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Droit 42 Du génocide par accident et autres insanités
Janvier-juillet 2024.
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L’incivilité en tant que provocation au sens pénal :
L’échec de la dissuasion institutionnalisée
« États-Unis : un prévenu saute sur la juge pour l’agresser. » (20 Minutes France)
Selon certains commentaires, « le prévenu va prendre très cher. » Je pense au contraire qu’on peut plaider que sa condamnation était une provocation.
Notre société est beaucoup trop laxiste avec celles et ceux qui provoquent. Si la violence est provoquée par une incivilité, par exemple, elle est très excusable à mes yeux car les incivilités sont devenues un phénomène de masse que le système institutionnel est incapable d’endiguer.
« Comprendre le contexte ne devrait pas excuser la violence, sauf en cas de légitime défense, bien entendu », me réplique-t-on. Or, dans le cas de violences, la légitime défense n’est qu’un cas particulier de contexte ; bien d’autres contextes peuvent justifier une excuse totale ou, le plus souvent, partielle. Le contexte sert dans tous les cas au juge et au jury : même quand il condamne, le contexte sert à calibrer la peine. En cas d’excuse de provocation (expression consacrée), la peine est réduite, voire n’est pas prononcée. Par le passé, le mari trouvant son épouse en flagrance adultère était excusé par la loi pour toutes violences commises dans ce contexte, y compris l’homicide : c’est la défunte théorie du « crime passionnel ». Cette forme de violence n’a rien à voir avec des pulsions sadiques, par exemple. Comment pourrions-nous faire la différence si nous refusions de prendre en compte le contexte ?
Un certain degré de violence doit être accepté par la société parce qu’une possible réaction violente immédiate est plus dissuasive de certains délits et de certaines violences que la menace lointaine d’une enquête de police et d’un procès.
Certains contextes comme les faits de l’enfance sont très utilisés mais, s’ils n’ont pas conduit à déclarer la personne irresponsable pénalement, sont de peu d’effet. Ces sortes de contextes très larges ont bien moins de poids que les contextes immédiats auxquels je pense, voire n’en ont aucun. Une excuse de provocation (expression consacrée !) est une notion qui porte sur le seul contexte immédiat, et la provocation peut être telle qu’elle excuse entièrement l’auteur de l’acte.
Dans l’affaire qui nous occupe, j’ai exprimé l’idée que la conduite de l’accusé pouvait ne pas lui valoir « cher » parce qu’on pourrait trouver une excuse de provocation. Il y a évidemment provocation puisque, a contrario, si la juge avait écouté la demande de l’accusé ce dernier ne lui aurait pas sauté dessus. Il s’agit donc de répondre à la question de savoir ce qui fait que cette provocation n’excuserait pas au moins un peu l’accusé, contrairement à d’autres formes de provocation.
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La lutte contre l’antisémitisme n’excuse et ne justifie en aucun cas la diffamation. – Que LFI dépose à l’Assemblée une proposition de loi ainsi rédigée : « Le fait de traiter d’antisémite un antisioniste est puni d’un an d’emprisonnement. »
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Du génocide par accident
La décision de la Cour internationale de justice (CIJ) saisie par l’Afrique du Sud sur le génocide en cours à Gaza, décision qui parle de « risque génocidaire », n’a malheureusement guère de sens. Un « risque », ce sont les risques de catastrophe naturelle ; un génocide, c’est un crime, ce qui suppose une intention criminelle. Parler de risque génocidaire et demander à l’État poursuivi devant la Cour de prévenir ce risque est une absurdité. Il faut qu’un État cesse ses crimes ; il ne s’agit pas de lui dire de prévenir un risque venant on ne sait d’où, puisque c’est cet État et sa politique qui sont le « risque ».
Parler de risque génocidaire, c’est comme parler, quand, après avoir plongé le couteau dans la poitrine de sa victime, l’assassin le relève pour le plonger une nouvelle fois, de risque assassinatoire. C’est complètement absurde. Quand un crime est en train d’être commis, on parle a minima de tentative. Oui, la victime risque de mourir, mais ce n’est pas le résultat d’un risque, c’est le résultat d’une intention criminelle. Oui, les Palestiniens risquent d’être éradiqués de Palestine mais ce n’est pas à cause d’un risque de séisme ou d’autres catastrophes naturelles, c’est à cause de la politique génocidaire de l’État sioniste.
On ne dit pas à quelqu’un qu’on suspecte d’être en train de commettre un crime qu’il doit « l’empêcher », on lui dit qu’il doit cesser tous actes dans l’accomplissement de son crime. La terminologie de la Cour est un déni de réalité qui laisse craindre un déni de justice S’il y a un « risque génocidaire », en admettant, pour l’argument, que cette expression ait le moindre sens, ce risque est le résultat d’actes déterminés. Or ces actes sont imputables, selon la saisine, à un État et à sa politique. On dit par conséquent à cet État, dès lors que l’on ne trouve pas la saisine complètement infondée, de cesser immédiatement ses actes en le menaçant d’être empêché par la communauté internationale de continuer ses crimes s’il n’obtempère pas. Les distorsions conceptuelles de la Cour font émerger en creux le concept aberrant de génocide accidentel. Un génocide accidentel serait l’équivalent de l’homicide accidentel. Imaginez l’avenir : « L’État sioniste voulait seulement éliminer le Hamas mais il a éradiqué toute la population palestinienne. Cette éradication est un regrettable accident. » Il faut vraiment avoir perdu la raison.
L’Afrique du Sud demandait à la Cour de condamner un projet génocidaire. En ne retenant que des actes possiblement génocidaires, apparemment par des individus lamba, la Cour semble rejeter l’idée de projet. On peut parler de « risque » dès lors que l’on entrevoit un possible résultat choquant, mais c’est par accident dès lors que ce n’est pas lié à une volonté, à une politique. Cette décision de la CIJ risque d’enliser le droit international dans les marécages.
