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Philo 32 : Un mot de la mort relative
ÉPISTÉMOLOGIE
Le savant est non savant dans tout autre domaine que sa petite spécialité. La remarque suivante de Jean Rostand est de la suffisance. « À la différence d’Oppenheimer, je ne pense pas que les non-savants soient désormais condamnés à ignorer les grandes conclusions – toujours provisoires – de la science. Mais ce qui leur est quasiment interdit, c’est d’avoir un avis, de porter un jugement. » (J. Rostand, Carnet d’un biologiste) (Philo 31)
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Hugo Dingler explique que la théorie de Maxwell, bien avant la relativité générale, introduisit le « mathématisme » dans la physique : on se contente désormais de rendre les résultats des mesures expérimentales en équations mathématiques sans se soucier d’en donner une interprétation ou explication intuitive (anschauliche Erklärung). – Cela ne change évidemment rien au fait que les savants sont non savants hors de leur domaine : ce n’est pas le mathématisme qui est cause de l’ignorance des spécialistes.
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Zénon d’Élée : je ne peux penser le vécu. Pour qu’un objet aille d’un point à un autre dans ma représentation, je dois oublier la divisibilité de l’espace à l’infini, une loi nécessaire de l’espace mathématique. Ne pas penser pour comprendre. Penser s’oppose à comprendre.
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Si le monde physique est fini (Aristote, Mainländer), peut-on avoir l’expérience de cette finitude ? Et quelle pourrait être cette expérience ? Nous verrions la limite de la totalité physique, nous toucherions la fin au-delà de laquelle il n’est rien et pourtant si quelque chose nous empêchait d’avancer plus avant la main ce serait comme une limite physique séparant deux milieux physiques. Il n’y a pas d’expérience possible de la totalité physique, ce qui revient à dire que le monde physique ne peut être fini. Le monde est une simple idée.
Aucun raisonnement (par exemple, le monde est une somme de forces finies, donc est lui-même fini) ne peut rendre possible l’expérience du monde en tant que totalité. Le raisonnement qui se sert des catégories de l’expérience possible pour tirer des conclusions au-delà de cette expérience, c’est la vieille métaphysique.
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ESTHÉTIQUE
On comprend mieux la nature du marché de l’art contemporain quand on sait qu’il existe pour les riches un marché des livres anciens avec autographe, ou comment réduire un livre à sa page de titre. Tout comme dans ce dernier marché le livre n’a pas la moindre importance, que dis-je ? la littérature tout entière n’a pas la moindre importance, l’art n’est rien dans le marché de l’art.
Il est peut-être outrecuidant, de la part d’un philosophe, sachant qu’un philosophe est toujours plus ou moins tenté de bannir les poètes, de dauber ainsi sur ce plaisir de riche alors qu’il est possible qu’une véritable émotion esthétique en soit à l’origine, qu’une véritable émotion esthétique soit comme une lumière dans la vie sinistre d’un riche ; et pourquoi dénigrer la seule façon d’hommage dont le riche soit capable, l’hommage monétaire, au prétexte que celui-ci porte sur une chose aussi futile qu’une signature ? Le riche qui acquiert la signature d’un auteur n’a de cet auteur rien de plus que ceux qui lisent les livres, et même plutôt moins car il n’est pas certain qu’il lise, mais la mémoire du poète n’est-elle pas grandie par ces transactions, quand ses livres sans autographe doivent être vendus au kilomètre ou bien bennés ?
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Il est établi que la promotion d’au moins l’une des composantes majeures de l’art contemporain, l’expressionnisme abstrait, fut un instrument de l’agence d’espionnage nord-américaine, la CIA, dans la guerre culturelle contre le réalisme socialiste, qui n’est autre qu’une forme d’académisme ou de pompier.
Le futurisme italien a directement inspiré le dadaïsme et, via celui-ci, le surréalisme, dont les accointances idéologiques sont connues, mais les futuristes italiens, à commencer par Marinetti, dénonçaient la poussée du communisme comme un phénomène d’épuisement ou de lassitude après la Première Guerre mondiale, tout en rejetant le passéisme artistique et littéraire, notamment le culte des musées. On comprend qu’un tel mouvement pût naître en Italie, depuis toujours la proie de cette engeance, le touriste, qui voudrait que l’Italie ne fût qu’un champ de ruines : de belles ruines romaines mais en somme des ruines.
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Le tripot littéraire
Jean-Jacques Rousseau parlait du « tripot littéraire ». Nous sommes plus dans le freak show, le cirque des monstres, un Barnum de foire. Le succès littéraire fait penser à ces détenus qui trouvent à se marier, en prison, parce que les gens se bousculent pour voir des tarés célèbres.
Leurs livres mêmes, à ces détenus, tueurs, psychotiques, se vendent si bien que les États doivent passer des lois pour interdire ces ventes ou pour que les revenus en soient versés à d’autres, comme des associations de victimes. C’est le véritable prototype des gens de lettres, ou, disons, le modèle des maisons d’édition, qui font les gens de lettres. (Les gens de lettres sont des employés de maison d’édition. Un exemple en est cet écrivain salarié 2.200 euros par mois par son éditeur en échange des livres qu’il écrirait ; il avait droit à ce salaire ainsi qu’à une secrétaire peut-être payée autant que lui.)
