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Journal onirique 5

Période : février 2020 (sauf pour le premier rêve, qui remonte à octobre 2019).

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Une visite de mon appartement par des acheteurs potentiels a lieu. Le groupe de visiteurs se trouve dans ma chambre alors que je suis encore au lit. J’en éprouve de l’embarras, sors du lit et, tout en emportant des vêtements pour m’habiller dans une autre pièce, j’adresse des excuses en anglais au groupe de visiteurs, en leur donnant l’assurance que la « visit manager » va s’occuper de leur visite au mieux. Je suis assez fier de ma trouvaille de « visit manager » et considère en mon for intérieur que cette formule est à elle seule de nature à corriger chez les acheteurs potentiels la mauvaise impression produite par le fait d’avoir trouvé l’occupant des lieux dans son lit.

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Au cirque, avec d’autres personnes disséminées dans les gradins, je suis censé faire la « claque » du directeur du cirque au moment où les artistes sont présentés au public avant le spectacle. Le directeur, qui a lui-même un numéro dans son spectacle, a choisi cette méthode pour attirer l’attention du public sur son numéro en particulier, le clou du spectacle selon lui.

Les présentations commencent : les artistes sont réunis en demi-cercle sur la piste et chacun s’avance et fait une révérence ou une autre forme de salutation quand son nom est appelé. J’attends donc, vigilant, que l’on appelle le nom de scène du directeur. Pendant ce temps, le public applaudit poliment les artistes, comme il se doit et sans plus. Puis, à la surprise de la claque « officielle », un certain artiste avant le nôtre reçoit un tonnerre d’applaudissements. Les organisateurs de cette claque étant assis à côté de moi, je les écoute parler : ils ont organisé cette claque de leur côté, d’eux-mêmes et en tant qu’association homosexuelle, pour rendre hommage à la beauté de cet artiste, physiquement leur préféré. Je me dis que notre claque à nous, après cela, n’aura pas autant d’effet que prévu. C’est ce qui s’appelle se faire doubler sur la claque.

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Dans un pays du tiers monde, P. et moi devons passer devant l’administration militaire pour des formalités relatives aux civils étrangers. Les militaires en charge de ces formalités sont les « lionceaux du Bengale », un corps de novices, et ils ont en effet la physionomie non pas léonine mais indienne de leur nom. Le premier des deux à passer, j’obtiens mon document sans difficulté. Pendant que c’est le tour de P. et que j’attends dans une pièce à côté, j’entends le ton monter entre lui et le militaire préposé au traitement de l’acte (le même militaire que pour moi). On lui demande de rédiger et signer une déclaration sur des faits survenus à son arrivée dans le pays, des faits où il est question d’un paon qui crie. P. refuse d’écrire que le paon a « crié » car le cri du paon a un nom spécial, comme les autres cris d’animaux, et il souhaite écrire ce mot-là mais ne l’a pas en tête, ni le militaire, et on ne le laisse pas consulter son smartphone. [N.B. Selon Google, le paon braille, criaille ou paone.] C’est pourquoi le ton monte. Au bout de quelques instants, le préposé militaire revient me voir pour m’annoncer qu’ils ne peuvent laisser P. quitter les lieux en raison d’anomalies dans son dossier. Il me fait signe de le suivre et nous passons dans la partie des locaux affectée aux détentions. Je suppose que P. a demandé qu’on me laisse le voir dans sa cellule pour échanger quelques mots avant que je reparte, mais quand le militaire ouvre la porte d’une cellule, celle-ci, en plus d’être pestilentielle, est vide : c’est moi qui dois l’occuper.

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J’emménage dans un appartement présentant cette particularité que l’une des pièces est commune avec l’appartement voisin. Cette pièce, un salon, n’est séparée de l’autre appartement que par un canapé, ou plutôt une double rangée de canapés adossés l’un à l’autre et qui empêchent de traverser la pièce (c’est-à-dire qu’ils occupent toute la longueur de ce qui aurait autrement été le mur de séparation) mais n’empêchent pas de se voir ni de se parler. Ainsi, les voisins qui craignent l’isolement ou la solitude, ou de rester enfermés dans leur petit cercle familial, peuvent converser dans cette pièce de part et d’autre de la délimitation. Et quand ils ne le souhaitent pas, ils font comme s’ils étaient entièrement chez eux plutôt que dans une salle commune, ou bien, s’ils ne parviennent pas au degré d’abstraction suffisant, ils évitent cette pièce, ce qui se trouve être mon choix car cet aménagement me semble plus gênant qu’autre chose.

Avec quelques amis, je sors en ville où se déroule une fête locale. Il s’agit d’une espèce de compétition sportive ou folklorique. Chaque fois qu’une équipe remporte une manche ou une partie, des gens grimpent sur une sorte de tour en pierre de quelques mètres de hauteur pour y laisser un drapeau aux couleurs de l’équipe victorieuse. Les rues sont noires de monde, et la tour aux drapeaux fourmille elle aussi de gens qui se sont hissés sur elle et y restent (sur plusieurs degrés car c’est une tour à degrés).

Ce qui devait arriver arriva : deux personnes – deux jeunes filles – tombent de leur perchoir sur la tour, ce qui provoque un grand cri de la foule. Au bout de quelques instants de tumulte, on demande à la foule de s’éloigner du lieu des festivités et de la tour, car elle est trop compacte pour permettre aux deux jeunes filles, qui se trouvent apparemment entre la vie et la mort, d’être conduites à l’hôpital. Je suis donc le mouvement, au milieu de cette foule compacte. Le flux s’éclaircit peu à peu, les gens sur les bords de la foule trouvant d’autres voies et délestant le corps central. Au bout d’un moment, nous avançons au milieu d’une densité de personnes tout à fait normale en ville. À côté de moi marche une adolescente d’une quinzaine d’années ; c’est l’une des deux filles tombées et elle a tout l’air de s’être bien remise de sa chute. Alors que nous sommes engagés dans un tunnel, elle me parle de ce qu’elle vient de vivre, me dit que c’est une impression étrange que de se retrouver parmi les gens comme à l’accoutumée alors qu’il y a quelques instants encore « elle était morte ».

