Poésie américaine de langue suédoise

Les poèmes suivants, traduits en français du suédois, sont tirés de l’anthologie Svensk-amerikanska poeter i ord och bild (Svenska folkets tidning förlag, Minneapolis Minn., 1890) (Poètes américains de langue suédoise en paroles et en images ; les images en question étant des gravures à l’encre représentant le portrait de chacun des poètes) par Ernst Skarstedt.

Dans son introduction, Skarstedt explique que, dix ans avant la publication de l’anthologie, vers 1880, on ne pouvait pas parler de langue suédoise comme langue de culture aux États-Unis (et pour cause, l’émigration suédoise dans ce pays ne commença véritablement que dans les années 1870), tandis qu’au moment de la publication de son anthologie elle avait pris un essor considérable, marqué par une florissante activité littéraire et journalistique dans cette langue. Cette activité connut son âge d’or entre le milieu des années 1880 et la Première Guerre mondiale, l’entrée des États-Unis dans le conflit s’accompagnant d’un mouvement nationaliste américain antagonisant en particulier les dénommés « hyphenated Americans », c’est-à-dire les « Américains à trait d’union », tels que, justement, les « Swedish-Americans », Suédo-Américains, dont la dénomination avec trait d’union n’indiquait que trop, selon ce nationalisme virulent, la double appartenance suspecte. C’est ainsi que la dénomination s’effaça peu à peu, et, en même temps qu’elle, l’emploi de la langue suédoise aux États-Unis (comme les autres langues des populations immigrées), suivant également d’autres dynamiques sociologiques d’acculturation plus fondamentales et sans doute moins liées aux vicissitudes de l’histoire. Quelques personnalités de la communauté suédo-américaine tentèrent bien dans la période de l’entre-deux guerres de s’opposer à cette dissolution progressive des liens avec la nation et la culture suédoises, à l’instar du docteur Hoving, citoyen américain d’origine suédoise (plus précisément originaire de la communauté suédophone de Finlande) et auteur de mémoires au titre éclairant, I svenskhetens tjänst (Au service de la « suédité », 4 volumes publiés de 1944 à 1953), mais ces efforts ne purent s’opposer efficacement à l’irrésistible mouvement d’absorption dans le substrat anglo-saxon de la culture nord-américaine. À tout le moins en ce qui concerne la langue.

Une esquisse de ces évolutions, ainsi que d’autres faits relatifs à la présence scandinave aux États-Unis, se trouvent dans ma contribution au présent blog intitulée Scandinavian America (ici).

De l’anthologie de Skarstedt, j’ai traduit des textes des poètes suivants : Johan Enander (2 poèmes), Magnus Elmblad (3), Carl Fredrik Peterson (1), Jakob Bonggren (2), Gustaf Wicklund (3), Ninian Wærner (3), Edward Sundell (1) et Oliver Linder (1). J’ai peu de doutes quant au fait que ces poèmes n’ont jamais été traduits en français, et il ne me paraît pas impossible qu’ils ne l’aient jamais été non plus en anglais. Ce billet se conclut par un poème d’Herman Stockenström dans l’original : le thème de ce poème étant le Swenglish des émigrants suédois établis aux États-Unis, il est pratiquement intraduisible en français.

Compte tenu de la date de leur publication, les textes originaux sont versifiés selon les règles de la prosodie classique. Dans la série de traductions poétiques de ce blog, c’est une première : les poèmes que j’ai traduits jusqu’à présent sont, à l’exception d’un petit nombre, en vers libres dans l’original (le plus grand nombre de vers classiques se trouve dans mes traductions de poèmes d’Argentine : voyez l’Index). Pour quelqu’un qui écrit de la poésie classique en français, un tel travail de traduction ne cherchant pas à reproduire l’original versifié dans une versification française (un tel exercice n’aurait pas grand sens de nos jours, où la versification n’est plus guère pratiquée et où de ce fait, et surtout, le lecteur peut manquer de certaines connaissances relatives à la scansion et à la mesure des vers classiques qui doivent permettre de produire leur plein effet rythmique) est un peu frustrant dans la mesure où l’effet produit par toute versification régulière (rimes, rythme des vers…) est forcément perdu. (D’un autre côté, certaines « chevilles » parfois introduites par le poète pour respecter la forme choisie peuvent dans certaines limites être laissées de côté par la traduction – une cheville est souvent une façon dilatoire de s’exprimer –, si une telle chose peut se dire sans insulte au poète…)

*

Aurora borealis (Norrskenet) par Johan A. Enander (Johan Alfred Enander)

Flamme d’offrande montant au plus haut
ciel étoilé,
l’œil scrutateur de la science
ne perçoit point le lieu de ton autel.
Le soleil se couche, l’œil du jour
s’endort, mais toi tu restes,
couronnée d’étoiles, et roules ta fulguration
sur la route éminente, en silence.

Par-dessus mer et terre tu élèves
ton rayonnant éclat, pur et clair.
Insondable, tu ne dévoiles point
ton origine.
Limpide torrent de lumière, personne ne peut suivre
la course rapide de tes vagues :
ainsi que le Nil tu caches
la source d’où ton flot s’épanche.

