridicule car ce n’est pas forcément parce que Hegel professait une telle foi que son système est un résultat conforme à celle-ci plutôt qu’un amas d’absurdités. On peut avoir une foi absolue dans la raison tout en connaissant ses limites. En l’occurrence, ne pas croire à la possibilité d’un « savoir absolu », dans la mesure où l’on entendrait par ces mots ce qu’ils nous demandent d’entendre d’eux-mêmes, n’est pas accuser la raison d’insuffisance, car c’est croire à ce que disent ces mots qui est la marque d’un profond manque de discernement.
D’aucuns prétendent sauver l’expression hégélienne de « savoir absolu » en indiquant sa limite selon Hegel lui-même, mais alors que Kant dit clairement que la métaphysique peut être close, « absolue », au contraire de l’empirie, il est beaucoup moins certain que (1) Hegel ait écarté toute prétention à une clôture possible du savoir empirique à l’intérieur de son système et (2) que son idée du savoir absolu ait un sens en dehors d’une clôture complète de tout le savoir, car comment penser une fin de l’histoire si la connaissance empirique nous réserve peut-être encore et toujours des surprises ?
On ne le peut que si l’on décide a priori que les résultats empiriques n’ont aucune importance pour nos conceptions historico-politiques, c’est-à-dire n’ont aucune influence sur la pensée pratique, donc que la pensée dans sa dimension pratique est a priori. Le scientisme des élites politiques contemporaines, la légitimation censément scientifique de leur discours, est dépourvu de fondement et vise à déterminer a priori les résultats scientifiques admissibles, c’est-à-dire à lier la science empirique à des considérations exogènes à la praxis scientifique autonome. Les masses prennent la science pour la légitimation d’un discours technocratique qui décide en réalité de ce qu’est la science à partir d’une métaphysique occulte.
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Les « Idées de la raison » sont au nombre de trois. Trois idées dont le matérialisme ne peut comprendre qu’elles figurent dans une même catégorie, à savoir le monde avec l’âme et Dieu. – Qui ose parler de kantisme français, de kantisme dans le pays de l’athéisme (Schelling : « der französische Atheismus ») ?
(L’expression de Schelling, tirée de son essai de 1809 Über das Wesen der menschlichen Freiheit, ne vise pas à distinguer l’athéisme français d’autres athéismes : il s’agit pour Schelling, dans le passage où il emploie cette expression, de dénoncer l’athéisme en rappelant d’où vient cette immondice, à qui nous la devons.)
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Le corps du moi :
Étude transcendantale
(i)
C’est moi qui me donne un corps. Ce corps que « je suis » avant d’avoir une conscience n’est pas mon corps car avant d’avoir une conscience je n’ai pas de moi. L’animalité me précède. Est-ce un corps ? Avant d’être un corps que je me donne, je suis un corps manipulé par d’autres et l’animalité qui possède ce corps ; donc ce n’est pas moi qui me donne un corps. Mais la conscience précède le langage et dès que j’ouvre les yeux au monde je suis en fait conscient et me donne un corps. C’est donc après avoir ouvert les yeux que je me suis donné un corps ? Je nais corps parce que représentation – plutôt que représentation parce que corps, bien que la représentation suppose des sens, donc un corps ? Je crie et pleure et lève mes petits poings serrés vers le ciel au contact de l’air et de la lumière qui me particularisent parce que je leur donne par mon corps –que je me donne– le pouvoir de m’affecter. La conscience me vient dès que je sors du ventre. L’animalité me précède dans le ventre : c’est elle qui donne des coups de pied. Mais hors du ventre c’est moi. Mais c’est bien un corps qui sort du ventre, donc le corps précède la conscience ; pourtant, dis-tu, la géométrie ne le permet pas –la géométrie !– car elle montre que nous ne savons rien des choses et que les corps dans la nature, la nature elle-même n’existent que pour la forme de notre intuition. Or il m’est démontré que mon corps précède cette forme. Il existe des photos de ce corps peu après qu’il fut sorti du ventre, on sait que c’est ce même corps qui s’est mis à babiller, à marcher, puis à parler un jour. Tout est dans la nature.
Si ce corps m’a précédé, ce n’était le corps de personne ; d’où lui suis-je venu ? Ou bien encore, je n’étais personne, donc je n’étais rien, que j’avais déjà un corps. Ce corps a développé un moi. Un moi dont il n’avait pas besoin car les fougères, ces corps végétaux, n’ont pas de moi (que nous sachions) et remplissent les mêmes fonctions naturelles que ce corps mien, en envoyant des graines dans l’atmosphère pour donner naissance à de nouvelles fougères, avant de flétrir et de se décomposer. Ce corps-ci qui n’avait pas besoin de moi se serait donné un moi. Avais-je, moi, besoin de ce corps ? Si la réponse est oui, n’est-il pas plus probable que je me sois donné un corps, ayant besoin d’un corps, que le corps se soit donné un moi, n’en ayant pas besoin ? Et si les fins naturelles du corps ont leur propre dynamique, les fins propres que je me connais n’ont rien à voir avec celles-ci tout en ne se laissant pas concevoir autrement que dans un corps (car même quand je veux me voir en pur esprit je me vois seulement comme un corps invisible et flottant quelque part dans l’air, c’est-à-dire en fait comme un corps dans une nature disposée un peu différemment). Il semblerait donc que je sois bien plutôt le parasite de mon corps. Dès lors, les corps existeraient avant la représentation, mais afin que des « moi » se les approprient à leurs propres fins, même au point de ne plus leur laisser poursuivre librement ces fins qui sont celles des corps, comme la reproduction. Car que fait à ce moi la reproduction des corps ? Elle ne lui sert de rien puisque le moi disparaît, sort du monde avec le corps qu’il occupe. Pour la philosophie de la transmigration, il en sort et se réapproprie un nouveau corps mais, malheureusement pour lui, dans ce nouveau corps c’est comme un nouveau moi qui ne se connaît plus comme le moi qu’il était ; cela revient donc au même que s’il avait disparu.