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PHILOSOPHIE POLITIQUE
Miviludes : Dérives sectaires ou dérive bureaucratique ?
« [L]a crise engendrée par la COVID-19 a déstabilisé de nombreuses personnes en perte de repères dans une société complexe, interconnectée où l’information côtoie la désinformation. » &
« Il convient tout de même de souligner que chacun peut déterminer lui-même le contenu de ses représentations intellectuelles et politiques. Tout individu a le droit de douter, de s’interroger, surtout en cette période de crise sanitaire doublée d’une crise sociale. Cela relève de la liberté de pensée garantie tout aussi bien par l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que par l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme. »
Ceci est tiré du dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes : nous ne donnons que ces deux courts extraits pour ne pas encombrer notre blog avec une prose infâme. Ils montrent que la défense de la liberté d’expression, droit fondamental, est réduite à une clausule « tout de même », après que la Miviludes incite longuement le gouvernement –dont elle est un bras administratif–, de manière monomaniaque et vitupérative, à sévir contre les désinformations et les complotismes de toutes sortes, car la mission interministérielle définit à présent le « complotisme » comme une dérive sectaire.
« Il convient tout de même de souligner… »
Ah, « tout de même » ! Remercions les auteurs du rapport pour ce « tout de même » qu’ils feraient presque oublier. Pour résumer, nous avons donc : oui mais non mais oui mais non… Une énième, si belle illustration de la loi pénale « claire, précise et intelligible » qui permet de dire à son sujet tout et son contraire. Et c’est surtout en cette période de « crise » que tout individu a le droit de douter, de s’interroger, dans cette période qui impose par ailleurs aux pouvoirs publics, selon ce même rapport, d’être particulièrement vigilants, c’est-à-dire répressifs, vis-à-vis de toutes formes de désinformations. Au fond, il y a ceux qui ont le droit et ceux qui sont manipulés et ce n’est pas leur faute, donc il faut sévir. Puisque ce n’est évidemment pas en même temps pour les mêmes, ce « tout de même ». Ce « tout de même », c’est en fait pour les fonctionnaires de la Miviludes. Eux ne sont pas manipulables, fragiles, dans le doute, impressionnables, voire manipulateurs, prédateurs, sectaires. Car eux sont payés par le gouvernement, c’est toute la différence avec le vulgaire pékin (vulgum pecus), qu’il faut protéger des « délinquants » qui propagent des paroles et des mots, oui, mesdames et messieurs, des paroles et des mots comme autant de chaînes pour la pensée libre qui plane dans l’éther administré.
« Tout de même. » Ou est-ce plutôt « quand bien même » ? Quand bien même l’article 10 et l’article 9 disent ceci et cela, nous, nous, nous, nous pourchassons les délinquants, tous ceux qui croyaient que ces articles protégeaient leurs opinions délinquantes et leurs mots qui tuent. Car les mots tuent, au cas où vous ne l’auriez pas appris. C’est la liberté d’expression mais « tout de même » des mots qui tuent. Si les mots tuent, pourquoi nous faire croire à la liberté des mots, pourquoi nous faire croire que les mots sont libres ? – Quand des articles juridiques sont dans la catégorie « tout de même », c’est qu’ils n’existent pas.
(ii)
Poursuivons l’analyse de ce grand moment de philosophie cartésienne (du nom de Descartes, le philosophe qui a longuement disserté de la glande pinéale).
« Le complotisme est un mode de pensée antisystème qui s’appuie sur des arguments non falsifiables, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être ni prouvés ni récusés, ou sur une vérité partielle, soumise à une interprétation rationnelle mais erronée. »
Les « arguments non falsifiables », qui « ne peuvent être ni prouvés ni récusés », sont un emprunt à la thèse de Karl Popper selon laquelle, en gros, la science se fonde sur des arguments falsifiables, tandis que le marxisme et le freudisme s’appuieraient quant à eux sur des arguments non falsifiables. Une thèse parfaitement saugrenue. Eysenck a surabondamment récusé les arguments du freudisme, par exemple, et bien d’autres après lui. On peut ainsi écarter le complexe d’Œdipe du point de vue darwinien, par l’absurde : si le complexe d’Œdipe existait, les personnes qui en souffrent auraient un moindre succès reproductif, compte tenu de la moindre viabilité de la descendance des couples consanguins, donc le complexe disparaîtrait : un tel complexe ne pourrait avoir la moindre réalité que si l’évolution favorisait les couples consanguins, or c’est le contraire qui se produit, l’évolution s’oppose à la fixation dans une espèce de l’attraction consanguine (Thornhill & Palmer, 2000), et l’idée que chaque individu, au sein d’une espèce, devrait surmonter une tendance naturelle opposée à son intérêt reproductif n’a pas le moindre sens évolutionniste, de sorte que, au final, ou bien le freudisme (ici le complexe d’Œdipe) est vrai et la théorie de l’évolution est fausse ou bien l’inverse. Cette discussion a pour but de montrer que le freudisme, qu’on veuille ou non l’appeler une science, est complètement susceptible d’être ou bien récusé ou bien prouvé, comme n’importe quel ensemble de propositions, de quelque nature qu’elles soient. Mais les fonctionnaires de la Miviludes ne pensent pas. Pour eux, Karl Popper a posé une vérité d’école, il existe des arguments non falsifiables et la messe est dite. Que le gouvernement ait nié l’utilité des masques hygiéniques contre le covid-19 quand il n’y avait pas de stocks de masques dans le pays (en dépit des mesures adoptées à la suite des épisodes de grippe aviaire et porcine qui exigeaient la constitution de stocks de masques) puis qu’il ait imposé le port du masque une fois seulement que des stocks furent constitués, serait un argument non falsifiable ? Ce que nous disent, au fond, ces fonctionnaires, c’est que le gouvernement et son appareil répressif ont trouvé l’argument idéal pour supprimer toute forme de débat sérieux, à savoir qu’il existe des arguments non falsifiables qui, en tant que tels, ne pouvant être ni prouvés ni récusés, ne doivent jamais entrer dans le moindre débat. Le gouvernement aurait ainsi pour mission de traquer les arguments non falsifiables afin que le débat public n’en soit pas pollué. Or, mesdames et messieurs, les arguments non falsifiables n’existent pas, et le gouvernement traque un fantôme. La Miviludes se trompe lourdement si elle croit que son misérable argument a la moindre portée.