Reconnaître un « risque » génocidaire sans reconnaître un projet génocidaire, en refusant, au fond, de reconnaître un projet génocidaire, c’est inventer la notion de génocide par accident. Même si le parallélisme avec le droit pénal national autorisait à parler de génocide préterintentionnel – de « bombardements et famines ayant entraîné un génocide sans intention de le produire » –, les responsables de ces actes doivent être jugés et condamnés.
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Rima Hassan a été convoquée en audition libre. Pour les mêmes faits de supposée apologie du terrorisme, le syndicaliste Jean-Paul Delescaut était, quelques jours auparavant, interpellé à son domicile au petit matin. Ils sont en roue libre et ne savent plus ce qu’ils font.
Toute procédure judiciaire envers les pro-Palestiniens émanant du gouvernement auteur de la circulaire ministérielle illégale appelant à ignorer l’arrêt Baldassi de la Cour européenne des droits de l’homme est présumée nulle et non avenue.
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La différence juridique entre les propos haineux et l’outrage (i),
et celle entre la diffamation et l’atteinte à la vie privée (ii)
Rumeurs transphobes : la justice annule une procédure intentée par Brigitte Macron. (…) Dans sa décision, consultée par l’AFP, le tribunal a déclaré nulle l’assignation délivrée par Brigitte Macron pour atteinte au respect de la vie privée et au droit à l’image, estimant que les faits qu’elle dénonçait auraient dû être qualifiés de diffamation publique. (Le Point)
(i)
L’outrage et la législation sur la haine
Brigitte Macron portait plainte pour atteinte au respect de la vie privée à la suite de propos affirmant qu’elle était née Jean-Michel Trogneux à l’état civil et avait au cours de sa vie « transitionné », c’est-à-dire changé de sexe.
Le média que nous citons déclare, en titrant son reportage avec le terme « transphobe », que les faits de l’affaire sont des faits relevant des infractions à caractère haineux, dont ledit caractère représente une circonstance aggravante en droit français. La haine porterait ici sur le groupe des personnes défini par la loi « à raison de leur identité de genre », ce qui comprend les personnes ayant changé de sexe.
Or rien, dans le reportage ainsi titré de ce média, ne permet d’étayer la nature « haineuse » des faits, et par conséquent ce média invente de toutes pièces ledit caractère, qui n’a jamais été retenu à quelque niveau que ce soit de la procédure. Ce média parle de faits haineux pour la seule raison que la supposée atteinte à la vie privée n’est pas sans liens avec un groupe de personnes défendu par la loi contre les propos haineux et les autres délits aggravés en droit par le caractère haineux de leur motivation. C’est non seulement du mauvais journalisme, puisqu’une affirmation mise en exergue (« Rumeurs transphobes » en titre) n’est pas corroborée par le contenu du travail journalistique, mais aussi une marque flagrante d’ignorance juridique.
Une clarification s’impose par conséquent s’agissant du droit en matière de « haine ». Un délit sera plus gravement condamné, dans notre droit, s’il est établi que la victime a été visée parce qu’elle appartient à un groupe que la loi française défend, ces groupes étant définis par certaines catégories spécifiées dans les textes, à savoir : la race, l’ethnie, la nationalité, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre (ce qui recouvre les personnes transsexuelles), le handicap. Si une personne est victime d’un délit motivé par la haine en raison d’un groupe ainsi défini, par exemple si c’est un homme injurié par une femme parce qu’il est un homme, il y a une injure présentant le caractère légal aggravant de la haine. C’est ce que dit la loi, et elle ne dit surtout pas, car ce serait d’une stupidité sans nom, qu’un individu de sexe masculin est forcément l’objet d’une injure haineuse en raison de son sexe quand il est injurié ni qu’une femme est forcément l’objet d’une injure haineuse en raison de son sexe quand elle est injuriée.
En d’autres termes, le caractère aggravant n’est pas, comme dans notre législation sur l’outrage, attaché à la qualité de la personne injuriée mais aux motivations de l’auteur de l’injure. Autant la question de la motivation ne se pose pas (du moins dans les mêmes termes) pour une injure adressée à une « personne dépositaire de l’autorité publique », car l’outrage est alors automatique du fait de la qualité de la personne en tant qu’il est investi de cette qualité, autant la législation sur la « haine » ne pourrait fonctionner sur une base semblable sans se contredire et se ruiner elle-même, puisque que toute personne appartient à l’un de ces groupes par une qualité ou par une autre. On ne saurait assez insister sur le fait que, quand la loi parle de groupe à raison de la race, par exemple, elle ne dit pas qu’elle protège telle race, par exemple les Noirs, et non telle autre, par exemple les Blancs : elle protège toutes les races en aggravant la peine pour les crimes et délits commis en raison de la haine envers l’un ou l’autre de ces groupes.
Dès lors que l’on a compris qu’une personne transsexuelle n’est pas protégée de la même manière que le sont ceux qui bénéficient de la législation sur l’outrage (et dont le privilège tient aux séculaires notions françaises – contestables, mais c’est un autre sujet – relatives aux prérogatives de l’État et de la puissance publique), il n’est pas permis, en droit, de qualifier de « haineux » ou de « transphobe » un fait dont serait victime une personne transsexuelle sans connaître les motifs à l’origine du fait en question, car les raisons possibles pour lesquelles cette personne a été victime sont innombrables, et innombrables celles qui n’ont aucun rapport avec l’identité de genre.
Ainsi, quand telle personne affirme que telle personnalité publique est transsexuelle à l’insu du public, ce n’est pas parce que cette personnalité publique porte plainte pour un délit d’atteinte au respect de la vie privée, donc qu’il y aurait peut-être un délit, que ce délit est « haineux » du simple fait qu’il est question dans l’affaire de transsexualisme. Nous ne sommes pas dans une affaire d’outrage, où la qualification de l’outrage ne se déduit pas principalement des motivations de l’auteur mais de la qualité de la victime (qui doit être « dépositaire de l’autorité publique »), et les motivations de la personne auteur des propos en question, que nous avons à rechercher et à connaître dans cet autre type de cas, nous sont inconnues et sont inconnues du média cité, comme son reportage le montre par son silence à ce sujet.