Seule une voix intérieure dévoile
ce mystère ; elle déchiffre
les lettres de feu de la merveille et répond
enfin à ma question :
« Quand, mue par la main du Créateur, la terre
entama son parcours circulaire,
l’empreinte de Dieu se marqua sur le Nord,
et une splendeur céleste y demeura. »

*

1871 : L’incendie de Chicago (Chicagos Brand 1871) par Johan A. Enander

Les flammes fulgurent, les cloches sonnent, le char de la tempête bondit,
Les ténèbres mêmes de la nuit s’éclipsent ; l’étoile s’efface et disparaît,
un manteau rouge sang se répand sur la terre et les eaux,
et les vents de l’ouragan sèment autour d’eux des étincelles de feu.

La terre tremble, les murs branlent, les temples s’effondrent dans un bruit de tonnerre ;
les bannières écarlates claquent au-dessus des toits,
palais et chaumières sont engloutis dans le brasier ;
Terre et ciel en flammes : l’espoir est sans refuge.

La puissance de l’argent se change en impuissance : opulence et luxe n’ont plus d’éclat.
L’œil humide, l’ange de la vie regarde les moissons de morts,
suit chaque acte de noble courage, chaque horrible forfait,
voit l’incendie et la canaille hasarder le sort de la belle cité.

On entend des cris de désespoir et des rires sardoniques, des prières montent vers Dieu,
et les esprits des ténèbres sont invoqués dans un vacarme démentiel et démoniaque.
Le père voit son fils en danger, le fils voit son père en détresse ;
la mère voit son enfant dans les flammes, l’enfant voit sa mère mourir.

Aucune aide, aucune protection contre le danger ne trouve la main humaine,
La couronne de flammes illumine la nuit à travers des nuages de fumée ;
Demain peut-être brillera de nouveau l’espérance ;
Demain peut-être le feu aura cessé de chevaucher les vents de la tempête.

Folie ! D’immenses vagues de feu se répandent ; elles ne se dissipent
qu’après avoir atteint les limites de la mégalopole.
Cent mille hommes errent sans foyer, sans pain,
dans la faim et la misère, sur l’étendue dévastée.

Mais bientôt les secours arrivent, adoucissant les souffrances,
un air de calme confiance descend sur les fils de la terre,
et la ville renaît de ses cendres dans le jour nouveau,
Éprouvée par le feu, plus noble qu’auparavant.

*

Le 4 juillet (Den fjerde juli) par Magnus Henrik Elmblad

Note. Comme chacun sait, le 4 juillet est la fête nationale des États-Unis.

Non, aujourd’hui l’outil doit reposer,
la fête du peuple doit être célébrée.
Les vents d’ouest soufflent sur la ville,
Le drapeau flotte au-dessus d’une foule joyeuse.
Frère, ton cœur ne se dilate-t-il pas en ce jour,
ton sang ne s’échauffe-t-il pas,
n’oublies-tu point tes chagrins passés
en voyant en joie ton nouveau foyer ?

Les maïs ondoient. Les champs de froment se vêtent de blanc.
Le 4 juillet brille sur eux.
Oublie le passé, oublie ce qui est à demi usé,
Embellis d’un habit de fête ton nouveau foyer.
Respire libre, et, lorsque dans les rades fières
flotte en paix le pavillon rouge et blanc,
jouis tranquillement des fruits abondants de ta liberté ;
vide ton verre ; romps ton pain savoureux.

Nuls fers n’entravent ici ta pensée –
dès lors que toi-même ne demandes point des fers.
Aucun synode n’entrave ici ta foi –
dès lors que, craignant la lumière, tu ne l’y aides.
La voix d’aucun grand de ce monde ne vaut plus
aux élections que la tienne – si tu sais l’utiliser.
Si tu désires la liberté, elle est tienne,
tu peux marcher confiant et satisfait parmi des hommes libres.

Qu’importe si des serpents rampent sous les fleurs :
Tu peux les voir et les tuer.
Eh quoi, si la perfidie veut voler la liberté ? –
Si cela arrive, ce sera par ta propre faute.
La force est tienne, si tu veux t’en servir.
On voit ici bien des malades. Mais ici se trouve le remède.
La blessure est fraîche. Des malades de l’Europe
arrivent constamment et dévorent la racine de la vie.

Aussi, frère, célèbre la fête du peuple
sans plainte, mais avec espoir et courage.
Orne le front de tes enfants de la feuille de chêne de la paix,
apprends-leur à se garder des larmes, de la guerre et du sang.
Apprends-leur à penser, à croire et agir en hommes libres,
sans béquille, comme il convient à un homme.
Alors – même si criaillent aigrement les oiseaux de malheur –
la bannière étoilée ne tombera jamais.

*

À Kristofer Janson (Till Kristofer Janson) par Magnus Henrik Elmblad

Note. Kristofer Janson (1841-1917) est un poète et pasteur unitarien norvégien qui vécut aux États-Unis.

