Philo 34 : Philosophie et bannissement des poètes

Philosophie et bannissement des poètes

Que penser de ceux qui renient les idées qui les ont rendus célèbres et sans lesquelles ils n’auraient jamais été connus ? Je parle des écrivains. Quand on est devenu célèbre par sa pornographie, quelle légitimité peut-on avoir en dénonçant la pornographie par la suite ? Et peut-on croire que si cet écrivain avait commencé par dénoncer la pornographie, plutôt qu’à s’en servir, il aurait connu le succès ? Cela s’est-il jamais vu, dans l’époque moderne ? Non, et c’est pourquoi ce n’est pas leur talent qui rend les écrivains célèbres mais leur ordure. Prenons un exemple parmi d’autres.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon humilié dans ses rêves de grandeur devait chercher dans l’ordure un antidote aux fantasmagories de l’idéalité. Cette ordure, il la trouva dans le jeune écrivain Yukio Mishima, qui devint instantanément célèbre avec sa Confession d’un masque, en 1949 (le Japon étant encore sous occupation nord-américaine).

Dans ces souvenirs dont une bonne partie couvrent les années de guerre, le narrateur s’y montre, en dehors d’un sadique introspectif, le contempteur du militarisme japonais. La vie civile pendant la guerre est caractérisée par « une vague de stoïcisme hypocrite » et « des innovations saugrenues ». L’usine d’armement où sont mobilisés les étudiants « était vouée à un néant monstrueux » parce que le narrateur, étudiant en droit, croit comprendre qu’elle ne reposait pas sur des principes économiques sains ; elle devait, pour fonctionner, s’appuyer sur une « grandiloquence religieuse ». Le narrateur ment au médecin militaire en affirmant qu’il crachait du sang, si bien qu’il est réformé. De retour chez ses parents, il explique qu’il méprisait « les fanatiques qui continuaient à croire à la victoire ». Autant de propos qui, tenus cinq ans plus tôt, auraient valu la cour martiale à leur auteur, et qui lui garantirent, sous occupation nord-américaine, le plus grand succès.

Pour des souvenirs de guerre publiés en 1949 par un Japonais, il ne fallait certainement pas s’attendre à du patriotisme ardent. C’est pourtant le héros de la grandeur nationale japonaise que nous citons là, le fondateur d’une armée de pacotille avec laquelle il crut pouvoir être conduit au pouvoir (l’échec de ce coup d’État entraînant son suicide, en 1970). Autrement dit, il avait cru non seulement que le talent était la cause de son succès littéraire, alors que la cause première en était son ordure, dont un pays humilié se repaissait pour se punir des idées politiques qui l’avaient conduit à la plus écrasante défaite de son histoire, mais encore que son succès littéraire était une forme authentique de l’admiration – l’admiration pour un grand homme –, transposable à la conduite de l’État, plutôt qu’un goût décadent de l’intellect mortifié pour un paillasse obscène, dans un temps où la pornographie plus franche et moins voilée de psychologie n’avait pas encore droit aux vannes grandes ouvertes.

Comme si cela ne suffisait pas, les lectures du narrateur, dans ce livre, sont entièrement occidentales. (On relèvera Là-bas de Huysmans, sur Gilles de Rais avec lequel Mishima se trouve des points communs.) Et c’est cet esprit dont pas une seule pensée n’est modelée par l’histoire littéraire et philosophique de son pays qui s’érigera par la suite en restaurateur de la grandeur nationale. En somme, une forme réactualisée de Meiji, de restauration de grandeur par emprunt étranger, n’était que Mishima, le Mishima milicien, souhaitait régénérer les valeurs antérieures au Meiji, celles des samouraïs, dont il a décrit la spiritualité dans un essai sur le Hagakuré ainsi que les campagnes de terrorisme antilibéral dans un autre roman, Chevaux échappés.

Il est très naturel de roter bruyamment, et pourtant c’est vulgaire. (C’est même, dans certaines circonstances, pire que cela, et je croirais volontiers qu’un homme rotant au milieu d’un grand restaurant n’en sortirait pas indemne.) Mishima est un auteur vulgaire. Il est somme toute naturel et peut-être banal de rompre avec une femme à qui l’on a laissé croire qu’on l’épouserait, et somme toute aussi relativement bénin quand on ne l’a pas en même temps « séduite », pourtant c’est ce que des esprits plus attentifs et plus profonds ne voient pas sans colère en raison des conséquences inévitables, et ce que certains milieux, à des époques moins basses, ne pouvaient tout simplement tolérer, non pas comme innaturel mais comme vulgaire, c’est-à-dire comme un défaut flagrant de pénétration et de profondeur humaine.

