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Les ovnis d’or : Poésie d’Ernesto Cardenal II

Après notre premier billet de traduction de poèmes d’Ernesto Cardenal, « La sainteté de la révolution » (ici), voici la suite de nos travaux consacrés au grand poète nicaraguayen, avec trois poèmes tirés du recueil Los ovnis de oro: Poemas indios (1988) (Les ovnis d’or : Poèmes indiens). Le titre du recueil est celui de l’un des poèmes qui s’y trouve, et que nous avons traduit ici.

Ces traductions sont également une suite à nos travaux sur la poésie des Guna du Panama et de Colombie, qui font l’objet de plusieurs billets de ce blog :

-Poésie emberá et kuna contemporaine du Panama x ; dans ce billet, notre brève présentation de l’histoire et de la situation des Guna évoque déjà le poème Les ovnis d’or d’Ernesto Cardenal.

-Poésie d’Aiban Wagua de Guna Yala 1 et 2.

(Afin de ne pas multiplier les notes dans les présents poèmes, nous renvoyons le lecteur à la lecture de ces billets.)

Les trois poèmes qui suivent évoquent en effet les Indiens Guna. C’est une poésie documentaire, ou de témoignage, à la suite de la rencontre du poète avec ces Indiens, chez eux. Nous avons laissé les noms et mots guna tels qu’ils figurent dans l’original, bien que la transcription en vigueur aujourd’hui rompe avec l’usage antérieur : Guna au lieu de Kuna ou Cuna, Dule au lieu de Tule, etc. Par ailleurs, la même remarque qu’aux précédentes traductions des poèmes de Cardenal s’applique ici : l’agencement des vers n’a pas été respecté (faute de pouvoir le faire avec précision) et les vers commencent donc tous, ci-dessous, sur la même marge.

Un mot sur les « ovnis » du titre, au moment où le Parlement du Mexique vient de présenter au public, le 13 septembre 2023, deux corps d’« extraterrestres » momifiés. Les Guna, dont les légendes racontent que les dieux sont descendus sur la terre depuis le ciel, ont, est-il dit dans le poème, modifié leurs récits mythologiques à la lumière de l’actualité, en quelque sorte : alors qu’ils parlaient auparavant de dieux descendus sur terre dans un nuage d’or, ils disent à présent que les dieux sont descendus dans des soucoupes volantes en or, après avoir entendu parler des ovnis dans les médias waga (étrangers). (De même que les descriptions du paradis guna s’inspirent aujourd’hui de l’environnement technologique waga : « Dieu a le téléphone etc. ».) – À ce sujet, on relèvera, car ça ne manque pas de sel, que selon « les défenseurs de la théorie des anciens astronautes » (pour parler comme la série documentaire Alien Theory) les peuples anciens confrontés à des ovnis n’avaient pas le vocabulaire adéquat pour décrire ces phénomènes : ainsi, diraient ces partisans, les Guna, à l’époque de la constitution de leurs mythes, auraient parlé de nuages d’or faute de comprendre qu’il s’agissait de vaisseaux spatiaux extraterrestres, et leur adaptation du mythe suite à l’imprégnation via les médias par des hypothèses waga fondées sur les avancées technologiques serait plus conforme à la réalité des phénomènes en question.

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Photo : « Revoluciόn Dule de 1925: Hacia los 100 años » (Révolution dule de 1925 : Vers les 100 ans). Affiche trouvée sur le compte X (anciennement Twitter) du ministère de la culture du Panama, qui prépare le centenaire de la Révolution de 1925. Le drapeau porté par la femme guna sur cette affiche est celui de la République Dule fondée par les Guna à la suite de cette révolution, dans l’archipel de San Blas. Le swastika est un symbole traditionnellement commun à de nombreux peuples amérindiens. La femme porte l’habit traditionnel en mola ; on y voit entre autres un crabe stylisé comme dans le troisième poème ci-dessous.

*

Nele Kantule

NELE KANTULE :
modèle d’hommes d’État et de présidents
Oui, modèle des Présidents d’Amérique
Tous les ans à l’anniversaire de sa mort
il y a des danses sur l’île d’Ustupo
Héros de la révolution indigène de 1925
contre les waga (étrangers)
Après la révolution
fondation d’écoles à Tigre
Ustupo, Ailigandi
Tikantiki, Tuipile, Playόn Chico
avec des enseignants indiens
Il créa une bibliothèque à Ustupo, à l’ombre des cocotiers
la Bibliothèque NELE KANTULE
Il acheta un bateau à moteur pour son peuple en 1931
L’Esfera [Sphère]
Il passa des accords avec le général Preston Brown
sur le travail des Indiens dans la Zone du Canal
conclut des traités avec le Président du Panama
Il défendit son peuple contre la police panaméenne
obtint des bourses pour les Indiens
à l’École des arts et à l’Institut national
En 1932 il introduisit les bureaux de vote
et demanda l’augmentation du nombre d’enseignants dans les écoles.
NELE KANTULE
en voyant une simple graine il pouvait décrire la plante entière
Il connaissait toutes les traditions et tous les chants sacrés
Il ne fut pas un partisan de la civilisation
adoptée aveuglément
ni de la position traditionaliste extrême
qui ne voulait rien des waga, mais il souhaita plutôt
assimiler de la civilisation tout ce qui peut en être bénéfique
tout en conservant ce qui a de la valeur dans la société indienne
En introduisant la civilisation
il commença par s’instruire lui-même
Les bourses visaient à former son peuple
aux métiers d’enseignant, d’artisan, de technicien agricole
Il ne prétendait pas au pouvoir politique
mais voulait servir son peuple.
À dix ans il allait avec son père chercher des plantes
au bord des rivières et dans les îles
À douze ans il commença à raconter ses rêves
À dix-sept il partit pour Rio Caíman (en Colombie)
afin d’étudier avec le vieux Nele Inayoga
D’abord, la conduite nécessaire pour être Nele :
« savoir être aimable avec les gens
et ne pas être orgueilleux »
Ensuite l’histoire ancienne des îles,
les Nele célèbres de San Blas :
Nesquesura, qui enseigna à enterrer les morts
à ne point forniquer en présence d’autrui
Il vint alors que les hommes vivaient dans le désordre,
Nesquesura
et prêcha la parole de village en village
Mago (autre grand homme) parla des assassinats
Cupna parla de l’amitié
et de savoir donner à ceux qui ont faim et soif
Tuna apprit aux hommes à faire des hamacs
Sué, connaisseur des phénomènes naturels
enseigna qu’il existe toutes sortes de fruits
Il parlait des fleuves : Olopurgandihual, Manipurgandihual
Siapurgandihual et Calipurgandihual