Il tonne sur la montagne. Avec une force prodigieuse
depuis les terres de l’ouest la tempête approche,
secouant la terre entière, elle appelle : « Oyez !
Mettez fin à votre frivole dissipation ! »
Elle réduit en lambeaux l’habit de l’oppresseur
et détruit sa couronne, son épée.
Elle chante le dieu du peuple et de la liberté ;
elle retentit sur la masse des travailleurs.

Cette tempête, ô scalde, dans ton cœur allume
une sainte, une indomptable flamme.
La lumière, que les ténèbres avaient presque entièrement engloutie,
La vie, menacée de mort, –
tu voulus si fort les voir renaître,
C’est à elles que tu as dédié ton chant,
ta force, ta vie ; et tu échangeas ton village
contre la guerre et l’odyssée d’un Viking.

Pourtant non – quand tu allas plein de courage au combat
contre les préjugés, la stupidité, la vanité,
un ange te suivit de son regard lumineux,
et noua des roses à ton épée.
Il versa autour de ton front un éclat rayonnant,
t’invita à embrasser
le monde entier, – et en cela tu ne le fis pas attendre
car le nom de cet ange est amour.

Ô scalde, comme un rayon de soleil dans un ciel de tempête
Par-dessus la mer tu viens à nous !
Tu viens, – et notre joie déclinante redevient jeune,
alors que nous avions insensiblement perdu notre jeunesse.
Nous avons entendu les torrents ; dans la prairie et la forêt
nous avons perçu ce son inédit.
Notre cœur bat de joie ; mais il bat le plus chaleureusement
de joie pour le Dieu de la liberté.

Il n’a point oublié notre Nord bien-aimé :
Son regard de feu a réveillé l’esprit du peuple
dans les forêts et sur les montagnes. Nous percevons même
une brise de l’allégresse de l’avenir.
Va, scalde, où te conduit ton chemin ! Ton chant
rugit comme les vagues sur la mer ;
il étincelle comme les étoiles. Si longue fut la nuit
que l’aurore est deux fois plus belle.

Quand la rouge bruyère dans l’éclat du jour
se glisse entre les rochers gris ;
quand le ruisseau saute de galet en galet
reflétant un ciel bleu ;
quand le bouleau murmure dans le soir d’été
suave, harmonieux et léger ;
quand le pin se dresse parmi les pierres moussues, –
alors, oui, la montagne est pavoisée !

*

Orage (Oväder) par Magnus Henrik Elmblad

D’où vient cette sourde rumeur que j’entends, et qui enfle,
comme quand les lourds nuages roulent le tonnerre sur la montagne,
ou quand dans la haute mer la vague tombe sur la vague,
d’où vient ce grondement lugubre ? cette sombre, cette sinistre procession ?

…..Les opprimés se soulèvent !
D’où vient et où va ce chemin ? Est-ce vie ou mort ?
Est-ce colère ? Est-ce souffrance ? Ces foules pâtissent-elles de la misère ?
Mendient-elles l’argent et l’or ? ou bien un quignon de pain ?
Pourquoi s’allume dans les yeux cette lueur injectée de sang ?
…..Les opprimés se soulèvent !

Chœur :

Entends-tu, entends-tu le tonnerre de la tempête ?
Les éclairs luisent. Mais derrière,
le printemps de l’espoir peut faire des merveilles.
… Les opprimés se soulèvent !

À cause du besoin et du chagrin ils se soulèvent et surgissent à la lumière.
La terre entière leur est ouverte. La libération va de région en région.
Achète-les, vends-les, c’est en vain à présent… Impossible –
Ce sont eux qui payent ; mais pour la liberté, achetée au prix du sang !

…..Les opprimés se soulèvent !
Ils ont bâti ta maison et labouré tes champs, tes terrains !
Ils ont défriché tes forêts, battu le fer et fondu l’argent !
Leur sueur a coulé pour toi ; ils ont pour toi souffert la faim,
le mépris, le chagrin… Et toi, arrogant ! comment les as-tu récompensés ?…
…..Les opprimés se soulèvent !…

Chœur :

Entends-tu, entends-tu le tonnerre de la tempête ? &c

Sourds et aveugles, dans les siècles des siècles, ils ont trimé sans repos.
La déréliction, le muet désespoir les a mis à genoux.
Mais ils commencent maintenant à penser, à comprendre l’exigence des temps présents.
Leur colère et leur aspiration bouillonnent comme une mer déchaînée…
…..Les opprimés se soulèvent !

Ô vous, les « grands », pâlissez, tremblez ! Entendez le cri qui retentit :
« Nous avons supporté le joug jusque-là (couverts de honte !) pour vous et pour la mort !
Pour nous-mêmes à présent et pour la vie nous combattons ; car le Seigneur a dit :
« En vérité, l’homme ne vit pas seulement de pain »…

Chœur :

Entends-tu, entends-tu le tonnerre de la tempête ? &c

« Voulez-vous la guerre ? Alors vous disparaîtrez
comme le bois pourri disparaît quand un bosquet prend feu !
Voulez-vous la paix ?… Alors ne défiez pas l’exigence de l’humanité !
Vivez avec nous ! Respectez la demande : « Pas de maîtres ! pas d’esclaves ! »
…..Les opprimés se soulèvent !