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Organisateur d’une manifestation, je marche à l’avant du cortège avec les autres organisateurs tout en discutant avec eux. Le parcours implique de traverser à la nage le fleuve qui coupe la ville en deux, ce que nous faisons sans barguigner, tout en poursuivant notre discussion. Puis, alors que le cortège se repose sur les marches d’un monument colossal de l’autre côté du fleuve, un policier en civil chargé de contrôler la manifestation nous harangue. Il nous dit que nous sommes des bourgeois du 7e arrondissement qui ne cherchons qu’à humilier le peuple du 5e arrondissement, car cette manifestation comme les autres se passent dans ce dernier arrondissement. Sa harangue suscite une franche hilarité parmi les manifestants, qui rient et applaudissent.

Peut-être inspiré par la forte pensée de cet agent, je vais passer un entretien pour entrer dans la police. L’officier qui m’interroge (non comme un suspect mais comme un candidat à l’embauche) est d’une élégance à laquelle je ne me serais pas attendu, frisant le dandysme, notamment par ses chaussettes colorées. Il arbore celles-ci l’air de rien en croisant haut les jambes ou en posant une jambe sur le genou de l’autre, cette gestuelle me permettant de bien voir ses chaussettes dans la mesure où l’entretien se tient assis face à face et sans bureau entre nous deux.

Une question m’embarrasse : il veut savoir si je suis pieux. J’ai compris qu’il voulait détecter des signes de radicalisation fondamentaliste, présente ou future. Hésitant, je commence à répondre que les cours de philosophie que j’ai suivis au lycée m’ont mis en présence des preuves de l’existence de Dieu selon les philosophes et que ces preuves viennent naturellement à l’esprit de ceux qui, au cours de leur maturation intellectuelle, se posent des questions métaphysiques. Puis je pense me tirer d’embarras en expliquant qu’une personne pieuse est forcément quelqu’un qui pratique une religion, une personne pratiquante, et que je ne suis donc pas pieux.

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En Suède, je sors de mon appartement dans le but de prendre un train de banlieue, passer quelques stations, descendre et reprendre un train en sens contraire pour revenir chez moi. C’est le seul objet de ma sortie et je suis d’ailleurs en pyjama et robe de chambre pour bien montrer que je ne fais que prendre l’air et me dégourdir les jambes. De surcroît, je suis de cette façon plus élégant que la plupart des gens, ce qui n’a rien à voir avec les Suédois mais plutôt avec l’habillement moderne.

Dans un couloir du train, en voyant deux jeunes femmes devant moi, au bout du couloir, je me redresse pour apparaître dans ma plus belle prestance et, ce faisant, me retrouve bloqué entre les cloisons ; c’est comme si je m’étais dilaté en même temps que redressé, à la manière d’un pigeon qui se rengorge. Je parviens à continuer d’avancer, mais difficilement, tant le passage m’est devenu étroit. Sur un des murs, je lis des instructions de la compagnie ferroviaire invitant à « contourner » les autres passagers pour passer son chemin dans un couloir de train, avec un indescriptible schéma fléché censé pourtant expliciter le texte. Je lis cette instruction, par ailleurs écrite en anglais, à voix haute et ajoute à l’attention des deux jeunes personnes immobiles à l’entrée du couloir : « C’est facile à dire ! » Car ma situation montre bien qu’il serait particulièrement difficile de contourner quelqu’un dans un couloir déjà trop étroit pour une seule personne (sachant, qui plus est, que les hommes suédois sont assez souvent plus grands et plus larges que moi).

L’une des jeunes femmes me répond : « Et puis les gens ne connaissent pas forcément l’anglais », car les instructions sont, comme je l’ai fait remarquer, en anglais. Alors, moi : « Je croyais pourtant que la grande majorité des Suédois connaissaient l’anglais grâce à leur système d’éducation particulièrement performant. » La jeune femme l’admet, tout en justifiant ses paroles par une distinction nécessaire entre les capacités écrites et orales.

Je descends du train avec d’autres passagers. Dehors, il n’y a pas de quai et les passagers traversent carrément les voies. Après avoir vu qu’il n’y avait que de la forêt du côté opposé, je les suis. J’ai à peine traversé une voie qu’un train y passe à toute allure ; j’ai donc manqué de peu de me faire écraser. Le train était sans chauffeur et présentait un aspect de monstre mécanique. Nous sommes dans un district d’exploitation forestière où ne descendent pas en principe de passagers, à part les ouvriers des exploitations ; c’est pourquoi les trains passent à toute allure sans s’annoncer. Il m’arrive la même aventure en franchissant une deuxième voie : un train la traverse à toute vitesse juste après mon passage, me frôlant, alors que je n’avais rien vu ni entendu venir. Et, comme le précédent, le train, sans chauffeur, avait l’air d’une créature monstrueuse et vivante, bien que mécanique, plus que d’une simple machine. Je n’ose plus bouger, craignant, dans l’entrelacs de voies ferrées qui m’entoure, de me faire écraser au moindre mouvement.

Un groupe d’ouvriers travaille sur un chantier à côté ; l’un d’eux me tend la main pour me faire franchir une voie et je me retrouve au milieu d’eux. Ils travaillent à la construction d’une nouvelle voie, là encore avec une machine-monstre. Les ouvriers posent une certaine quantité de matériaux au sol puis la machine passe dessus et derrière son passage la voie ferrée est en place sur quelque distance. Pour me libérer de ce labyrinthe, je n’ai plus qu’à traverser la zone où doit passer la machine-monstre, en évitant qu’elle y passe au même moment, sous peine de servir moi-même de matériau de construction.

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Une petite fille japonaise nous raconte une histoire dans laquelle un homme mauvais provoque la ruine d’un homme intègre en lui mentant sur l’état réel du fonds de commerce qu’il lui cède. Je demande à la petite fille quelle est, selon elle, la morale de cette histoire. Elle répond qu’il faut être sur ses gardes mais je lui dis que la morale de l’histoire est qu’il est faut être bon. Au moment où je dis cela, un homme japonais apparaît près de la fille, visible d’elle et de moi, et me sourit d’un sourire exprimant contentement et gratitude. C’est l’esprit du grand-père défunt de la petite fille, qui fut victime de l’histoire qu’elle vient de nous raconter et dont sa famille a souffert avec lui.