Les gens ne savaient pas se partager les fruits
et Sué disait qu’il faut les récolter avec ordre
les hommes se volaient les uns les autres
et c’est pourça que le vent soufflait plus fort qu’autrefois
expliquait Sué.
Taquenteba fut ingénieur et connaisseur des aliments :
gâteaux, brioches, recettes de manioc
Il parlait de la réparation des maisons
Ibelele rapporta les paroles de Dieu
les ennemis sont, disait-il :
Masalaihan (le fourmilier) et Masolototobalietl (l’iguane)
ceux qui ne croient pas en Dieu.
Ces Nele furent de très grands docteurs
envoyés par Dieu. Ils étaient très savants
connaissaient tous les remèdes
ils invitaient chez eux léopards, ocelots et jaguars pour discuter
Ils pouvaient apaiser les ouragans
Les poissons sauvages étaient amis de ces Nele
Et ces Nele réunissaient des congrès pour chanter aux gens
quand des vents violents commençaient à souffler.
Tiegun explora le monde des mauvais esprits et en parla
Sibú visita la région des morts
Salupip expliqua comment Dieu créa diverses sortes d’animaux.
Et prééminent entre tous les Nele, Ibeorgun
deux ans après Mu-osis (le Déluge)
vint Ibeorgun –
il vint pour leur enseigner à saluer, pour leur dire
que saluer est bon
que s’adresser de bonnes salutations les uns aux autres
c’est penser à Dieu
il leur montra le tabac et leur dit que cela s’appelait huar
« J’appelle le tabac huar »
et quand on le fume ou qu’il sert d’encens il s’appelle tola
(et ils ne comprenaient pas)
Il fut le premier homme à donner des noms aux Cunas
Le matin il réunissait le peuple en congrès
Il dit, Dieu m’a envoyé pour enseigner sur la terre
et il leur dit d’apprendre les chants
Absogeti-Igala, Camu-Igala, Caburrí-Igala, etc.
les chants médicinaux
que Dieu leur dit d’apprendre
Ceci est venu de la bouche de Dieu
et nous devons l’apprendre ici sur la terre
Et en ce temps-là les gens ne savaient pas dire frère
il leur dit que pour dire frère ils diraient Cargüenatdi
et pour dire sœur Om
le mari de ma tante se dit Tuc-so
et le mari de la sœur de l’épouse se dit Ambe-suhi
et le frère ou la sœur du beau-frère se dit Saca
et il leur dit de dire que là-haut dans le ciel vit Dieu
et nous l’appelons Diosayla (Papa)
et Ibeorgun dit que la terre que Dieu nous a laissée
nous l’appelons Nap-cu-na
parce que nous vivons au centre du monde
nous vivons à Kuna
Il leur dit que nous vivons à la surface de la terre
et que nous marchons debout, ucurmacque c’est-à-dire
« nous cheminons sur la terre »
Il leur enseigna les quatre sortes de fil pour faire des chemises
et les sucs de plante pour les teindre de couleurs vives
et les quatre sortes de terre pour les cruches
et que de même les gens ont différentes couleurs de peau
Il inventa l’usage de l’or pour la vaisselle et les couverts, et pour les bijoux des femmes
les anneaux dans le nez.
Et Nele Kantule apprit avec Inayoga la médecine
les plantes qui peuvent servir et celles qui ne le peuvent
la manière de les couper,
les oraisons propres à chacune
l’écorce de baila-ukka pour les maux de tête
le « beurre de lézard » pour la grippe
la coca calme la douleur
le palmier utirbe fortifie le corps
l’herbe-à-serpent sert contre les morsures de serpent
et il apprit
l’arbre qui est bon pour les plaies
la feuille qui sert à laver les yeux et à bien dessiner
le jonc pour apprendre les langues
le remède pour ne pas être saoul
et le remède pour être humble
le tronc, tacheté comme un serpent, pour
guérir la timidité avec sa femme
la racine pour guérir la folie.
Et de là il partit pour Arquía (Colombie)
où vivait le maître Orwity
pour apprendre l’histoire des anciens caciques
parce qu’il savait qu’un jour il serait Cacique des îles
– Orwity
était celui qui connaissait le mieux l’histoire des caciques
et il avait vingt disciples qui espéraient devenir neles
La formation des caciques dura trois ans
et Nele Kantule commençait à parler dans les Congrès
Ensuite il voulut connaître la civilisation moderne
et se rendit à Quibdό (Colombie)
chez le maître indien Jésus Manuel
diplômé de Cartagena
Et il fut avec lui trois ans de plus
Et pour connaître la culture d’Europe il se rendit à Socuptí (Panama)
chez le maître indien William Smith qui avait été marin
et navigué par toute l’Europe
et il étudia avec lui encore un an.
Le cours terminé, le maître lui dit
que s’il souhaitait connaître les nations d’Amérique
il fallait qu’il aille trouver Charles Aspinwal à Acandí
Et Nele se rendit au petit village d’Acandí en Colombie
le bel Acandí me revient à la mémoire ! J’y suis passé :
à l’embouchure d’un fleuve, au bord de la mer, avec des cocotiers…
Et dans la hutte de cet Aspinwal, sûrement sous les cocotiers,
face à la mer, il fut « instruit au sujet des nations d’Amérique, de l’Indépendance
et de la vie du Libertador Simon Bolivar
et du nom de tous ses généraux et de toutes ses batailles »
Il étudia là un an encore.
Enfin il fut au village de Paya (Panama)
chez le maître Nitipilele
pour peaufiner sa connaissance de la langue cuna
car ce maître savait comment avaient été créés les noms
de toutes choses sur la terre
et là il étudia encore deux ans.
Puis Nele Kantule retourna dans son village
son village Portogandi, prêt
à gouverner, Portogandi venait d’être inondé par le fleuve.
Il ne restait que six huttes
et il ordonna le déménagement du peuple sur une île (Ustupo)
C’était en 1903, et c’est sur cette île que débuta sa carrière politique.
On le fit cacique
– Le Cacique général était Inapaguiña –
Ses deux premières tâches :
développer l’agriculture
ainsi que de bonnes relations avec les autres caciques des îles
Il fit venir à Ustupo deux enseignants :
l’un d’espagnol et l’autre d’anglais
Le célèbre cacique Robinson, Charlie Robinson, ne voulait rien savoir de l’histoire des ancêtres
seulement l’histoire espagnole
Ce fut la différence avec Robinson
Parce que Nele disait :
« notre histoire est importante »
Colman devint ensuite Cacique Général, Simral
Colman, le grand Colman,
celui qui a dit : « Je souhaite que vous vous aimiez les uns les autres
que vous ne tuiez pas comme des animaux les personnes qui ont même visage
mêmes cheveux et même sang
et que vous aimiez aussi ceux qui appartiennent à d’autres races
et même vos ennemis »
et dans un autre discours :
« Nous devons défendre les mines d’or
de fer, de plomb
toutes les sortes de métaux qui se trouvent sous terre
ainsi que les poissons qui sont dans la mer
et même les insectes »
Et Colman nomma Nele Sous-Cacique (1923)
et convoqua ensuite un congrès
pour qu’il soit reconnu Cacique Général de tout San Blas.
Et Nele Kantule fut le Nele par antonomase
on l’appelait simplement Nele
ou Dr. Nele
Il connaissait les traditions cuna
mieux que tout autre Nele de San Blas
il faut recevoir ce qui est bon de la civilisation, disait-il
sans oublier les traditions cuna
Ce fut un « connaisseur du monde des rêves »
Il dicta à son secrétaire L’Histoire des Cunas
il se faisait lire les livres les plus intéressants
Il travaillait au poulailler de la communauté
quand venait son tour
Il composa des oraisons pour son peuple : « Père, je veux dormir
Père, abaisse le rideau d’or et de perles
entre les maladies et moi
Père, abaisse la moustiquaire d’argent et de perles
entre les maladies et moi »
Il guérissait les maux avec des chants et des remèdes magiques
mais aussi avec la pénicilline de la Zone du Canal
Il réprimandait les parents quand
les enfants n’allaient pas à l’école
Et les dernières paroles du Cacique à son peuple furent :
« Dix jours après ma mort vous réunirez le Congrès
pour choisir le Chef suprême qui me remplacera
Je recommande pour Cacique Général
le señor Olotebiliguiña
leader de la révolution de 1925
Qu’il maintienne mes relations avec le Gouvernement du Panama
réunisse autour de lui ceux qui parlent espagnol
c’est-à-dire les interprètes de la langue cuna
Que l’on fasse respecter la Loi 59 sur la Réserve indigène
Et tous les autres caciques de San Blas doivent être unis
comme un seul homme doivent être unis
pour défendre les droits sur la noix de coco et ses prix »
Et avant de mourir il se fit baptiser
Le missionnaire lui demanda s’il croyait en Dieu
et il répondit :
« Il existe »
– « Je te souhaite de voir Dieu »
– « Je vois mon Père qui est Dieu »
Entouré d’une eau de rêve, où pêchent les Indiens
Nele Kantule est enterré
sur un îlot-cimetière près de l’île d’Ustupo
Et il voit à présent la vision de Dieu
Cimetière paradisiaque que cet îlot de corail
Eau verte et bleue
avec les coraux au fond…
Squelettes florescents qui poussent sous les eaux
(vertes où elles sont peu profondes, bleues autrement)
comme des personnages de la résurrection. Les cocotiers chantent comme des Neles
comme des Neles chantant une chanson en cuna
Et si vous y passez en avion
vous apercevrez peut-être le grand filet immergé
– le grand filet de pêche –
et vous verrez le fond !
Tous les ans en son honneur
il y a des danses à Ustupo.

*

La terre que Dieu nous a confiée (La tierra que Dios nos entregό)

Message d’un cacique au gouvernement de Colombie

Je ne me rappelle plus son nom.
Ou peut-être que si, quelque chose comme Nekoklí,
là-bas dans le golfe d’Urabá.
Mais je me souviens de ses sables et de sa mer.
Un monde comme dans un livre de García Márquez.
Il y avait dans la forêt, dit-on, une frégate de boue.
Une frégate de pirates ou de conquistadores.
Elle pourrit et sa trace resta dans la fange.
Le plat-bord, les cloisons, la proue, la poupe, tout en boue,
comme une trace de chaussure dans la boue.
Plus rien ne restait du bois, mais peut-être encore une chaîne, quelques pièces de monnaie.
Un bateau de terre ancré sur la terre entre les nénuphars
lui-même seulement nénuphars et boue
de la boue ancrée dans la boue.

Nous n’avons pas vu ce bateau.
J’étais avec mon ami Eduardo
pour nous rendre ensemble à la terre interdite des Indiens.
Et nous y allâmes.
D’abord à cheval en longeant la mer.
Quand il n’y avait plus de chemin, en faisant entrer les chevaux dans la mer.
En faisant nager les chevaux dans la mer au milieu des grandes vagues
dans les embouchures infestées de requins.
Les chevaux hennissant entre les vagues.
Avec le risque de tomber de cheval
parmi les poissons-scies et les requins.
Ensuite à pied sur une côte sans fin.
Jusqu’à la première hutte, à la tombée de la nuit.
Près d’elle, dans le sable, une sculpture en balsa :
une avionnette.
Les Indiens !
Une fillette effrayée, avec des colliers.
De là avec un Indien à travers la forêt
écartant les branches des mains
traversant des fleuves glacés.
Jusqu’au sommeil, la nuit déjà bien avancée, dans une hutte, trempés, en hamac.
Et le jour suivant toujours plus avant dans la forêt,
jusque chez le cacique.
Dans la hutte de réunion le cacique parla :

« Qui m’aide aujourd’hui ?
Cela fait longtemps que nous luttons
mais les colons, semble-t-il, sont toujours plus nombreux.
Et cela ne nous plaît pas car c’est comme si cette terre était à eux.
Et je le dis à l’attention de tous les gens importants.
Car on ne m’aide plus et le phénomène s’accroît.
Et les hommes libres ont tout volé.
Les hommes libres viennent et disent que la terre n’est pas à nous.
Comme si le Gouvernement leur avait donné ces terres. »

J’étais triste qu’ils appellent les colons ou non-Indiens « les hommes libres ».
Seuls les hommes d’une autre race étaient donc libres ?
« Mais elles n’appartiennent pas au Gouvernement.
Dieu nous a donné de la bonne terre pour la cultiver.
De manière permanente.
Et on dirait que Dieu ne nous l’a pas donnée.
Et aujourd’hui notre tribu semble abandonnée.
Parce que les hommes libres me prennent la terre.
Et nous verrons qui m’aidera
si c’est le Gouvernement ou Dieu. »

La tribu presque tout entière était là.
Ils n’étaient déjà plus que 250.
Et je savais que la plupart étaient en outre tuberculeux.
Les hommes avec des colliers en dents de singe, de jaguar, de caïman.

« Nous n’échangerons pas la terre qui est à nous.
Nous n’abandonnerons pas cette terre où fut versé
notre sang au temps des Espagnols,
et depuis lors nous sommes ici,
et depuis le temps de nos grands-parents et ancêtres
nous vivons ici dans la tranquillité.
Mais ces derniers temps je n’ai pu être tranquille
car je dois à chaque instant parler avec Bogota
et ces messieurs les gouverneurs et le ministre du gouvernement.
Le gouverneur d’Antioquia a promis de nous aider. »
Un oiseau bleu passa.
Un toucan chanta.
Puis de nouveau la quiétude et le vert silence.

« Nous verrons s’il tient parole.
Oui, nous avons dit : nous verrons si vous tenez parole.
Car depuis tant d’années nos aïeux
ont vécu dans la tranquillité
et nous souhaitons vivre de même.
Mais, comme je l’ai dit, on dirait que cela ne nous pas été adjugé.
Ils ont abattu tous les cacaoyers et volé les bananes.
Dieu nous a dit qu’il nous donnait ici des terres
pour vivre en paix,
ainsi que les montagnes de réserve qui sont à nous
et les animaux qui y vivent
et que Dieu nous a donnés :
Pour que vous les mangiez, dit-il,
afin que vous et vos familles puissent vivre. »

Ils m’avaient posé des questions au sujet des Indiens des États-Unis,
parce que j’avais avec moi un livre en anglais d’Edmund Wilson
sur les peaux-rouges.
Et de ceux du Mexique. Et de ceux du Nicaragua.
Et ils me demandèrent combien il y en avait en Amérique. 30 millions.
Et je pensais en disant cela
combien de chants, de mythes, de mysticisme, de sagesse mystérieuse, de poésie il y avait pour l’Amérique
dans ces 30 millions.
Et c’est pourquoi nous étions avec eux dans cette forêt.

« Et maintenant on ne peut plus trouver d’animaux.
Et les fruits pour nourrir ces animaux que Dieu nous a donnés,
ils les ont abattus.
Ils ont abattu les arbres que Dieu nous a donnés,
ces arbres fruitiers qui nous servaient avant.
Quand nous tuions des animaux
paon, singe et pécari
ils servaient tous à notre corps.
Vous l’avez, vous autres, votre viande. Toutes ces prairies avec du bétail,
tous les animaux qui s’y trouvent.
Vous n’avez pas à les chercher dans la forêt. »
Dans un coin de la hutte se trouvaient ses saints,
statuettes en balsa de personnages sacrés :
êtres bienveillants, protecteurs.
Le bâton avec le serpent enroulé, pour guérir la folie.
Tout près coulait un ruisseau avec de petits poissons.