Chœur :

Entendez, entendez le tonnerre de la tempête !
Les éclairs luisent. Mais derrière,
Le printemps de l’espoir peut faire des merveilles…
…Les opprimés se soulèvent !

*

Salut à l’émigré (Helsning till emigranten) par Carl Fredrik Peterson

Étranger venu du front de Heimskringla,
frère du haut Nord,
pourquoi ne veux-tu point rester
sur la vraie terre de la gloire ?
Qu’est-ce qui t’a poussé à voyager
vers l’ouest par mer et terre,
quand tu aurais pu chercher le bonheur
dans le village où tu vis le jour ?

N’est-il pas bien agréable de respirer
le parfum des fleurs sur les rives du lac Mälar,
bien beau de voir le ciel ourlé
par l’illumination de feu de l’aurore boréale,
bien heureux d’entendre, absorbé dans un rêve,
la harpe de l’ondin,
ou bien une chanson suédoise
retentir en joyeuse compagnie ?

Quand ta première flamme d’amour
brûlait ardente sur l’autel de ton âme,
et la tendre question du cœur,
bégayée, trouva réponse,
songe comme douce était la vie –
heureuses minutes, jours plus heureux encore,
qui t’étaient donnés à voir
dans la lunette de l’espérance !

Mais pourquoi te fais-je ces questions ?
Elles ne méritent aucune réponse.
Personne ne peut combler la mesure de la peine –
Tu es ici, sois le bienvenu !
Va content ton chemin de citoyen
dans notre libre république,
qui t’a déjà par son drapeau
offert une part de protection.

Le même soleil qui amicalement attire
l’anémone à lui dans le nord glacé,
brille ici, quand tu cueilles
la rose sur la terre de Columbia ;
Et la claire étoile du soir,
que tu voyais dans le ciel de Svea,
peut être ton étoile du matin
ici, où ton chemin commence.

Ici comme là-bas couve
le chant dans la poitrine de la jeunesse ;
ici comme là-bas, leur voix nourrit
une joie de printemps dans l’automne de la vie ;
quand la noble flamme d’un jeune homme
échauffe son âme toute entière, et que
de cette flamme vient une question,
la jeune fille rougit, ici comme là-bas.

Alors les deux deviennent un,
ainsi se bâtit sur les plaines de l’ouest
une petite maison, qui la protège,
tandis que pour leur droit à tous deux
il prend la charrue et la bêche,
afin que ce qu’en semence son labeur
plante dans la terre,
devienne épi le jour venu.

Si tu as déjà sous le ciel du Nord
atteint le méridien de ta vie,
et dans le tumulte du nouveau monde
tu souhaites, sur la voie des épreuves,
tenter une nouvelle fois ta chance,
sache que, quoi qu’il advienne,
la liberté est ici le plus grand trésor
qu’en tant qu’étranger tu as reçu.

Peut-être que le temps a déjà généreusement
mêlé l’argent à tes cheveux,
et ta vie, à son déclin,
retourne rapidement à son berceau.
Même alors tu récolteras :
Où, si ce n’est ici, dis-je,
est allégé le fardeau de la fatigue,
est aplani le chemin du vieillard ?

Oui, bienvenue mille fois
dans notre jeune république,
qui, bien que pauvre en chanteurs épiques,
est riche en vrais héros ;
et qui possède en chaque femme,
belle et vertueuse à la fois,
la toute-puissante héroïne
que loue le scalde dans ses chants.

Le front de Heimskringla : (Heimskringlas pannan) Heimskringla est un nom scandinave de la Terre, et son front est le Nord. L’expression est tirée des sagas islandaises.

*

Au coin de la rue (I gathörnet) par Jakob Bonggren

C’est l’aube.
Le brouillard couvre la ville.
Aucun rayon de soleil n’éclaire encore
les grises rues humides.
Un jour de plomb, lugubre se lève.
La ville respire à nouveau.
Une rumeur se mêle au bruit des sabots de cheval
et aux cris d’enfants
dont la voix perçante
s’élève au-dessus de ce grondement :
…« Morning News… »

Depuis les entrailles des tavernes
on entend les cris rauques de l’ivresse.
Le cabaretier n’est pas oublié
des premières lueurs du jour.
Le mannequin est placé dans la vitrine
et un vieux habillé en bouffon
est placé sur le trottoir
pour attirer le chaland
qui voudrait laisser
son argent, pour essayer,
…partir en fumée.

Un peu à l’écart du flot de la foule,
sur la terre battue froide et trempée,
presque cachée par la haute maison,
se tient une jeune fille timide et apeurée.
Son visage montre la désolation.
Elle est transie dans le vent glacé,
claquant des dents et grelottant,
seulement couverte de quelques guenilles.
Elle se tient là avec un panier de pommes
timide à la porte de l’homme riche…
…« Apples, sir… »

Ses paroles à peine murmurées passent inaperçues.
Elle ne trouve pas d’acheteur.
La pauvre fille est trop peu de chose…
Enfant, si tu pouvais mourir !…
Si tu appartenais au monde des « grands »,
si tu étais des riches,
jamais aucuns maux ne t’accableraient,
tu serais une jeune fille que l’on montre partout,
rouge et blanche comme la rose et le lys,
gaie comme le ruisseau un jour de printemps,
…vive, audacieuse.