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Je suis sur un échafaudage en plastique à plusieurs niveaux, dont seul le niveau inférieur permet d’espérer une chute non mortelle. L’épreuve consiste, en commençant par le niveau le plus élevé, à courir sur l’échafaudage sans tomber, selon un parcours menant de niveau en niveau jusqu’à terre. À la fin de chaque niveau, il faut sauter dans le vide sur l’échafaudage immédiatement en-dessous pour commencer le parcours inférieur.

Je saute avec succès sur le parcours du dernier niveau. Alors que j’approche de la fin de l’épreuve, l’échafaudage commence à se démanteler, à perdre des éléments, mais je parviens tout de même au bout du parcours, où je m’assois pour me laisser tomber, après un bref repos, sur le sable blanc d’une plage avec au loin une skyline de gratte-ciels. La fin de l’épreuve symbolise l’année 1776, date de l’indépendance des colonies américaines, et l’échafaudage représente les temps de l’histoire humaine antérieurs à cette date.

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Avec J. et P. nous avons bouclé nos bagages – car les vacances sont terminées et nous repartons demain – et nous nous couchons, P. et moi au deuxième étage, J. à l’étage en-dessous. Le lendemain matin, à notre réveil, nous découvrons par les fenêtres, avec P., qu’une inondation monstre a noyé toute la région aux alentours sous les eaux, jusqu’au deuxième étage de la maison que nous occupons. Nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’il est advenu de J., et quand passe sous nos fenêtres une péniche qui faisait croisière sur les cours d’eau de la région et se trouve à présent perdue dans les immensités aquatiques provoquées par l’inondation, nous sautons à son bord, au milieu de quelques touristes comme nous désemparés. Il n’y a plus de vivres à bord. Nous parvenons à une ville, dont la périphérie elle-même inondée est annoncée par de vastes réseaux de ponts métalliques, à l’ombre desquels passe la péniche. Des gens sautent des ponts pour nous rejoindre. Pour éviter d’en prendre un sur la tête, P. et moi plongeons dans l’eau et suivons la péniche à la nage, à une certaine distance car la plupart de ceux qui sautent des ponts tombent dans l’eau.

Nous rejoignons la terre ferme, une partie seulement de la ville étant sous les eaux, et nous rendons à la gare. Là, nous montons dans un train à destination du Malawi voisin car je dis à P. qu’il faut passer la frontière afin de fuir le chaos indescriptible engendré par les inondations dans le pays. P. est sceptique, il pense que nous serons refoulés à la frontière du Malawi. À voir les foules hagardes un peu partout, je me doute à mon tour que le nombre de réfugiés doit être trop important et que le Malawi va fermer ses frontières, s’il ne l’a pas déjà fait.

Nous sortons du train et errons dans les rues épargnées par l’inondation, réfléchissant à une solution. Alors que nous passons près d’un groupe de jeunes assis sur les marches d’un porche, j’entends l’un d’eux dire aux filles du groupe : « Je vous dis que c’est la bonne solution. » Je me jette alors sur lui, menaçant de le tuer s’il ne me révèle pas immédiatement sa solution, pour que nous en profitions nous aussi. Or il cherchait seulement à vendre de la cocaïne – une échappatoire misérable. Nous repartons, accompagnés par plusieurs jeunes du groupe.

Ensemble nous finissons par quitter la ville dans un autocar, mais, dans cet arrangement, nous sommes plus ou moins otages de gens peu fréquentables, des punks paramilitaires qui contrôlent le bus, conduit par l’un d’eux, et se conduisent en maîtres à bord. Parmi les autres otages, et nos alliés, un vieux chauffeur routier malmené par la vie et un comparse à lui, qui souffre de lombalgies sévères. Un soir, alors que le chauffeur routier et moi sommes descendus de l’autocar et que celui-ci fait une manœuvre, le conducteur perd le contrôle du véhicule, qui verse et fait même un tonneau. Accourant pour porter assistance aux passagers, nous découvrons que les membres de la bande qui « tenait » le bus sont tous hors d’état de poursuivre le périple, tandis que les autres vont bien. Nous repartons, le chauffeur routier au volant et moi à ses côtés. Tout le monde est si content d’être débarrassé des autres. L’une des filles s’est mise en maillot de bain, aux couleurs des États-Unis, et me sourit dans le rétroviseur. Par ailleurs, le comparse du chauffeur nous annonce qu’il n’a plus mal au dos, résultat inespéré des secousses de l’accident. Nous rions.

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La nuit, sur les bords de Seine parisiens, un homme, en tendant les bras vers le fleuve, produit des feux d’artifice. J’ignore si c’est parce qu’il jette ainsi des poignées d’une poudre d’artificier spéciale qui agit au contact de l’air. Je m’approche du parapet pour mieux profiter du spectacle mais suis aussitôt pris de vertige.

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Pour acheter un billet de train, le guichet se trouve dans une galerie commerciale. Quand je suis au guichet, je fais un rêve éveillé dans mon rêve endormi : la guichetière est chez moi, dans ma chambre, et je passe commande du billet depuis mon lit. C’est comme se faire livrer un repas à domicile, sauf que c’est un agent de la SNCF qui vient chez vous pour que vous réserviez votre billet sans avoir à vous déplacer (ni allumer votre ordinateur). Je lui dis que je veux un aller-retour dont le départ est le 31. Puis je regarde le calendrier sur mon iPhone pour déterminer la date de retour, sachant que je veux rester quinze jours. Je détermine de cette manière que mon retour sera le 5. La commande est passée et je réalise aussitôt que je vais devoir l’annuler car je suis loin de mon compte de quinze jours avec des billets le 31 et le 5. Mais entre-temps je trouve que la guichetière, assise au bord de mon lit avec sa tablette numérique, est désirable, et elle me fait depuis le début des minauderies. Seulement, quand je pose la main sur son épaule pour lui dire qu’elle est très gentille, elle se fige aussitôt et je fais alors un signe de croix en présentant mes plus plates excuses, pour éviter un procès.