« Mais ce n’est pas le cas pour nous.
Parce que c’est ce que Dieu nous a ordonné.
Que nous allions les chercher dans la forêt où nous les trouverions.
Mais à présent on ne trouve plus ces animaux
parce que les hommes libres sont là.
Et nous devons les chercher avec beaucoup de peine, ces animaux
dont se nourrissaient les enfants.
Ces animaux sains que nous mangeons. »

Ensuite ils jouèrent pour nous de leurs flûtes.

*

Les ovnis d’or (Los ovnis de oro)

Ces villages ronds entourés par la mer !
Mulatupo :
Toute l’île un village compact de huttes,
les huttes arrivant jusqu’à l’eau
et même sur l’eau,
et qui paraissaient, en arrivant,
un village flottant sur la mer.
Des huttes avec des cocotiers.
Et la mer couleur de cou de paon.
Des poissons volants, quand nous approchions, volaient.
Moi, avec ma soutane de séminariste de Colombie.
Ils me demandent sur le quai si je suis marchand.
Ils me conduisent immédiatement à la maison du congrès.
La grande hutte carrée.
Le cacique au milieu d’un hamac
avec sa pipe rituelle.
Les femmes enveloppées dans de nombreuses couleurs,
des anneaux d’or dans les narines,
et des colliers de perles et de crocs.
Je dis que je venais pour le savoir de leurs Neles.
J’avais écrit à ce sujet dans les journaux.
L’interprète traduisait avec un bien plus grand nombre de paroles
et plus d’émotion, comme déclamant.
« Le mauvais interprète dit moins de mots que le cacique
– me dit-il –
le bon interprète dit plus de mots. »
Le cacique répondit que je pouvais rester dans l’île. Dans l’île
« Tout est gratuit. »
J’aurais un hamac et le couvert.
Si je disais : je n’aime pas le riz au poisson,
j’aime ma nourriture. J’aime mon lit :
il y a une hutte qui est comme les hôtels où nous payons.
J’avais entendu parler du système communiste
de cette nation inconnue d’Amérique centrale.
Je me sentais comme un visiteur en URSS.
Les hommes assis sur des bancs rudimentaires dans l’ombre.
Derrière, les femmes cousant à la lumière de lampes à huile pendant qu’elles écoutaient,
tissant les molas,
l’or brillant sur le visage (anneaux de nez et boucles d’oreille)
à la lumière des lampes à huile.
Molas : les corsages des femmes
orange et rouge et rose et noir et vert et jaune.
Ils lurent la liste de ceux qui travailleraient le lendemain
sur les terres communes.
Ils choisirent les nouveaux officiers de police.
Il n’y a pas d’argent.
Les noix de coco comme monnaie pour le troc.
Il y a des ministres du travail, de l’agriculture,
des transports (pour les canots),
de l’éducation,
et des fêtes.
Le cacique chantait dans le hamac.
Comme une sorte de chant grégorien.
Qui ne finit jamais.
C’était le « Chant pour guérir la folie ».
Les femmes distribuaient une boisson
tirée de grandes oules.
Chocula : faite de chocolat à la banane.
Et le repas. Une hutte,
écriteau rustique (en espagnol) :
SALLE DE SPORT – ÎLE MULATUPO
espèce de restaurant ou « club » indigène,
sol en terre, murs de bambou,
de jeunes Cunas buvant du coca-cola
– ils ne parlaient pas espagnol –
portant des colliers de dents de singe, de caïman, de cochon sauvage.
Glacières à gaz. Cuisinière à gaz,
bar de bambou et une étagère avec des boîtes de conserve.
Je mangeai dans une marmite en terre cuite du riz à la noix de coco
et des sardines frites.

Les étroites ruelles de terre
pas tout à fait un mètre de large
propres comme un hameau suisse.
Je craignais d’y jeter un mégot de cigarette.
Ruelles intriquées comme un labyrinthe.
Ils sortaient pour me voir passer,
souriants mais timides et craintifs.
Les huttes serrées occupant tout l’espace.
Mola d’une jeune femme avec un crabe stylisé.
D’autres formes, abstraites.

Une autre nuit, à un autre chef, le cacique Manibinigtiguiña,
je posais des questions au sujet de la création du monde.
Il se redressa dans son hamac :
« Quand Dieu vint au monde, il n’existait ni plantes ni animaux,
seulement les ténèbres.
Alors Dieu réfléchit
à la manière dont il laisserait une bonne terre à nos enfants.
D’abord il créa la terre, les étoiles, les fleuves, les plantes, les animaux, les jours, les nuits.
Ensuite il alla au ciel pour l’arranger aussi.
Il pensait : de quelle manière laisserai-je un ciel excellent
pour que mes enfants n’y pensent pas à la terre.
Il y créa toutes les plantes et les fleurs,
humaines, comme de jeunes femmes,
il créa ce jour-là toutes les plantes, comme des femmes.
Il créa aussi toutes sortes de bons chemins.
Les chemins se voyaient comme de l’or brillant au loin.
Pour que nos enfants empruntent ces chemins quand ils arriveraient.
Il souhaita même faire des animaux :
Afin que mes enfants connaissent un bonheur éternel,
dit-il.
Et aujourd’hui encore Dieu est dans le ciel.
Quand Dieu eut créé la terre, les étoiles, tous les satellites que l’on voit au ciel,
il nomma toutes sortes d’arbres
pour que nos enfants puissent se guérir avec ces plantes de toute infection, une aubaine.
Dieu dit aussi :
« Ils devront se souvenir de moi chaque fois qu’ils font une réunion.
En outre, en regardant le ciel, tu penseras :
C’est Dieu lui-même qui a fait cela.
Et quand tu penses, pense à moi.
Quand tu regardes les montagnes : je suis représenté dans les montagnes.
Moi-même.
Après qu’il eut créé toutes les plantes, il manquait une personne
à créer. Alors il fit l’homme.
Car l’homme, dit Dieu, doit venir s’occuper de ma création ;
je ne peux laisser les plantes seules sans l’homme.
Et ce que je dis c’est pour que cela soit enregistré sur cette bande magnétique
afin que la voix de San Blas aille dans les autres nations
et qu’elles sachent que nous avons foi en Dieu
car Dieu nous a créés. »
Dans les maisons voisines
on endort les enfants avec des maracas.
Le harpon en zig-zag dans le bleu
en raison de la réfraction.
Une eau couleur vert d’arc-en-ciel,
bleu et violet d’arc-en-ciel
iridescent.
Panier à poisson coloré comme un trésor de pirate.
Île Mulatupo !
Son bleu de cou de paon.
La mer pleine de canots pêchant.
D’autres cherchant des langoustes.
Les femmes apportant de l’eau depuis la côte.
Ainsi que de la terre, des pierres, du bois, des fruits.
À l’intérieur des terres se trouvaient leurs vergers et jardins.
L’Indien qui m’y conduisit portait des lunettes de plongée
et un fusil sous-marin, et un harpon primitif.
Il me dit, dans un jardin près du fleuve Colorado :
« Nous vivons comme Dieu voulait que nous vivions.
Ni pauvres ni riches.
Pauvres, mais sans manquer du nécessaire.
Pauvres mais pas très pauvres. Seulement un peu pauvres. »
Derrière le jardin, les cacaoyères.
Les dividendes sont en décembre.
Là j’entendis parler
d’un arbre de la connaissance
plein de fruits,
avec de l’eau et des tourbillons dans les racines
pour qu’y vivent les poissons.
Et d’un serpent tombé de l’arbre.

En fait, ils avaient de l’argent dans leurs colliers, avec les crocs,
des colliers enroulés en tours nombreux autour du cou.
Des chaînes de cheville en verroterie très serrées (pour les femmes)
qui leur affinaient les chevilles.
Les joues peintes au roucou
avec une ligne noire sur le front et le nez.
Les anneaux de nez en or coûtaient 30 dollars.
Faits par un joaillier colombien sur un bateau
Ils ne lui permettaient pas de débarquer.
Ils ne permettaient pas aux marchands de débarquer.
J’ai vu des cellules de prison.
Au nombre de trois.
Vides.

Ruelles de sable entre les joncs,
entre des murs de joncs,
cabanes de joncs et de palmes.
Et dans ces rues des fleurs.
Ils construisaient une hutte rituelle pour une fête de la puberté,
une hutte en feuilles de bananier.
Ils y boiraient de la chicha pendant quatre jours.
La fête coûta 300 dollars au père de la jeune fille.

Vert de queue de paon et bleu d’ocelle de paon.
L’île parfaitement ronde
toute l’île un village.
Et les autres îles,
villages ronds entourés par la mer.
(Des thons argentés sautent.)
Les Indiens reviennent du travail
et vont à leurs îles.
Des îlots de huttes seulement.
Des îlots de huttes et de cocotiers.
Des îlots de cocotiers seulement.
Nuages comme des orchidées.
À la surface de la mer, le ciel.
Et les bateaux à voile comme flottant parmi les nuages.
Les lents canoés sur ce miroir.
L’un d’eux conduit par deux gamines en slip.
Voiles lointaines dans l’azur :
– ailes d’aigrette élevées.
Des latrines sur la mer.
Fenêtre : derrière la fenêtre, la voile
du bateau amarré près de la maison.

Leurs souffrances commencèrent avec Colomb,
disent-ils.
Un jour ils fondèrent une république souveraine des Cunas
la République de Tulé (1925).
Ils sont socialistes depuis 2.000 ans.
Tous ensemble ils construisent les maisons de tous.
Les terres sont à toute la tribu.
Le bétail, les grands poissons sont partagés entre tous.
Parfaite harmonie interinsulaire.
Avec leur propre police
(pas tant pour eux que pour les « civilisés »).
Il n’y a pas de vols.
Si l’un d’eux volait un canot, Dieu lui en demanderait deux.
Ils ont peu de nombres. Plus de 100
s’exprime avec les cheveux :
selon le nombre, telle mèche de cheveux.
C’est pourquoi les civilisés les volent facilement.
Mais ils ne filoutent jamais entre eux.
L’entrée des marchands est interdite
sur tout l’archipel de San Blas
« Les marchands apportent le désordre. »
Ils ont seulement le droit de jeter l’ancre sur la côte
et les Cunas viennent voir leurs marchandises.
Les marchands créent aussi l’inégalité.

Les maisons de bois et de zinc sont nia nega (des maisons du diable)
parce qu’elles rompent l’égalité.
L’égalité des huttes.
Tous doivent être égaux.
En 1907 ils s’opposèrent à l’ouverture de magasins
parce que les magasins mettraient fin à l’égalité.
Aujourd’hui il existe des Magasins du peuple. Comme des Commissariats.
Mangues, bananes plantains, manioc,
tout ce qu’ils récoltent ils le partagent entre amis.
« Tous unis comme de nombreuses flèches.
Comme les flèches d’Ibelele quand il combattit les mauvais esprits. »
Ne pas fermer les portes quand quelqu’un vient.
Les ouvrir. Le laisser entrer.
Celui qui se croit savant se détruit lui-même.
Ils sont du « parti de Dieu », disent-ils.