Parce que l’outrage et l’injure « haineuse » sont tous les deux des aggravations de peine, il faudrait comprendre, comme ce média, que parce que je suis Blanc m’insulter serait automatiquement du racisme anti-Blanc, et parce que je suis de sexe masculin m’insulter serait automatiquement de la misandrie, et parce que je suis hétérosexuel m’insulter serait automatiquement de l’hétérophobie. Ce n’est évidemment pas le cas, en droit, et cela vaut aussi, j’espère qu’on l’a compris, pour une femme homosexuelle de couleur.
Ce reportage est donc une honte. C’est même une diffamation, car prétendre sans raison légitime que la conduite d’une personne devrait subir une peine aggravée plutôt que la peine simple applicable aux faits supposés, c’est, de même que le fait d’accuser d’un crime une personne innocente, une distorsion de la réalité préjudiciable à la bonne réputation d’autrui.
(ii)
La diffamation et l’atteinte au respect de la vie privée
Ce mot « transphobe » était en réalité sans lien avec l’affaire et résulte des biais particuliers au média en question, qu’il partage avec d’autres. Le véritable sujet, c’est qu’un juge a rejeté une plainte pour atteinte au respect de la vie privée en invoquant la nécessité d’une requalification en diffamation.
Or la différence entre une plainte pour atteinte à la vie privée et une plainte pour diffamation, c’est que si les faits sont vrais il n’y a pas diffamation (exceptio veritatis ou exception de vérité) tandis que, pour une atteinte à la vie privée, que les faits soient vrais n’est pas une excuse. Cela se conçoit aisément : dans l’atteinte à la vie privée, le préjudice ne naît pas d’une distorsion de la vérité mais de la divulgation de la vérité, de la divulgation de faits que la victime avait le droit, légitime selon la législation française (ce droit n’existe toutefois pas au Royaume-Uni, par exemple), de vouloir garder connus d’elle seule ou d’un petit nombre de personnes dans son entourage. Autrement dit, dans un procès pour atteinte à la vie privée, la justice n’examine pas si les faits sont vrais mais seulement si les propos tenus portent atteinte à ce droit de la vie privée. Le juge n’avait donc pas à demander la requalification de la plainte dès lors que la plaignante souhaitait invoquer une atteinte à la vie privée plutôt qu’une diffamation, car la défense n’est pas du tout la même dans les deux cas.
Mais le juge a demandé cette requalification parce qu’une plainte pour atteinte à la vie privée dénonce une divulgation de la vérité et que la plaignante n’est pas un homme… S’il avait admis la plainte, il aurait cru faire passer, si l’on cherche à se placer à son point de vue, la diffamation pour une divulgation. Qu’il y ait dans cette mesure un préjugement de l’affaire est indéniable. Il faut donc que la plainte soit pour diffamation, et la cour devra entendre de l’auteur des propos sa défense en exceptio veritatis.
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Sur un média, je ne sais plus lequel, Bolloré ou un autre milliardaire, pour bien insister sur la dangerosité du candidat LFI Raphaël Arnault, il a été dit que ce dernier avait « trois fiches S ». Les agents secrets ont détecté un individu dangereux et fait une fiche à son sujet, puis ils ont oublié qu’il était dangereux et l’ont redécouvert, et ont fait une deuxième fiche, une fiche S comme la première, puis ils ne se sont plus souvenus de ce qu’ils avaient fait, etc. J’essaie de comprendre. Trois fiches S, est-ce que cela signifie que si j’ai une seule fiche S c’est que je ne suis pas vraiment dangereux, puisque certains individus peuvent en avoir trois ou dix ou peut-être vingt-cinq ? Ou bien, ce n’est pas du travail ? Ou bien quoi ?
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Le droit mou des étrangers en France
Un raciste n’est pas forcément contre l’immigration de masse. Quand on voit le droit mou qui s’est créé pour les étrangers en France, qu’on expulse en charter pour le moindre propos (au demeurant permis par la loi) que tel ministre, fonctionnaire ou duchmol juge incompatible avec « nos valeurs », on comprend que les étrangers immigrés n’ont pas les mêmes droits que la population autochtone et qu’ils sont là pour être exploités en fermant la bouche.
« Personne n’est expulsé en charter de France, d’où le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il est normal que les autochtones aient plus de droits que les étrangers, comme dans 90 % des pays du monde, » me réplique-t-on, en concluant que je vis « dans un monde parallèle ».
Quand quelqu’un ne respecte pas une OQTF, on lui adresse une autre OQTF ? La réponse est dans la question. Si c’est le cas dans les faits (ce que j’ignore), c’est-à-dire si l’autorité publique se contente d’envoyer OQTF sur OQTF à la même personne refusant de quitter le territoire, ce ne peut pas être le droit mais une pratique dévoyée.
Dire qu’un étranger a, sur le territoire national, une moindre liberté de s’exprimer qu’un Français, c’est dire qu’il est normal pour les autorités nationales de moins respecter les droits humains de cet étranger. Or tous les hommes ont les mêmes droits humains, et il existe d’ailleurs une procédure d’accueil des étrangers dont les droits humains sont menacés dans leur pays : l’asile politique. Par conséquent, l’État aurait le devoir de donner l’asile à un étranger (car le droit d’un individu à l’asile a pour pendant l’obligation pour l’État de le lui accorder) mais il aurait le droit de l’expulser parce qu’il aurait dit telle ou telle chose permise par la loi nationale mais qui dérange je ne sais quel potentat de chez nous ?
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Dissolution et Droit constitutionnel :
Le « pouvoir » présidentiel de nomination du Premier ministre
(Écrit entre les deux tours des élections législatives des 31 juin et 7 juillet.)
C’est la liste arrivée en tête aux élections qui doit soumettre un nom au Président de la République pour le poste de Premier ministre, éventuellement après avoir engagé des négociations pour la formation d’un gouvernement. S’il y avait un doute quant au fait que cela doit se passer ainsi, les autres listes pourraient toujours sceller des alliances post-électorales pour former un gouvernement en vue d’évincer le parti vainqueur dans les urnes. Par exemple, trois listes ou partis B, C et D à 17 % chacun (total 51 %) pourraient s’allier pour gouverner alors que les élections ont été remportées par le parti A avec 49 % des sièges. Les partis B-C-D ne peuvent pas prendre l’initiative de former un gouvernement, ils doivent attendre et accepter ou refuser des propositions du parti A, si celui-ci veut une majorité absolue (>50%) au Parlement.