Si, par conséquent, le « complotisme » requiert, pour exister, des arguments non falsifiables, il n’y a pas de complotisme, seulement une autorité administrative en roue libre qui ne sait plus quoi produire pour protéger l’administration et le gouvernement de la moindre critique et du moindre examen. Un plaidoyer pro domo au mépris des libertés fondamentales.
Quant aux « vérités partielles », que la Miviludes décrit de manière vague et d’ailleurs contradictoire (de quelle manière une interprétation rationnelle peut-elle être erronée ? seulement si l’on donne au mot « rationnel » un sens très large, comme lorsque l’on décrit l’homme comme un animal rationnel, c’est-à-dire que la raison n’empêche pas de se tromper, mais alors c’est du bavardage puisqu’une interprétation de l’esprit humain, erronée ou pas, est toujours rationnelle dans la mesure où l’homme est un animal rationnel), elles appellent la même réponse. Si la Miviludes donne des exemples de ce qu’elle avance, je me fais fort de lui prouver que ce ne sont ni des arguments non falsifiables mais des arguments ou bien corrects ou bien erronés, ni des vérités partielles mais ou bien des vérités ou bien des erreurs. (Je ne prétends pas juger de la vérité de n’importe quelle proposition, cela demanderait d’être omniscient ; il s’agit simplement de montrer les conditions dans lesquelles on peut juger d’un argument.)
Un dernier mot sur les « vérités partielles ». Quand de prémisses justes on tire une conclusion fausse, il s’agit non pas d’une vérité partielle mais d’un argument faux. Le problème, quand une mission interministérielle emploie ce genre de langage, c’est non seulement que l’administration d’un État supposé pluraliste se permet de juger de la vérité en dénonçant certaines formes d’expression comme des vérités seulement « partielles », ce qui signifie qu’elle peut aussi en dénoncer d’autres comme entièrement fausses, et d’autres encore, ou les mêmes, comme dangereuses, mais aussi que l’administration pourrait réprimer toute forme d’expression comme une vérité partielle sur le fondement des secrets qu’elle possède et qui ne sont pas divulgués au public : en effet, le gouvernement qui ne renonce pas à la raison d’État a les meilleures raisons du monde de dire que le public ne sait pas et doit donc se taire. Or ce même État nous assure qu’il défend notre liberté d’expression.
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Le mouvement Dhammakaya, introduisant dans le bouddhisme thaïlandais un esprit un peu nouveau, est devenu un mouvement de masse, ce pourquoi il est entré dans le collimateur des autorités et son abbé se trouve aujourd’hui en fuite on ne sait où pour éviter une incarcération et un procès pour prétendus détournements de fonds. Le mouvement, dont les membres appartiennent principalement à la classe moyenne éduquée, continue cependant d’exister. Il a même créé un parti politique, The Land of Dharma Party, Pak Pandin Dhamma, qui se fait critiquer pour sa défense des valeurs traditionnelles bouddhistes, ce qui semble assez paradoxal dans un pays aussi majoritairement bouddhiste mais également connu pour être, depuis la guerre du Vietnam, un marché du sexe à ciel ouvert, dont profitent les élites politico-militaires par la voie de la corruption, une situation volontiers présentée par les médias internationaux comme le signe de la tolérance de la religion bouddhiste alors que ces dépravations sont condamnées à tout point de vue (esprit de lucre, de stupre, drogue, violence…) par la morale bouddhiste, pour qui la tolérance de cette gangrène est elle-même condamnable en soi.