Leurs congrès sont très fréquents,
d’hommes seulement, de femmes,
de garçons, de filles,
de garçons et de filles ensemble,
ou des assemblées générales.
La première partie est pour écouter Dieu.
Le cacique leur parle de Paba Igala
« les chemins de Dieu ».
Il répète les traditions
– peut-être depuis la préhistoire –.
Ils ne se lassent pas d’entendre la même chose.
La création du monde.
Ce que faisait l’Indien des anciens temps.
La seconde partie est pour les affaires diverses.
Nils Holmer assista à une assemblée de femmes.
Le cacique commença par leur parler du fleuve,
comment Paba l’avait créé.
Et ils devaient tous vivre en harmonie.
Il leur parla de la Norvège
où soufflent des vents violents et où les gens doivent se chauffer avec du feu
et où il y a de grands tremblements de terre et des volcans crachant des flammes.
Leurs îles étaient un paradis
sans tempêtes, tremblements de terre ni volcans en éruption
et ils devaient en être reconnaissants à Dieu.
Ils se souviennent d’un paradis d’où ils sont venus.
Le rio Tuile, au Darien.
Fleuve très beau des premiers Cunas.
C’est là que naquirent « les grands théologiens
historiens, moralistes et archéologues »
des Cunas.
Là-bas ils vivaient sans connaissances de la nature
ni du mystère de la gestation.
Ils savaient seulement s’aimer les uns les autres.
Ils connaissent Dieu depuis les commencements du monde.
Cela fait des milliers d’années que Dieu nous a créés
comme nous l’ont dit ceux qui savent,
tous les messieurs qui sont venus nous parler de Dieu n’exagèrent pas
eux aussi savent qu’ils croient en Dieu
comme l’histoire de Dieu que nos ancêtres connaissaient
il est vrai que ces messieurs sont toujours venus en prêchant
nous descendons du Piler (le premier homme)
comme le chantent ceux qui savent.
Ils sont offensés que les missionnaires disent qu’ils ne croient pas en Dieu.
Ils insistent :
Ils croyaient en Dieu avant l’arrivée des Espagnols.
Ils l’appellent Diosaila
de « Dios » en espagnol
ce qui ne veut pas dire qu’ils n’avaient pas de Dieu avant
car de « oro » [or] en espagnol vient leur mot « olo »
(et ils avaient beaucoup d’or)
et de saila
(Pérez Kantule dit à Erland Nordenskiöld, à Stockholm :
« À Stockholm, il y a une station centrale
qui apporte de l’électricité partout
cette station centrale est saila de toutes les stations plus petites »).

Le vieux Saila William Smith était le gendre du grand Nele Kantule.
Il me parla de Nele Kantule. Qu’il leur disait :
« Ce que j’ai appris de mes maîtres,
faire le bien.
Aider à améliorer la communauté.
Nous sommes tous frères. Dieu le veut ainsi. »
Il fit la révolution de 1925
et libéra sa communauté.
Il disait : « Nous ne sommes pas des animaux,
nous sommes humains, nous sommes enfants de Dieu.
Il faut nous améliorer. »
Et Saila Smith avait des peintures de l’Arbre de la Vie.
Il ne les vend pas. Elles sont sacrées.
Un arbre
et dessous une rivière.
Qui apparaît souvent dans les motifs de leurs molas.
Il me dit, dans son île :
« Tous unis comme les oiseaux d’un arbre
ils chantent tous
depuis les quatre heures du matin
ils chantent tous :
Dieu, tu me donnes des asticots,
tu me donnes toujours de bons fruits
pour vivre, c’est comme cela
que nous devons être, les hommes, tous unis,
communier, nous associer. »
Je déjeune chez le Saila
servi par la fille de Nele Kantule :
poisson cuit et bananes cuites
et séparément citron, sel et piments.
Il n’y a pas d’église parce que Dieu est partout.
« Chez nous il n’y a pas de péneti (mécréants) »
« Mon père
– au missionnaire –
vous êtes chrétiens parce que Dieu est né dans la race waga (étrangère)
et pour cette raison nous autres ne connaissons pas Jésus-Christ
mais s’il était né cuna
c’est nous qui serions les chrétiens
et de meilleurs chrétiens que vous qui versez le sang. »
Mais :
« Personne n’a vu Dieu. Nous ne savons rien de lui » (un sage cuna).
Leur salutation est :
Igi be pinsae ? – Dios gi an pinsae.
– À quoi penses-tu ? – Je pense à Dieu.
Dans le ciel, il y a des jardins avec des noix de coco
des bananes, du cacao, des cannes à sucre
des vêtements de toutes couleurs
« du genre de ceux qui arrachent les yeux aux Indiens ».
Tout ce qui appartient aux Blancs
automobiles, bateaux, trains
appartiendra aux Indiens dans le ciel.
Beaucoup de ces choses ont déjà leurs « âmes ».
Les bateaux qui passent par le Canal de Panama
peuvent se trouver spirituellement dans le ciel
et là-bas leur appartiennent.
Le Musée de Göteborg avec sa collection cuna
pourrait bien être à eux dans le ciel
dit en riant Pérez Kantule, à Stockholm.
« Mais non !
– au missionnaire –
aller en enfer, c’est pour vous, les waga. »
Les Cunas meurent contents parce qu’ils vont au ciel.

Et les enfants, en me voyant passer : Waga !
Le soir tombe. Devant la mer
allongé contre un canot accosté
un jeune Cuna écoute sur un magnétophone
une vieille chanson cuna.
Une gamine dans son canoé seule en pleine mer
transportant de l’eau dans des calebasses.
On croirait déféquer dans un aquarium.
Sous les latrines de palmes
l’eau de cristal, presque invisible.
L’étron qui flotte. Et le sable étincelant
étincelants les minuscules fragments de coquillages
et les petits poissons zébrés (jaune et noir).

Les animaux aussi vont au ciel.
Il y a des jaguars, des chevreuils, des tapirs.
Dans les anciens temps ils l’imaginaient seulement comme un lieu de chasse.
Aujourd’hui Dieu a le téléphone.
On raconte que pour monter au ciel on prend un ascenseur.
Dans les avenues il y a des sortes de lianes qui sont les fils téléphoniques
par lesquels Dieu communique à longue distance.
(D’après les récits de ceux qui ont travaillé au Canal ou ont été marins.)
Les Neles sont sceptiques
sur ce genre de ciel.
Nele Subo dit seulement :
« C’est le lieu où les hommes vivent à nouveau. »
Et
Iguantipipi
« célèbre philosophe cuna »,
selon ce qu’il dicta :
– C’est le lieu où nous serons amis.
On l’on va bras dessus bras dessous.
Et un autre :
« Au ciel il n’y a presque pas de Blancs.
Ceux qui s’y trouvent vendent des bananes dans la rue
comme les Indiens de Pintupo au Panama. »
L’âme est comme le reflet d’un miroir
mais vivant pour toujours.
Les Neles sont ceux qui connaissent les choses de l’âme.
Dans les Actes du 3e Congrès d’Alto Bayano (août 1956)
il est écrit :
« Nous avons une race cuna
et on dit aussi que Dieu fit le monde pour que
nous vivions sur
cette terre, comme un seul groupe. »

Cocotiers, sable blanc et au-delà les récifs de corail.
Les bancs de sardines verts comme des brins d’herbe,
comme un pâturage luxuriant.
Turpana1 m’avait dit, à Panama :
Là-bas tu trouveras ce que tu aimes
une société socialiste.
Le traditionnel, ici, est le révolutionnaire
dis-je à présent sur la plage devant le récif.
Turpana a étudié à la Sorbonne.
Et il me raconte, devant l’eau verte :
Avant, ils disaient qu’Ibeorgun est venu dans un nuage d’or,
maintenant, qu’il est venu dans une soucoupe volante en or.
Mais ça ne veut pas dire qu’ils pensent que ce soit réel.
Les ethnologues ne le savent pas.
Que ça ne veut pas dire que ce soit réel pour eux.
Ils voient le ciel comme une cité de lumière, de pure lumière.
Pour cette raison ils parlent d’or,
or veut dire lumière.
Ou quand ils disent qu’Ibeorgun n’avait pas de mère,
c’est que ses idées sont éternelles.
Et qu’elles viennent du ciel.
Devant ce vert resplendissant
vu avant depuis l’avionnette,
et si transparent, vu depuis l’avionnette jusqu’au fond profond
sous la transparence verte.
Couleur verte d’yeux verts.
Jardins submergés.
Des jardins japonais sous l’eau.
Des paysages silencieux sous l’eau.
Poissons de couleurs entre les coraux.
Saila vient de racine, me dit Turpana.
Peut-être parce qu’elle représente la tradition.
Purba-binye : perdre l’esprit. (Aliénation.)
Et pour le mot convaincre ils disent : chasser la pensée.
C’était alors le meilleur Panama.
Celui du temps de Torrijos2.
Un pauvre garçon acculturé comme moi…
dit Turpana.

Leurs souffrances commencèrent avec Colomb.
Les Espagnols vendaient les belles filles 30 dollars.
Et l’Espagnol dit à Iguab : je vais travailler ça
(la mine)
et l’Indien Iguab lui répondit que l’or était à Dieu
et l’Espagnol demanda l’or à l’Indien Iguab,
Iguab était un homme qui savait ciseler l’or.
Et il ne voulut pas leur montrer les mines d’or
alors ils tuèrent l’Indien Iguab.
Ils ouvraient le ventre aux ancêtres.
Ils retirèrent ses entrailles à un enfant
et les mirent à sécher au soleil.
Les ancêtres partaient dans la forêt, sur les rivières.
Et les Espagnols les chassèrent comme des animaux.