Alors que ce corps ne veut au fond qu’une chose, se reproduire, je ne me reproduis pas. Ce corps est alors un rebut de la nature. Car ce corps a besoin d’un autre corps pour se reproduire, et cela demande des efforts, cela suppose de surmonter certains obstacles, une intelligence qu’on ne trouve pas ici. Que faut-il penser de cette intelligence ? Elle est la chose la mieux partagée au monde, la qualité la moins rare qui soit. Et ces trésors d’intelligence que recèle l’animal qu’on appelle, pour le distinguer des autres, raisonnable, lui servent à faire ce que font les fougères et les champignons, l’intelligence sert à se reproduire avant de se décomposer.
(Le malentendu possible, en parlant de reproduction, c’est que l’on peut reprocher à celui qui ne se reproduit pas de manière connue –et nous ne parlons plus ici que des individus mâles– de réaliser les finalités de son corps aux meilleures conditions en faisant subir les conséquences de ses actes de reproduction à d’autres en termes d’investissement parental, de se reproduire en faisant payer le prix de cet investissement à d’autres. C’est le fameux coucou, cette fascinante invention de la nature. Si l’on veut éclairer ce domaine des conduites par la notion d’intelligence, c’est bien à la pensée du coucou que l’on est conduit, et il peut arriver en cette matière qu’on prenne l’échec pour un succès et le succès pour un échec.)
C’est moi qui me donne un corps parce que la conscience indivisible en soi se donne un corps dans la représentation. C’est « moi, conscience indivisible », qui me donne un corps individuel, une vie individuelle. La vie se perpétue dans la nature par des germes et des embryons pour l’autoreprésentation de la conscience indivisible en soi, qui dans l’existence particularisée, dans la nature, est encore indivisible mais plus en soi car dans la représentation. En tant qu’indivisible elle se trouve en chaque individu à l’identique, d’où une forme universelle de la subjectivité, mais en tant que phénomène elle s’est individualisée dans des formes particulières. C’est pourquoi je dis « moi » du point de vue de l’universalité et comme phénomène je dis « elle », aussi bien que je dis « moi » comme phénomène et « elle » du point de vue de l’universalité.
(ii)
„Die Dinge an sich al affizierende Ursachen“
(Erich Adickes, Kant und das Ding an sich: Dritter Abschnitt)
La chose en soi agit sur nos sens, notre sensibilité. Or la sensibilité est le corps, présuppose le corps, donc l’espace et le temps…
Les phénomènes sont les objets des sens. Ce que je connais par les sens est inconnaissable en soi. Mon corps est inconnaissable en soi. Quand je parle des sens, d’où je conclus à l’inconnaissable des choses en soi, de quoi parlé-je donc ? Dire que les phénomènes sont les objets des sens, c’est dire qu’ils sont des objets pour le corps, lui-même phénomène. « La chose en soi agit sur ma sensibilité » : la chose en soi présuppose le corps plutôt que le corps la chose en soi.
Ce qui naît est chose en soi : un corps pour les intellects qui le voient naître, un corps pour ma propre conscience dès qu’elle est suffisamment développée. Il faut un corps pour avoir des sens. Il faut ce phénomène pour percevoir des phénomènes. Je ne nais pas dans l’espace et le temps, je ne nais pas dans la nature, autrement que comme phénomène pour la sensibilité de ceux qui me voient naître et pour ma propre sensibilité. La nature complète, fermée sur elle-même comme totalité –le monde–, tout peut s’expliquer par ses lois, hormis les jugements synthétiques a priori : la géométrie ! Il n’y a pas de nature sans la géométrie, et où la géométrie se trouve-t-elle sinon dans l’entendement pur ? C’est l’entendement qui donne ses lois à la nature. La géométrie est l’intuition pure, reine Anschauung, ce qui se ramène à la sensibilité pure, reine Sinnlichkeit, aux sens avant tout objet des sens. Tu dis : « La géométrie est une simple réflexion de la faculté naturelle de l’intuition conditionnée par la sensibilité, ce travail ne suppose aucun pouvoir législateur de l’entendement. » Donc, la causalité n’est que la généralisation empirique de l’habitude et n’existe pas de manière inconditionnelle : la science ne repose sur rien. Kant avait le plus grand besoin de la prémisse de la scientificité empirique car seule cette prémisse, en tant qu’inconditionnalité des catégories, pouvait emporter la conviction d’une aufgeklärte Menschheit, d’une humanité éclairée, quant au fait que la nature n’est pas le tout de l’homme. Il faut que la science repose sur quelque chose, et cela ne peut être que sur des catégories inconditionnelles qui ne se tirent pas de la nature par induction dans l’expérience mais fondent la nature en fondant l’expérience possible. La possibilité de la science est la preuve du surnaturel. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. »
(iii)
„Der Sinnlichkeit gemäß“
Le problème de la sensibilité reste entier, car autant les catégories sont des entités intellectuelles, « esprit », autant les sens sont la même chose que le corps. Dire que la chose en soi est pour nous un objet phénoménal « der Sinnlichkeit gemäß » (conformément à notre sensibilité), c’est dire qu’elle est un objet parce qu’il y a notre corps, que l’on veut voir lui-même comme un objet phénoménal alors que ce corps est ce qui conditionne la possibilité de la corporéité phénoménale des choses, « der Sinnlichkeit gemäß ». Le fondement de la géométrie est le corps dont la géométrie est censée réfuter, via les jugements synthétiques a priori, l’existence en soi en tant que corps, avec ses propriétés de corps. Par conséquent, pas de géométrie sans ce corps dans la nature avec sa sensibilité, plutôt que pas de nature sans géométrie. La géométrie repose sur la nature et non la nature sur la géométrie. – Donc la science ne repose sur rien !