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Dans son arrêt Perinçek c/ Suisse de 2012, par laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a frappé la Suisse pour avoir condamné M. Perinçek qui avait nié le génocide arménien, elle a précisé, pour en même temps maintenir intactes les législations condamnant la négation des crimes jugés par le tribunal international de Nuremberg en 1945, que ce négationnisme-là « traduit invariablement une idéologie antidémocratique », tandis que la négation du génocide arménien ne présenterait pas nécessairement un tel caractère. Il faut donc comprendre que la parole est libre en Europe à condition de ne pas promouvoir une idéologie antidémocratique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas plus libre qu’ailleurs. En effet, les régimes antidémocratiques ne supprimant pas toutes les libertés et les régimes démocratiques ne garantissant pas toutes les libertés, ce qui revient à dire que ces derniers ne suppriment pas non plus toutes les libertés, les régimes démocratiques et antidémocratiques sont par conséquent une seule et même chose au regard des libertés. Ils sont tous dans le « plus ou moins », et chaque individu aura plus ou moins de griefs envers son régime selon qu’il se situe dans le plus ou le moins de ces privations de liberté. C’est ce qui ressort clairement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Supposons un régime antidémocratique enclin au nationalisme, on pensera que la critique de la majorité nationale n’y est pas permise, tandis que dans un régime démocratique ce sont les minorités qui sont avant tout protégées par les lois de suppression de la parole. Certains croient en effet savoir que le « racisme anti-Blancs » n’est pas pénalement condamnable en France, par exemple, pays de majorité blanche. Quel est donc le régime « majoritaire », entre les deux ?
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Nous mesurons l’incongruité de défendre la liberté d’expression dans un milieu tellement envahi de pornographie, et tandis que les gens doivent se boucher le nez, en plus des yeux, dans ces remugles, on étouffe facilement la critique. – Pour notre justification, voyez notre essai Pacta turpia cannot be speech (ici, en anglais).
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À la rubrique des faits divers : Condamnée pour « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte », l’administration « se réjouit ».
(Le Parisien, article du 17 mai 2022 « Beauvais : Les fidèle soulagés après la réouverture de la mosquée ». Citations : « Le juge des référés a ainsi estimé que ‘le maintien de la fermeture de la mosquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte’ et a suspendu la décision de la préfète de l’Oise, lui enjoignant de ‘réexaminer la demande de réouverture de la mosquée’. » ; « De son côté, la préfecture a pris acte de la décision. ‘On se réjouit de ce que la période de fermeture de la mosquée ait pu permettre de mieux garantir le respect par celle-ci des lois et des valeurs de la République.’ »)
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Si les gens pensaient, où cela les conduirait-il ?
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La conception du monde « haineuse et desséchante » de Freud : ce mot rachète Jaspers.
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PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE
Un point de vue musulman
Selon certains intellectuels musulmans, l’échec des croisades induisit les chrétiens à se remettre en question tandis que les musulmans se seraient endormis sur leurs lauriers. Les chrétiens se seraient notamment mis à traduire les livres arabes en latin pour apprendre la science arabe ; cela aurait même pris le nom de « croisades de l’esprit ».
De ce point de vue, le réformisme fondamentaliste de Mohamed Abduh (1849-1905) est la clé de toutes les interprétations ultérieures, par exemple celle du Maulana Wahiduddin Khan : « The day they [les musulmans] rediscover the Qur’an, they will recover all other things they have lost, uncluding Science. » (Indian Muslims, 1994, p. 89)
(ii)
Le géocentrisme, le rejet de l’héliocentrisme par le clergé chrétien est imputé par le Maulana Wahiduddin Khan à l’idée du Dieu fait homme : la Terre l’ayant vu naître et vivre doit être le centre du monde. (Ibid., p. 74) – L’islam était donc héliocentrique avant Galilée ?
(iii)
Le Maulana ne veut pas que les musulmans s’opposent à des relocalisations de mosquées par le gouvernement indien (Ibid., p. 254), mais il a dit auparavant que, quand une mosquée a été établie régulièrement, même un musulman ne peut contester cet emplacement (p. 192) : « wherever a mosque has been lawfully built, that will be the mosque’s permanent site. Even the Muslims have no right to re-locate it. » Apparemment, c’est donc plutôt « only the Muslims have no right » !
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Je suis riche parce que mes grands-parents, qui ne l’étaient pas, ne possédaient pas tous ces objets que je possède. C’est ainsi que tout le monde est riche.
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Notes sur la philosophie hégélienne de l’histoire
L’histoire universelle est-elle guidée par l’idée de liberté (Hegel) ou par celle d’égalité (Tocqueville) ?
(ii)
Dans l’État jésuite du Paraguay, une cloche sonnait la nuit pour rappeler les indigènes à leur devoir conjugal. Ce que Hegel interprète comme un signe de la débilité naturelle des Indiens plutôt que de leur condition particulière dans cet État. Or le fait rappelle les animaux des zoos, dont la vigueur génésique décroît fortement.
(iii)
La description de l’Afrique subsaharienne : de minces côtes suivies d’une ceinture de marécages puis de monts difficilement franchissables, dont l’intérieur reste inconnu mais qui est habité par des hordes féroces qui parfois franchissent les montagnes pour attaquer les tribus vivant sur les flancs extérieurs. De ces hordes Hegel nomme les « Fullahs » (Peuls) et les « Mandingos » (Mandingues).
(iv)
Alors que la religion apparaît avec la conscience d’une force supérieure, même seulement naturelle, il n’existe selon Hegel rien de tel chez les Noirs d’Afrique, qui prétendent commander à la nature par des sortilèges. La religion est opposée de cette façon aux pratiques magiques.
(v)
C’est en monarchie que « Alle sind frei » (tout le monde est libre) – en aristocratie comme en démocratie, seuls « Einige sind frei » (quelques-uns sont libres). Les trois étapes du développement historique sont : despotisme, aristocratie-démocratie, monarchie.
Le peuple romain demandait sous la république ce qu’il avait eu sous les rois, à savoir « Grundbesitz und Schutz gegen die Mächtigen » (la propriété et la protection contre les puissants).