Dans le canot, face à l’île Alunega
Alejandro Henry, sur sa poitrine une dent de tapir,
me dit : « Les hommes doivent être unis comme une seule main,
sans un retranchement. » Et :
« Je voudrais voir tous les visages sourire
dans chaque village, chaque nation. »
Ils refusèrent de vendre du sable pour le Canal
parce que : « Celui qui a créé le sable de la mer
l’a créé pour les Indiens qui étaient là avant
et pour les Indiens qui sont là maintenant
et pour ceux qui viendront après. »

Un autre jour nous nous rendîmes dans une île éloignée
pour voir le bateau englouti
que nous regardâmes avec des lunettes de plongée.
Courbines sur le pont,
la boussole couverte de corail,
des mollusques incrustés dans le bronze corrodé, les fers entartrés,
dans les profondeurs violettes.
Les objets sans ombre,
lumière diffuse flottant la même partout.
Poissons virevoltant entre les garde-corps
rayés comme des tigres ou bien tachetés.
Des animaux qui ressemblent à des pis de vache
des animaux comme des calices,
des êtres en forme de champignons,
toutes les couleurs un peu éteintes.
Des plantes couleur de vin.
Entre des lames dentées
des branches de coraux rouges-noirs aux fleurs pâles.
Des algues ondulant comme des chevelures.
Des bancs de poissons sortant des hublots.
Le gouvernail couvert d’éponges.
Le navire englouti converti en récif.
Et je leur lus le poème NELE KANTULE à Ustupo.
Rien moins qu’à Ustupo.
Là où se trouve la place Nele Kantule avec son monument
de ciment et d’azulejos de salle de bain.
Au Congrès ils écoutèrent sur un magnétophone
un enregistrement que Pérez Kantule leur envoyait de Panama :
« Si vous aviez abandonné vos traditions
vous payeriez un loyer dans vos maisons
et la majorité d’entre vous n’auraient plus de terres. »
Une société voulait construire là un hôtel Hilton.
Le traditionnel était le révolutionnaire.
Le progrès capitaliste, une régression.
Au matin les canoés d’hommes qui vont au travail.
Des garçons et des filles qui vont à l’école, sur l’autre île,
par une route,
une route-pont qu’a construite le peuple tout entier.
Il commençait à y avoir un certain capitalisme, me dit-on à Ustupo,
et c’est pourquoi certains ne voulaient plus travailler.
Mais Torrijos m’a dit : « Il n’y aura pas de Hilton. »

Pleine lune sur la mer calme comme un lac.
Sur l’eau illunée les huttes du village cuna reflétées.
À l’intérieur de ce silence
des voix d’enfants jouant et parlant en cuna.
Ombre des huttes dans l’eau laiteuse,
et l’ombre des canoés lents.
Le scintillement sur la mer
de la lune
et du village cuna.
Ils ne croient plus que les albinos soient des enfants de la lune3.
Bien se comporter
pour ne pas être laissé sur le Quai du Ciel.
Tous unis comme un seul arbre.
« Nele », bien traiter autrui,
a dit le Saila.
Ils parlent en secret de l’arbre de la vie,
l’arbre Pulu-wala (la mère qui nous donna le jour à tous)
où il y avait des plantains, des terres, de l’eau de mer et de l’eau douce
du poisson et de nombreux animaux
et au pied de l’arbre une rivière
et Olouaipilele coupa l’arbre
et il en tomba des bananes, du manioc, des ignames, du maïs
et du poisson (vivaneau, tarpon, courbine)
et la mer se forma.
– L’ouverture du sac amniotique ?
Le littoral des îles un pur cristal,
et l’on peut voir le fond de la mer.
Là-bas des pneus, plastiques, pots de chambre…
Et par-dessus les ordures, les poissons de couleurs.

1 Turpana : Le poète guna Arysteides Turpana (1943-2020), dont nous avons traduit quelques poèmes dans notre billet « Poésie emberá et kuna contemporaine du Panama » (voir le lien dans l’introduction ci-dessus)..

2 Torrijos : Le « général Omar Torrijos, Leader suprême de la Révolution panaméenne (Líder Máximo de la Revolución Panameña), qui dirigea le pays officiellement ou par personne interposée de 1968 jusqu’à sa mort en 1981, [conduisant] une politique progressiste saluée par des personnalités telles que le poète et ministre sandiniste Ernesto Cardenal ou encore l’écrivain Graham Greene, et soutenue par Fidel Castro. » (Tiré de l’introduction à mes traductions de « Poésie anti-impérialiste du Panama » ici)

3 enfants de la lune : L’albinisme est notoirement répandu parmi les Guna, et la prévalence du phénomène fait du Panama le pays ayant le taux d’albinisme le plus élevé au monde. Les enfants albinos étaient considérés comme des « enfants de la lune » et mal accueillis dans la communauté. Cardenal indique ici un changement de mentalité à ce sujet chez les Guna.

Twit27 L’art de la décapitation symbolique

Anthologie Twitter Dec 2019-Jan 2020 FR-EN

*

Un humoriste était poursuivi pour injure pour avoir traité une politicienne de « conne ». « Le tribunal a jugé que cela relevait du débat et de la polémique normale en démocratie », donc relaxe. « Con » n’est pas une injure ? Qui pourrait y comprendre quelque chose ? Guy Bedos, l’humoriste en question, a traité Nadine Morano de « conne », de « salope » et de « connasse ». Il a été relaxé en première instance, relaxé en appel et relaxé en cassation (en 2017). Merci à Nadine Morano d’avoir, par sa détermination sans faille, permis aux Français de s’ôter le doute, après trois relaxes contre sa plainte, quant au fait que « con/conne », « salaud/salope », « connard/connasse » ne sont pas des injures aux termes de la loi française.

*

Delevoye Gate (Suite : Pour la 1e partie, voyez ici)

Les services du Premier ministre auraient dit, selon le journal Le Point : « C’était à lui [Delevoye] de nous informer et de demander s’il pouvait cumuler salaire privé/public, il ne l’a pas fait. On ne peut pas présumer que les gens vont tricher. Nous ne sommes pas la police. » Incroyable aveu. Si les services ne rappellent pas aux nouveaux venus les règles, en particulier les plus sensibles comme celles relatives aux conflits d’intérêts, qui peuvent d’ailleurs être d’interprétation difficile, il ne faut pas s’étonner des conséquences… À peu près n’importe qui peut être nommé ministre ; croyez-vous qu’un joueur de rugby, par exemple, connaisse sur le bout des doigts, en arrivant, la législation sur les conflits d’intérêts ? Non, les services sont là pour rappeler les règles et travailler aux régularisations nécessaires.

ii / La mission de police constitutionnelle

Delevoye ne peut être seul en cause dans une affaire de manquement constitutionnel (à savoir, de manquement à l’article 23 de la Constitution). Avant tout, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) n’est pas constitutionnalisée mais les incompatibilités entre poste ministériel et certaines fonctions le sont : la HATVP n’est donc pas gardienne de l’article 23.

Or ; là où il y a des règles, il y a ceux à qui elles s’appliquent et ceux qui en vérifient la bonne application. Delevoye était celui à qui s’appliquait l’article 23. Qui sont ceux qui vérifient l’application ? Pas Delevoye lui-même. Ni la HATVP, qui n’est pas constitutionnalisée. Les gardiens de l’article 23, c’est le gouvernement lui-même, quand il accueille un nouveau ministre, c’est-à-dire ceux qui disent aujourd’hui : « On ne peut pas présumer que les gens vont tricher. Nous ne sommes pas la police. » Or ils sont la police de l’article 23, eux et personne d’autre.

Le gouvernement est co-responsable du respect de la Constitution par les ministres. Il n’est pas responsable de leurs agissements pénaux mais de leurs agissements constitutionnels, donc, ici, des manquements constitutionnels de Delevoye.

La police judiciaire (PJ) n’a pas dans ses attributions d’enquêter sur des manquements constitutionnels. Au sujet des infractions pénales de Delevoye, le gouvernement peut certes dire « Nous ne sommes pas la police » mais au sujet de la violation de l’article 23 de la Constitution il est la police.

La police judiciaire et le parquet n’ont pas dans leurs attributions d’enquêter sur les manquements constitutionnels. La police de l’article 23 enfreint par Delevoye échappe à la PJ ; c’est une police constitutionnelle et non judiciaire. « Nous ne sommes pas la police » est donc inexact de la part des services du Premier ministre ; certes, ils ne sont pas la PJ, mais ce sont les seuls à exercer la police constitutionnelle de la prévention des infractions à l’article 23.

La « police constitutionnelle » 😂 😂 😂

Sur le modèle de la police administrative, chargée de la prévention des troubles à l’ordre public, il va de soi que les organes constitutionnels ont un pouvoir de police constitutionnelle visant à prévenir les violations de la Constitution.

Indépendamment de toute infraction pénale, M. Delevoye a démissionné pour non-respect de l’article 23 de la Constitution. En cas d’infraction pénale, selon la jurisprudence dite Bérégovoy-Balladur un ministre est tenu de démissionner quand il est mis en examen. M. Delevoye n’était pas mis en examen quand il a démissionné. Sa démission est purement la conséquence d’un manquement constitutionnel.

La police judiciaire et le parquet sont hors de cause tant dans le manquement constitutionnel que, en tout état de cause, dans le fait que de possibles infractions pénales n’ont pas été prévenues (la prévention relève de la police administrative).

Même si l’on ne veut pas parler de police constitutionnelle pour le manquement constitutionnel, qui donc doit exercer la police administrative en veillant à prévenir les prises illégales d’intérêts (en tant qu’infraction pénale) par un membre du gouvernement, sinon les services du Premier ministre ?

Delevoye n’avait pas à démissionner pour une infraction pénale puisqu’il n’était pas mis en examen. Il a démissionné pour un manquement constitutionnel, dont les sanctions ne relèvent pas de la loi, dans la hiérarchie des normes. La HATVP n’étant pas constitutionnalisée, elle ne connaît pas des manquements constitutionnels. Le manquement étant caractérisé, la responsabilité des organes constitutionnels, sur le modèle de la responsabilité de l’État dans les défaillances de police administrative, est engagée.

« La HATVP n’étant pas constitutionnalisée, ne connaît pas des manquements constitutionnels. » Ça n’a aucun sens. Un tribunal administratif lambda n’est pas « constitionnalisé » et pourtant passe son temps à vérifier la conformité du règlement à la Constitution…

Le Conseil d’Etat étant constitutionnalisé, par exemple à l’article 61-1 de la Constitution, c’est toute la juridiction administrative qui l’est. La HATVP ne peut servir à l’exécutif à se défausser de sa responsabilité. En admettant Delevoye parmi ses membres, il a fait preuve de négligence.

La mission de police administrative engage la responsabilité de l’État, y compris sans faute (réparation des blessures par arme dangereuse aux tiers à des opérations de police, indemnisation des victimes d’attentats terroristes, indemnisation des commerces ayant subi des dommages à la suite d’attroupements sur la voie publique, etc). Or il existe une mission de « veiller au respect de la Constitution », qui est également préventive.

Toute définition d’une infraction et d’une sanction relève de la loi, c’est l’article 34 de la Constitution. Par ailleurs, la règle constitutionnelle violée est son article 23, qui renvoie explicitement à la loi organique pour définir sa mise en œuvre.

Si le gouvernement passe outre par exemple l’article 35 de la Constitution (envoi de troupes à l’étranger après information du Parlement), c’est une infraction dont nulle juridiction ne connaît (théorie des actes de gouvernement). Si la loi organique de l’article 23 est muette ou n’existe pas, idem.

Elle n’est pas muette mais effectivement assez sibylline. Après il appartient à la loi pénale de créer une peine pour sanctionner la violation ; en l’espèce ça ressemble à de la prise illégale d’intérêts.

Le cas pénal de Delevoye n’est pas le sujet puisqu’il a démissionné avant toute mise en examen. Il s’agit du cas d’un exécutif qui a failli dans sa mission de « veiller au respect de la Constitution », et des réparations que le peuple français est en droit d’exiger et d’obtenir.

Tout comme l’article 432-12 du code pénal (prise illégale d’intérêts) et tout comme la loi organique prise en application de l’article 23, l’article 23 lui-même est une norme juridique. Cette norme exige que le gouvernement ne nomme aucun membre qui ne la respecte pas. L’exécutif a failli.