Le rêve éveillé prend fin et je me retrouve de nouveau dans la galerie commerciale. Je distingue dans la foule une mère et sa fille. Leur âge apparent indique assez que la mère était adolescente quand elle est tombée enceinte. Les deux marchent main dans la main. La fillette ne cesse de répéter : « C’est riquiqui, c’est riquiqui, c’est riquiqui… », comme un perroquet qui aurait entendu ces mots quelque part et les répéterait sans les comprendre. Alors qu’elles viennent de s’engager sur un escalier mécanique pour monter à l’étage supérieur, la mère demande à la fillette d’arrêter, sans colère et d’ailleurs plutôt amusée. La fillette continue de plus belle et je les perds de vue. On ne peut que conjecturer le contexte dans lequel ces mots ont été prononcés à l’origine.

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Zombé Montos. (En me réveillant, c’est tout ce qui me reste du rêve. L’expression m’évoque alors, outre la physionomie lusophone de ces mots, dont je ne tire rien, par homéophonie un titre Zombie Mondo, qui serait un film mondo sur les zombies. Le genre cinématographique appelé « mondo », d’après le film italien Mondo cane de 1962, est un genre documentaire porté sur le sensationnel, souvent cru, voire violent. Un mondo sur les zombies serait par définition un documentaire où les zombies seraient donc une réalité.)

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L’Univers a besoin d’un briquet : une nouvelle théorie montre qu’il a fallu un briquet pour allumer le Big Bang.

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Je loue une chambre dans la spacieuse maison de M. et Mme X, qui ont un autre locataire avec moi. M. X décide d’accueillir en outre une certaine personnalité louche des Balkans, qui lui loue une chambre en journée de temps à autre pour y passer quelques heures avec sa maîtresse. Cela se passe en général quand l’autre locataire et moi ne sommes pas là. Or, un jour, j’aperçois tout de même ces étrangers : l’amant et sa maîtresse sont tous les deux obèses, on dirait d’ailleurs plus sa sœur que sa maîtresse. Ils sont accompagnés par deux gardes du corps, lesquels ont l’habitude d’attendre dans le jardin. J’en parle à M. X, qui m’explique la situation et qui, même si je suppose qu’il est généreusement rémunéré pour le service rendu, se fait un sang d’encre à cause de ces « locataires ». Un soir où M. et Mme X nous ont invités à dîner, l’autre locataire sans histoire et moi, le mafieux des Balkans s’attarde avec sa maîtresse et ses gardes du corps. Nous sommes ennuyés car nous n’osons pas regagner nos chambres de peur d’un incident. Une autre fois, le mafieux réprimande M. X au sujet de l’entretien du jardin, pour y avoir trouvé un étron en sortant prendre l’air avec sa maîtresse, alors que c’est un de ses gardes du corps qui avait chié dans le jardin en l’attendant.

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Un spécialiste discute mon hypothèse « Un philosophe au nom de cimetière : Kierkegaard » (kierkegaard = churchyard = cimetière). [Cette « hypothèse » est en fait une simple remarque que j’ai griffonnée parmi d’autres notes manuscrites.] Il conteste le sens que je donne à « gaard » ; selon lui, il s’agit d’un très ancien mot scandinave qui désignait à l’origine, sous une forme un peu différente, une chaise ou un banc, puis aurait évolué, à la fois dans sa graphie et sa sémantique, pour désigner à une époque moins lointaine une conversation, une discussion, parce que les gens bavardaient assis sur des chaises ou des bancs. Puis le mot aurait disparu de la langue danoise où il subsistait avec ce dernier sens, sauf dans quelques noms propres comme celui de Søren Kierkegaard. Ce nom, conclut-il, a le sens en réalité de conversation d’église. Je fais remarquer que cela décrit assez bien la philosophie de Kierkegaard.

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J’ai rendez-vous à l’Université de N. avec un vieil ami perdu de vue depuis le temps de nos études. Croyant me rappeler de la disposition des lieux, j’entre par une porte secondaire et me retrouve dans des locaux incroyablement vétustes et délabrés en même temps que mal éclairés. Les étudiants, les professeurs que je croise ont l’air aussi misérable que le reste, c’est très frappant et vaguement inquiétant. Ils sont silencieux et rasent les murs, et je suspecte qu’ils me regardent, avec mon manteau (alors même qu’il a quinze ans d’âge), comme quelqu’un n’ayant rien à faire là. Ne trouvant pas mon chemin et n’imaginant pas le demander à l’une de ces créatures, je décide de ressortir et de rentrer chez moi.

Aux abords de la gare qui dessert l’université, je croise par hasard N., un autre vieil ami du temps de nos études et perdu de vue depuis lors. Nous nous saluons chaudement, puis je lui raconte ce qui vient de m’arriver. Il m’explique que je suis entré par l’arrière de l’université, dans le département des langues slaves, où les étudiants comme les professeurs sont tous étrangers, c’est-à-dire originaires des pays slaves. Il me raconte ensuite qu’il est actuellement professeur d’économie à N. Je l’en félicite et lui demande des éclaircissements sur la « théorie de Duclos ». Au sujet de Duclos, je commence par préciser, par pédantisme, qu’il s’agit de l’ancien secrétaire général du Parti communiste français, mais il me corrige, et je me reprends en même temps : c’est le nom d’une économiste française homonyme. Selon N., la théorie dite des stratagèmes de Duclos est un mélange de théorie des jeux et de théorie de la lutte des classes qui montre qu’une classe doit toujours finir par assassiner l’autre.

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Je me rends à une exposition d’art contemporain avec A. et un autre garçon qui ne la quitte pas d’une semelle et représente donc un rival gênant. Dans la première salle, des photographies sont exposées sur de grands écrans verticaux, et le public peut y ajouter des effets temporaires telles que des fractales de Mandelbrot et autres surfaces tachistes de synthèse à l’aide d’une borne tactile dans un coin de la salle. C’est ce que nous explique le guide du musée en nous faisant une démonstration. Cette installation me paraissant de peu d’intérêt, je décide de ne pas attendre la fin des explications et poursuis la visite de l’exposition seul, au risque de laisser le champ libre à l’autre garçon avec A.

Dans la salle suivante, il n’y a que trois casiers, que le visiteur peut ouvrir. Le premier contient quelques lettres sous enveloppe, le deuxième des fils qui pendouillent, le troisième quelque chose de plus insignifiant encore. C’est visiblement une salle qui requiert de longues explications du guide, mais je décide de ne pas attendre.