(vi)
Avec le zoroastrisme, le général (das Allgemeine) n’est plus quelque chose dans la nature empirique, mais c’est la lumière : « nicht diese oder jene besondere Existenz, sondern…die sinnliche Allegemeinheit selbst, die enfache Manifestation » (non cette existence particulière-ci ou celle-là, mais … la généralité sensible elle-même, la manifestation simple).
(vii)
Le bouddhisme est la vénération d’un homme-Dieu, « ein Mensch als Gott », mort dans le bouddhisme original (c’est Fo [Hegel donne au Bouddha Gautama son nom chinois]), vivant dans le lamaïsme (le Dalaï-Lama ou le Taschi-Lama, plus un troisième en Sibérie). – L’« homme-Dieu » caractérise le bouddhisme, non le christianisme, caractérisé quant à lui par ein Gott als Mensch.
(viii)
La religion ne sert pas l’État mais l’État sert la religion. Je prétends que c’est une proposition hégélienne.
Hegel admirant Napoléon, pouvait-il ne pas voir que l’empire napoléonien était un État religieux (création de l’Empire et sacre de Napoléon la même année, en 1804) ?
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PHILOSOPHIE MORALE
Un mot de la mort relative
Le Bouddha Gautama avait un fils qu’il nomma Rahula, ce qui signifie « entrave », le Bouddha reconnaissant l’obstacle à la libération que représentent les attachements familiaux. Mais cette entrave est plus profonde qu’il ne l’a cru, car avoir une descendance, c’est, selon la typologie de Mainländer, se vouer à la « mort relative » contre la « mort absolue », l’homme continuant de vivre dans sa descendance. La libération absolue n’est possible que dans la mort absolue. Autrement dit, si d’autres Bouddhas que Siddharta Gautama ont vécu sans engendrer, ce sont les véritables Bouddhas, ce qui nous conduit à l’ascétisme hindou, à l’hindouisme, où les Bouddhas doivent être cherchés et trouvés.
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Les gens souffrent pour élever des enfants qui souffriront.
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En tournant son intelligence contre soi, dans l’ascèse, on sert l’esprit d’une façon indirecte également, que l’on n’a pas encore bien comprise : c’est que l’ascète s’oppose au progrès. La macération de la chair a pour effet de détourner de l’agitation qui est la cause du progrès des hommes et, plus encore que la chair elle-même, de leur mort spirituelle.
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Les sentiments ont de la force sur nos pensées jusqu’à un certain point. Le sentiment de l’absurde peut bien me faire considérer que la raison est absurde et ce parce qu’elle ne répond pas à mes besoins présents. Mais le sentiment de l’absurde ne peut rien contre les vérités inconditionnelles (dont celles des mathématiques sont les moins contestées par le vulgaire). Ce sentiment est en réalité celui de la déficience de mon être sensible, or là-bas, de l’autre côté de l’absurde, dans l’évidence des vérités inconditionnelles, il n’y a pas de place pour ma sensibilité : où donc est l’absurde ?
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La totalité de la nature, du monde est une hypothèse de la raison pure (une « Idée » de la raison) mais, par le sentiment de l’absurde, une réalité existentielle pour la raison pratique : c’est cette totalité hétérogène à mon être moral qui m’apparaît absurde.
Philo 30 : L’humanisme fait partie du problème anthropique
FR-EN
« C’est bien connu : on ne peut prouver l’inexistence d’une inexistence. On ne peut pas prouver que le monstre du Loch Ness n’existe pas, que le Père Noël n’existe pas, que Dieu n’existe pas, que l’âme (comme éternité singulière) n’existe pas… » (F.T.)
Cela rappelle la pensée de Renan : on ne peut prouver que les anges n’existent pas, simplement « notre époque » n’a pas ce genre de préoccupations. L’argument par l’ici et maintenant, sur fond de positivisme comtien, les trois âges, etc. Mais en fait Renan, dans cette pensée que nous rappelons, se borne à poser que l’on ne peut prouver l’inexistence de quelque chose d’immatériel. Or cela même est faux. Quand une chose est impossible, la preuve de son inexistence est faite. Il s’agirait donc de démontrer, pour véritablement apaiser la peur de la mort, que la vie après la mort est impossible. Cette démonstration est peut-être impossible mais ce n’est pas parce que « l’on ne peut prouver l’inexistence d’une inexistence ».
S’agissant de l’inexistence de choses matérielles, elle se prouve exactement de la même manière que l’existence de ces mêmes choses, à savoir par un analogue de certitude dans la synthèse empirique continue. Une chose matérielle existe selon les qualités qui lui sont connues mais nous ne connaissons pas le tout de ces qualités car elles sont infinies, et la précision de cette connaissance étant toujours imparfaite une chose est cette chose dans la limite de certaines observations et mesures et autre chose dans des limites plus (ou moins) resserrées et précises. (D’où il ressort que seules les idées peuvent exister au sens propre, c’est-à-dire selon une définition.) Pour le monstre du Loch Ness, qui relève bien des choses matérielles, à supposer que les tentatives de vérifier son existence puissent être considérées comme suffisantes, son inexistence est suffisamment démontrée, dans le même genre d’analogue de certitude. Ce qui est « bien connu » est donc sujet à caution. Ainsi, pour la physique relativiste, l’inexistence de l’éther passe pour démontrée.