Si vous lisez l’ordonnance organique en question : « Pour chaque membre du Gouvernement, les incompatibilités établies à l’article 23 de la Constitution prennent effet à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa nomination. » La faute n’était pas la nomination, c’est l’absence de démission de Delevoye de ses fonctions dans le délai imparti. Après ce que je comprends de votre argumentaire c’est qu’il y aurait eu une carence du pouvoir exécutif (au titre de ses pouvoirs de police) dès lors qu’il n’a pas édicté de norme règlementaire ayant permis d’éviter que Delevoye fraude, c’est bien ça ?

Non, la faute est de nommer une personne ministre (qui peut être n’importe qui, un joueur de rugby, par exemple) en croyant qu’elle connaît déjà sur le bout des doigts les règles s’appliquant aux membres du gouvernement et que nul au gouvernement n’avait donc à la « briefer ». Quand un joueur de rugby ou de ping-pong est nommé ministre, il y a forcément quelqu’un qui vient lui parler de l’article 23 de la Constitution et de quelques autres subtilités juridiques. Qui est cette personne dans les actuels services du gouvernement ?

La préparation de le composition du gouvernement est coordonnée par le SGG [Secrétariat général du Gouvernement]. Mais, un mois après la nomination, un ministre dispose d’un cabinet assez large, d’un SG et généralement de plusieurs directions générales d’administration centrale pouvant lui donner tout conseil utile.

[L’échange se clôt sur cette parole de mon contradicteur, à qui je laisse le dernier mot sans rien changer à mon opinion.]

*

On est en train de confier la liberté d’expression à des algorithmes ! (Lucille Rouet, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, 19.12.2019, sur la proposition de loi Avia « contre la haine sur Internet »)

C’était la couche suivante. La couche en-dessous dans les sables mouvants. Aux États-Unis on pense, en France on se demande ce qu’on a le droit de penser.

« La plateforme peut être sanctionnée si elle ne réagit pas ou pas assez vite. En revanche aucune peine n’est prévue en cas de retrait abusif. Résultat : on encourage les plateformes à censurer à titre préventif. » « On encourage » est une litote : c’est une véritable pression.

« La question est traitée d’abord par les plateformes, ensuite par le CSA et enfin par un observatoire. Le juge n’occupe plus qu’une place anecdotique. » Repose en paix, loi de 1881.

1881 : « D’un système préventif à un système répressif où seuls les délits sont réprimés, sans possibilité de censure a priori. » Le système redevient préventif, avec censure a priori par l’autorité administrative (avant tout jugement). – D’un autre côté… il ne peut pas y avoir de délit de presse quand il y a censure a priori !

En réalité, une collectivité qui accepte de punir de peines privatives des « délits de presse » (qui seraient mieux nommés délits de parole – à l’attention de ceux qui ne sont pas familiers avec ces dénominations abusivement trompeuses) peut difficilement argumenter contre la censure a priori.

*

Je me demandais quel ministre se ferait choper en vacances au soleil pendant que le pays est en proie à une colère grandissante. Que ce soit la ministre des transports est inespéré. (B. Gaccio)

Il devrait être interdit aux ministres en exercice de partir en vacances à l’étranger, où ils sont forcément l’objet de pressions des autorités étrangères, de lobbying d’intérêts étrangers, en l’occurrence ici de la monarchie marocaine.

*

#RégimesSpéciaux En capitalisme, les inégalités entre travailleurs sont choquantes (il faut donc une réforme des retraites) mais les inégalités entre travailleurs et capitalistes ne sont pas choquantes. À bas les inégalités entre travailleurs ! 😂

*

New Zealand man jailed for 21 months for sharing Christchurch shooting video. (BBC News, June 2019)

Making it a crime to possess a shooting video is a violation of freedom of speech. It amounts to claiming that the government must be the only source of truth. The only source of truth will be at the same time the agency that restricts access to evidence.

Under a constitutional regime the government can make no claim to being an authority as to what the truth is. Hence, by restricting access to evidence it overrides its constitutional function and mocks constitutional liberties.

*

Arrêtez vos ghosneries

« Je n’ai pas fui la justice, je me suis libéré (…) de la persécution politique » : Carlos Ghosn confirme dans un communiqué avoir fui le Japon pour le Liban. (Europe 1)

S’il vous plaît, Amnesty France, faites quelque chose pour cette personne persécutée en raison de ses idées… 🙄

ii

#Parodie Les voeux du Père Zi Dent: Carlos Ghosn a droit à l’aide consulaire de la France. Certes, il existe sans doute des accords d’entraide judiciaire entre la France et le Japon mais rappelez-vous quand même de quel côté étaient les yakitori pendant la guerre…

Post-scriptum. Le kwassa-kwassa amène du Comorien, c’est différent.

iii

Le Liban a reçu d’Interpol un mandat d’arrêt international visant l’ex-patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn (Reuters). (Brèves de presse)

« Une notice rouge consiste à demander aux services chargés de l’application de la loi du monde entier de localiser et de procéder à l’arrestation provisoire d’une personne dans l’attente de son extradition, de sa remise ou de toute autre procédure judiciaire. » (Site Interpol)

Verrons-nous bientôt la figure de Ghosn sur le tableau d’Interpol à côté de Lugo, Elmer, Ivan, José-Daniel et compagnie ?

La demande d’arrestation de Carlos Ghosn déposée par Interpol est faite dans le but de l’extrader vers le Japon ou de le soumettre à une juridiction. Or le Liban n’a pas d’accord d’extradition avec le Japon et Carlos Ghosn n’est nullement poursuivi au Liban. (El Gary)

Le Liban est membre d’Interpol, ce qui signifie qu’il a des obligations envers l’organisation et les autres États membres, dont le Japon. Ce qu’est censé faire le Liban, membre d’Interpol, qui a sur son territoire un fugitif recherché par l’organisation, il me semble que cela va de soi…

S’il ne faisait rien, le Liban romprait ses engagements auprès d’Interpol. Il doit donc arrêter Ghosn et le livrer à qui de droit au titre de son engagement multilatéral (dans Interpol), même en l’absence d’accord bilatéral avec le Japon.

L’absence d’accord bilatéral ne doit pas empêcher une extradition, qui serait un acte de gouvernement démontrant de bonnes relations diplomatique entre le Liban et le Japon. (Si c’est impossible, l’extradition peut à la rigueur passer par un État tiers ayant convention avec le Japon.) Les deux États devraient pouvoir régler la question au niveau diplomatique même en l’absence d’accord bilatéral préalable, puisque Interpol, dont le Liban est membre, va dans le même sens que le Japon.

iv

Lebanese lawyers want Ghosn prosecuted over Israel trip. (France 24, 2.1.2020)

Ghosn pourrait être inquiété au Liban pour avoir enfreint en 2008 la loi libanaise (“for the crime of having entered an enemy country and violated the boycott law“). Un rapport vient d’être remis au parquet libanais.

v

Médias français : « Rien n’oblige le Liban à arrêter Carlos Ghosn. » Rien ne l’y oblige si ce n’est sa signature au bas de l’acte de ratification de la charte d’Interpol par lequel l’État libanais s’oblige vis-à-vis de l’organisation. Si le Liban n’arrête pas Ghosn après la notice rouge d’Interpol, ce pays doit être exclu de l’organisation internationale.

vi

Ghosn lawyer feels betrayed over tycoon’s Japan escape (tribune.net.ph)

« L’avocat de Carlos Ghosn se sent trahi par l’évasion du tycon. » Personne ne se demande si Ghosn a bien payé tous ses honoraires à son avocat japonais avant de s’enfuir du Japon.

Carlos Ghosn a-t-il payé ce qu’il doit à son avocat japonais ? L’avocat de Ghosn devait contractuellement recevoir des honoraires jusqu’au terme de la procédure. En s’enfuyant, Carlos Ghosn a, me semble-t-il, rompu le contrat de manière unilatérale.

vii

L’affaire Carlos Ghosn selon la bourgeoisie nihiliste : « Il y aura un film. »

viii

‘Pretty much everybody prosecuted gets convicted:’ Carlos Ghosn exposes Japan to new scrutiny. (finance.yahoo.com)

‘Pretty much everybody prosecuted gets convicted.’ This may mean that Japanese prosecutors are cautious before sending people before a court, unlike French prosecutors who send almost anybody and there is no compensation for the damages caused by their rash decisions. Ghosn thinks ‘Pretty much everybody prosecuted gets convicted’ is an indictment of Japan’s judiciary and thus a point in his defense, but it may be a virtue rather than a vice.

Let’s assume with Carlos Ghosn that nearly 100% of people prosecuted in Japan are convicted [it is a fact, see below]: That says nothing about the rate of judicial miscarriage in this country. On the other hand, a rate of, say, 50% would show a tendency to prosecution-mindedness that must result in miscarriage. As a matter of fact, it’s either ‘Pretty much everybody prosecuted gets convicted’ or ‘Many prosecuted people are found innocent.’ The latter hints at either prosecution-mindedness or defective investigation skills or both, and thus at miscarriage of justice. Furthermore, when ‘Many prosecuted people are found innocent,’ those innocent and yet prosecuted citizens are subjected to appalling ordeals for which they will never be properly compensated (when they escape miscarriage of justice to begin with).

Japan’s measures of precaution are not in the interest of the people it claims to protect. Those measures are designed to ensure the Prosecution gets a conviction that will never reach appelate court. That’s why nine in ten convictions rely on confessions. (Th. H., posting an Al Jazeera documentary about Japan’s judicial system, dealing at length with a resounding case of judicial error)

Judicial errors are appalling in every country, no matter the ‘‘logic’’ by which they occur. “Various studies estimate that in the U.S. between 2.3 and 5% of all prisoners are innocent.” (Wkpd Miscarriage of Justice) Still Carlos Ghosn has no right (that I know of) to forum-shopping for the “best” criminal court.

There is no reliable statistic for Japan on such numbers because their Judiciary refuses to say they have been wrong. (Ibid.)

The Japanese system has been studied: Mark Ramseyer & Eric Rasmusen, 2000, confirm my opinion: “In the matter relating to Japanese prosecutors being extremely cautious, the paper found ample evidence for it.” (Wkpd Criminal justice system of Japan and for the paper itself here) & “Japan’s prosecutors only bring the most obviously guilty defendants to trial, and do not file indictments in cases in which they are not certain they can win.” & “The prosecutors may decide, for example, not to prosecute someone even if there is sufficient evidence to win at trial, because of the circumstances of the crime or accused. Article 248 of the Japanese Code of Criminal Procedure states: ‘Where prosecution is deemed unnecessary owing to the character, age, environment, gravity of the offense, circumstances or situation after the offense, prosecution need not be instituted.’#Wisdom

Those words aren’t worth the paper they’re written upon. (…) And “character”? My, what a weasel word that is. What is the legal precedence that defines character? Or is this written in Japan’s legal code of “how to be a human being, or else”? (Th. H.)