Par exemple, cette froide transcription de l’état d’esprit de la fiancée laissée en plan, après son mariage avec un autre : « Eh bien, pour ma part, je n’ai aucune raison de le regretter. Mon mari m’aime et je l’aime aussi. Je suis vraiment heureuse. Je ne pourrais rien souhaiter de plus. Et pourtant, peut-être est-ce un mal de penser cela, mais parfois – je me demande si c’est la meilleure façon de l’exprimer – parfois dans mon imagination, je vois un autre moi qui mène une vie différente. Puis un grand trouble me saisit et je sens que je suis sur le point de dire des choses que je devrais pas dire. etc. » Qu’une liaison, même innocente, rompue après une dose significative d’investissement émotionnel, fasse de cette femme une « marchandise défectueuse » pour son mari tombe sous le sens, si l’on veut bien me passer l’expression ; et qu’une telle pensée n’apparaisse nulle part dans le récit du narrateur est ce qui juge l’auteur, philosophiquement. Car, dans ce triangle, une personne se voit dénier son droit, est par là déshumanisée. S’il est bien une chose, dans Platon, à ne pas jeter, c’est le bannissement des poètes, quand bien même de nombreuses préfaces, et de nombreux commentaires, et d’innombrables phrases creuses nous demandent de ne pas confondre l’écrivain avec sa création.

Post-scriptum. Quand nous mentionnons l’occupation nord-américaine du Japon, de 1945 à 1952, certains pourraient comprendre que la célébrité de Mishima serait due moins à une réaction « naturelle » de l’esprit japonais au lendemain de la guerre et de la défaite, qu’à des formes de manipulation délibérée de l’opinion, une promotion au forceps, et je précise donc que je n’exclus pas non plus cette hypothèse, même si de telles manipulations hypothétiques devaient de toute façon trouver un terrain favorable. Quand on voit citée, parmi les réformes imposées par l’occupant, la liberté de la presse, on a le droit de hausser les épaules : ce n’était certes pas une liberté s’étendant aux idées que les tribunaux d’occupation étaient en train de juger et condamner. Ces tribunaux condamnaient des « crimes », mais que la liberté de la presse se soit sous l’occupation américaine étendue à la dénonciation de cette occupation, par exemple, ou bien à la dénonciation de crimes de guerre des Alliés, semble parfaitement douteux. Libres mais pas trop, un peu comme avant, en somme, l’interdit ne faisant que se déplacer.

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La statuaire grecque, considérée par les philosophes de l’art (Schopenhauer, Hegel…) comme dépourvue de caractère sexuel ou sexualisant, provoque selon Mishima, dans sa Confession d’un masque, des érections chez les invertis, à commencer par lui-même (la généralisation étant d’après Hirschfeld). Or on dit aussi des Grecs anciens qu’ils étaient portés sur les charmes masculins : cette statuaire avait-elle donc pour but de leur provoquer des érections ? Pourtant, les nus féminins de cette statuaire ne nous en produisent pas et nous inclinent dès lors à donner raison aux philosophes.

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« J’ai un sérail imaginaire où je possède toutes les femmes que je n’ai pas eues. » C’est ainsi que l’antiquaire miraculeux décrit sa grande sagesse, dans La Peau de chagrin de Balzac. À ce compte, il est fort peu d’hommes qui soient dénués de sagesse car sans doute en trouve-t-on fort peu qui manquent entièrement de ce genre d’imagination. Un sommet du génie littéraire français, et il faut chercher très bas dans la littérature de la « bégueule » Angleterre pour trouver des niaiseries pareilles.

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Faits divers

Il faut de temps en temps montrer que la philosophie ne plane pas dans l’éther des purs concepts mais sait aussi, à petites doses, lire les journaux. Il faut parfois même qu’elle aille jusqu’aux faits divers – ce qui reste moins sordide que les pages des suppléments littéraires – pour sauver du naufrage le bon sens et le droit.

(i)
« Montrer qu’il est hors de question »

Dans un journal du 28 novembre 2022, on peut lire qu’un jeune homme âgé de seize ans a été arrêté et placé en garde à vue pour avoir adressé au frère de la victime d’un atroce assassinat dont on avait récemment parlé dans les médias, une vidéo avec des photos de la victime ainsi que des images rappelant le crime, et demandant au frère « ce qu’il pense de ce montage ». Que de tels faits soient passibles de poursuites judiciaires n’a rien d’étonnant a priori : la malveillance dont semble faire preuve un tel acte, dans le contexte émotionnel d’une famille endeuillée, cette volonté d’insulter à la douleur, est choquante. Les choses se gâtent malheureusement, pour le bon sens, quand on lit que l’auteur de ce montage a reçu une convocation en justice pour « violences avec ITT de moins de huit jours » ; un sujet d’abord seulement choquant verse d’un coup dans l’absurde.