Dans la salle d’après, les œuvres exposées sont à base de recyclage de matériel informatique. Je remarque en particulier une figurine d’homoncule sous perfusion de câbles d’ordinateur par lesquels il est alimenté et maintenu en vie. Avant de passer à la salle suivante, je regarde en arrière dans l’enfilade des pièces pour voir si A. et l’autre ont avancé, mais je ne les vois pas.

La salle suivante est occupée par un grand bassin où l’artiste a reconstitué une contrée paradisiaque au bord de l’eau, avec des acteurs, hommes et femmes, nus. Les hommes sont assis sur la plage, les femmes s’ébattent dans l’eau si bien que leur nudité, à elles, n’est pas apparente. Il faut longer le bassin pour parvenir à la salle suivante. Je me rends compte alors que la paroi du bassin est en vitre transparente, de sorte que l’on peut regarder par là ce qui se passe sous l’eau. Mon imagination en est titillée : la nudité des actrices de l’installation doit être visible par la paroi du bassin. Après m’être approché de l’endroit où elles s’ébattent, qui se trouve d’ailleurs sur le chemin de la salle suivante, je regarde par la paroi transparente. Les actrices jouent en réalité des sirènes et, comme elles ont des queues de sirène, on ne voit pas leur nudité.

Dans la salle suivante, l’artiste a imité des travaux de fouille archéologique. Comme dans les musées d’histoire naturelle où l’on trouve exposés des squelettes et des fossiles d’animaux antédiluviens tels qu’ils sont apparus aux archéologues dans le sol, affleurant à la surface dégagée, ici le visiteur peut voir le squelette des jambes d’un archéologue géant, portant encore, délavé par le temps, son short kaki.

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Forêt des contes, par Cécile Cayla Boucharel

Journal onirique 2

Les idées viennent en dormant.

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Deux couples d’amis participent à une émission de télé-réalité du type Koh-Lanta, sur une île déserte. L’un des couples saisit cette opportunité pour assassiner l’autre couple, pour une histoire d’argent. Quand la voix off de l’émission détaille les heureuses conséquences financières de la mort des deux participants pour leurs assassins, la femme, qui entend elle aussi la voix off, laisse éclater sa joie.

Le couple assassin a mis à profit l’isolement de l’île déserte pour commettre son crime – comme si cet isolement était réel et non une mise en scène de télé-« réalité » : on peut penser que les deux couples étaient seuls sur l’île avec une petite équipe de tournage et que l’isolement était donc en partie réalisé.

Une idée alternative est que les producteurs de l’émission étaient de mèche avec le couple assassin : les amis de ces derniers croyaient participer à une émission de télé-réalité mais ont été victimes d’un snuff. Par conséquent, l’intérêt, pour les spectateurs, est aussi – mais cela ne m’apparaît, en tant qu’onironaute spectateur de cette émission, que progressivement – d’observer comment les assassins s’y prennent pour commettre leur crime.

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Il peut arriver que l’on se fasse connaître de la police à son insu par des e-mails que la police a trouvés et lus dans le smartphone d’une personne interpellée. C’est ce sur quoi ce rêve appelle mon attention.

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Je déjeune avec C. (♀), membre des Brahma Kumari, et le député Georges F., ancien directeur de la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Il est question du Homard Gate. Je fais remarquer que toute considération d’économie était absente des dîners en question et qu’au contraire les grands moyens ont été employés pour que ces dîners soient le plus chers possible. Le député élabore alors une théorie sur ce que pourrait être le « coût décent » d’un dîner officiel, en se basant sur ce que coûte une bouteille de vin dans les cantines des ministères, voire, compte tenu de son intérêt pour les questions pénitentiaires également, dans les prisons (sans doute les cantines du personnel).

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Me rendant à un cinéma « d’art et d’essai » dont je suis, dans ce rêve, familier, je découvre après avoir acheté mon ticket qu’il ne s’agit pas cette fois-ci de la projection d’un film mais d’une exposition en présence de l’artiste, qui explique son travail au public au cours d’une visite guidée. Cela se passe au cinéma parce que certaines des œuvres exposées sont des vidéos. Une de ces vidéos est le film d’un tableau abstrait de l’artiste accroché à un mur et tournant sur lui-même dans le sens des aiguilles d’une montre – à moins que ce ne soit l’écran qui tourne sur lui-même.

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La pensée est plus rapide que la lumière.

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En classe de mathématiques (avec pour professeur l’économiste et politicien indien Subramanian Swamy, qui fut dans la réalité mon professeur d’économie à la Harvard Summer School de 2004), je ne prends que des notes superficielles, ce qui me fait anticiper mon échec à l’épreuve de mathématiques du baccalauréat. Cette anticipation inquiète n’est cependant pas de nature à me faire prendre des notes plus détaillées ; je persiste à ne relever que les éléments du cours qui contribuent à la connaissance du kantisme. Certains résultats mathématiques sont en effet le fruit des efforts de mathématiciens pour confirmer ou récuser la pensée de Kant. Un de ces résultats, dans le sens d’une confirmation, est particulièrement séduisant ; malheureusement, je l’oublie à mon réveil.

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En classe à Harvard, la professeure nous informe que, selon l’administration de l’université, un étudiant du cours n’est pas régulièrement inscrit et que sa présence risque donc de n’apparaître dans aucun fichier de l’université. La professeure se tourne alors vers moi, confirmant ma crainte que je pourrais être cet étudiant. Elle me demande de vérifier le statut de mon inscription. Je google alors sur mon iPhone mais la recherche ne donne rien ; il faut dire que j’ai oublié de googler mon nom parmi les mots clés de la recherche. Mon voisin me suggère donc de googler « Boucharel-harvard.com ».

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Le président de la République est présent à un carnaval, dans ce qui semble être une église, pour rencontrer l’opposition. Il n’est pas déguisé, porte un costume cravate. Je me fais passer pour un de ses partisans et, quand, lors de la prise de parole d’un opposant, il s’exclame « Que chie que chaud ! », je pousse un « Oh ! » de surprise et ris bruyamment. Devant ce succès, le président adopte cette interjection pour larder systématiquement les prises de parole de ses opposants. Il s’agit d’une expression désuète, dont le sens n’est pas très éloigné de « peu me chaut » et dont le mot « chie », peut-être du verbe « chier », en trouble plus d’un dans l’audience, ce qui semble être l’effet visé par le président.