Si – malgré la faim – tu restes belle,
l’homme riche te prend ton honneur
et traîne ton âme dans la boue.
La richesse n’a pas de cœur.
Ceux qui font semblant de ne point te voir
Te combleraient d’or et d’hommages,
t’adoreraient à genoux,
voudraient satisfaire leur désir…
Ô timide, pâle enfant,
rongée par la faim,
…si tu pouvais mourir !…

*

Le veau d’or (Guldkalfven) par Jakob Bonggren

Tu chantes seulement pour les pauvres, mon frère ! –
c’est ce que j’ai entendu dire.
En cela tu agis sottement, plus encore que tu ne le crois.
Un poète pour petites gens n’est pas appelé grand ;
Il reste pour toujours de la roupie de sansonnet.
Le pauvre est idiot et doit subir la contrainte !…
Il ne peut même pas te payer ta chanson !…

Chasse de ton esprit toute pensée pour le peuple,
à quoi bon penser à son secours et à son avancement !…
Vois-tu, là, ce vieillard ? Quelle sottise et quelle bassesse,
Il n’a jamais ouvert un livre ni un journal.
Il est bien digne du mépris et des insultes !
Les pauvres méritent notre haine,
et non de la douceur ni des écoles, – à peine un peu de nourriture !

Tu as l’esprit sombre. Entends résonner la danse
à cette fête où tu peux encore être invité ;
où tu pourras jouir de la joie et du luxe,
si seulement tu veux tresser une couronne de roses
et la déposer devant le dieu.
Le veau d’or est un maître qui commande ;
devant lui toute mélancolie, toute tristesse fuit.

Viens, suis-moi dans la danse ! Chante la louange du veau d’or
qui peut te payer tes chansons.
Introduis-toi humblement et souplement à la cour du roi !
Si tu vois des défauts aux puissants, fais comme si tu ne voyais rien,
mais apprends à dénigrer la populace.
Les grands ont pris pour eux toute la vertu ;
les petits ont tous les défauts et toutes les tares.

Chante, prêtre du plaisir, une chanson très spirituelle !
Invite le peuple à renoncer à tout ce qu’il possède
pour le donner aux rois et aux prêtres ! Dis : « Un jour,
quand vous serez libérés du joug de cette vie,
vous recevrez ces dons en retour au centuple ! »
Alors les riches admireront le charme de ta voix attrayante,
et le pauvre éprouvera une merveilleuse consolation.

Et entends bien : quand tu poétises, écris du bling-bling,
car c’est ainsi que le public mord à l’hameçon.
Si tu écris simplement, personne ne t’en saura gré,
mais tu seras placé haut dans le cercle des poètes
si personne ne comprend tes chants.
En hommage à la puissance du veau d’or il faut que tu présentes les armes,
et te réjouisses que tout soit bel et bon comme il est.

*

Un frère trois points (Ordensbroder) par Gustaf Wicklund

Je suis frère maçon, moi,
je me rends à la « loge » de nuit comme de jour
d’un pas sûr et avec une expression mystique,
et j’en ressors avec un air important ;
je vais portant un ruban terriblement voyant ;
et parfois on m’appelle « chevalier » ;
en uniforme j’inspire le respect,
oui, même quand je suis – beurré.

Je suis l’homme qui donne le ton
dans toutes les processions solennelles.
Un tricorne et une plume blanche
font une couronne appropriée à notre costume.
Et parfois je porte au côté
un sabre effilé, ah – take care !
Mais bien qu’il faille que les gens nous respectent,
nous nous battons rarement, très rarement.

À présent je suis mort et dans mon cercueil,
je reçois un bel enterrement,
car chaque loge de notre ville
m’accompagne tristement et en rang ;
et c’est au moins 50.000
que je récolte, sans aucun doute.
Mais je serais tout de même mort plus content
si j’avais pu d’abord voir l’argent.

*

Une illusion (En illusion) par Gustaf Wicklund

Dans le train étaient assis
un jeune homme et sa bonne amie.
C’était la fin du jour,
tout était calme et paisible.

Je voyais leurs lèvres remuer
comme s’ils bavardaient ;
pourtant je ne pouvais entendre
la moindre parole.

Je les épiai donc,
jusqu’à ce qu’étonné je découvre
qu’elle mâchait avec application de la gomme
et lui chiquait du tabac.

*

Ballade (Ballad) par Gustaf Wicklund

Elle est ma vie – elle est mon tout,
quand il fait chaud, quand il fait froid,
tous les jours je la presse
charmé contre mes lèvres.

Quand le monde est neige et glace,
je me réchauffe à son feu paisible,
et quand s’étend l’obscurité de la nuit
elle repose à mon côté.

Je me rappelle la première fois que je la vis,
comment elle entra dans mon esprit,
et comment, dans l’extase, un jour
j’entrai dans le cabinet.