Précisons. La garde à vue ainsi que le chef d’accusation ont été motivés par deux éléments : 1) ladite « violence volontaire avec préméditation », également caractérisée dans l’article par les termes « violences avec ITT de moins de huit jours », et 2) l’« apologie d’un crime ». Une « source proche de l’enquête » indique qu’« il fallait montrer qu’il était hors de question de laisser impuni ce genre de choses ». Ce sont là des propos qui peuvent paraître anodins mais qui sont en réalité très étonnants. En droit, il ne s’agit pas de savoir s’il est question ou pas question : quand un droit est lésé, réparation s’impose. Cette réparation est due quoi qu’en pensent telles ou telles autorités, qui sont au service des lois et non au-dessus d’elles. Aussi, quand du côté de ces autorités, on entend qu’il « n’est pas question », on n’est déjà plus dans le droit mais dans le pouvoir : le pouvoir juge opportun de ne pas laisser impuni ce genre de choses.

C’est la première interprétation possible : le pouvoir nous dit qu’il va s’exercer contre des faits qu’il réprouve. Or on ne lui demande rien, à ce pouvoir, car le droit est là pour réparer les lésions indument subies, et, fondamentalement, dans l’essence du droit prévaut l’idée d’une automaticité excluant le pouvoir d’appréciation des autorités sur ce point (nous n’aborderons pas les quelques corrections qui s’imposent à cette affirmation et leurs limites). Quand du côté des autorités (administratives) on indique qu’« il fallait montrer qu’il était hors de question etc. », on se trompe sur la nature de ses missions : le droit n’a rien à montrer, il est aveugle à toute autre considération que la réparation due. Pour le pouvoir qui parle ainsi, il existe une politique du droit, un usage du droit par le pouvoir, et cet usage obéit à des principes hétérogènes à la nature du droit : la réparation, quand elle a lieu, « montre » quelque chose, en l’occurrence la pertinence du pouvoir, alors qu’en réalité la réparation ne traduit que la nécessité du droit et son inviolabilité.

La seconde interprétation possible de ces paroles, c’est que les autorités cherchent à pallier une insuffisance de moyens qui pourrait empêcher le droit de suivre son cours naturel. « Il n’était pas question » prend alors la nuance de l’interventionnisme radical : le droit ne permettait pas d’agir mais il n’était pas non plus question de ne rien faire… Le pouvoir couvre donc de sa discrétion absolue un défaut de moyens automatiques, c’est-à-dire que le pouvoir discrétionnaire se substitue à la loi.

Dans les deux cas, la loi se relègue au second plan et la volonté des autorités passe au premier. Dans le premier cas, il se substitue dans les mêmes termes à la loi en vigueur ; dans le second, à la loi prise en défaut. Dans le premier cas, il prétend, en lui dictant une finalité hétérogène, occuper la place de la loi, qui se maintient pourtant dans son existence en dehors et au-dessus de lui. Dans le second cas, il dicte la loi, n’étant pas sûr que, telle qu’elle existe en dehors et au-dessus de lui, elle ne serait pas prise en défaut dans le cas d’espèce. Les deux reviennent au même.

C’est ainsi que la police et le ministère public invoquent, pour faire passer en justice la vidéo dont il est question, 1) des violences avec ITT de moins de huit jours, et 2) l’apologie d’un crime.

Pour ce qui est de ce dernier chef d’accusation, l’apologie de crime, deux choses. A) Le caractère choquant des faits n’est pas tant, ici, l’apologie impersonnelle d’un fait criminel (une forme d’expression qui devrait selon nous être protégée par le droit de libre parole) que l’apostrophe personnalisée aux proches endeuillés, semblant indiquer une volonté d’aggraver leur souffrance et leur deuil (l’auteur des faits, entre parenthèses, dit avoir agi pour « voir la réaction des gens »). B) Ensuite, et surtout, l’apologie ne semble guère articulée, en la circonstance. Le simple fait d’évoquer un crime choquant de manière complètement distanciée peut être en soi, dans certains contextes, une forme de provocation envers l’émotion suscitée par ce crime, ou en réaction à celle-ci, mais ce n’est pas assez pour parler d’apologie. Telle que décrite succinctement dans l’article, la vidéo ne comporte aucun message verbal autre que la question adressée au destinataire de savoir ce qu’il pense du montage. Les autorités ont fait usage de la première chose qui leur venait à l’esprit, au risque, si ce chef d’accusation n’est pas écarté, de voir l’apologie s’appliquer de manière illégitimement étendue. Ne pas pleurer avec d’autres pourrait, par exemple, devenir une apologie. (Incontestablement, l’idée se défend que cette abstention pourrait être une apologie « en creux », absente une raison plausible de ne pas vouloir témoigner avec les autres les émotions de l’humanité meurtrie, mais si nous voulions nous aventurer sur ce terrain, en droit, il faudrait conclure à la nécessité de supprimer ce délit d’apologie car il ne permettrait plus de garantir la liberté de conscience. Pour autant qu’elle soit aujourd’hui garantie.)