Même avec 49 % des sièges, A ne peut rien faire seul, par hypothèse, puisque pour qu’un texte soit voté par une assemblée parlementaire il faut au moins 51 % des voix (plus de votes pour que de votes contre). Si un autre parti que celui qui a obtenu la majorité relative peut être appelé à former un gouvernement, cela signifie que ceux qui ont perdu les élections peuvent se coaliser après le résultat pour dire que le gagnant est minoritaire par rapport à eux. En général, le gagnant trouve une liste avec qui s’allier, la droite avec le centre, les socialistes avec les communistes, écologistes et autres partis insignifiants ; c’est ce que nous avons connu ces dernières décennies. Mais si la formation ayant obtenu la majorité relative, le plus grand nombre de sièges, ne peut trouver d’alliés, la Constitution ne l’oblige pas, néanmoins, à se retirer au profit d’un gouvernement de perdants coalisés.
En d’autres termes, après le résultat des élections, il est trop tard pour faire bloc commun quand on a perdu. La liste qui a la majorité relative « tient » le gouvernement, que ce gouvernement soit soutenu par une majorité absolue de parlementaires ou non. Dans le cas contraire, il pourrait hypothétiquement ne jamais y avoir de victoire à la majorité relative puisque les perdants pourraient toujours gagner en disant qu’ensemble ils ont une majorité absolue que n’a pas le gagnant à lui seul. Le fait de perdre, aux portes du pouvoir, serait un stimulant suffisant pour faire oublier à toutes ces listes les raisons pour lesquelles elles se sont présentées en ordre dispersé plutôt qu’unies et ont présenté aux électeurs ces choix de dispersion comme pertinents en termes de projets politiques. Mais il y a plus étrange encore et c’est qu’un Nouveau Front populaire se présente sous une étiquette unie avec des « parias », les mélenchonistes, contre qui ceux qui poussent l’idée, illusoire pour les raisons que j’ai dites, d’un gouvernement d’union nationale des perdants veulent faire tout autant barrage que contre le RN.
Le Président de la République est dit par les constitutionnalistes avoir un pouvoir discrétionnaire de nomination mais en même temps il est obligé, en cas de cohabitation, de nommer quelqu’un de la majorité. C’est la manière paradoxale dont ces gens présentent les choses. Il y a là bien des ambiguïtés. En particulier, de quelle majorité parle-t-on ? Le vainqueur aux législatives, la première liste du pays en nombre de voix, peut n’avoir qu’une majorité relative et dès lors la majorité absolue est chez les autres listes ensemble. Si, après une élection dont la liste A sort vainqueur avec 45 % des sièges, le Président nomme un Premier ministre de la liste B parce que B et C, 26 et 25 % respectivement, sont d’accord pour négocier un compromis différent de leurs programmes électoraux respectifs, les élections ne servent fondamentalement à rien puisque le programme décrochant le plus grand nombre de représentants dans le pays peut être systématiquement écarté. De ce fait, il est évident que le Président ne peut accepter de nommer un Premier ministre qui serait désigné par des groupes se réunissant en majorité absolue de députés s’il ne se trouve parmi ces groupes celui qui a obtenu aux élections la majorité la plus importante de tous les groupes. Un gouvernement peut se former sans majorité absolue au Parlement, et soit il parvient à faire malgré tout voter des lois, parce que les députés votent individuellement, soit il n’y parvient pas et peut alors engager sa responsabilité avec un 49-3. Mais l’idée d’une majorité constituée de perdants est complètement fantaisiste.
Sur le plan constitutionnel, comme il n’y a pas de mandat impératif (article 27 de la Constitution), nul ne peut présumer qu’un gouvernement est dans l’incapacité de faire passer des textes au Parlement. Le Président pourrait certes le supposer vis-à-vis d’un gouvernement purement RN ou purement NFP avec un RN ou un NFP n’ayant pas la majorité absolue au Parlement, mais cette supposition se fonderait sur la discipline des partis qui n’est ni constitutionnalisée (et cette constitutionnalisation rendrait la Constitution contradictoire en raison de l’interdiction des mandats impératifs) ni même une réalité bien établie (il y a toujours ici ou là un certain éparpillement des voix au Parlement). Par conséquent, ce serait une faute de refuser de nommer un Premier ministre qui demanderait à l’être à la suite d’une victoire aux élections à la majorité relative. À défaut d’un vote d’investiture dans notre Constitution, un gouvernement doit être présumé capable de faire passer des lois tant que le Parlement n’a pas prouvé le contraire, et cette preuve ne peut intervenir avant la nomination d’un Premier ministre. Sur le plan politique, à présent, un gouvernement de tous les partis sauf un, le gagnant des élections, ne peut gouverner. Si un tel gouvernement pouvait faire voter des lois, cela signifierait qu’il n’y a qu’une seule véritable force d’opposition dans le pays, à savoir le parti que la formation de ce gouvernement d’union nationale a précisément eu pour but d’évincer, et que tous les autres partis sont en fait d’accord sur la direction politique du pays.
Pour nommer un Premier ministre après des élections, il n’y a pas deux systèmes mais un seul : la reine d’Angleterre nomme le gagnant, un point c’est tout. Si le Président peut nommer qui bon lui semble, à quoi servent les élections ? Majorité absolue ou pas, il nomme celui que la liste gagnante lui présente. Celui-ci fait le gouvernement qu’il peut, avec ou sans soutien d’autres partis. Il soumet des lois au Parlement et les députés votent. N’importe quel gouvernement est réputé pouvoir faire passer des lois car « tout mandat impératif est nul » (art. 27). Si le gouvernement n’arrive pas à faire voter des lois, il engage sa responsabilité avec un 49-3. C’est la théorie bien connue du parlementarisme négatif et c’est ainsi que les choses se passent dans plusieurs États européens, les pays scandinaves, le Portugal… Le mot « discrétionnaire » dans la bouche des constitutionnalistes pour désigner le pouvoir présidentiel de nomination du Premier ministre doit être compris à cette lumière : c’est discrétionnaire parce que c’est le Président, mais il n’a pas le choix. Croyez-vous que la Constitution non écrite du Royaume-Uni dise que le souverain doit nommer tel ou tel Premier ministre ? Pas du tout. Qui dit souverain dit discrétionnaire. Le Président nomme discrétionnairement le gagnant, un point c’est tout.