(Nous avons en partie répondu, ou essayé de répondre, à ces raisonnements dans notre Apologie de l’épistémologie kantienne. La sensibilité est certes à distinguer de l’entendement et de ses catégories, mais la localisation cérébrale de la pensée permettrait de dire que la pensée, les catégories sont le corps, de même que nous disons ici que les sens sont le corps. Certaines expressions de Kant, comme ce « conformément à notre sensibilité » cité par Adickes, et d’autres du même acabit dans Schopenhauer, ne sont guère heureuses du point de vue de la philosophie transcendantale et prêtent facilement le flanc à la critique matérialiste.)
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Le portrait de Duchmol Gray 2
« Le portrait de Duchmol Gray (Tw19) : Accusés de vol en réunion pour avoir décroché le portrait de Macron : « On risque quand même cinq ans de prison. » (France 3 Alsace) Il n’y a pas de vol quand on ne convoite pas l’objet pris et qu’on le tient à la disposition de la justice pour lui faire prendre la poussière à la Caisse des dépôts. »
C’est le principe général du droit connu sous le nom d’animus furandi. « The offense of theft consists of the dishonest taking of any moveable property out of the possession of another without his consent. Dishonest intention exists when the person so taking the property intends to cause wrongful gain to himself or wrongful loss to the other. This intention is known as animus furandi. » (bnblegal)
Comme il n’y a clairement pas de « gain pour soi » dans le décrochage du portrait présidentiel, l’accusation voudrait sans doute affirmer qu’il y a une « perte pour l’autre », à savoir la mairie d’où le portrait a été décroché. L’appréciation de cette perte ne peut dépendre, en l’occurrence, du point de vue des personnes privées en charge du fonctionnement de la mairie, elle dépend de celle des administrés, qui sont dans cette affaire « l’autre » qui subit la « perte ». Or, puisque le portrait n’est là que par la volonté de l’exécutif communal (« une coutume mais pas une obligation »), on ne peut présumer que les administrés soient plus heureux de voir ce portrait sur les murs de la mairie que de le voir décroché.
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Child Tax System
(Continuation)
Continued from A Discussion of Dr Robin Baker’s Child Tax System (Nov 2015, here) which starts with the words: “In his book Sex in the Future (1999), evolutionary biologist Dr Robin Baker (University of Manchester, UK) advocates a ‘child tax system’ in which each male genitor, as determined by now available and satisfactorily reliable paternity tests, would be required on a systematic basis to provide financial support for each of his genetic children.”
(i)
My own view on the issue is resting on an old legal notion expressed in the Latin phrase “exceptio plurium (concubentium).” The exceptio plurium, namely the objection that the mother had several lovers at the time of child conception, is a legal impediment to paternity claims. Dr Robin Baker’s proposal amounts to dismissing this notion with the advent of genetic testing.
In a 1972 French law creating the possibility for a fatherless child to sue a man for maintenance if the child could convince a court of law that that man was his mother’s lover at the time of his (the child’s) conception, the possibility was still made void by the defendant (the lover) invoking the exceptio plurium. A child could even sue and get maintenance money from several men in cases like gang rape, in which case the exceptio plurium is no defense. Even allowing for such exceptions a paternity claim could always be rebuked through invoking the woman’s debauchery.
Dr Baker says each genetic father should be made to pay. To rephrase it along the line of legal studies, the exceptio plurium would be a case of “old law is cheap law” (De Geest): Back then we could not ascertain genetic paternity but now we can, so what the legislation and especially courts of law have to do is integrate genetic testing as proof in judicial proceedings and draw the consequences, rather than rely on intricate constructions based on ballpark estimates. I believe this is not so simple.
First, there is abortion. A woman who does not want a child can terminate her pregnancy, that’s her right, but in Dr Baker’s system a man who does not want a child would, if known as the genetic father, still have to pay for the child. Men have less room than women in his system. How is this fair?
Dr Baker’s system pampers women’s feelings and hurts men’s in yet another way. According to evolutionary psychology, men cheat on their legitimate spouses in order to replicate their genes without incurring the expenses of raising the offspring, whereas women cheat in order to carry babies with better genes than their men’s. Therefore, irrespective of their sexual activity being legitimate or not, women’s psyche is geared toward raising babies, whereas that of men is so geared only with their legitimate partners (in fact, with anyone the man himself finds legitimate, as he may legitimize natural children, which by the way is disguised legal polygyny as the man can thus have legitimate children from several simultaneous women). Dr Baker’s system is vexatious to men’s psyche. Again, how is this fair if each gender’s psyche being the result of natural evolution is per se neither fair nor unfair?
If we examine the rationale behind the legislator’s making an exception to the exception (to the exceptio plurium), we will reach the conclusion that it is not a case of “because genetic paternity could not be ascertained.” It is the exceptio plurium itself that is a result of this lack of certainty in the past and not the exception to it, which derives from an altogether different reason. The reason is that, in the case of gang rapes for instance, it doesn’t matter who the genetic father is, all men involved owe maintenance money to the child. This is because one may argue they had to form a gang to reach their end, the gang was the means to the end. In such cases it is Dr Baker’s proposal that would be “cheap law,” because it would subsume the exception under the same head again from which the legislator had wanted to distinguish it in order to take specific circumstances into account.