Il reste les « violences avec ITT [interruption temporaire de travail] de moins de huit jours ». Nous serions donc dans le cadre des « violences psychologiques » et la victime aurait fait ou serait sur le point de faire constater une « ITT psychologique ». L’infraction de violence psychologique existe en droit français, formulée comme suit : « des actes répétés, qui peuvent être constitués de paroles et/ou d’autres agissements, d’une dégradation des conditions de vie entraînant une altération de la santé physique ou mentale » (loi du 9 juillet 2010). C’est nous qui soulignons les mots « des actes répétés ». Cette loi vise les comportements de maltraitance ou harcèlement moral dans le couple ou la famille, d’autres textes portent sur le harcèlement moral au travail. L’extension au cas de l’espèce n’est donc guère légitime puisque le ou les sujets traités par le législateur sont tout à fait différents et sans lien possible avec l’affaire qui nous occupe, et que par ailleurs l’envoi du montage est un acte isolé, non répété.

Dès lors qu’il est très douteux que l’acte dont nous discutons soit une apologie de crime et tout aussi douteux qu’il soit une violence psychologique au sens de la loi française, il devient évident qu’« il fallait montrer qu’il était hors de question »… Dans la bouche d’une autorité qui n’a pas les moyens légaux de punir ce genre de choses ! Il serait dangereux que le juge suive cette ligne d’argumentation, nous l’avons dit pour l’apologie et nous le disons pour ces violences psychologiques, car à quoi la qualification de violences ne pourrait-elle pas s’étendre si l’on allait sur ce terrain ? Mais, du reste, la loi française telle qu’elle est conçue ne permet pas, en raison de son objet, une telle extension.

Pourquoi avons-nous dit, au commencement, que cette incrimination était contraire au bon sens ? Nous n’ignorions pas que la violence psychologique est un objet juridique et que ce ne sont pas seulement les coups et blessures qui peuvent entraîner une ITT, mais la loi française, qui n’a pas manqué de bon sens en la matière, a souhaité restreindre l’emploi de cette notion à des situations particulières de dépendance : les enfants vis-à-vis de leurs parents ou tuteurs, le conjoint dans un couple, un employé dans une hiérarchie de travail. Le législateur a souhaité prévenir l’utilisation de ce moyen par des personnes qui voudraient soigner au contentieux leur susceptibilité froissée ou leur dignité méconnue par des actes d’une grande banalité, dont ils ont le droit d’être affectés. Nous entendons bien que les personnes endeuillées présentent une fragilité particulière qui pourrait recevoir une protection à ce titre de la même manière que les autres catégories de personnes déjà concernées ; seulement le législateur ne l’a pas prévu (aux articles invoqués par l’accusation), et si le juge s’y substituait en l’espèce, comme le lui demande le ministère public, il deviendrait un juge légiférant, ce qui ne correspond pas du tout à notre tradition juridique (du moins en ce qui concerne le juge judiciaire, puisque, d’un autre côté, il y a longtemps que le juge administratif, c’est-à-dire, l’administration, même si ce n’est pas l’administration dite active, joue ce rôle quand le législateur ne souhaite pas assumer certaines réformes : par exemple, le droit de réserve des fonctionnaires est d’origine jurisprudentielle). Le juge judiciaire n’a pas ce pouvoir.

On nous demandera : N’est-il donc pas possible de prévenir « ce genre de choses » ? C’est tout à fait possible : en droit français, nous l’avons déjà laissé entendre, cela passe par le législateur, qui doit voter une loi. Par ailleurs, l’affaire ne poserait pas la moindre espèce de difficultés en common law anglo-saxonne, où les réparations pour ce genre de préjudices peuvent être obtenues au civil en invoquant une « infliction of moral distress » (ce qui n’est cependant pas toujours possible en raison du Premier Amendement de la Constitution américaine garantissant, plus et mieux qu’ailleurs, la liberté d’expression).