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Dissolution et Droit constitutionnel II :
Du caractère non démocratique de notre Constitution selon les médias
(Écrit après les résultats des élections législatives.)
Le député LFI Éric Coquerel, sur un plateau de télévision, à la question « Comment, si le Nouveau Front populaire forme un gouvernement minoritaire à l’Assemblée, peut-il appliquer son programme ? » :
« On passe par décret [pour les mesures d’ordre règlementaire]. »
– « Ce n’est pas démocratique ! », lui est-il aussitôt répondu, avec une fraîche spontanéité.
La Constitution définit les domaines respectifs de la loi et du décret (article 34) et, constitutionnellement, il n’est permis ni de prendre un décret à la place d’une loi ni de voter une loi à la place d’un décret. La pratique, illégitimement validée par le Conseil constitutionnel, de voter une loi à la place d’un décret (ou de prendre des mesures du domaine décrétal dans une loi) est un dévoiement contraire à l’intention du constituant et au parlementarisme rationalisé qu’il a mis en place. Dès lors que la pratique s’est écartée au fil du temps du texte constitutionnel sur ce point comme sur d’autres, le régime est devenu, en effet, « à bout de souffle » (Coquerel).
La pratique en question est évidemment inconstitutionnelle et sa validation par le Conseil constitutionnel complètement illégitime parce que cela revient à vider de tout contenu la notion de domaines respectifs de la loi et du décret. Certes, le texte de la Constitution est en soi trop succinct pour rendre immédiatement clair ce qui relève d’un domaine et ce qui relève de l’autre pour tous les sujets, mais c’est justement la pratique qui devait préciser les domaines respectifs, sur le fondement du texte et sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Or tant la pratique que le Conseil constitutionnel n’ont fait que brouiller puis finalement ignorer les domaines respectifs, si bien qu’aujourd’hui annoncer qu’on va passer des mesures du domaine réglementaire par règlement/décret suscite des cris « Ce n’est pas démocratique ! » Un tel régime, où la Constitution et la pratique des institutions ne correspondent plus, ne peut durer longtemps.
S’il n’est pas démocratique de prendre par règlement des mesures du domaine réglementaire défini par la Constitution, cette Constitution n’est pas démocratique. Si cette Constitution n’est pas démocratique, le régime ne peut être démocratique que parce qu’il ignore sa Constitution, ne l’applique pas, par exemple ignore le domaine réglementaire propre. Si le régime ignore sa Constitution, ce ne peut pas être un régime constitutionnel. Si ce n’est pas un régime constitutionnel, il n’y a pas de garanties constitutionnelles et c’est un régime arbitraire.
Law 32: Hate-speech-law countries v. free-speech countries
EN-FR
Hate speech laws in so-called “free-speech” countries
How free speech is contrived to allow governments
to discriminate at will in hate-speech-law countries
Two examples: Sweden and India, with discussion of recent incidents
1/ Quran burning and incitement against religion in Sweden
2/ Saffron bikini and defilement of religion in India
1/ Quran burning and incitement against religion in Sweden
“Turkish protesters have expressed outrage in Istanbul after a far-right politician burned a Quran in front of the Turkish embassy in Stockholm.” (Al Jazeera English, YouTube, Jan 22)
As there is no freedom of speech in Europe, the request to ban and punish this kind of act/speech, Quran burning, is a legitimate demand of nondiscrimination. Swedish law criminalizes hate speech out of consideration for communitarian feelings. Therefore, the authorities’ failure to prosecute such acts is contemptuous: not attending to this community’s feelings while they claim to attend to communitarian feelings sends the message that this community is not worth attending to, according to Swedish authorities. They simply do not want this community to be protected by Sweden’s hate speech laws, and this is blatant discrimination.
My message to Swedish authorities: You are contemptible. What are your hate speech laws for? Stop discriminating against Muslims, and prosecute Quran burning as hate speech.
Anonymous A: Where is the Swedish law that bans freedom of speech out of consideration of a religion’s belief?
It is where everybody can find it. “Hets mot folkgrupp blev olagligt 1949. På den tiden var det enbart härstamning och trosbekännelse som var grunder för hets mot folkgrupp. Detta ändrades 1970 till ras, hudfärg, nationellt eller etniskt ursprung eller trosbekännelse. År 2002 tillkom sexuell läggning och år 2019 könsöverskridande identitet eller uttryck.” (Wikipedia: Hets mot folkgrupp) The important word for the asked question is “trosbekännelse,” which means religious belief. Translation: “Incitement against groups became illegal [in Sweden] in 1949. At that time, descent and creed [trosbekännelse = religious belief] were the only grounds for incitement against groups. This was changed in 1970 to race, skin color, national or ethnic origin, or creed [again]. In 2002 sexual orientation was added and in 2019 gender identity or expression.”
Anonymous B: Who are you to dictate how I dispose of my property?
You’ll have to ask this question to the Swedish legislator. – The technical answer, however, is that you can’t criminally dispose of your property. If you dispose of your property by making a hate speech of it, you will be prosecuted for hate speech by Swedish authorities.
B: So what forms of disposal are not hate speech? Presumably, burning is ruled out.
All disposal is not in the form of calling people’s attention. – If you ask me how they dispose of their old Quran copies in Muslim countries, I don’t know. All I know is that, if a person disposes of a Quran copy in Sweden and one finds it in the owner’s trash can, or if he burns it in his backyard, this is not hate speech. But what happened in front of the embassy is blatant hate speech (against a group based on its members’ creed or religious belief) and the negligence of authorities to act accordingly proves they discriminate against Muslims.