Pourtant elle est comme toutes les autres,
usant de bourre.
Mais moi – conformément à ma nature –
je me montrai indulgent.

Ah, quelle tristesse, et que de larmes,
quand viendra le dernier adieu,
quand elle sera froide
et que je disperserai ses cendres.

Tu commences à comprendre
ce qu’est celle qui m’est si chère,
et tu devines son nom,
tu sais – que c’est seulement ma pipe.

*

Au bureau de travail de Magnus Elmblad (Vid Magnus Elmblads skrifbord) par Ninian Wærner

Note. Comme Magnus Elmblad, dont nous avons traduit trois poèmes (supra), Ninian Wærner fut rédacteur en chef du journal Svenska Amerikanaren (« Le Suédo-Américain ») à Chicago. La date du 9 avril, dans le poème, est celle de la mort d’Elmblad.

Écrit au bureau de la rédaction du Svenska Amerikanaren

Le soleil se couchait, et la nuit
tombait avec sa paix rêveuse et calme
sur la houle engourdie du lac, les bourgeons des bois,
l’herbe tendre d’avril.

Le silence se répandait dans les rues,
les gens fatigués retournaient à leurs foyers
où de chères âmes leur préparaient
un baume de paix, espoir et repos.

J’étais assis, rêvant un moment, seul,
assis au vieux bureau usé de Magnus Elmblad,
aux moyens par lesquels il arrive que les âmes s’unissent
sans regards ni paroles.

Quand soudain j’entendis un léger piétinement
et vis à la fenêtre un oiseau.
Que voulait-il, dérangeant ainsi mon recueillement,
et quel message apportait-il ?

C’est la question que je me posais,
car selon la légende c’est un signe,
un tel piétinement annonce la perte
d’un ami cher.

Alors, pensif, je fermai les tiroirs usés ;
je rentrai chez moi silencieux et absorbé
et écrivis, sombre et d’une main fatiguée,
Dans mon journal le neuf avril.

*

Puis vint la nouvelle, quelques jours plus tard,
un message funèbre, par-delà terre et mer,
que le trop court voyage de Magnus Elmblad avait pris fin,
qu’il avait posé son bâton de pèlerin.

Peut-être voulut-il à l’heure de la mort
envoyer une salutation, bienveillante et douce,
dans ces parages où il avait par le passé
mené avec honneur les combats de cette vie.

Le piétinement de l’oiseau n’était-il qu’une coïncidence, une illusion,
était-ce un message sans paroles ? –
Je me le demande encore, silencieux et absorbé,
assis au vieux bureau de Magnus Elmblad.

*

Diamants (Diamanter) par Ninian Wærner

Dans une splendide salle de réception parée de fleurs,
où les lustres jettent une clarté profuse,
est réunie pour les réjouissances
une multitude allègre,
l’or rouge, gagné par hasard,
prend plus de couleur encore près de l’éclat des patriarches.

Il règne un plaisir radieux, ravissant
qui charme et ensorcelle le cœur,
la gaité brille sur les visages
qui ne connaissent point le souci –
va volontiers voir le bal, la coupe pleine ;
le sang chaud bouillonne sous le tulle blanc comme neige !

Dans le glissement de la valse les couples
touchent légèrement le luisant parquet ;
un murmure d’admiration se répand
parmi belles roses et beaux lys.
Aucune pause ; les menus souliers évoluent avec élégance,
si gracieux, ornés de diamants.

Des diamants, oui, sur les rubans et les volants,
et autant de perles,
tirés de trésors tintinnabulants
et qui n’appartiennent qu’aux riches –
une mer de lumière brille en habit de perles ;
ses vagues ondoient au son de la valse.

Pour rafraîchir mon pouls brûlant
et trouver un peu de repos pour mes sens,
je sortis seul dans le soir
à l’écart de l’agitation et des éblouissements de la salle.
J’entendis alors une plainte en provenance de la rue,
qui donc se tenait là dans un recoin glacé ?

C’étaient deux enfants pauvres :
frère et sœur, si frêles ;
ils s’étaient égarés en chemin par ici
et n’osaient faire un pas de plus.
Ils n’avaient ni maison, ni abri, ni soutien,
ni une croûte de pain pour apaiser leur faim.

Ô ce spectacle qui m’attrista
obsède encore ma mémoire !
Mon esprit en reste sombre et songeur,
et mes yeux se voilent de larmes –
Un diamant, un seul diamant
adoucirait le sort de ces pauvres !

*

En mai (I maj) par Ninian Wærner

C’est aujourd’hui le premier mai – Ô quelle beauté
dans le baume des anémones, près du gai pépiement des oiseaux !
L’herbe de la vaste prairie est fraîche et verte,
et le ruisseau s’ébaudit dans l’étincellement du soleil.
Ce jour de mai, Colorado, que tu dispenses
ah ! est aussi doux que dans le Nord.