Ce qui nous conduit à cette conséquence : que les autorités françaises sont d’autant plus véhémentes en général à « montrer » leur détermination contre « ce genre de choses » qu’elles reconnaissent bien moins aux particuliers le droit de s’en défendre eux-mêmes devant les tribunaux. En France, il s’agira d’un procès pénal déclenché par les autorités publiques et dans lequel les victimes pourront éventuellement se porter partie civile pour obtenir des réparations. Dans les pays de common law, en revanche, un procès civil pourra suffire ou pourra se conduire en parallèle d’un procès pénal. Ce sont ces pays, en particulier les États-Unis, qui sont caractérisés dans l’hexagone comme procéduriers ou quérulents (or, pour ce qui s’agit de l’emotional distress, la jurisprudence indique que la réparation est due seulement si cette détresse est « sévère » [severe]). Notre pays, à l’inverse, passe dans les pays anglo-saxons (du moins dans leur partie saine) pour un « État policier » et c’est à fort juste titre si l’on veut bien en juger par la présente analyse. Cet État qui n’a jamais de lois adaptées parce que tout part toujours de la citadelle du gouvernement central et doit passer par un Parlement négligent, une pétaudière où le moindre texte fait l’objet de centaines, voire de milliers d’amendements aux motivations les plus disparates, dont la majorité retient toujours une partie pour des raisons de pure opportunité politique en perdant de vue toute cohérence, cet État, dis-je, fait subir à ses citoyens arrestations, gardes à vue et autres mesures féroces et humiliantes pour des faits que rien ne permet, même choquants, de poursuivre en justice.

Post-scriptum. Au cas où des éléments de droit auraient échappé, c’est toujours possible, à la présente analyse, et que l’arrestation et la garde à vue du concepteur de la vidéo seraient moins choquantes que ce que nous prétendons, non pas moralement mais en droit, nous appelons l’attention du lecteur sur nos autres études de cas juridiques ; il comprendra que nos conclusions générales ne seraient pas profondément modifiées par une telle correction. Il se reportera notamment à notre étude sur le long contrôle judiciaire infligé à des Gilets Jaunes pour la décapitation d’une effigie du président de la République, qui fut au bout du compte reconnue par la justice comme parfaitement compatible avec la loi. Peut-être guère respectueuse de la personne du président de la République mais en tout cas respectueuse des lois. C’est bien la caractéristique d’un État policier que les officiers publics s’y prennent pour la loi dont ils ne sont que les serviteurs. Là aussi, « il fallait montrer qu’il n’était pas question », ou quelque chose d’approchant ; c’est cette phrase qui nous a conduits à la présente discussion.

(ii)
Injure « publique » en garde à vue

Dans le même journal, du même jour, il est question d’un jeune Français condamné pour « terrorisme » parce qu’il avait souhaité se rendre en Syrie, c’est-à-dire que ce terroriste n’avait commis aucun acte de terrorisme à proprement parler mais tenté de rejoindre l’organisation de l’État islamique. C’est pourquoi l’on entend beaucoup parler, sans généralement que soit relevé l’étrange paradoxe, de ces « terroristes » qui sortent en masse de prison. Un étrange paradoxe car, l’étiquette de terrorisme évoquant des actes parmi les plus graves, attaques homicides contre la population, attentats à la bombe, fusillades de masse, on a peine à comprendre que des terroristes s’en tirent à si bon compte. La résolution toute simple du paradoxe est que les autorités et les journaux appellent « terroriste » toute personne condamnée pour avoir manifesté le souhait, qui pourrait n’être à la rigueur qu’une velléité (car l’imagination est une chose, le réel en est une autre), de combattre dans les rangs d’une organisation figurant sur liste antiterroriste et dont le siège se trouvait en Syrie, où elle était combattue par l’État syrien, la Russie, l’OTAN, les Kurdes, et j’en oublie peut-être.

Bref, le jeune homme en question a de nouveau été arrêté pour être sorti du territoire français (puis revenu) sans en avoir informé les autorités, alors que ceci fait partie des menues obligations auxquelles il est depuis sa sortie de prison contraint en raison du fait que son nom figure sur un fichier national antiterroriste. Le journal indique qu’au cours de sa garde à vue il a soudainement agressé un policier. Cela lui vaut donc une nouvelle incrimination. Par ailleurs, et c’est le point qui nous intéresse ici, ce jeune terroriste avait avant cela, au cours de la même garde à vue, « lâch[é] des propos menaçants à une policière », propos dans lesquels il était question de lesbiennes et qui sont cités, mais que je ne citerai pas, n’ayant pas avec moi les services juridiques d’un quotidien national pour éviter tout malentendu. Le parquet, « avisé », a « notifié au jeune islamiste une garde à vue élargie au chef d’”injure publique”. » Ce chef s’ajoutera donc aux autres faits reprochés au jeune homme. Aussi, quand on nous apprend de temps en temps que tel individu malfaisant se trouvait libre alors qu’il a reçu quelque quinze ou vingt condamnations, souvent ces quinze ou vingt doivent être ramenées à leur juste proportion en retirant les trois quarts d’outrage à personne dépositaire qui s’y trouvent et dans lesquels on peut aussi bien ne rencontrer qu’un « m*** » et quelques autres grossièretés du même acabit (« grossier mais pas vulgaire », se justifiait l’humoriste, rappelez-vous). On comprend dès lors que toute personne délinquante ne soit pas forcément condamnée à des centaines d’années de prison et que certains ressortent « presque aussitôt », selon le reproche classique, comme si le petit trafic de cannabis, agrémenté de quelques outrages, était passible de la prison à vie.