(ii)
The answer from the Swedish authorities so far has been, to sum it up: “The act was very insensitive, but we are a free-speech country.” This is not true. Sweden is a hate-speech-law country: “Incitement against groups became illegal in 1949. At that time, descent and creed were the only grounds for incitement against groups. This was changed in 1970 to race, skin color, national or ethnic origin, or creed. In 2002 sexual orientation was added and in 2019 gender identity or expression.” The Swedish authorities are bound by their legislation to prosecute the wrongdoer; their obdurate negligence to do it shows that, as a principle, they refuse to comply with their hate speech legislation when the targeted group are Muslims. They thus discriminate against Muslims. On the one hand, they tell their national communities, their “groups” (folkgrupp), that Sweden protects them from hate speech by criminalizing hate speech; on the other hand, they claim they guarantee freedom of speech when one of these groups in particular is wronged by hate speech. You don’t need to be a Muslim to feel contempt for such malfeasance.
2/ Saffron bikini and defilement of religion in India
For a better understanding of the following, read “Saffron bikini v. national flag bikini” in Law 29.
Film Pathaan, with a saffron bikini dancing scene, was released this month amid protests. As the authorities disregard the outrage over saffron bikini, they should apologize to and compensate all people who have been convicted for tricolor (national flag) bikinis and other tricolor trappings, and I’m told they are not few. You’ll perhaps say in reply that India is a secular country and the authorities have a mandate to ensure respect for the tricolor symbol, not for the saffron symbol, which is religious. There exist stringent laws about incitement and respect for community feelings in India: Why the negligence? Does secularism mean that a secular, atheistic elite will be granted the privilege to offend religious feelings, while the people is gagged?
No matter how Hindutva the government is, outrage over saffron bikinis is disregarded, the problem does not exist for them. They will keep focusing on hunting tricolor bikinis and other tricolor trappings. The numerous tricolor precedents, the stringent provisions of incitement laws, constitutional protection of communities’ feelings, are of no avail to a Hindutva government against the privileged few who bought a never-ending license to outrage religious feelings.
What about sadhus who wear a single saffron loincloth?
The comparison is misguided. Although there exist laws against nudity in India, they do not apply to sadhus, because a sadhu’s nudity is not the same as a paid actress’s nudity, the aim of which is to attract or arouse prurient interest. By the same token, a sadhu wearing saffron is not the same as an actress whose body is used as an object for making money through prurient interest, adding to indecency an insult to religion through saffron symbolism.
(ii)
Their apathy will remain a stain on Indian authorities. If you think a tricolor bikini is an insult, and Indian law seems to think it is (see Gehna Vashisht and other cases), then a saffron bikini is blatant hate speech (Sections 153 and 295 of the Indian penal code). Negligence to act accordingly on the part of authorities is discriminatory remiss.
Section 295: “Whoever destroys, damages or defiles any place of worship, or any object held sacred by any class of persons with the intention of thereby insulting the religion of any class of persons or with the knowledge that any class of persons is likely to consider such destruction, damage or defilement as an insult to their religion, shall be punished with imprisonment of either description for a term which may extend to two years, or with fine, or with both.” (Emphases ours.)
Let us examine what a saffron bikini is, according to the wording of the law. We are talking about defilement, as sacredness is purposefully associated with pruriency in the form of scant clothing and lascivious dancing. The object is not a bikini in itself but a bikini purposefully made saffron. We do not have to prove that the wrongdoing is purposeful, as Hindus’ reverential feelings for saffron are well-known. Rather it is the accused who must prove they did not do the wrongdoing on purpose; they must provide convincing evidence that none of them had realized that the saffron bikini could upset Hindus’ feelings. In the words of the law, they must prove that they had no “knowledge that any class of persons [was] likely to consider such defilement as an insult to their religion,” and good luck with that: were these people brought before a court, I don’t think they could provide the least convincing evidence of ingenuity – unless, perhaps, they wriggled on the ground like worms and cried –, because where in the world is saffron known for its religious symbolism if not in India? Instead of being removed behind bars for two years, these people are going scot-free, protected by a Hindutva BJP-led coalition government.
“A battle for freedom of speech”? I didn’t see journalists battle for free speech when a FIR (first information report) was filed by police against half a dozen people dancing with Aurangzeb’s poster in Maharashtra, a few days ago (see Law 31: Aurangzeb’s Ghost). Sections 95, 153, 295 etc. of the ICP are the law. Journalists do not oppose it, they only oppose its application to defilement of religion by Bollywood.
(iii)
At the same time that the Indian union government refuses to listen to its grassroots militants on Pathaan, and asks them to stop the stir, it bans a BBC documentary about the 2002 Gujarat riots in which hundreds of Muslims were murdered by mobs. The ban is either legal or illegal. If it is illegal, there is no question of opportunity. If it is legal, there is no question of opportunity either, because the executive power is not allowed to pick up laws it will carry out from laws it will not carry out; the government must execute the whole legislation (hence its name: executive). Those who discuss the ban from the opportunity angle are wrong. If they disagree with the ban, they should, assuming the ban is lawful or constitutional, voice criticism against the law that allows such a ban, that is, they should ask to remove legislation that allows the authorities to ban this kind of speech. Let me know if they do. I assume they all discuss the opportunity and not the legality issue, because they are the opposition that wants to be the majority, and as the new majority they will want: 1) discretionary, not just executive power, 2) to ban criticism. They are all of a kind and form the political cartel.
I disagree with the idea that the executive should be granted even a minimal discretionary power. All decisions based on opportunity are discriminatory, by preventing expected benefits or sanctions of the law. Even though the idea is as commonplace as the practice, neither the idea nor the practice is constitutional, and they cannot be, as this would mean actual suspension of the separation of powers, and of checks and balances.