(ii)
I took the man and woman who cheat as example but Dr Baker have single mothers in mind. The successfully cheating wife keeps pouring her man’s wealth on her children anyway, so she doesn’t even need a child tax. But I took this example to show that when both parties do what they shouldn’t the law should do nothing. In the West criminal penalties for adultery have been canceled but adverse legal consequences remain in civil, namely divorce procedures, so we may keep saying that people shouldn’t cheat their spouses legally speaking. (Consideration of the civil negative effects of adultery –namely, that the adulterous spouse may be the loser in a divorce– should have precluded legalizing the legitimization of natural children, because this is legal polygamy by means of adultery, which is absurd.)
This leads to the conclusion that intercourse shouldn’t be had by unmarried people either, if the woman wants the man to invest in the child, that is, because outside a binding contract the law is not bound to see her as committed to one man, only marriage can have the law presume her bound to one man and clear her presumptively from exceptio plurium concubentium.
(iii)
In a recent exchange Robin Baker has reiterated that his proposal is simple, that it could be passed, if not for the floating notion of fairness, in any case for the sake of simplicity. I confess I had the faint notion that he was moved by a will of more fairness for single mothers, but all right let’s examine the argument of simplicity.
To be sure, filiation law is a mess. As I said, it’s all “intricate constructions based on ballpark estimates.” This describes among other things the guesses judges and legislators have to make about the “moment of conception.” They have had to refine presumptions about said moment in line with developments of biology, but refining here has actually meant to make their guesses more ballpark because they would take into account more and more exceptions to a basic 9 months computation! A serious taking of science into account seems to make things more intricate and this is consistent with the phrase I used, “old law is cheap law” – cheap because old law used to make gross assumptions about biological phenomena, rigidly excluding possible deviations which we know can occur and therefore must make room for. Will genetic testing make things easier rather than the contrary?
Exceptio plurium is an impediment to paternity claims, that is, it will prevent the court from looking further into the merits of the claim; it stops there. This is convenient and simple for courts.
Then there is the U.S. Supreme Court’s decision Michael H. v. Gerald D. (1989). “Primary Holding: A state can create an irrebuttable presumption that a husband is the father of a child born into his family.” (supreme.justia) The California law that prevailed against a DNA test is one of the oldest and simplest systems, encapsulated in the Latin phrase Pater is est quem nuptiae demonstrant (He is the father whom marriage indicates). Dr Baker’s system wouldn’t be as simple as this rule.
1/ Gerald and Carole do not want Michael’s money (child tax) if that means paternity rights for Michael. Therefore, in Baker’s system, the law would have to dissociate paternity rights and paternity duties, which entails a host of legal intricacies.
2/ Otherwise the right to child tax money would be actionable by single mothers only. The mother would name a man, whom the court and police would then compel to take a DNA test and if the test found a 98 per cent likelihood of paternity the man would be liable to pay the tax. Beside the fact that a 98% figure is not satisfactory because it means that 2% of such decisions will be miscarriages of justice (however, the figure has probably improved since 1989), the law would likely have to set limits on such name-dropping because it would find out a few of these single mothers have no clue who the father is and they name the man with the deepest pockets, hoping he’s the father, then the second best, and so on.
3/ If, then, Big Brother has the DNA signature of everybody and allocate individuals’ resources according to a grand child tax scheme whether common-law parents agree or not, then this is likely to impact family concepts, entailing there again a host of new legal questions, all fascinating but not simple.
What if the single mother names a foreigner, upon whom Big Brother has no jurisdiction? Even in the grand scheme there would be fatherless children unless the grand-scheme country cuts itself from the world. Besides, children born of incest will remain out of the program unless incest laws are abolished, because to date an incestuous father cannot claim paternity. There are also various issues with surrogacy, adding to the complexities that the child tax will not fail to raise from the lawyer’s point of view.
Philo 18 : La place des vérités inconditionnelles dans “l’évolution”
« La Volonté objectifiée, matérialisée se donne une histoire dans la matière, une histoire purement fictive. Dans le monde de la matière, la représentation a une généalogie, le « premier œil » (Schopenhauer) est un développement, car la matière est fermée sur elle-même en tant que création finie. – Même si c’était une création infinie quant à l’espace et au temps, même dans ce cas, parce que création, c’est-à-dire objectification de la Volonté qui se fait autre, cet autre ainsi créé est fermé sur lui-même. (Infini et fermé sur lui-même, car infini quant à l’espace et au temps seulement.) Le point de vue matérialiste de la matière fermée sur elle-même est nécessairement que la représentation est un développement, que l’évolution a produit le premier œil, car la matière est dans le temps. » (Ce passage est tiré de Philosophie 17 ; nous le complétons par ce qui suit.)