Il se trouve que, dans la présente affaire, le propos n’était pas un outrage à personne dépositaire mais plutôt, si nous tâchons de déchiffrer cette prose succincte, une injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle, les lesbiennes. Que le parquet n’ait pas en outre élargi la garde à vue pour « violence psychologique » envers la policière du fait de ces propos (voyez i) n’est peut-être qu’une négligence ou bien un exemple de plus du laxisme bien connu de la justice.

L’article ne dit mot des circonstances de ces paroles, qui ne surprendront pas, a priori, de la part d’un djihadiste, mais dont le contexte intéresserait aussi l’esprit féru de précision. On ne sait pas, par exemple, s’il s’adressait à la policière de son propre chef ou bien si c’est elle qui l’engageait à s’exprimer sur les lesbiennes, dans une forme d’interrogatoire bien intentionné. Le fait que le journaliste présente les propos comme « menaçants » n’est pas en outre des plus clairs : s’agit-il d’une menace envers la policière – et alors pour quelle raison supposait-il qu’elle fût lesbienne ? – ou d’une menace dans la tête du journaliste ?

Mais notre véritable intention, en discutant cette affaire, c’est la qualification d’injure publique. Cette qualification repose sur la distinction bien connue en droit de la presse (c’est le nom qu’on donne en France à, entre autres choses, des échanges de paroles en garde à vue) entre propos privés et publics, les seconds étant beaucoup plus sévèrement réprimés que les premiers, qui ne récoltent, autre exemple de laxisme, qu’une simple contravention.

Les propos sont donc publics en garde à vue. Nous répétons : les propos tenus dans cet espace calfeutré, loin de l’agitation trépidante du monde, où le législateur a considéré devoir rendre l’enregistrement audiovisuel obligatoire (en 2007 en matière criminelle) en raison des choses étonnantes qui s’y passent parfois à l’abri des regards, tout en interdisant la diffusion de ces enregistrements sous peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, ces propos sont publics.

Il faut de temps en temps montrer que la philosophie ne plane pas dans l’éther des purs concepts mais sait aussi, à petites doses, lire les journaux. Il faut parfois même qu’elle aille jusqu’aux faits divers – ce qui reste moins sordide que les pages des suppléments littéraires – pour sauver du naufrage le bon sens et le droit. – Car, quant à eux, les journalistes ne s’étonnent de rien.

(Extraits : Le Parisien 28/11/2022)

6 comments

  1. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    Revenons, au sujet de « Faits divers (i) », sur la comparaison avec l’affaire de décapitation d’une effigie du président de la République par des Gilets Jaunes, qui furent relaxés par le tribunal après un long contrôle judiciaire.

    N’est-ce pas une violence psychologique que de se voir décapiter en effigie ? Clairement, c’en est une. Les Gilets Jaunes ont cependant été relaxés, leur acte n’était nullement un manquement à la loi. Or il est évident également que si c’était un simple particulier que des voisins décapitaient en effigie, la situation ne serait pas la même, pour la simple et bonne raison que le président de la République est une figure publique et de ce fait forcément MOINS protégé vis-à-vis de l’expression des gens, ceci résultant des nécessités du libre débat public. C’est une parfaite illustration de l’incongruité des lois françaises d’outrage, fondées sur un raisonnement contraire et qui sont PLUS protectrices des figures publiques, du moins des représentants de l’État. Que les Gilets Jaunes aient été relaxés de leur violence psychologique vis-à-vis du président de la République montre que les lois d’outrage n’ont aucune substance, qu’elles sont un vieux procédé de despotisme transposé dans le bureaucratisme.

  2. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    « Quand on voit citée, parmi les réformes imposées par l’occupant, la liberté de la presse, on a le droit de hausser les épaules » (in Philosophie et bannissement des poètes)

    Techniquement, cela peut ne pas être faux mais il faut bien comprendre que cette réforme technique peut aussi ne représenter aucun progrès pour la liberté d’expression. La « liberté de la presse », c’est, techniquement, l’abolition d’un imprimatur administratif avant publication, mais si cette réforme ne s’accompagne pas d’une interdiction constitutionnellement garantie des lois réprimant l’écrit et la parole, elle est sans aucune valeur du point de vue des libertés.