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Avec d’autres militants, je grimpe une échelle qui conduit à un pont suspendu très haut, à hauteur de gratte-ciel, au-dessus du fleuve et de la ville. C’est un pont étroit d’où l’on peut facilement tomber, mais je ne ressens aucun vertige jusqu’à ce que des militants entonnent le chant de manifestation « Et tout – le monde – détest-e la police ! – Et tout – le monde… » car alors j’anticipe une charge des forces de l’ordre sur le pont et le vertige me saisit aussitôt. Je réussis cependant à le surmonter et parviens au bout du pont, à l’étage supérieur d’un centre commercial. En me retournant, je vois que les militants chanteurs, lourdement armés, forment une véritable milice paramilitaire. Certains militants tièdes se disent entre eux, en descendant les escaliers vers les galeries du centre commercial, qu’une telle milice est une curieuse manière de lutter pour les libertés, que de cette façon la force ne peut être remplacée que par la force, mais je ne suis pas de leur avis (je ne suis pas un tiède).

[Note. Les mots milice et militant ont la même étymologie.]

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Devant moi, mon ami B., duquel je ne me fais pas remarquer, se voit refouler à l’entrée de l’université par les portiers alors qu’il venait demander une bourse d’études. Il se fait refouler à cause de ses cheveux longs, me dis-je. Je décide pour ma part de ne rien demander aux portiers, pensant demander mon chemin seulement une fois à l’intérieur, et je traverse les portiques avec un passe. Après être entré et avoir traversé le hall, je demande le chemin du bureau des bourses à une étudiante assise au comptoir d’une buvette. Elle me montre une porte non loin de là : « Après cette porte, tout droit puis à droite. » En ouvrant la porte, je suis surpris, alors que je m’attendais à voir un couloir, de trouver un amphithéâtre. Sur l’estrade en contrebas, la professeure ne fait pas cours mais tente de répondre à la contestation des étudiants présents : je tombe en plein mouvement étudiant. Si je veux suivre les indications qui m’ont été données à la buvette, il me faut descendre jusqu’à l’estrade, devant la professeure, puis prendre une porte à ma droite. C’est ce que je fais, le plus discrètement qu’il m’est possible. Cette fois, la porte donne sur un dédale de cavernes, dont je peux apercevoir l’ampleur par quelques dégagements, me trouvant à son niveau supérieur. Bien que j’aperçoive une étudiante, puis une autre, aller leur chemin vers les profondeurs de ces grottes, je décide de ne pas les suivre car je n’arrive pas à me convaincre que je trouverai le bureau des bourses au bout de cet improbable chemin. Je retourne donc dans l’amphithéâtre, où j’apprends que les deux étudiantes que je viens d’apercevoir sont l’objet d’une horrible machination : elles pensent rejoindre le lieu où leur sera remis un prix de reine de beauté fictif qu’elles croient avoir gagné mais se rendent en réalité à la cérémonie de sacrifice humain dont elles doivent être les victimes. La contestation étudiante n’est elle-même qu’un simulacre.

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[Il s’agit d’un rêve éveillé, au moment d’une sieste, avant de m’endormir tout à fait ; c’est du moins ce qu’il m’a semblé rétrospectivement.]

L’étreinte de la femme-araignée

Sa morsure, quand elle a encore forme de femme, paralyse et rigidifie le corps de son amant ; le pénis est mis en état d’érection. Les mouvements matriciels autour du pénis introduit produisent l’éjaculation. L’accouplement a lieu pendant que la femme-araignée est sous forme arachnéenne et couvre sa victime. Plus tard, la mise-bas a lieu pendant qu’elle a forme humaine : des araignées lui sortent de la matrice.

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Dans une grande entreprise de média, le personnel a des séances quotidiennes d’aérobique. Un jour, à la demande de la directrice, la coach d’aérobique explique que les séances comprendront désormais des attouchements entre collègues ; devant l’incrédulité de certains, elle précise qu’il faut que le personnel entre de plain-pied dans son temps. Plusieurs collègues hommes me mettent la main aux fesses pendant la séance. Les effets de cette nouvelle philosophie aérobique ne se font pas attendre à l’échelle de l’entreprise. Une collègue explique dans un couloir à la directrice, en fumant une cigarette, que cela a profondément changé ses relations avec son père, avec qui elle a maintenant des rapports sexuels, et elle en remercie la directrice. Un nouveau-venu dans l’entreprise, qui ne supportait pas ce nouvel état d’esprit, part quant à lui en laissant à une collègue âgée un emballage de poupée bébé dans lequel on voit, à travers le plastique transparent, un sandwich baguette garni avec la cervelle d’un autre collègue dont il ne pouvait souffrir les attouchements. Une autre collègue décide désormais de travailler nue. Un autre demande à un collègue de venir partager son bureau avec lui ; quand le second refuse, le premier s’énerve et remet son pénis dans son pantalon, ce qui fait voir aux tiers qu’il avait fait cette invitation le pénis à l’air. La collègue nue décroche le téléphone : c’est sa mère, avec qui elle a une conversation en italien. Elle lui demande de parler plus lentement, lui rappelant qu’elle ne parle plus très bien cette langue, étant de la deuxième génération d’Italo-Américains.

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L’Afrique n’exporte pas de produits manufacturés mais nous envoie une image subliminale. Malheureusement pour elle, les guerres interethniques brouillent cette image.

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À Paris, devant une porte cochère, trois petites filles asiatiques m’abordent en souriant avec les mots « thaï, thaï » quand je passe et repasse. Plus tard, je franchis cette porte (les fillettes ne s’y trouvent plus à ce moment-là) et répète les mots « thaï, thaï » à la gardienne asiatique que je trouve sous le porche. Elle fait alors descendre deux des petites filles, qui m’accompagnent dans des escaliers conduisant à un lobby où nous devons prendre un ascenseur pour monter à une chambre dans les étages. Tandis que nous attendons l’ascenseur, l’une des fillettes dit qu’elles savent faire toutes sortes de choses et me demande si je souhaite faire ces choses avec l’une d’elles, et alors laquelle, ou bien avec les deux. Quand je réponds « avec les deux », un homme portant lunettes et moustache, d’aspect débonnaire, m’appelle par mon prénom, bien que je ne le connaisse pas, et demande à me parler quelques instants à l’écart. Je comprends qu’il s’agit d’un officier de police qui vient de me prendre en quelque sorte en flagrant délit dans une sordide affaire de prostitution de mineures. Tout en le suivant vers le lieu où je suppose qu’il va m’interroger, je réfléchis à ce que je vais lui dire : j’ai l’intention d’affirmer que j’ignorais qu’il s’agissait de prostituées, que rien dans les quelques échanges que nous avons eus elles et moi devant l’ascenseur et qu’il a dû entendre ne me permettait de supposer qu’elles se prostituaient, et d’expliquer que les distractions auxquelles je pensais étaient parfaitement innocentes. Pressentant que mes explications ne le convaincront pas, je me réveille.