Voyez la montagne ! Voyez, comme haute dans le ciel bleu
sommet après sommet elle s’étire comme un fil de perles,
avec glace et neiges ! Ne trouves-tu pas étonnant,
montagne géante, que le pré soit si beau,
que l’anémone se revête d’apparat chaque printemps,
tandis que tu restes dans ton habit de neige à jamais ?

Je t’aime, fier village d’étrangers,
dans ton habit de fête, entre les montagnes ;
je m’épanouis à l’abri de tes bois,
sous ton soleil si chaud, sous l’éclat des étoiles le soir.
Pourtant – il existe dans mon cœur un autre lien,
le cher pays de mon enfance.

Je vois une cabane au milieu de la forêt,
sur la belle rive d’un lac au milieu de sapins verts,
c’est là que je connus mes premières joies,
c’est là que je connus mes premières peines ;
quand le mois de mai en habit de fleurs parcourt la terre,
c’est vers ce pays que se tourne ma nostalgie.

Bien que les miens n’y soient plus,
c’est cette région que je préfère au monde ;
comme tu étais paisible et calme,
petite cabane dans le grand Nord !
De longues années ont passé depuis que je t’ai vue pour la dernière fois
mais tu n’as jamais disparu de mes pensées !

Ô beau village de mon enfance, combien cher
tu me fus dans tous les changements de la vie ;
aujourd’hui encore tu restes mon meilleur souvenir,
tu es mon tout, du berceau jusqu’à la tombe !
Quand mai vient avec son ciel si bleu,
je pense à toi souvent, tellement souvent !

Envole-toi, ô vent printanier, jusqu’à la montagne bénie,
jusqu’à la maison de mon enfance, que je n’ai jamais oubliée,
pour saluer chaque rameau dans le soir,
chaque anémone dans le cœur de la forêt,
et reviens avec un parfum de paix
du mai de la vie, du printemps du cœur !

*

Une prière de jeune femme (Jungfruns bön) par Edward Sundell

ou le souhait pieux de la folle fille du fabricant de savon américain

Écoute-moi, écoute, papa,
entends bien mes paroles :
amasse de l’argent, des milliards,
car il faut que je devienne princesse.

Regarde Kitty, la fille du marchand ambulant,
la plus grande des sottes,
elle s’est acheté le prince Hatzfelt
pour trois millions de dollars.

Je ne suis pas née, papa,
pour devenir une simple missis.
Amasse de l’argent, des milliards
qui pourront m’avoir un prince !

Ô de blasons et de couronnes –
comme ils charment mes sens ! –
j’ornerai tout ce que je possède,
papa, même mes sous-vêtements.

Si je n’atteins pas ce but de ma vie,
j’en mourrai, je crois, de dépit.
Amasse de l’argent ! Il faut que je sois présentée
à la Queen Victoria !

Écoute-moi, écoute, papa,
vole comme les autres, fais des procès !
Amasse de l’argent, des milliards,
il faut que je devienne princesse !

*

Amourettes (Älskog) par Oliver A. Linder (Oliver Anderson Linder)

J’ai été amoureux, les amis, des douzaines de fois,
parfois sérieusement et parfois pour rire,
comme les héros des feuilletons de Zola
je m’enflammais et brûlais toujours pour quelqu’une.

Il en fallait si peu pour prendre mon cœur :
un regard, un sourire, et j’étais captif ;
je restais alors éveillé toute la nuit,
ciselant des sonnets sans interruption.

Je jurais avec véhémence de me tirer une balle dans la tête
à chaque refus, pour mettre fin à mes souffrances,
mais alors… oui, alors je tombais amoureux d’une autre,
et cela dura comme cela pendant des années.

J’ai aimé Karin, Lisa, Emma,
et la distinguée demoiselle Petterson.
Je courtisais les servantes de maman à la maison,
et une fois je suis tombé amoureux – à la folie – au téléphone.

J’ai aimé la vendeuse de la cave à cigares
et la serveuse de l’auberge dont j’étais client,
et la fille de la concierge, la mignonne petite Fiken,
et une – ah dur de trouver une rime ! – une certaine demoiselle Lund.

J’ai aimé des filles belles et des filles laides,
des filles sans dot et des filles avec,
des filles têtues comme une mule
et des filles ayant réponse à tout.

J’ai été amoureux, les amis, des dizaines de fois,
et j’ai eu quelques succès puisque je ne suis pas encore marié ;
mais je ne sais vraiment pas pourquoi je reste any longer
célibataire, puisque je ne suis plus amoureux.

*

To conclude this post, I wish to give an example of Swedish-American poetry in the original text, choosing a poem by Herman Stockenström that is basically untranslatable in French because of its humoristic focus on the ‘Swenglish’ or svengelska talked among (parts of) the Swedish-American community by the end of the nineteenth century. Footpage notes are from the author himself.

Det nya modersmålet (The New Mother Tongue)

‘‘Farväl till Stockholm, dess mörka gränder,
Till gamla Svea, dess gröna stränder!
Farväl, du svenska! – Nu skall Fredrika
Som annat storfolk blott english spika.’’1)

Så sad’ Fredrika från Mosebacke
Och knyckte till på sin spotska nacke.
Snart nog hon seglar från Mälarviken
Med lättadt hjerta till ‘‘republiken.’’