Concluding remarks
Despite their commonalities, both cases illustrate two different situations. In the Swedish case, one religious minority is discriminated against by the authorities. In the Indian case, the Hindu majority’s right to be protected by the law is disregarded by the authorities, which shield one sector of the society, namely Bollywood, from the legislation; in other words, against the religious majority, the Indian authorities discriminate in favor of this sector by elevating it above hate speech laws. Both actions are extralegal, namely, given the constitutional characterization of the executive power, illegal and unconstitutional. Through the practice, the will of the legislator is overlooked and the role of the judiciary undermined. The practice is generally defended on the ground that this overlook is needed and will occur only in situations where the generality of the law presents flaws that put the state at risk. The only possible arbitrator for this is the people, and that supposes, therefore, that the people has an effective right to insurrection, which, absent a constitutional right to bear arms, is nonexistent. Otherwise, the practice should be set guidelines in the form of constitutional measures about the state of emergency. In the two cases discussed, the authorities are abusing their discretionary power without redeeming circumstances.
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“[Female ex-BJP leader] Gets Gun License Citing ‘Life Threats’ Over Prophet Remarks.” (India Today, YouTube)
How long does it take to get a license? The authorities must verify the claim and that surely takes time. She seems to have had her license in no time, but is it the case for all Indian citizens? One day, you’ll hear that a man applied for a license because he was threatened, the claim was investigated by authorities, with a lot of red tape, and meantime the man was killed. Mark my words, you’ll hear about something like that, or I don’t know bureaucracy. An unconditional right to carry guns is the only correct alternative to a ban.
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About current massive layoffs in big tech companies (Google, Meta, Twitter…). The revenue of a good deal of these so-called big tech companies is from advertising. Massive layoffs in big tech tell you manufacturing companies cut down their advertising spending because they are in poor condition. Badly impacted manufacturing and other companies first respond by cutting down on advertising. Big tech companies then have no other choice than cutting down on their workforce, because advertising is their main revenue. What massive layoffs in big tech tell you is the incoming massive layoffs in all other sectors, as advertising revenue dependent big tech companies are the first to cut down on the workforce.
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“10 Palestinians Killed In ‘Deadliest’ Israel Raids in Years.” (NDTV, YouTube, Jan 27)
This headline is foolish. The raid is “deadliest in years” because of 10 casualties and one month ago 8, two months ago 9, three months ago 9 again, four months ago 6, and so on; something like that. About 200 Palestinians were killed in Israeli raids in 2022 alone. (212 according to the Palestinian Health Ministry.)
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“Iranian drones program’s success and what are the lessons for India.” (The Print, YouTube, Jan 27)
Given the scathing indictment regarding Indian national production (“promising the moon and failing to deliver,” etc.), one should not disregard the possibility of corruption of national authorities by foreign suppliers. If decision-makers are biased toward foreign supply through corruption money, India will never develop serious programs of her own. At this stage, you may well ask the question.
Ironically, an excuse from the Indian side is that, in Iran, things are under control of the Guardians of the Revolution: “It is easier there because everything comes under the control of the Islamic revolutionary guard corps,” says a “source in Indian defense establishment.” Well, yes, the Guardians probably better enforce the country’s own anti-corruption laws, so the excuse almost sounds like an admission, or veiled whistleblowing.
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FR
La guerre par procuration expliquée par la France
Le texte suivant complète notre essai « Casus belli : Réflexions sur la guerre en Ukraine » de mai 2022 (ici).
Un article en ligne du 5 mars 2022 du Club des juristes, « La fourniture d’armes à l’Ukraine : quel cadre en droit international ? » (ici, auteur : E. Castellarin), présente le dispositif juridique utilisé par les nations de l’OTAN pour légitimer leur action de fourniture d’armes à l’Ukraine contre la Russie. Cet article appelle plusieurs remarques.
La première est que ce cadre est purement multilatéral et que le raisonnement bilatéral que j’emploie dans mon essai semble désormais exclu du champ de la pensée ; à savoir, les accords préventifs bilatéraux de défense, dont l’idée brille par son absence dans cet article, n’entrent apparemment plus dans le raisonnement des États européens, de sorte que mon argument selon lequel les États d’Europe de l’Ouest auraient pu offrir à l’Ukraine la garantie d’une intervention armée en cas d’agression russe, doit passer pour une bizarrerie désuète aux yeux des juristes avertis. Cela les regarde. Mais quid des États-Unis ? Ces derniers n’offrent-ils pas leur bouclier militaire à plusieurs pays, dont l’Arabie Saoudite (politique « oil-for-security » depuis 1945) ? Qu’est-ce qui les empêchait alors d’offrir le même bouclier à l’Ukraine, par exemple après l’annexion de la Crimée par la Russie ? Il semblerait que ce puisse être en partie les dispositions du droit international elles-mêmes, dans la mesure où celles-ci peuvent désormais permettre à des États de conduire une « guerre par procuration » (proxy war) sans se voir pour autant qualifiés ipso facto de parties au conflit. Examinons les différents dispositifs juridiques présentés par l’article.
« Dans l’affaire relative aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, la Cour internationale de justice a été confrontée à la fourniture d’armes par les États-Unis aux contras, un groupe rebelle actif au Nicaragua. Elle a exclu que la fourniture d’armes puisse être qualifiée d’agression armée, mais elle a affirmé qu’on peut y voir une menace ou un emploi de la force (§ 195). » Ça ne commence pas très bien pour l’OTAN, du côté de la CIJ. Le § 195 de la décision de la Cour, de 1986, pourrait en effet servir à la Russie de fondement juridique à l’invocation d’un casus belli : « menace ou emploi de la force ». (Le terme même de casus belli est sans doute devenu tout aussi désuet que les contrats bilatéraux de défense territoriale évoqués dans notre précédent paragraphe, vu que cette notion simple est à présent décomposée en agression armée, d’une part, et menace ou emploi de la force, d’autre part.)