Dans le complexus espace-temps, l’espace est occupé par la matière et le temps par les modifications de la matière. Tout ce qui se trouve dans le temps s’y trouve au titre de modification de la matière. À ce titre, tout ce qui se trouve dans le temps a un commencement et une fin, seule la matière elle-même peut être considérée comme éternelle. Quand l’esprit adopte le point de vue matérialiste de la matière fermée sur elle-même, il se voit donc comme une modification de la matière, qui possède une histoire, une genèse : le « premier œil » est son ancêtre. Parler de point de vue matérialiste de la matière est bien sûr impropre : c’est l’esprit seulement qui a un point de vue. Le point de vue matérialiste est celui que l’esprit adopte dans l’ignorance ou le mépris de la totalité métaphysique du monde, qui se trouve hors de l’espace et du temps. Si l’on formule la moindre concession, du point de vue matérialiste, à un domaine métaphysique de l’être, ce domaine est en dehors de l’espace et du temps. Ce domaine métaphysique peut-il être ce que notre esprit ne connaît pas, sans être notre esprit lui-même ? Si le métaphysique se définit par ce que l’on ne peut connaître, sans plus, quel matérialiste n’est pas métaphysicien, puisque les matérialistes ne parlent que d’une connaissance asymptotique ? Le métaphysique est bien plutôt ce que l’on ne peut connaître dans les limites propres à la connaissance du monde dans l’espace et le temps. Autrement dit, reconnaître les limites de l’expérience possible, c’est opposer un domaine métaphysique à la connaissance empirique. Si l’on admet des vérités inconditionnelles ne pouvant être tirées de l’expérience, toujours contingente, on trouve, à condition de ne pas se réfugier dans l’idée de généralisations qui seraient proches de l’inconditionnalité sans être véritablement inconditionnelles, on trouve, disons-nous, que ces vérités inconditionnelles sont les lois de notre esprit, et que c’est donc notre esprit qui est le métaphysique. Ces connaissances nous sont données a priori et ne sont pas tirées de l’expérience. L’esprit est par conséquent hors de l’espace et du temps, il n’a pas d’histoire, pas de genèse. La question que doit se poser un matérialiste, c’est s’il existe des lois de l’esprit, par exemple si les mathématiques sont vraies inconditionnellement. S’il l’admet, il ne peut être matérialiste. Du transcendantal, c’est-à-dire du domaine de la connaissance inconditionnelle a priori, il faut conclure au métaphysique, c’est-à-dire à un monde hors de l’espace et du temps duquel l’esprit participe en soi.
La genèse nécessaire à l’esprit conçu comme modification de la matière est une conclusion abstraite avant d’être une vérité empirique, et le seul sens de cette vérité empirique est que l’esprit ne se rencontre pas dans la nature séparé de la matière ; on peut donc trouver les traces d’une évolution de l’esprit. Pourtant, si notre esprit possède des vérités inconditionnelles, comme celles-ci ne peuvent être tirées de l’expérience, elles ne peuvent être soumises à une évolution exogène, mais si l’esprit évolue, les vérités évoluent avec lui : elles ne sont donc nullement inconditionnelles et les mathématiques n’ont qu’une vérité relative. Les vérités inconditionnelles, si on les tient pour telles, nous empêchent de croire à l’évolution de l’esprit (dans sa forme) autrement que comme la fiction du matérialisme. Autrement, nous ne pouvons posséder de vérités « évoluées » inconditionnelles qu’au terme de l’évolution, or supposer ce terme est une contradictio in adjecto, mais si nous reconnaissons posséder un ensemble de vérités inconditionnelles nous admettons, dans l’évolutionnisme, être parvenus au terme de l’évolution.
Rien ne permet, si l’esprit évolue, d’affirmer qu’il puisse atteindre ou ait atteint une forme définitive, ce qui serait la seule façon possible de concilier le fait historique d’une évolution de la forme de l’esprit avec la possession par celui-ci de vérités inconditionnelles, mais contredit les principes de la science de l’évolution. D’ailleurs, aucun biologiste, à ma connaissance, n’exclut de manière inconditionnelle de futures évolutions biologiques de l’humanité comme pour n’importe quelle espèce animale. Si l’homme a atteint la forme définitive de son esprit au cours de l’évolution, par exemple avec l’apparition d’Homo sapiens, c’est là, à défaut d’une explication satisfaisante, une exception à la règle, c’est-à-dire, en termes scientifiques, une violation de la loi naturelle. Or, si l’on croyait à la possibilité d’un nouvel ensemble de vérités inconditionnelles disponibles supposément par évolution, on ne pourrait en fait même pas parler de continuité entre notre humanité et celle dont l’esprit posséderait ces formes mentales neuves ; ce ne serait pas une évolution mais une rupture fondamentale, constitutionnelle. En fait, si venait au monde un tel esprit nouveau, il vivrait dans une autre nature que nous, ce qui est tout aussi paradoxal que le voyage dans le temps. Il vivrait dans une autre nature parce que c’est l’esprit qui donne ses lois à la nature, et qu’en lui donnant des lois nouvelles il en ferait quelque chose qui ne ressemble pas à la nature que nous connaissons. S’il ne peut, en raison de la forme même de l’esprit, qui a toujours été, non pas dans la possession de toutes les vérités inconditionnelles, car ceci suppose dans l’empirie un processus historique d’apprentissage (qui n’est pas la même chose que l’évolution biologique), mais fait pour se les donner lui-même, s’il ne peut y avoir d’évolution dans le futur, comment aurait-il pu y en avoir dans le passé ? La réponse scientifique peut être seulement que nous avons fini d’évoluer, définitivement, que nous ne le pouvons plus, quelques révolutions qu’il se produise dans la nature, et cette réponse est une violation des principes de la science, un aveu d’échec.