Och under resan var vädret disigt,
Man vår Fredrika, hon tog det isigt.2)
Hon gick på däcket ibland och krafla’
Och fann det ‘‘trifsamt’’ på stimbåt travla.3)

Till ‘‘nya verlda’’ att monni maka4)
Hon for, Fredrika, den muntra däka,
Och förr’n hon ännu fått hatt på skalle,
Hon många gånger har kätchat kalle.5)

Förr var hon fattig; nu tycks hon lika6)
Att vara pyntad just som de rika;
Nur har hon ‘‘pullback,’’ vår Stockholmsjänta
Och brukar kinderna dugtigt pänta.7)

En tid hon bodde i staten Jova (Iowa)
Men snart till Nefjork (New York) hon åter mova8)
Och der hon ‘‘lefver’’ vid sjunde stritet9)
Och har et schapp,10) fastän det är litet.

Der syr hon kläder på sista modet,
Som äro nejsa11) – jag skulle tro det!
En 12) hon fått sig, som heter Larsen
Och är en dräjver13) i sta’n på karsen.14)

Han är så ‘‘kilig,’’ en präktig fella,15)
Och icke må han för grinhorn16) gälla, –
Med hakan shävad17), och pokahåret
Siratligt kuttadt18), med ‘‘knorr’’ som fåret.

Sin helsa troget Fredrika vårdar.
Bredvid en rälråd19) hon går och bärdar20),
Och efter dinner21), om så hon filar22),
På stoppad launch23) en stund hon hvilar.

När qvällen kommer, ni kan begripa,
Se’n väl hon ätit, hon går att slipa24)
Och om båd’ båar och marriak25) drömmer
Och dagens strider i natten glömmer.

Hon är ‘‘poetistk’’ hon tidning kipar26),
Med hvilken ofta hon flåret svipar27),
Se’n först i tårar hon ömsint smälte,
När det gick galet för skizzens hjelte.

I ståret28) tar hon allting på ‘‘krita,’’ –
Hon är för god att en menska chita29)
Hon går till mitingen30), vår Fredrika,
Der ‘‘vangelister’’ så fromma skrika.

Hon lefver lyckligt. Man henne prisar
För hennes ögon, – två fina pisar31);
Men jag mest prisar den nya svenska,
Som är så olik den fosterländska.

1) Speak English = tala engelska; 2) easy = lätt; 3) steamboat = ångbåt; travel = resa; 4) make money = förtjena pengar; 5) catch a cold = förkyla sig; 6) like = tycka om; 7) paint = måla; 8) move = flytta; 9) street = gata; 10) shop = verkstad; 11) nice = vacker; 12) beau = fästman; 13) driver = kusk; 14) car = spårvagn; 15) fellow = karl; 16) greenhorn = nykomling, ‘‘gröngöling’’; 17) shaved = rakad; 18) cut = klippt; 19) railroad = jernväg; 20) board = spisa; 21) dinner = middag; 22) feel = känna, tycka; 23) lounge = soffa; 24) sleep = sofva; 25) marriage = giftermål; 26) keep = hålla; 27) floor = golf; sweep = sopa; 28) store = butik; 29) cheat = bedraga; 30) meeting = gudstjenst; 31) piece = stycke.

5 comments

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  2. florentboucharel

    Pour ma nièce Juliette, je me suis livré, sur le poème Ballade de Gustaf Wicklund, à l’explication de texte suivante.

    Dans son poème, Wicklund laisse penser qu’il parle de la femme de sa vie, mais on se rend compte à la fin qu’il parlait en fait de… sa pipe. Tout ce qu’il dit est donc à double sens. (Et ce n’était pas un poème facile à traduire !)

    « Je la presse contre mes lèvres » : on pense qu’il veut dire qu’il embrasse sa femme, mais c’est seulement qu’il fume sa pipe.

    « Je me réchauffe à son feu paisible » : on croit que c’est une métaphore, mais non.

    « Elle repose à mon côté » : non pas dans le lit nuptial mais sur la table de nuit.

    « J’entrai dans le cabinet » : on croit qu’il veut dire qu’il a eu pour la première fois un entretien en tête à tête avec la femme seule (un cabinet n’était pas alors « les cabinets », comme aujourd’hui, mais une partie de la chambre ou une autre pièce de la maison), mais il veut dire en réalité qu’il est entré dans un cabinet d’objets à vendre (comme un cabinet d’antiquaire) pour acheter la pipe.

    « Usant de bourre » : on bourre une pipe avec un bourre-pipe, mais, à l’époque où le poème fut écrit, à la fin du dix-neuvième siècle, il arrivait encore que les femmes portent des vêtements rembourrés pour laisser paraître des formes plus charnues – et tant que l’on croit qu’il parle d’une femme, le poète dit que les femmes le font toutes.

    « Ses cendres » : on parle métaphoriquement des cendres d’un mort même pour désigner un corps non incinéré, en souvenir des anciennes pratiques d’incinération funèbre, mais il s’agit là tout bonnement des cendres du tabac de la pipe quand elle ne pourra plus servir.

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