Notre juriste considère cependant que la décision de la CIJ est inapplicable au cas de l’Ukraine : « En réalité, l’analyse de la CIJ n’est pas applicable au conflit armé international en cours en Ukraine. L’armée ukrainienne a le plein contrôle, ponctuel et global, de ses actions, si bien qu’on ne peut pas analyser la fourniture d’armes un emploi indirect de la force par les États occidentaux contre la Russie. » Voire ! Il faudrait tout d’abord s’assurer que la CIJ a bel et bien prétendu que « le plein contrôle, ponctuel et global, de ses actions » par une armée excluait a priori un emploi indirect de la force par ceux qui lui fournissent des armes. Certes, l’armée ukrainienne est différente d’une organisation comme celle des contras au Nicaragua, et le conflit lui-même est différent. Mais nous ne voyons pas ce que veut dire cette réserve émise par l’auteur : en quoi les contras n’avaient-ils pas eux aussi « le plein contrôle, ponctuel et global, de [leurs] actions » ? Que signifie cette formule alambiquée ? Un tel embrouillamini peut-il se trouver dans une décision de justice internationale ? Nous en doutons. Nous mènerons cette recherche et y reviendrons. Pour le moment, nous considérons que c’est là une simple pirouette, une argutie sans queue ni tête. L’armée ukrainienne ne se distingue pas des contras sous l’angle obscur ici présenté, et, à défaut de plus ample explication, nous considérons donc que la décision de la CIJ s’applique au présent conflit. Poursuivons.
« Du point de vue du droit coutumier des conflits armés, la fourniture d’armes est incompatible avec le statut de neutralité » Cela ne continue guère mieux pour l’OTAN, du point de vue du droit international coutumier. Les États fournissant des armes à l’Ukraine ne sont pas neutres. Mais sont-ils pour autant, comme un raisonnement fondé sur le principe logique du tiers exclu pourrait le laisser penser, des parties au conflit ? La réponse du droit international est, selon notre juriste, négative : « Cependant, cela signifie simplement que les États qui fournissent des armes ne peuvent pas se prévaloir des droits des États neutres, par exemple celui d’obtenir la réparation d’éventuels dommages collatéraux subis en raison d’un bombardement sur le territoire d’un État partie au conflit. En revanche, la perte du statut d’États neutres au conflit en Ukraine ne signifie pas que ces États sont devenus parties au conflit. » Notre juriste croit donc qu’il existe, relativement « au conflit en Ukraine », des États ni neutres ni parties au conflit. « Cette situation, » de partie au conflit, « qui impliquerait notamment le droit de la Russie de cibler les forces armées de ces États, ne se produirait que si celles-ci prenaient directement part aux hostilités ». Les États de l’OTAN sont donc sortis de leur neutralité mais, comme ils ne prennent pas directement part aux hostilités, ils ne sont pas non plus des parties au conflit. Cela confirme l’analyse russe de la guerre par procuration menée par ces États. En effet, si ces États ne faisaient pas la guerre, ils seraient neutres, or ils ne sont pas neutres, et s’ils prenaient directement part aux opérations, ils seraient parties au conflit, or ils ne le sont pas non plus : ils font donc la guerre par procuration (proxy war). L’analyse russe est entièrement conforme à ces éléments juridiques.
La suite de l’article tend à montrer que ce comportement est « internationalement licite ». Tout d’abord, le Traité sur le commerce des armes n’est prétendument pas violé, car les États n’ont pas connaissance, au moment de fournir ses armes, qu’elles « pourraient servir à commettre » un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Cette clause du traité est cependant suffisamment générale pour que des livraisons d’armes lors d’un conflit en cours soient susceptibles de servir à commettre de tels actes. L’article ne dit pas en effet que les fournisseurs n’ont pas connaissance que leurs armes « serviront à commettre » des crimes, une formule qui serait moins contraignante pour les fournitures d’armes. On rétorquera peut-être que, de la façon dont je l’entends, peu de fournitures d’armes resteraient licites, mais n’est-ce pas précisément l’intention des concepteurs et signataires du traité que de lutter contre la prolifération ? En l’occurrence, exclure que des crimes de guerre puissent être commis par l’une des parties lors d’un conflit en cours est ou bien de l’angélisme ou bien un parti pris belliqueux qui ne peut être conforme à l’esprit du traité.
Cependant, l’UE a souhaité se garantir à ce sujet, en introduisant une clause suspensive en cas de violation du droit international par l’Ukraine, ce qui est interprété par notre juriste comme une preuve de respect formel du traité par l’UE. Voire ! Cette clause montre au contraire, selon nous, que l’UE se doute que ces armes « pourraient » servir à commettre des crimes de guerre etc., et qu’elle n’a donc formellement pas le droit de fournir ces armes. En prétendant prévenir les crimes de guerre etc., elle avoue être consciente que de tels crimes pourraient être commis, et c’est précisément cette prise de conscience qui devrait l’empêcher de livrer des armes.
Enfin, la résolution ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies ayant qualifié l’opération russe d’agression, l’Ukraine est « indéniablement » en légitime défense. L’auteur précise certes que la résolution onusienne est « dépourvue d’effet obligatoire et silencieuse sur la fourniture d’armes » (ce qui est un peu regrettable en termes de droit positif) mais affirme que c’est une « interprétation authentique de la Charte, objectivement valable pour tous les membres ». Ce qui est objectivement valable et en même temps dépourvu d’effet obligatoire, est surtout dépourvu d’effet obligatoire, en droit. Autrement dit, la question de l’agression et de la légitime défense reste ouverte. Le traitement des minorités nationales en Ukraine invoqué par la Russie est en débat. Or c’est la légitime défense qui est le principal élément de justification des nations de l’OTAN. En légitime défense, « [l]’emploi de la force de sa part [l’Ukraine] est licite (art. 51 de la Charte des Nations Unies) et ne peut pas engager sa responsabilité (art. 21 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite), ni celle des États qui l’aident et l’assistent. » La légitime défense est plus qu’une légitimation, selon cette présentation, c’est un véritable blanc-seing (et la présentation est donc douteuse : certaines violations du droit naturel ne peuvent recevoir aucune justification et engagent toujours la responsabilité). Mais c’est aussi un point contestable, l’Ukraine ayant peut-être conduit sur son territoire une politique contraire au droit humanitaire envers la minorité russophone, et contraire également aux intérêts fondamentaux de son voisin, comme le prétend la Russie s’agissant des régions frontalières du Donbass et autre, dont la situation extrêmement troublée avant l’intervention russe n’a échappé à personne.