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Des individus cherchent à faire passer de la drogue de Mongolie en République populaire de Chine par avion. Le plan qu’ils mettent au point consiste à cacher la drogue dans un couffin car ils imaginent que cet objet, supposément occupé par un bébé, n’attirera pas l’attention des douanes et de la police. Il leur reste à trouver comment prêter vie à ce bébé fictif pour que le couffin paraisse réellement occupé par un bébé. L’idée qu’un enregistrement audio de pleurs et babillages puisse tromper la crédulité des gens me laisse sceptique.

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La civilisation de corail.

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L’hombrologie (science de l’homme, hombre) se distingue de l’ostéopathie en ce qu’elle n’interdit pas de péter.

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Une personne de ma connaissance, vieille fille vers la fin d’une carrière de pigiste obscure, me montre de manière inattendue, en me tendant une liasse de dessins, qu’elle a une activité artistique. De façon plus inattendue encore, ces dessins ne sont pas complètement mauvais, leur originalité m’étonne. L’un d’eux en particulier retient mon attention : c’est un dessin abstrait où dominent les couleurs rouge et rose fuchsia, et où se distinguent en outre deux yeux de verre bleus, l’un et l’autre placés sans ordre dans le dessin pour mieux ressortir. Les reflets du verre et l’intensité de l’iris sont saisissants. Toutefois, je demande à l’artiste d’encrer les traits qu’elle a laissés au crayon à papier, comme le contour des yeux de verre, et de même, pour ces contours en forme de globe, d’utiliser un compas, avant que je publie son dessin sur mon blog.

Ensuite, j’initie plusieurs personnes au jeu de plateau que vient d’inventer mon ami M., un jeu à la manière de Talisman, bien que je l’aie testé en solo et l’aie trouvé ennuyeux. Comme il fallait s’y attendre, les joueurs s’ennuient et, à l’instigation d’une joueuse, interrompent la partie. Je prends donc la décision de ne pas les initier à un autre jeu inventé par M. qui est la suite de celui-ci et que, le testant en solo, j’ai également trouvé ennuyeux.

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Je prends en filature une lycéenne dans la rue. Elle est de petite taille, porte un jeans et un blouson noir, mais bien que le blouson la désigne à l’attention de la police elle donne plutôt l’impression d’être bon chic bon genre. Derrière elle, je franchis la grille de l’enceinte extérieure du lycée et continue la filature dans la cour, où elle rejoint un groupe de lycéens mâles occupés à discuter. L’un d’eux attire particulièrement mon attention par son look post-hippie : c’est un blondinet avec un vague chignon sur la tête et des poils follets au menton. Ma filature quitte le groupe pour entrer dans le hall du lycée, où je continue de la suivre. Là, dans la foule, elle est avisée par le proviseur, qui l’appelle, souhaitant lui parler de ses nombreuses absences injustifiées : « Suivez-moi dans mon bureau, Rothschild ! » Rothschild est le nom de ma filature, un cas de petite délinquance juvénile au sein de la grande bourgeoisie.

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À l’intérieur d’un hôpital futuriste, un match de football est organisé dans un couloir. Le public se tient debout de part et d’autre du couloir, avec, contre le mur en face de moi, des officiels parmi lesquels je reconnais le président russe Vladimir Poutine. Il semble que les spectateurs, se faisant face à si peu de distance, passent plus de temps à se regarder les uns les autres qu’à suivre le match lui-même. Quand le match se termine, je n’en ai aucun souvenir. Poutine serre des mains et je m’approche ; quand vient mon tour, je ne peux lui offrir que le bout de mes doigts car j’ai la main engourdie, et je note dans son regard un furtif étonnement de ne pas recevoir une poignée de main franche. Je me perds ensuite dans l’hôpital, ses couloirs obscurs, son ascenseur qui, quand les portes s’ouvrent, s’ouvrent en fait sur un escalier s’enfonçant à perte de vue dans les profondeurs.

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Les maisons de retraite ont de petits chiens blancs pelucheux pour le bien-être des pensionnaires mais qui servent aussi de repas pour les politiciens et leurs invités. C’est une collaboratrice de la maison de retraite qui me l’apprend au moment où je m’applique à donner une caresse à chaque petit chien tandis qu’ils se tiennent immobiles, entassés les uns contre les autres sur des chariots de cantine le long des couloirs de l’établissement, inquiets, frissonnant comme s’ils venaient de vivre un tremblement de terre. Ils sont peints comme des gâteaux car ils doivent être servis au déjeuner organisé pour la visite d’une ministre. Croisant celle-ci dans un couloir, alors qu’elle se rend avec d’autres personnes au réfectoire où doit avoir lieu le déjeuner, je la pousse brutalement, irrité par la coutume barbare dont on vient de m’apprendre l’existence. La ministre tombe au sol mais ne fait pas de scandale. Dehors, entre le bâtiment principal et le réfectoire, je suis présenté à des collaborateurs politiques de la ministre, dont deux sont investis de missions de sécurité bien qu’à la différence des gorilles exerçant habituellement ce genre de fonctions ils soient efféminés (des assassins plutôt que des gardes du corps). Ils me prennent pour cible de leurs plaisanteries et intimidations ; l’un d’eux fait mine de me pousser du doigt, comme s’il voulait m’écarter d’une pichenette. Je pressens que l’on va me faire payer mon geste contre la ministre ; je suis prêt à en découdre, mais cela ne se produit pas. Au moment d’entrer dans le réfectoire, je suis séparé de la fonctionnaire et lanceuse d’alerte avec qui je me trouvais (celle qui m’expliqua le double rôle des petits chiens) car les pensionnaires et fonctionnaires mangent à part des politiciens (et collaborateurs politiques) et de leurs invités, dont je suis ; au milieu des gens massés à l’entrée pour passer le contrôle de sécurité, je m’exclame : « Ils ne veulent pas mélanger les serviettes et les torchons ! » Un autre invité répond : « Ou l’inverse ! »