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« L’impudent dédaigne l’opinion », écrit Aristote. Combien de fois, pour de moi se faire bien voir, n’a-t-on pas disserté sur les bienfaits du mépris de l’opinion parce qu’on était médiocre et attaché à l’opinion et que j’en étais libre ! Combien de fois ne m’a-t-on par cette perfidie et cette inconscience rendu plus impudent que je n’étais ! On ne devrait jamais écouter les médiocres.
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Aristote dit avec un tel aplomb des choses d’un tel cynisme naïf ! Par exemple, l’amitié est bonne car un juge acquitte ses amis. Des « vices magnifiques », les vertus des Anciens ? Est-ce tellement magnifique ?
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Les poètes chassés de la république, ce n’est pas seulement dans l’imagination de Platon : à Sparte aussi (cf. Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, première partie).
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En défendant Caton, Jean-Jacques Rousseau traite César de scélérat : il tombe dans le « travers » dénoncé par Hegel, philosophe.
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Quand je sais qu’un auteur a mené la vie d’un père de famille, cela me rend sa pensée dans l’ensemble futile ; je ne peux plus avoir qu’une adhésion de détail.
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L’inconditionnalité du seulement régulateur : Unbedingtheit des bloß Regulativ. Trois idées, dont le matérialisme ne peut comprendre qu’elles soient classées dans une même catégorie, à savoir le monde avec l’âme et Dieu.
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La forme de la subjectivité est la norme, le contenu l’accident. C’est dire que la norme est nécessaire, inconditionnée, car elle se distingue de l’accident.
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L’humanisme fait partie du problème anthropique.
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Selon l’expression rappelée par Carl Schmitt, les colonies, au temps du colonialisme, étaient « staatsrechtlich Ausland, völkerrechtlich Inland » (l’étranger au point de vue du droit constitutionnel, le national au point de vue du droit international), c’est-à-dire que leurs habitants étaient comme les esclaves d’Athènes, comme les indigents de la démocratie américaine au temps de Tocqueville, comme les sans-papiers aujourd’hui, à savoir dans le corps social démocratique mais hors de la démocratie légale. (Sur les indigents et le droit des sans-papiers, voyez Philosophie 3, dans la discussion sur Tocqueville). Dans ce schéma, la démocratie est toujours forcément « censitaire », elle fonctionne selon un cens, une ligne de démarcation discriminante, le cens étant ce qui crée l’homogénéité de la volonté générale démocratique.
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La logique partisane s’oppose à la forme de discussion contenue en principe dans le parlementarisme, qui est la recherche non pas d’un compromis mais de la vérité, où chacun veut convaincre d’une vérité et d’un bien-fondé (« einer Wahrheit und Richtigkeit »), ce qui suppose d’accepter de se laisser convaincre.
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L’application par Spinoza d’une méthode géométrique – en fait de la méthode démonstrative d’Euclide – aux questions dernières est un contresens compte tenu de l’intuitivité de la géométrie (Kant). L’erreur, dans l’idée, doit être retracée jusqu’à Descartes, dont la « méthode » donnait des résultats à la fois en géométrie et en métaphysique – sans que Descartes ait pour autant appliqué la méthode géométrique aux questions métaphysiques, mais « la méthode ».
Le reproche de Schelling à Spinoza est que ce dernier confond logique et existant, mon reproche est qu’il confond géométrie et logique (comme toute la philosophie analytique anglo-saxonne).
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S’il y a bien une chose qui ne s’explique pas en économie, c’est que des gens soient payés à faire ce qu’ils aiment. C’est encore plus choquant que des gens payés à ne rien faire.
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Le jour où l’on jugera les crimes de guerre des vainqueurs en même temps que ceux des vaincus, on pourra commencer à prendre les prétentions de cette justice au sérieux.
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Ce n’est pas en cirant une paire de chaussures différente tous les cinq ans qu’on est plus libre qu’en cirant la même paire pendant vingt ans.
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S’il est démontré que la liberté d’expression est incompatible avec la paix civile dans un État multiculturel, la conclusion en est nécessairement qu’un État multiculturel est la pire forme politique concevable.
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Il est certain qu’il se produit sous nos yeux un « grand remplacement » : de tous temps les organismes dégénérés ont été remplacés par les organismes sains.
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Que l’on prépare à l’enfant qui va naître du rapport sexuel des années de souffrance dans cette vie – argument de Philipp Mainländer contre la natalité – n’est pas un bien grand crime comparé au fait de lui préparer une éternité de damnation – l’argument de Kierkegaard. Mais il existe aussi, du point de vue chrétien, la possibilité que le nouveau-né connaisse une éternité de félicité. Quel est donc vraiment des deux points de vue le plus dissuasif ?
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L’unité nomothétique de la nature ne peut être rompue par aucun acte libre, aucune liberté ne crée de nouvelle chaîne causale dans le monde. Si la liberté existe, elle n’a d’effet qu’en dehors de la nature, dans la chose en soi, à savoir dans la chose en soi que je suis et continuerai d’être après la fin des fonctions naturelles. La liberté n’a de sens philosophique qu’en vue d’un au-delà de la nature, qu’en vue de l’au-delà.