Were it not for the results: “For a summary of the literature suggesting a high accuracy rate in the Japanese judiciary, see Johnson, supra” (Ramseyer & Rasmusen, footnote 53) “Johnson” is footnote 3: “The parallel between Japanese confessions & U.S. plea bargains is made explicitly in David Ted Johnson, The Japanese Way of Justice: Prosecuting Crime in Japan ch. 7 (PhD Dissertation, Univ of California, Berkeley, 1996)” [Thus, Th. H.’s argument regarding confessions in the Japanese judicial system could serve as an argument against plea bargains in America, or, conversely, serves no purpose at all.]

ix

‘Pretty much everybody prosecuted gets convicted’: Carlos Ghosn explains he jumped bail and fled from Japan because the country has one of the best judicial systems in the world!

Ramseyer & Rasmusen, 2000: “Are Japanese courts convicting the guilty and innocent alike, or are prosecutors merely choosing the guiltiest defendants to try? Absent independent evidence of the guilt of the accused, one cannot directly tell. In this article we pursue indirect evidence on point.

If prosecutors in Japan prosecute a higher percentage of guilty defendants than in the US, higher conviction rates will result under unbiased adjudication. We ask whether the Japanese judicial bureaucracy does reward unbiased accuracy, or instead rewards convictions.

The conclusions are detailed in Ramseyer & Rasmusen, Why Is the Japanese Conviction Rate So High? This scholarly work wrecks Ghosn’s self-justification.

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Israel is about to use an old British Mandate-era emergency act to impose a nighttime curfew on Palestinians living in East Jerusalem.

Israel has been applying a state of emergency (giving extra powers to the government and curtailing basic rights) since 1948. With its 70-year-long state of emergency, that state is a gibe at the essence of constitutional thinking.

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Voeux du Président. Une annonce inquiétante mais passée presque inaperçue : Macron annonce qu’il prendra « de nouvelles décisions » contre « les forces qui minent l’unité nationale » dès les semaines qui viennent.

Ce ne sont pas des vœux, ce sont des menaces…

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L’histoire du mentaliste qui n’avait jamais compris que sa femme simulait…

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For a belief to be protected under the Equality Act 2010, it must meet a series of tests including being worthy of respect in a democratic society. (The Independent, UK)

You call that freedom? It’s always the government tells what is worthy of respect when the law says things must be worthy of respect.

As I hear of a League Against Cruel Sports (‘‘Campaigning to expose and end cruelty to animals in the name of ‘sport’’’), cruelty to animals (in the name of sports) must be worthy of respect in a democratic society as an NGO campaigns for ending it and so far the legislator, the government, the police, the judiciary haven’t been aware that it is unworthy of respect. Thus an employee with a “philosophical belief” in the benefits of cruelty to animals (in the name of sports) is protected by Equality Act 2010 while protection is restricted to beliefs “worthy of respect in a democratic society.” And yet again Equality Act is apt to stifle all kinds of dissent.

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Est justifiée l’hospitalisation sous contrainte de celle qui « reste convaincue d’idées bizarres concernant la survenue prochaine d’une apocalypse et d’une troisième guerre mondiale ». Cour d’appel de Colmar, 23 mai 2016. (Curiosités Juridiques)

C’est officiel : la Troisième Guerre mondiale n’aura pas lieu…

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A Deep-State Hatred

In 2011, Trump believed Obama would start a war with Iran to help win an election. (NowThis, Jan 3)

If all U.S. presidents nowadays show signs of wanting a war with Iran, is there a Deep State after all?

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You are outraged an Iranian murderous maniac is dead? Why? (C. Kirk, ‘’Chairman of Trump Students,’’ to Rep. Ilhan Omar)

Lynch Law mentality applied to international relations… No surprise from a country – the USA – that always refused to be part of the International Criminal Court. [To be sure, Iran is in the same relationship to the ICC as the US.]

iii

Officials presented the president with options. The Pentagon tacked on the choice of targeting Suleimani mainly to make other options seem reasonable. They didn’t think he would take it. When Mr. Trump chose the option, military officials, flabbergasted, were alarmed. (NY Times)

I’m not sure what that says about who is the most unwise: Potus or the Pentagon. I guess the Pentagon. (Just saying in case this pretty story is made up to cover the Deep State.)

iv

Soleimani had a hand in: —The attack on Benghazi —The attack on the US Embassy in Iraq —Transmitting 9/11 terrorists through Afghanistan —Failed assassination attempts of foreign leaders on US soil —The killing on 600+ Americans. THIS is who Democrats are defending? (C. Kirk)

Not to mention “the death of millions of people” (Trump’s tweet of Jan 3)

Transcript: “General Qassem Soleimani has killed or badly wounded thousands of Americans over an extended period of time, and was plotting to kill many more… but got caught! He was directly and indirectly responsible for the death of millions of people, including the recent large number of PROTESTERS killed in Iran itself. &c

v

#IranPlaneCrash

When a Boeing plane crashes in Iran during a crisis between this country and the U.S., one easily forgets that Boeing CEO Muilenburg had just resigned after two #Boeingcrash’es elsewhere, Boeing planes being hazardous… What’s more likely, then?

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Le policier reconnaît un tir de LBD blessant un lycéen, le parquet le blanchit. (Mediapart)

Quand les forces de l’ordre sont en cause, il ne faut pas saisir le juge pénal (qui se base sur des enquêtes de police) mais le juge administratif (JA). Pour le JA, le LBD est une « arme dangereuse » dont l’utilisation déclenche le régime de responsabilité sans faute de l’État.

Je ne suis pas un professionnel du droit mais quand je vois toutes les personnes blessées et mutilées par les forces de l’ordre qui saisissent le juge répressif en y croyant, et ignorent complètement le JA, je me dis que les avocats de ce pays sont des parasites.

(Et les journalistes ne valent pas mieux puisque même ceux qui sont spécialisés dans le droit semblent ignorer le fonctionnement des juridictions, à savoir qu’il existe un juge administratif qui juge la responsabilité de l’État.)

« Les affaires de Flash-Ball devant la juridiction administrative ne sont pas légion. La voie devant le juge pénal étant systématiquement empruntée, les requérants ont rarement actionné le juge administratif. » (Lien : La responsabilité de l’État du fait de l’utilisation d’un Flash-Ball) Le plaignant, dans l’arrêt CAA 2018, reçoit 86.400 euros en appel.

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Une idée répandue est qu’aider les gens les rendrait paresseux et les encouragerait à profiter du système. Nos expériences montrent le contraire : plus on aide les gens, plus ils sont capables de sortir de la pauvreté dans laquelle ils étaient enfermés. (Esther Duflo, Prix Nobel d’économie)

Pourquoi les riches voudraient-ils que leur argent, via l’impôt, permette à des pauvres de les concurrencer en sortant de la pauvreté ?

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Xénopsychologie judiciaire

Est justifiée l’hospitalisation sous contrainte de celui qui attend toute une nuit dans un champ les soucoupes volantes pour l’amener sur Vénus. CA Aix-en-Provence, 8 juillet 2015 (Curiosités Juridiques)

Je commence à suspecter vos présentations. Ce tweet ne devrait-il pas être rédigé comme suit : « Est justifiée l’hospitalisation sous contrainte de celui qui parmi d’autres éléments de son bilan psychiatrique attend toute une nuit dans un champ etc » ? C’est un bilan général qui peut justifier une hospitalisation sous contrainte et non des éléments qui, pris isolément, relèvent des opinions des personnes et ne regardent qu’elles. On a le droit dans une société pluraliste de croire aux ovnis et aux rencontres du troisième type.

The SETI Institute’s senior astronomer, Seth Shostak, estimates that there are between ten thousands and one million planets in the Milky Way containing a radio-broadcasting [intelligent] civilization. Carl Sagan estimated around a million in the galaxy, and Drake estimated around ten thousand.” (Ray Kurzweil, The Singularity Is Near, 2005)

La NASA a déjà pris des décisions fondées sur la détection d’ovnis [au moins une décision] : « Le retour de la navette sur Terre devait avoir lieu le 19 septembre, mais il fut retardé d’environ 24 heures car plusieurs objets non identifiés se trouvaient dans les hautes couches de l’atmosphère, rendant la rentrée de la navette risquée. » (Wkpd STS-115)

ii

Pas super malin TPMP d’avoir diffusé la vidéo de Stefanyshyn-Piper en disant qu’elle s’était évanouie à cause des UFO. Ça s’appelle de la désinformation et c’est dangereux. Elle subissait juste la transition de l’impesanteur (sic) à la gravité terrestre à son retour de mission. (TheWiseRafiki, oct. 2019)

La NASA explique que les évanouissements sont fréquents au retour des astronautes sur terre mais ne dit pas pourquoi, alors que des conférences de presse au retour sur terre ont toujours lieu, les astronautes ne s’évanouissent pas en général ; cela s’est produit seulement avec Heidemarie Stefanyshyn-Piper. La seule astronaute connue à s’être évanouie lors d’une conférence de presse au retour sur terre, ce fut au moment où elle disait : « Nous avons vu quelque chose… que nous n’avions jamais vu avant. Et quand j’ai ouvert la porte, il y avait aussi quelque chose de différent… » Le seul évanouissement filmé en conférence de presse a donc eu lieu quand l’astronaute allait parler d’une chose « jamais vue avant » et après un report de l’atterrissage par la NASA en raisons d’objets non identifiés.

La NASA dit que ces choses qui ont retardé l’atterrissage et que l’astronautes dit n’avoir « jamais vu avant » étaient… des « débris spatiaux » (Wkpd STS-115). Tout s’explique. En réalité, la conclusion qui s’impose, suite aux explications des événements par la NASA, est que leurs astronautes sont susceptibles de confondre des débris spatiaux avec quelque chose de « jamais vu » ou d’avoir des hallucinations alors qu’ils sont censés être triés sur le volet…

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#AustralianFires The Solid State Entity (or Intelligence) SSE/SSI needs a dry planet whence all organic life (water bodies) has disappeared, as water/humidity is corrosive to It.

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Finlande : vers une semaine de travail de quatre jours, six heures par jour ? (Journal Fakir)

Dans un pays riche, on peut vivre mieux. Mais la France n’a pas le niveau de la Finlande… (Marmelade-Actu)

En termes de PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat), la Finlande et la France se talonnent. Pour le FMI (2017), la Finlande est au 27e rang, la France au 29e. Pour le CIA Factbook (2017), la Finlande est au 37e rang, la France au 39e. Pour la Banque mondiale (2016), FL 27e, FR 31e. [Chiffres de la page Wkpd Liste de pays par PIB (PPA)] La page Wkpd en anglais a des chiffres plus récents. La Finlande et la France se sont encore rapprochées (FMI 2018 : 24e et 25e). Elles sont grosso modo au même niveau pour le PIB per capita, un indice du niveau de vie.

Un vrai bon indice du niveau de vie serait un indice synthétique du PIB par tête et du coefficient de Gini (qui mesure les inégalités de revenus). La Finlande a une répartition sensiblement plus égalitaire (Gini 26,8) que la France (37,2). Puisque la Finlande a un PIB par tête comparable à celui de la France (très légèrement supérieur) et en même temps un Gini bien plus égalitaire, chez eux la semaine de 24 heures (payée 35) aura un effet moins égalisateur qu’elle ne l’aurait chez nous, car ils partent de plus loin dans l’égalité.