    • florentboucharel's avatar
      florentboucharel

      « Le film a été réalisé pendant la période d’occupation américaine du Japon, durant laquelle la production cinématographique était étroitement contrôlée et pouvait mener à des interdictions d’exploitation immédiates. L’évocation de samouraïs et de combats au sabre était interdite. » (Page Wikipédia sur le film Rashômon de Kurosawa)

      Une bien belle liberté…

  3. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    Dans « Faits divers (i) », s’agissant de l’accusation d’apologie, ce qu’il faut comprendre, c’est que, telle que décrite dans l’article, la vidéo, si elle n’avait pas été adressée au frère de la victime, n’aurait pu être considérée par personne comme une apologie : c’est une simple référence au crime. Et le fait de l’envoyer aux proches de la victime ne peut en soi faire une apologie d’une vidéo qui n’est pas une apologie en soi. Ce qui n’est pas une apologie en soi ne peut pas, même si c’est utilisé pour blesser, être considéré comme une apologie, une telle « transsubstantiation » n’est pas possible. Ce chef d’accusation est un moyen illégitime de « montrer qu’il n’est pas question », un moyen que la fin recherchée ne peut justifier dans notre droit, c’est-à-dire que, si ce moyen n’était pas écarté, « la fin justifie les moyens » serait un principe de droit alors que c’est la négation du droit.

  4. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    « Or on dit aussi des Grecs anciens qu’ils étaient portés sur les charmes masculins : cette statuaire avait-elle donc pour but de leur provoquer des érections ? »

    Ce serait supposer, notamment, qu’ils avaient des érections devant leurs dieux, puisque les dieux étaient représentés en statues.

    Sextus Empiricus, qui écrivait au 2e s. après J.-C., donne cependant de l’antiquité grecque une image moins homophile que l’on pourrait le penser autrement sur la foi d’auteurs parmi les plus sérieux : « Par exemple chez nous l’homosexualité masculine est considérée comme honteuse et contraire à la loi, alors que chez les Germains, à ce qu’on dit, elle n’est pas honteuse mais une chose habituelle [ce qui ne passe pas pour quelque chose de notoire chez nous : en effet, l’image que nous avons des Germains est celle transmise par le Romain Tacite] ; on dit aussi que chez les Thébains des temps anciens on était d’avis que cela n’était pas honteux, on rapporte que Mérionès le Crétois fut appelé ainsi pour indiquer la coutume crétoise [note de l’éditeur : Mérionès de μηρός (« cuisse »)] ; et certains ramènent à cela l’amitié ardente d’Achille pour Patrocle. Et quoi d’étonnant quand les cyniques et les partisans de Zénon de Citium, Cléanthe et Chrysippe disent que cela est indifférent ? » (Esquisses pyrrhoniennes, Livre III, 199)

    Ainsi, selon Sextus Empiricus, l’homosexualité grecque serait circonscrite – et encore seulement sur la foi de ce que l’« on dit » – aux Thébains et Crétois plus anciens, et que l’amitié entre Achille et Patrocle fût homosexuelle n’est avéré que pour « certains ». Quant à la mention des cyniques et des stoïciens, il faut sans doute comprendre le « quoi d’étonnant ? » d’après les autres passages concernant ces philosophes dans le même Sextus Empiricus, où il montre qu’ils adoptent volontiers des points de vue contraires aux mœurs de leur société, comme le fait qu’il est indifférent de pratiquer l’inceste ou l’anthropophagie, sans les pratiquer eux-mêmes, précise notre auteur dans le cas de l’anthropophagie.

  5. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    Complément à « (ii) Injure ‘publique’ en garde à vue »

    « On ne sait pas, par exemple, s’il s’adressait à la policière de son propre chef ou bien si c’est elle qui l’engageait à s’exprimer sur les lesbiennes, dans une forme d’interrogatoire bien intentionné. »

    J’avoue être porté à croire qu’il s’agissait d’une question de la part de la policière et je tiens donc, au cas où ce serait ce qui s’est passé, à apporter un complément à ce sujet.

    Quand la police demande à une personne qu’elle prive de ses mouvements ce qu’elle pense des lesbiennes, dès lors que l’identité religieuse de la personne est connue, les faits qu’on lui reproche n’étant pas sans rapport (même si c’est seulement de manière indirecte, du point de vue de la loi, puisque celle-ci ne connaît pas de délits d’opinion) avec cette religion, la police commet une persécution religieuse.

    Notre État ne peut demander à une personne d’avoir une opinion favorable de l’homosexualité, même quand il met en place les conditions pour que l’homosexualité puisse être pratiquée librement ; cette politique de l’État ne peut exiger des individus qu’une tolérance de l’homosexualité. Cette tolérance se définit par une abstention de certains actes fondés sur une opinion défavorable. En l’occurrence, l’État français condamne apparemment tous les genres d’actes possibles à cet égard comme de la discrimination ou comme d’autres types d’infraction, y compris certains propos, mais ce n’est pas le sujet ici. En droit, une opinion défavorable quant à l’homosexualité relève (même si l’ensemble de la législation et de la jurisprudence antidiscriminatoires tend à rendre le fait inouï) de la liberté d’opinion.