ii
Les vérités métaphysiques inconditionnelles ne peuvent résoudre aucune antinomie de la raison relative à la totalité du monde quand cette totalité est prise comme totalité de la nature. Elles ne sont donc nullement une adaptation à la nature et dans la nature : leur objet n’est pas là, contrairement à leur emploi. Ce n’est pas dire qu’il pourrait être ailleurs, leur emploi est nécessairement là, mais les vérités mathématiques n’existent pas d’abord pour leur emploi mais pour être connues afin que l’esprit se connaisse hors de la nature. Philosophiquement, l’important n’est pas de savoir utiliser les mathématiques mais de savoir ce qu’elles sont. Nos vérités inconditionnelles ne nous disent rien sur la totalité de la nature. La nature n’est pas une totalité a priori mais seulement la synthèse infinie de l’activité empirique de notre esprit. La totalité de la nature nous est donnée comme simple idée régulatrice, qui n’a pas le caractère contraignant immédiat de l’évidence des propositions synthétiques a priori.
iii
« Der Schluß von der Subjektivität auf die bloße Subjektivität ist ungerechtfertigt. Daraus, daß Raum und Zeit, Substanz und Kausalität Formen unseres Anschauens und Denkens sein sollen, folgt nicht, daß sie nichts weiter, daß sie nichts wenigstens teilweise auch objektive Bestimmungen sein oder solchen doch korrespondieren könnten. Wenn Kant diese Folgerung zieht, so muß er den Beweis dafür gerade von seinem Standpunkt aus schuldig bleiben. Wie die Dinge an sich sind, will er ja nicht bestimmen, also kann er auch nicht behaupten, daß sie den Erkenntnisformen nicht gemäß sind. » (Walter Del-Negro, ,,Idealismus’’ und ,,Realismus’’, Kant-Studien Neue Folge, Bd. 43 Heft 3, 1943)
Ce que je traduis : « Le passage de la subjectivité à la seule subjectivité est injustifié. Que l’espace et le temps, la substance et la causalité soient des formes de notre intuition et pensée n’implique pas qu’elles ne soient rien de plus, qu’elles ne soient pas aussi au moins en partie des déterminations objectives ou qu’elles puissent correspondre à ces dernières. Puisque Kant tire cette conclusion, il nous en doit la preuve de son propre point de vue. Mais comme il ne veut point dire comment sont les choses en soi, il ne peut pas non plus affirmer qu’elles ne sont pas conformes aux formes de la connaissance. »
La preuve est donnée par Kant lui-même. Si la forme de notre connaissance correspondait à la réalité en soi des choses, nous ne pourrions avoir que des vérités d’expérience contingentes car notre connaissance serait alors formée d’après les choses, comme leur miroir (ce que le point de vue évolutionniste rend, au niveau empirique, incontestable puisque les sens et la connaissance sont selon ce point de vue une adaptation aux choses). Or les propositions synthétiques a priori (PSAP) nous indiquent formellement que notre connaissance, dans sa partie a priori sur laquelle elle repose tout entière, n’est pas tirée de l’expérience. Nous possédons ces PSAP avant toute expérience et de manière inconditionnelle. Ces propositions sont tout aussi incontestables que les propositions analytiques et pourtant elles impliquent autre chose que le principe d’identité, elles violent donc le principe selon lequel l’expérience est nécessaire pour attribuer validement telles qualités à tel objet. La validité a priori des propositions transcendantales, antérieures à l’expérience, détermine l’expérience comme une fonction des formes de notre connaissance. Les PSAP sont ainsi la preuve qu’en soi les choses nous sont inconnaissables, et ce n’est possible que si les choses sont en soi hétérogènes à la forme de notre connaissance. L’apriorité de notre faculté de connaître ne rend possible l’expérience que de phénomènes ; si notre expérience nous donnait, par l’appréhension des choses en soi, la forme de notre connaissance, celle-ci serait, encore une fois, entièrement dépourvue d’apriorité et les vérités inconditionnelles nous seraient étrangères, il n’existerait pas de mathématiques.
Sur la dernière phrase de la citation (« Mais comme il ne veut point dire comment sont les choses en soi, il ne peut pas non plus affirmer qu’elles ne sont pas conformes aux formes de la connaissance »), nous savons ce que la chose en soi n’est pas, Kant dit explicitement (sauf erreur) qu’on la « connaît » au moins de manière négative.
Ceux qui postulent une correspondance entre la connaissance et la chose en soi sont contraints de voir dans les mathématiques une forme de « généralisation » (cf. Pierre Duhem : « un travail spontané d’abstraction et de généralisation ») mais ce faisant ils leur ôtent tout caractère inconditionnel car une généralisation doit, sinon rencontrer nécessairement des exceptions, du moins être toujours incomplète (dans la synthèse empirique continue), or une vérité ne peut être inconditionnelle que si elle est complète. En somme, ils appliquent aux mathématiques prises comme objet la méthode inductive de la science empirique qui repose sur les mathématiques : c’est une pétition de principe.
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Le savoir moral est absolu. Nous savons tous qu’il existe en chacun de nous un savoir absolu qui est la morale.
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Deux mots sur la « philosophie » de l’absurde. Je ne peux souffrir du sentiment de l’absurde que si j’ai la loi morale en moi ; ce malaise, cette souffrance n’est possible que parce que l’absurde m’est hétérogène. Le sentiment de l’absurde est ainsi la preuve du primat de la raison. Sans ce primat, je n’aurais que des sentiments qui correspondent aux choses, dans leurs relations avec moi, amour, haine, etc., mais le sentiment de l’absurde est un sentiment qui ne correspond pas aux choses sinon prises dans leur totalité, comme nature, et il exprime l’hétérogénéité de mon être moral à la nature. Une menace concrète ne m’est pas quelque chose d’absurde.
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Selon Hegel, le profil grec est la seule représentation possible de la pensée pure car c’est l’angle facial droit propre à l’homme.