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En France, on est libre de ne pas avoir de papiers d’identité sur soi et la police est libre de vous embarquer si vous n’avez pas de papiers sur vous. Tout le monde est libre, quoi.

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L’enquête déterminera si Rémi Chouviat [décédé à la suite d’un plaquage ventral par la police] avait une faiblesse cardiaque. (Un représentant syndical policier)

Le plaquage ventral est interdit dans de nombreux pays car il peut être fatal même pour des personnes sans faiblesse cardiaque. (« Cette pratique demeure interdite dans de nombreux pays en raison de sa dangerosité », selon la Ligue des droits de l’homme.) Par ailleurs, comment une faiblesse cardiaque disculperait-elle les auteurs d’un plaquage meurtrier qui savaient que si la personne avait une faiblesse cardiaque elle mourrait et ne se sont pas enquis de l’état cardiaque de la personne ?

En 2007, notre pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme après la mort d’un homme interpellé suite à cette technique. (BFMTV)

En France, la technique est même interdite pour la police aux frontières. Wkpd : « La mise en décubitus ventral est autorisée en France, à l’exception des forces de la police aux frontières, depuis un décès en 2003. » Qu’est-ce qui justifie le distinguo ? Notre pays doit interdire cette pratique en toutes situations puisqu’elle l’interdit déjà pour sa police aux frontières et qu’une différence de traitement est complètement injustifiée.

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L’art de la décapitation symbolique

Décapitation de Macron: non-lieu pour tous les gilets jaunes poursuivis. (Camille Polloni, journaliste) #Angoulême

Une excellente nouvelle au terme de cette procédure indigne. Il faut rappeler que, quand cette décapitation symbolique a eu lieu, la médiatique Kathy Griffith, aux États-Unis, venait de décapiter Donald Trump et que la vidéo et/ou les photos étaient devenues virales, mais pas de justice saisie dans ce pays libre. J’encourage ces Gilets Jaunes et leurs avocats à poursuivre les auteurs de la plainte abusive à leur encontre. [Il est malheureusement à craindre que leurs modestes moyens financiers les en dissuadent.]

ii

C’était du lawfare contre l’expression de l’opposition. Ce non-lieu ne doit pas être la fin de l’histoire. Des citoyens libres ne doivent pas être inquiétés pour l’expression de leur opposition politique ; ces Gilets Jaunes ont droit à réparation du préjudice.

Ces personnes n’auraient jamais dû se retrouver sur un banc de justice. Qui réparera le préjudice qu’elles ont subi ? L’un d’eux « a été placé sous contrôle judiciaire pendant plus de six mois, interdit de rencontrer les deux autres mis en cause et de se présenter sur les ronds-points occupés par les gilets jaunes. Sans compter les pointages hebdomadaires au commissariat. » (francebleu. fr 8.1.2020) Réparation !

Le Premier ministre avait appelé à des poursuites sur Twitter : « Il est hors de question de banaliser de tels gestes qui doivent faire l’objet d’une condamnation unanime et de sanctions pénales. » Ces propos doivent faire l’objet de sanctions. Cette diffamation, cette provocation à la haine envers des citoyens qui exerçaient pacifiquement leur droit d’expression et d’opposition politique, doit faire l’objet d’une condamnation unanime. La décapitation d’un mannequin leur a valu [à valu tout du moins à l’un d’entre eux], à cause d’un parquet aux ordres de l’exécutif, six mois de contrôle judiciaire avec pointage hebdomadaire obligatoire, avant un non-lieu judiciaire total. Il est hors de question de banaliser de telles paroles et pratiques gouvernementales incendiaires, autoritaristes et liberticides, qui doivent faire l’objet d’une condamnation unanime et même de sanctions pénales. Ces Gilets Jaunes doivent en outre recevoir réparation pour les tribulations qui leur ont été infligées par un parquet à la botte de l’exécutif. Prenons exemple sur le Japon, qui sait fait preuve de circonspection avant de poursuivre des citoyens libres.

« Ces gestes doivent faire l’objet de sanctions pénales. » Le gouvernement se prend en boomerang sa grossière pression sur l’autorité judiciaire, son mépris de la séparation des pouvoirs : dire aux juges ce qu’ils doivent faire ! (Le parquet, lui, s’est soumis. Sans surprise.)

iii

Ce gouvernement a inventé le lynchage gouvernemental. Il s’est servi des réseaux sociaux pour lyncher de libres citoyens innocents (non-lieu sur toutes les charges) qui avaient exercé pacifiquemt leur liberté d’expression. Et il a mobilisé le parquet pour les persécuter.

iv

NON-LIEU ✌️✊😘

[J’avais pris position concernant cette procédure judiciaire : voyez ici Décapitation symbolique.]

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The Fazio Test: Make It Compulsory

Sunday Read: “Racist and anti-immigrant sentiment should have no place in politics in Ireland. The spread of racism can only lead to division between workers.” (SIPTU ‘‘Ireland’s largest trade union’’)

“The spread of racism can only lead to division between workers.” International exchange rates too. With income in euros, a Polish immigrant has a house built in Poland after 10 years. Meanwhile a French worker will never have a house built in his won country. So? You teach him Polish?

Union bureaucracy…

Racism in any form has no bearing in modern society. We are all fellow sisters and brothers irrespective of race, creed and color. (Martin C.)

My answer: “Fazio et al. (1995) demonstrated that even though some participants’ automatically activated attitudes toward Blacks were negative, their explicitly reported attitudes toward Blacks as assessed by the Modern Racism Scale (MRS) were highly positive.” (Melissa J. Ferguson, in Social Psychology and the Unconscious, John A. Bargh ed., 2007) Did you take a Fazio test? 😘

I think you should take the Fazio test. Your bot-like, machine-like tweet is highly suspicious to me on a psychological level.

[Martin’s tweet elicited this harsh response because the differences I mention in the situations of workers of various backgrounds, namely between locals and migrants, are grounded in an objective condition which is the combination of international exchange rates and migration. No antiracist mantra or abracadabra can be of any help in case of objective infrastructural differences among workers on one and the same market. We shall have to deal with inane SJWs (social justice warriors) by using some kind of what I here call a Fazio test, in order to dismiss those whose obsessions are the result of severe inner conflict. Because when, for instance, one stresses the structural differences created between workers by exchange rates and migration combined, these neurotic justice warriors would repress such analysises as racism or a source of hostility between workers, failing to acknowledge the facts because of their neurotic blindness. On the other hand, die-hard capitalists raise the same criticism, the same allegation of racism to prevent the structural problem being ever addressed, and a compulsory Fazio test would make it clear that defining the problem as I am doing has nothing to do with racial or anti-immigrants qua foreigners bias.]

ii

So that’s what you’ve got from your “Sunday Read”… I guess that makes you a Sunday antiracist, like Sunday drivers and Sunday painters.

iii

This Sunday Read is courtesy of the all-white union. (Picture is their Twitter header: Click to enlarge)

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Un Président dit à un Français : « Vous patachonnez dans la tête. »

#Patachonner Exemple : « Je patachonne dans la tête. »

« En jargon cheminot un patachon était un train de marchandise non prioritaire. » (Wkpd Patachon) Il y a comme une grève qui ne lui sort pas de la tête…

ii

Le sage dit : « Quand tu ne sais pas quoi dire, invente des mots. »

iii

Le Père Zi Dent : « Violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. » Ce n’est pas parce que c’est interdit (dans un État de droit) que ça n’a jamais lieu. Sinon le mot « assassinat » serait lui aussi inacceptable. Patacciono ma non troppo, per favore.

iv

« Réponse du président : ‘Monsieur, je suis gentil, moi. Vous êtes là, vous criez à partie et vous n’êtes pas sympathique, ni respectueux.’ »

Patachonner c’est bien, mais crier à partie n’est pas mal non plus, dans le genre.

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Voltaire et les autres devaient écrire de la fiction pour critiquer, car ils ne pouvaient le faire sans détours. À cet égard rien n’a changé. (On écrit de la fiction, ou sous anonymat.)

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Food is now so over processed it’s too delicious for us to put down, making us fat and wreaking havoc on our brain chemistry. (@WLSA_Psych)

The underlying mechanism could be the following. Each species needs its own proportion of proteins, fats and carbohydrates, and satiation occurs when each component gets its proper share from nutrition. Testing drastically unbalanced food with ants (food that lacks almost all of one or two components), ants eat till they die [eat themselves to death]. (The experiment is described with due information in Audrey Dussutour, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander, 2017.) If (As?) companies noticed that people consume more unbalanced vs balanced food (because satiation occurs later with unbalanced food) their financial incentive is to use hyperpalability techniques with unbalanced food anyway. – Whereas hyperpalatable balanced food would be all right.

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« Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » (Alinéa 7 du préambule de la Constitution) « Dans le cadre des lois qui le réglementent »… Ne serait-ce pas là du droit bavard ? Quels droits s’exercent en dehors du cadre des lois ?

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Quel est ce film, ce classique du cinéma en noir et blanc où un pédophile anglais ou américain, en Grèce sous-développée, finit par se faire lyncher par une foule de gamins autochtones ? Je pense que ça veut dire que les gamins aimaient beaucoup cette personne. #Ironie

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La mise en cause par des militants et dirigeants politiques du statut de journaliste de certains journalistes est évidemment liée à la volonté de violer la liberté de la presse.

ii

Après la comparution du journaliste Taha Bouhafs : Pas de mise en examen. Encore un innocent inquiété par un parquet aux ordres de l’exécutif. Et sur les réseaux sociaux les bots et militants se déchaînent, appellent à punir un innocent : cf. hashtag #TahaBouhafsEnPrison

iii

On ne peut pas continuer avec un système judiciaire malade qui envoie à tour de bras devant le juge des citoyens libres qui n’ont rien à y faire !

Même les mises en examen ne donnent lieu à condamnation que dans 81 % des cas, ce qui signifie que de nombreux innocents (19 % des mis en examen) vivent l’enfer d’un procès pénal en étant innocents. Au Canada le taux est de 97 %, au Japon de 99 %+, en Russie de 99 %+, aux US de 93 %, au Royaume-Uni de 85 %. (Wkpd Conviction Rate, qui montre que la Chine, 99 %+, et Isral, 93 %, ont aussi des taux meilleurs, et que seule l’Inde fait moins bien que la France dans cette liste, mais avec un taux tellement bas que ça ne peut même pas compter… Je cherche les chiffres d’autres pays.)

Ces chiffres indiquent que nous avons un parquet obsédé par les poursuites, qui envoie des gens devant le juge sans y regarder de près ou sur la foi de rapports de police bâclés ou malveillants ou les deux.

La France, bien qu’elle ait un taux de condamnation bas (81 %), semble condamner plus que les pays qui ont un taux de condamnation pénale plus élevé ! Comparaison France (8,5 pour 1.000 habitants) vs OTAN (dont États-Unis, Canada, Royaume-Uni) (6,17). (Source) La France a donc à la fois un chiffre absolu de condamnations pénales élevé et un taux de condamnation bas. Ce qui veut dire que son chiffre absolu d’innocents subissant l’enfer d’un procès pénal est très élevé.