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Pourquoi tous ces détours historiques et historicistes du matérialisme pour rendre les hommes heureux alors que chacun peut l’être, selon le matérialisme, en mettant fin à ses jours ? Parce que l’absence de toute souffrance dans la mort est autre chose que le bonheur ? C’est Socrate qui définit le plaisir des sens comme simple absence de souffrance, comme négatif, car il lui oppose le bonheur positif de la vertu. La vertu se trouve liée au concept du corps comme prison de l’âme et n’est pas ainsi connue de nos matérialistes. Leur bonheur dans l’histoire ou à la fin de l’histoire n’est du point de vue socratique guère différent de la mort.
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L’histoire en tant que produit de l’esclave, celui qui a craint pour sa vie dans la lutte à mort de pur prestige, ne peut jamais être un progrès. Même en acceptant de parler d’histoire, on ne peut parler de progrès. La valeur est dans le mépris de la mort ; le monopole de la peur de la mort, l’histoire comme peur de la mort, est dénué de valeur. – L’histoire est soit le produit de la seule peur de la mort soit, au mieux, un compromis avec la peur de la mort, un compromis de toute façon fatal à la valeur, donc à l’éthique. Le principe même à la base de l’histoire fait que l’histoire ne peut être un progrès, car elle est au contraire une déchéance.
Le maître ne peut jamais rechercher la reconnaissance de l’esclave car ce serait dévaloriser la valeur. Comment le maître pourrait-il chercher un égal dans l’esclave dont le statut indique la non-valeur ? La rationalité que cherche Hegel dans l’émancipation historique des esclaves est un fantôme. L’émancipation des esclaves est le triomphe de la bassesse et n’implique aucune raison supérieure car la valeur de la raison est le mépris de la mort.
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Une religion est une philosophie faite vivante.
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La police religieuse est la seule police tolérable.
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Jean-Jacques Rousseau répète dans ses écrits autobiographiques qu’il aime la vertu, peut-être plus qu’aucun homme, mais qu’il est faible. Au fond, il fait partie des « humoristes » au sens de Mainländer : quelqu’un qui voit le tragique de la vie mais ne peut s’en détacher complètement. Son homme bon par nature, son contrat social, c’est de l’humour.
„Der Humorist kann sich nicht auf dem klaren Gipfel, wo der Weise steht, dauernd erhalten. … Der gewöhnliche Mensch ist ganz im Leben auf; er zerbricht sich nicht den Kopf über die Welt, er fragt sich weder: woher komme ich? noch: wohin gehe ich? Seine irdischen Ziele hat er immer fest im Auge. Der Weise, auf der anderen Seite, lebt in einer engen Sphäre, die er selbst um sich gezogen hat, und ist sich – auf welchem Wege ist ganz gleichgültig – klar über sich und die Welt geworden. Jeder von Beiden ruht fest auf sich selbst. Nicht so der Humorist.“ (Die Philosophie der Erlösung: Ästhetik, 14.)
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Que l’on puisse prétendre avec quelque conviction que les enfantillages de la science empirique doivent naturellement occuper la place de la religion en éteignant naturellement la qualité métaphysique de l’intellect humain à l’origine, est confondant. La science empirique confère un pouvoir matériel qui ne peut sustenter la disposition de l’intellect, qu’elle dénature au contraire chez ceux qui la pratiquent à titre de profession par une absorption absurde dans la synthèse inductive continue. Que cette activité soit évidemment plus qu’encouragée par l’État, en tant que centre du pouvoir, est la simple confirmation des mécanismes aliénants de l’étatisme.
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EN
The necessary inexistence of free will in empirical science
“The concept of free will: Between empirical evidence and theoretical frameworks.” Does it mean there is empirical evidence of free will or that free will must be “somewhere between” empirical evidence and theories because we don’t have empirical evidence at hand? The notion of an empirical evidence of free will or freedom is, to begin with, paradoxical, or more precisely, as the paradox is rather a doxa, contradictory. Yes, assuming freedom, what is this freedom if not an exception to natural laws? What is freedom if not freedom from the laws of nature? For the empirical point of view, there is no such thing as freedom from natural laws; in nature everything occurs from causes, nature is a nexus of causes and effects, a nexus of causality.
So what is that freedom empiricists are talking about? What is freedom in a causality nexus? It means something very trite, namely, that, through their intellect, humans apply to external motives a “rational” treatment that allows them to plan decisions, that is, they can act, postpone, or ignore. In fact, many animals just do the same: stimuli are not always overall, immediate triggers. The view of a prey, as a trigger to the famished predator, will not elicit an immediate response but a scheme, an analysis of the situation which may lead the predator to postpone an immediate attack in expectation of better conditions for attacking. The predator animal and all other animals able to respond to stimuli in such analytical ways are, seen from the empirical concept of freedom, as free as you and I. When experts in empirical sciences talk of, say, a psychotherapy patient’s freedom, then it must be stressed that this is a freedom the patient shares with scores of animals.
The predator is free to plan his hunt to soothe his hunger, but it is not free to soothe its hunger without eating preys. Human patients are free in the choice of their means but unfree in the choice of their goals; they want what they cannot help to want and if, finding what they want unreachable, they relinquish it, they cannot help it either. Neurological study of decision-making processes have no bearing on the issue, in this light.