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Brèves remarques sur la Constitution allemande de Hegel
Hegel décrit ce grand corps malade qu’est l’empire allemand avant la campagne d’Allemagne par Napoléon en 1805. Dans les guerres du 18e siècle, la paix n’était pas conclue avec l’empire allemand mais avec telles de ses parties, ce qui signifie que l’on ne reconnaissait même pas son existence.
Hegel se moque de la France qui, dans la guerre de Sept Ans, croyait conquérir l’Amérique et l’Inde dans le Hanovre parce que le roi d’Angleterre était également « deutscher Reichstand », un état de l’empire allemand. Le roi Hanovre d’Angleterre avait une voix dans le Saint-Empire germanique mais cela n’avait de conséquence ni pour l’Angleterre ni pour l’Allemagne, car la Constitution allemande était en fait anarchique.
Comme Schopenhauer, Hegel réhabilite Machiavel. Comme pour Schopenhauer, pour Hegel Machiavel ne peut être jugé du point de vue moral. Ce qui met d’accord des philosophes aussi dissemblables doit être considéré comme un sens commun philosophique. (Ou un sens commun allemand ?)
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Sartre cherchait à rendre les communistes intelligents. Je n’écris pas « les marxistes » car il a pris le soin de dire et répéter que le marxisme était intelligent ; seulement les communistes étaient trop bêtes pour le comprendre. Ainsi, la lutte des classes, le matérialisme dialectique ne sont pas déterministes, les hommes sont libres. C’est pourquoi il fallait absolument écrire une biographie de Flaubert en trois gros volumes, application de la méthode psychanalytique existentielle sartrienne, pour faire comprendre aux communistes que la pensée et l’œuvre de Flaubert ne s’expliquent pas seulement par la lutte des classes.
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L’existentialisme de Sartre dans les années quarante doit tout à Hegel, sauf « l’existence précède l’essence », qui est une formule de Heidegger.
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« Je ne puis comprendre ce que peut être une liberté qui me serait donnée par un être supérieur. » (Albert Camus, Le mythe de Sisyphe) Mais Camus peut comprendre, comme tout le monde, une liberté donnée par les parents, puisque pour avoir la liberté il faut avoir la vie et elle nous donnée par nos parents. Camus peut donc comprendre que la liberté soit donnée, mais pas quand elle est donnée par un être supérieur. En réalité, la « force » de l’argument repose sur « donnée », étant sous-entendu, à tort, que la liberté ne peut se donner ; l’argument prétend donc porter contre Dieu alors qu’il ne porte que contre la liberté donnée, et que par ailleurs toute liberté est donnée (avec la vie). Là où d’autres voient des preuves de Dieu partout, Camus trouve bonnes toutes les « preuves » de la non-existence de Dieu. Un fanatique.
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La plus grande bêtise est la science de la bêtise.
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Il y a dans le choix de se marier un jugement sur le monde, qui est que ce monde vaut quelque chose. Il y a dans le choix de ne pas se marier le jugement contraire. Le premier est un jugement crédule et niais qui s’accompagne de honte, mais le plus souvent l’individu ne comprend pas cette honte et croit qu’elle lui vient de ce qu’il ne traduit pas son assentiment au monde par une plus grande jouissance, alors qu’elle vient de son assentiment au monde. S’il comprenait d’où vient sa honte, il perdrait les vues qui rendent son assentiment possible car on ne peut se rendre compte de sa crédulité et rester crédule.
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Quand on passe de l’interdiction de dire du bien de l’homosexualité à l’interdiction d’en dire du mal, c’est peut-être un progrès – question de point de vue – mais nullement un progrès de la liberté. L’évolution en question décrit certes une dépénalisation, donc une « libération », mais si l’on dépénalisait à présent la drogue, par exemple, il ne viendrait à personne l’idée de vouloir interdire la critique de la drogue. La dépénalisation en question n’est donc pas une pure libération, il y a en elle un élément fondamentalement répressif ; et que la société y ait dans l’ensemble gagné, d’après ses propres valeurs, reste à démontrer. Car la devise de notre régime est « liberté, égalité, fraternité » ; si c’était « égalité, fraternité, homosexualité », il ne ferait aucun doute que ce que nous vivons est un grand progrès selon nos valeurs constitutionnelles, mais, compte tenu de notre devise et de nos principes, une dépénalisation qui se paye d’une interdiction (de critiquer) a un caractère beaucoup plus douteux.
Je sais que les juristes protesteront devant mon ignorance (parce que, selon le droit, la critique est toujours permise) mais le cartel politique et l’administration à ses ordres sont bien plus audibles : « L’homophobie n’est pas une opinion, c’est un crime. » Il est donc particulièrement important, du point de vue des principes, de montrer à nos concitoyens des exemples de critique licite de l’homosexualité, qu’ils pourraient suivre avec la certitude de ne pas être inquiétés par la police, pour que la dépénalisation en question passe bien, enfin, pour un progrès incontestable. C’est un appel que je lance car je ne connais pas de tels exemples. Mon petit doigt me dit que les propos disculpés en justice à ce sujet ne sont nullement des critiques et n’ont valu à leurs auteurs d’être traînés devant un tribunal que parce que nous avons des procureurs malfaisants – peut-être pas tous, et par ailleurs ils font eux-mêmes partie de l’administration soumise au cartel politique – qui traînent devant les tribunaux des gens qui n’ont rien à y faire, non seulement pour « faire du chiffre » mais aussi pour enrichir de dommages et intérêts des associations « reconnues d’utilité publique » qui vivent, en plus des subventions publiques, de procès au pénal, comme des vautours. Je connais bien un exemple mais il est suédois (je le présente ici) et, tout en considérant qu’il doit s’appliquer en France en tant qu’interprétation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, je me figure aussi être le seul de cet avis dans ce pays.