    Une personne réputée d’opinion défavorable à l’homosexualité est cependant susceptible de se voir imputer un motif haineux aggravant en cas d’atteinte aux personnes ou aux biens. La législation établit en effet une distinction entre ceux des individus dont les opinions sont dangereuses pour la société et les autres. Car une opinion favorable ou même indifférente de l’homosexualité ne représente pas un risque vis-à-vis de la tolérance pour l’homosexualité, tandis qu’une opinion défavorable de l’homosexualité présente un risque vis-à-vis de cette tolérance, à savoir que c’est une telle opinion qui peut conduire à des actes contraires à la tolérance garantie par l’État. Lorsque l’opinion est le motif d’un tel acte, c’est considéré comme un facteur aggravant : il s’agit d’un crime de haine. Cette suspicion que fait peser la législation sur les opinions défavorables est en soi une forme de discrimination. La sanction de l’État n’intervient que lorsqu’un crime ou délit a été commis, mais de ce moment les individus ne sont plus égaux devant la loi, entre ceux que leur opinion favorable ou indifférente prémunit contre l’imputation d’un caractère aggravant et ceux que leur opinion défavorable expose à une peine aggravée.

    Quand la police ou le juge demande à une personne ce qu’elle pense des lesbiennes, il s’agit d’établir l’existence ou non d’un caractère aggravant pour la sanction, existence qui repose entièrement sur une opinion libre de la personne. De sa libre opinion dépendra la nature de l’infraction (haineuse ou non) et le quantum de la peine.

    Or la plupart des religions monothéistes dans leur acception traditionnelle sont un rejet actif de l’homosexualité. Les textes et la pratique historique confirment amplement cette affirmation. En posant la question à un musulman, par exemple, la police suit la procédure habituelle, en présence de faits condamnés par la loi, consistant à dégager un possible caractère pénal aggravant dans la libre opinion de l’auteur des faits. La religion de la personne étant connue, on obtient aussi de la personne une information quant à son positionnement personnel vis-à-vis de sa religion, en l’occurrence sur le point de savoir si ce positionnement est orthodoxe ou hétérodoxe, rigoureux ou relâché, etc. Autant d’indices utiles pour la définition de la nature du crime (haineux ou non) et du quantum de peine (plus l’attachement de la personne à l’interdit religieux de l’homosexualité sera rigoureux, plus sa « haine » paraîtra dangereuse).

    C’est très comparable à la pratique judiciaire connue au Japon sous le nom de fumi-e, à l’époque de la persécution et de l’éradication des chrétiens. Les autorités demandaient aux gens de fouler au pied une image chrétienne : ceux qui refusaient, car c’était à leurs yeux un sacrilège, étaient détectés comme chrétiens et condamnés. Seuls ceux des chrétiens qui prenaient sur eux de fouler l’image n’étaient pas inquiétés car ils ne passaient pas pour chrétiens. Le délit était certes alors, c’est la différence, le fait même d’être chrétien. Chez nous, ce n’est qu’une des croyances traditionnelles du christianisme, l’opposition à l’homosexualité comme une forme de péché, qui est persécutée sous la forme d’une aggravation systématique des peines. On ne cherche donc pas tant à savoir si la personne est chrétienne (ou musulmane) ou non, que si, même chrétienne, elle adopte l’opinion favorable à l’homosexualité attendue d’elle dans un but d’ordre public. Une personne qui, dans ces circonstances, se déclarerait indifférente ou prétendrait s’en tenir à l’obligation légale de tolérance (soulignons que, dans l’affaire en question, le « djihadiste » n’était pas en garde à vue pour des faits visant des lesbiennes mais pour avoir tenté de rejoindre un groupe terroriste, sans qu’on puisse lui reprocher d’avoir intenté contre des personnes ou des biens) paraîtrait, c’est une évidence de la psychologie sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, un peu tiède compte tenu de l’enjeu présent qui consiste pour elle à se disculper des éléments aggravants d’une peine, par conséquent plutôt un aveu d’opinion défavorable. Si la personne déclare s’en tenir au principe de tolérance auquel l’État prétend se borner, alors même que témoigner d’une opinion favorable lui serait d’une grande utilité dans la circonstance, c’est qu’elle n’a pas une opinion favorable de l’homosexualité, et elle appartient à la catégorie dangereuse de ceux par qui la tolérance est menacée. En d’autres termes, même se réclamer du principe accordé par l’État est une forme d’auto-incrimination. A fortiori, si la personne répond de la manière prescrite par sa religion, fondée sur le rejet de l’homosexualité, il s’auto-incrimine, les faits sont fondés sur la haine. Dès lors que seule une forme d’hétérodoxie disculpe, la procédure pénale discrimine contre l’orthodoxie, c’est-à-dire contre la religion, et une discrimination d’État systémique est une persécution.

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