Usually the problem is dismissed as solved with the rather lame explanation that humans cannot have “full free will,” as they are part of nature, but that, on the other hand, there can be “increases in levels of freedom.” What for, exactly? What for an increase in something that cannot be full, that is, something that might not at all be what we say it is as we can never find it in full in our experience? What if it were an either-or problem instead? Either man is free or not. If he is free, then it is because he is “free from nature,” obviously, but that is something out of the question for empiricists. How could man be free from nature? An immortal soul is certainly free from nature, even though it is encapsulated in a natural body. The body is bound to nature but the soul, per se, is free from it; that is, it is not free because the body is bound to nature and the soul is bound to the body, but as a soul it is free from nature. Nature is not the whole of man. In this way man is free from nature. But it does not make sense to say that man is not “fully free,” it does not because his soul is the whole of man. To say that man is not fully free inasmuch as he has a body submitted to natural laws is the negation of the soul. Man is fully free in essentia. His natural bonds are mere phenomena of this world, where empirical evidence of man’s freedom can never be found.
The sophistry, in talking of “levels of freedom,” is that it claims to list freedom among empirical qualities, like smartness or beauty, which may (or may not) be measured on numbered scales. Besides, it takes advantage of the polysemy of the word, confusing freedom as philosophical object with freedom in the other uses of the word, namely its sociopolitical usages (one is free or in slavery or in custody etc.). Yet we all perceive that freedom is not such empirical quality, and the reason is that, by definition, freedom means freedom from empirical, natural laws, so if it exists it is because there is something beyond nature. What surveys evidencing “levels of freedom” are talking about is an empirical quality that has nothing to do with freedom, namely, “room” or “latitude” in relation to others or to external conditions.
The second sophistry is the claim that the topic of freedom is entirely encompassed by the boundaries of empirical room or latitude. On this we said two things that we must further discuss as it might look like a formal contradiction to some: 1/ “Nature is not the whole of man,” and 2/ “His soul is the whole of man.” If nature is part of man, how then can his soul be the whole of man? Before I answer, let me stress again (what is already implied in the reasoning) that the religious use of a phrase such as “man is not fully free,” even though in a religious worldview man is a soul (freedom) in a body (natural bondage), is not legitimate, and therefore religion must not and cannot adopt it. Man’s body is not man because the soul is immortal. Is man his foot? Is man his hand? Is man his brain? Is man his body? In a religion that believes in the immortality of the soul, to all these questions the answer is no; man’s body, and that includes the brain, is nothing more to the soul than the hair one leaves at the barber shop. These hairs are part of me, therefore I may say, somehow, that hair is not the whole of man, but still, even allowing for the correctness of the latter, that these hairs are part of man, his soul is the whole of man. There is no contradiction.
As to “levels of freedom,” even in the empirical field alluded to, namely the sociopolitical field, this notion of is not prominent at all. A citizen is free or is a convict. A constitution is that of a free country or not. Even there, freedom is a binary and not a scalar notion, although there are also things like the international Freedom Index that ranks countries according to levels of institutional freedom. In another empirical field, which relates to medical occupation, and psychotherapy, the judicial field, a man is free at the moment of an act or is not, that is, he had the discernment that could have allowed him to eschew committing the crime, and then he can be convicted criminally, or, based on medical expertise, he lacks discernment and then is sent to a psychiatric hospital. We have no difficulty with these usages of the word as useful fictions. It is an either-or problem, even allowing for “partially” abolished discernment, which probably only serves to add medical treatment to a full judicial conviction. However, even if that man had his full discernment while committing a crime, the impression of sufficient motives on his character produced the act as deterministically as in the mechanical world, that is, he was free to avoid committing the act at that moment–had he been another man.
It is possible to talk of “levels of freedom” when there is a “normal” empirical condition serving as reference, for instance the full “freedom of movement” as compared to virtual reality with a helmet–that is, there are degrees of closeness to full freedom of movement. That this technical concept may be used in a theological or philosophical discussion about man’s free will is to be denied. The same goes with another technical use of the word, namely in comparing altered states of mind with “freedom” of an unaltered, normal state in the medico-legal field. From the legal point of view in this medico-legal field, we believe, to begin with, that to accommodate levels of freedom remains problematic. Does it make legal sense to claim that, because someone took some drug, he or she is 30% responsible for the crime he committed under the influence of the drug? What would the court do with that? Is the person responsible or not, is the question, a yes/no, binary question. To be sure, the science is pushing for accommodation of such results, in the form of partially abolished or altered discernment. Still, can there be a logical translation formula from a quantified result of responsibility based on a measure of mind alteration to a quantum of criminal pain? Only if we throw the very notion of responsibility as empirical overboard, as it would shift to the realm of Ideas, pure responsibility existing not, having only more or less altered forms of pure responsibility in this world. Should intoxication be an excuse? Obviously, the mind is altered by intoxication, but on the other hand the person was responsible for intoxicating himself. Across legislations we find all kinds of answers, from excuse to aggravation as when what could otherwise be considered an accident will be considered a reckless crime because of intoxication. And what with a man who doesn’t take his medication out of disregard? He was told to take medicine and did not, then committed a crime under the altered state of mind provoked by his not taking the medicine. The measure of his mind alteration is probably immaterial in such circumstance. So, in the same way that, with measures of levels of freedom, still one can always say one is absolutely not free, one can also say one is absolutely free. It simply has no bearing on the question of free will.