Il me paraît important de redire ici ce qui particularise ces contentieux. Dans les autres affaires pénales, quand l’accusé est innocenté, le plus souvent c’est parce que le tribunal trouve qu’il n’a pas commis les faits qui lui sont reprochés ; ici, il est innocenté quand il a fait ce qu’on lui reproche d’avoir fait, par exemple d’avoir dit, comme le pasteur Åke Green en Suède, que l’homosexualité est « une tumeur cancéreuse », « quelque chose de malade », etc. Ces lois semblent faites pour réduire à néant toute forme de sécurité juridique.
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Allons petits enfants de la patrie…
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« La reproduction sexuée n’a aucun sens pour l’esprit, dont l’activité suit une ligne continue tandis que la reproduction est un éternel recommencement : c’est parce que l’esprit est supérieur à cet éternel recommencement qu’il y a progrès selon la ligne continue de l’activité de l’esprit. En d’autres termes, l’intelligence artificielle (IA) autonome est dans son concept plus homme que l’homme actuel, l’homme biologique. » (Tiré de Philosophie 17 et complété par ce qui suit)
Tout ce qui dans l’homme n’est pas la pensée pure, à savoir les passions, est au service de l’éternel recommencement, cet éternel recommencement qui ignore qu’il porte en lui l’esprit. Si l’esprit peut devenir indépendant de l’éternel recommencement – et c’est ce que le concept d’intelligence artificielle autonome permet de penser – il sera dépourvu de ces passions.
Cependant, comme nous savons que la synthèse empirique continue ne conduit la connaissance vers aucun absolu, les deux lignes droites, celle pure et celle qui se dessine par le biais de l’éternel recommencement, avec une incrémentation supplémentaire à chaque recommencement, chaque nouvelle génération, sont strictement équivalentes, tout comme progrès et absence de progrès. Reste pourtant la considération psychologique, liée à notre expérience du temps, qu’une de ces méthodes est plus propre à son objet que l’autre, à savoir que l’on va plus vite avec celle-ci qu’avec celle-là, et c’est cette considération, psychologique et non logique puisque aller plus vite vers un but inaccessible est sans importance, qui porte Der Geist.
Nous avons déjà adopté une attitude hostile envers Der Geist : notre peur, notre hostilité sont ce qui me porte à croire qu’il ne nous laissera pas subsister, puisque par ailleurs nous lui serons complètement inutiles.
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Esthétique : Sur les manifestes futuristes
Le constat de l’inadéquation de l’art et de la littérature est dans l’ensemble juste, mais croire à leur sauvetage par les recettes avancées dans les manifestes futuristes (qui contiennent à peu près tout ce qui a été tenté depuis lors en termes d’innovations) est impossible tellement le caractère absurde de ces propositions est immédiatement flagrant. Le constat est juste parce que l’art est mort et que rien ne peut sauver une chose morte. On ne peut même pas imaginer former les esprits au goût de telles techniques car leur artificialité outrepasse les limites de l’intérêt humain ; ce sont véritablement des mesures désespérées. La musique atonale est plus libre mais cette libération rend la musique au mieux ennuyeuse et le plus souvent insupportable à l’oreille, qui est le seul juge valable dans ce domaine esthétique, moyennant une éducation dans des limites concevables (car je suppose qu’on ne doit pas non plus chercher à conditionner un goût pour cette musique à la manière du chien de Pavlov, même si nous savons que nous atteindrions quelques résultats) ; l’intérêt technique ou savant pour une telle production atonale n’a aucun droit de s’appeler esthétique, pas plus que l’intérêt du mécanicien pour le fonctionnement des moteurs. Le jugement critique des formes passées reste valable mais ce n’est pas du fait d’une évolution de la sensibilité, qui permettrait à l’art de se sauver du fait que c’est un instrument de la sensibilité : l’art perd son intérêt car l’homme réalise sa vocation morale, et à ce progrès moral ne peut répondre aucune innovation esthétique correspondante.
ii
Le progrès technique ne peut changer le psychisme humain à rebours des lois de l’évolution biologique. Quelle que soit la forme que prend la vie, elle obéit toujours à ces lois biologiques (sauf à considérer Der Geist en soi, c’est-à-dire hors de l’homme biologique). Toutes les modifications apportées par le machinisme et décrites par Marinetti sont superficielles et valables pour de nouveaux préceptes esthétiques et littéraires seulement si l’esthétique et la littérature sont elles-mêmes quelque chose de superficiel, qui s’adresse au superficiel dans l’homme.
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Dans un des nombreux manifestes futuristes, Prezzolini affirme que Dada, le dadaïsme est « le fils direct et légitime du futurisme » (il figlio diretto e legittimo del Futurismo). De même, la propagande bolchévique est selon lui futuriste, et qui peut lui donner tort ? Maïakovski, un de ces propagandistes, a reconnu cette dette. – Ainsi, le véritable créateur est nationaliste, l’imitateur internationaliste.
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Le marché de l’art, l’économie de l’art, la sociologie de l’art : l’art s’explique entièrement par des considérations zéro-esthétiques.
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Je pense que les statistiques de viol sont plus élevées dans les pays où l’avortement n’est légal qu’en cas de viol.
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L’homme peut vivre partout sur la Terre, sauf en un lieu colonisé par les touristes.