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Je retrouve une vieille photo de classe, où je regarde d’abord tendrement la belle S., à côté de moi sur la photo et avec qui, dans le rêve, je suis resté en termes d’affection. Puis je remarque qu’une élève assise au premier rang exhibe ses parties intimes. Par ailleurs, une autre élève non loin de celle-ci fait une fellation au garçon derrière elle. Je me demande comment j’ai pu ne pas voir ces choses à l’époque et comment cette photo a pu être distribuée aux uns et aux autres sans faire scandale.

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En rentrant chez moi après une absence prolongée, je découvre que mon appartement est occupé par un inconnu qui en a fait sa résidence et se trouve au lit avec deux femmes de petite vertu. Je lui demande de quitter immédiatement les lieux mais il refuse. Vêtu d’un simple caleçon, il me menace physiquement : l’empoignade qui s’ensuit me montre que sa force est supérieure à la mienne. Je l’avertis que je vais appeler la police, à quoi il réplique qu’il ne craint rien, qu’il a la police dans sa poche, parce qu’il est député (ce que je sais être faux). Dans le bureau, où doit se trouver le téléphone, celui-ci n’y est plus, et je n’ai pas non plus mon téléphone portable. Je cherche en vain le téléphone dans plusieurs autres pièces. L’ami qui m’accompagne me dit alors qu’il l’a vu dans la chambre, où je dois donc retourner malgré le risque d’être agressé par le squatteur. Le téléphone s’y trouve en effet, à côté du lit, là où dormait l’une des femmes. J’appelle la police tout en luttant contre le squatteur qui cherche à me faire raccrocher. Après que j’ai expliqué mon problème à la policière au bout du fil, celle-ci me demande quand je souhaite que la police intervienne. Je réponds : « Le plus tôt possible. » La policière m’annonce alors que ce ne sera pas avant cinq jours. Interloqué, j’essaie de plaider pour une intervention immédiate. En vain. Je raccroche et parviens au bout du compte à jeter le squatteur hors de chez moi, dans les escaliers, où nous croisons un écrivain pédophile connu qui engage la conversation avec moi.

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Je déjeune au restaurant thaïlandais qui est mon favori dans la réalité, sauf que cette fois cela se passe au bord de l’eau et de la façon suivante : je suis le seul client et assis à même le sol, tandis que les deux jeunes propriétaires du restaurant, dans le rêve un homme français et une femme thaïlandaise, sont également à ma table, elle face à moi, lui à ma gauche, tous deux sur des tabourets et me surplombant. Tandis que je suis là, je me rends compte que je n’ai pas commandé l’un de mes plats préférés, la soupe lac xa (dans la réalité cette soupe n’est pas servie au restaurant thaïlandais auquel je pense mais l’était dans un restaurant chinois à Chaville, dont les propriétaires, en partant après plusieurs décennies d’activité, ont emporté avec eux leur recette inimitable de cette soupe par ailleurs bien connue). Je commence donc à me lamenter bruyamment sur cet oubli de ma part, afin de faire accepter que je puisse commander une soupe lac xa à emporter, malgré l’heure. Ma demande est acceptée. Pendant cet échange mon repas est devenu froid, alors la patronne le place sur un réchaud devant moi mais, en réchauffant la nourriture, elle la carbonise complètement, la réduisant à une petite boule blanche. Comme ces perles mystérieuses que laisse la crémation de certains saints bouddhiques et qui sont vénérées en tant que reliques.

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Je rêve que les flashs lumineux que je vois en appuyant sur mes yeux fermés forment une montagne russe sur laquelle je me trouve lancé à grande vitesse. Après quelques instants, cette montagne russe s’avère être une rampe de lancement qui me projette dans l’espace, traversant des constellations d’étoiles (et l’effet 3D, absent dans la réalité de ce genre d’« images » les yeux fermés, ou bien présent seulement par un vague effet de profondeur, est ici saisissant).

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Membre d’une société savante, après avoir assisté déchaussé, comme les autres présents, à une conférence, j’oublie de remettre mes chaussures en sortant, alors que nous nous rendons tous ensemble au restaurant. Bien qu’embarrassant, cet oubli ne m’empêche finalement pas d’entrer dans le restaurant avec les autres, parce qu’en mangeant on a les pieds sous la table et que personne ne pourra donc voir que je n’ai pas de chaussures. Au cours du repas, je demande à un convive de bien vouloir me servir du vin. Il me passe la bouteille en simulant l’ivresse, pour égayer la compagnie. Alors que je me fais la réflexion que cette petite comédie n’est pas drôle, je commets une faute grossière : au lieu de verser le vin dans mon verre, je bois à même la bouteille, comme si je venais d’ouvrir le frigidaire de mon appartement de célibataire et que j’en avais tiré une bouteille de jus de fruit ou de soda pour y boire au goulot. Les convives sont consternés. Je prends conscience que mes habitudes érémitiques me rendent inapte à toute forme de sociabilité. On continue toutefois de se servir du vin à la bouteille après mon geste, comme si rien ne s’était passé : on fait en somme comme si l’on n’avait rien vu.

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Bangkok, Thaïlande, la nuit. Un tremblement de terre se produit. Les édifices sont secoués mais aucun ne s’effondre. Il semble que ce soit ce qui se passe habituellement car de nombreux immeubles sont entourés de filets au-dessus du sol pour recevoir les personnes que les secousses jettent de leurs terrasses ou de leurs fenêtres. Cependant, nombre de personnes qui tombent sur ces filets rebondissent dessus et finissent tout de même par s’écraser au sol. Dans certains cas, l’effet de ces filets est celui d’un véritable trampoline : les personnes rebondissent plusieurs fois sur le filet avant d’être projetées dans le vide et donc de poursuivre leur chute mortelle.