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Poésie révolutionnaire des Caraïbes néerlandophones: Curaçao, Aruba, Suriname
Le titre que j’ai retenu pour ce billet est, il convient de le dire d’emblée, quelque peu paradoxal puisque les courants révolutionnaires marquants dans les Antilles néerlandaises ont parmi leurs revendications la reconnaissance du créole papiamento allant de pair avec une « dénéerlandisation » ou « débatavisation », dans un contexte de décolonisation.
Les Antilles ne désignant pas en français, me semble-t-il, les terres de la masse continentale de la région des Caraïbes et n’incluant donc pas le Suriname, le nom de Caraïbes néerlandophones m’a par ailleurs semblé plus exact que celui d’Antilles néerlandophones.
Les Antilles néerlandaises sont un ensemble d’îles des Caraïbes qui font toujours partie, contrairement au Suriname indépendant depuis 1975, du royaume des Pays-Bas, de manière plus ou moins autonome. Ces îles sont Curaçao, Aruba, Bonaire, Saint-Eustache (Sint Eustatius), Saba et la partie néerlandaise de Saint-Martin (Sint Maarten) dont l’autre partie est le territoire d’outre-mer français du même nom. Ces îles sont encore aujourd’hui des territoires ultramarins des Pays-Bas.
Les Îles-sous-le-Vent que sont Curaçao, Aruba et Bonaire se situent dans la plus étroite proximité géographique avec la République bolivarienne du Venezuela. La presse conservatrice de Curaçao voit dans le Venezuela un danger permanent et la base militaire nord-américaine établie sur l’île depuis les années quatre-vingt-dix a été l’objet de quelques tensions avec le voisin bolivarien. Le Partido Laboral Krusada Popular (PLKP) et le Frente Obrero Liberashon (FOL) poussent au contraire à une « intégration » avec le Venezuela comme seule voie possible d’une décolonisation réelle. Selon l’écrivain curacien Frank Martinus Arion (époux de la poétesse surinamienne Trudi Guda, dont j’ai précédemment traduit trois poèmes) : « Il y a quarante ans, nous avions encore cette vue néerlandaise des Antilles comme territoire néerlandais susceptible d’être chipé par le Venezuela. Nous ne connaissions pas notre histoire, n’entendions parler que des Bataves. Mais avec la conscience croissante de notre place dans le monde, l’orientation absolue vers les Pays-Bas a de moins en moins de sens pour Curaçao. » (Cité dans un article du journal De Groene Amsterdammer : « Chavez is een virus » du 14 avril 2006, en ligne : « Veertig jaar geleden hadden wij ook nog die Nederlandse blik van de Antillen als Nederlands grondgebied dat door Venezuela kon worden afgepakt. We kenden onze geschiedenis niet, leerden alleen over de Batavieren. Maar door het groeiende bewustzijn van onze plaats in de wereld wordt de absolute oriëntatie op Nederland steeds onzinniger voor Curaçao. »)
Le FOL cité plus haut, dont le nom entier est Frente Obrero Liberashon 30 di Mei en souvenir des grèves massives du 30 mai 1969 à Curaçao, fut créé par des leaders de cette insurrection, à savoir Wilson « Papa » Godett, Amador Nita et Stanley Brown. C’est Papa Godett qui figure ci-dessous sur la peinture murale (photo) réalisée par l’artiste Ras Elijah (un nom rastafarien) dans la Bajonetstraat d’Otrobanda à Curaçao. L’uniforme kaki avec casquette adopté par les insurgés curaciens en mai 1969 montre l’inspiration que furent pour eux Fidel Castro et les révolutionnaires cubains.
Les poèmes qui suivent sont tirés de l’anthologie Album van de Caraïbische poëzie (Album de la poésie caribéenne) compilée par Michiel van Kempen et Bert Paasman avec la collaboration de Norally Beyer (Éd. Rubinstein, 2022). Michiel van Kempen est le responsable de l’anthologie dont nous nous sommes servis pour nos précédentes traductions de poésie du Suriname : Poésie révolutionnaire du Suriname (x) et Autre Poésie du Suriname (x). Le Suriname est de nouveau à l’honneur en tant que partie des Caraïbes néerlandophones. On retrouve par exemple le poète Bernardo Ashetu, dont c’est ici le second poème que je traduis.
Les poètes ici présents sont, avec un poème chacun :
–pour le Suriname : Bernardo Ashetu, Marius Atmoredjo, Eddy Bruma (qui fut aussi un homme politique, militant de l’indépendance du Suriname et partisan du coup d’État de Desi Bouterse en 1980 : pour des éléments relatifs au Suriname révolutionnaire, voyez l’introduction de mon autre billet) et Rudi Pinas (à ne pas confondre avec Eddy Pinas déjà traduit) ;
–pour Curaçao : Elis Juliana, Fred de Haas, Harry van Tienen, Tip Marugg et Walter Palm (note : Fred de Haas et Harry van Tienen sont des Européens ayant vécu dans les Antilles et dont les poèmes figurent dans l’anthologie en raison de leurs thémes) ;
–pour Aruba : Frida Winklaar Domacassé, Nicolás Piña Lampe et Ramon Todd Dandaré.
Les poèmes ici recueillis ne sont pas tous révolutionnaires quant à leurs thèmes et certains poètes trouveraient peut-être à redire à l’étiquette que je leur applique sans avoir forcément des éléments biographiques précis à ma disposition. Ce n’est pas la première fois que je fais une telle remarque dans cette série, qui commence à devenir assez substantielle, de traductions de poésie révolutionnaire. Disons que c’est le genre de poésie qu’aime un traducteur révolutionnaire.
Les poèmes ont été écrits en diverses langues, à savoir le néerlandais (5 poèmes), le papiamento (4 poèmes), le sranantongo (Suriname : 1 poème), l’espagnol (Aruba : 1 poème), l’aukaans (un dialecte marron du Suriname : 1 poème), et tous ceux qui n’ont pas été écrits en néerlandais se trouvent traduits dans cette langue dans l’anthologie. C’est donc, dans le cas de ces derniers, de la traduction néerlandaise que je me suis servi sauf pour le poème de Piña Lampe, que j’ai traduit à partir de l’original espagnol. Par ailleurs, le papiamento est assez proche de l’espagnol pour m’avoir permis dans certains cas de contrôler la traduction néerlandaise avec l’original.
Sint Maarten est représentée dans l’anthologie par un poème en anglais de Lasana M. Sekou, poète que j’ai déjà traduit à Poésie révolutionnaire de la Grenade (x) car il a consacré un recueil entier à la révolution grenadienne.
*
Tropiques (Tropen, original néerlandais) par Bernardo Ashetu
Tropi-cal
Tro-pical
Tropical,
qu’on l’appelle comme on veut,
dans quelque langue que ce soit,
cela veut dire : danse
cela veut dire : chaleur.
Cela veut dire :
forêt de fleurs
de plantes.
Cela veut dire :
profonde obscure
impénétrable forêt
de fleurs et
de plantes.
Cela veut dire :
danse, chaleur
et
cela veut dire :
alcool
poignard
malédiction.
Cela veut dire :
haine parmi la profusion
de fleurs,
dans l’obscurité des
plantes noires,
de cette inconsolable végétation.
*
Curaçao : île délicieuse (original papiamento : Dushi Kòrsou, néerl. Curaçao : verrukkelijk eiland) par Elis Juliana
NdT. Le titre papiamento est celui de l’hymne de Curaçao.
Ah que cette maudite île peut être délicieuse !
Avec son soleil rogue qui arde sans pitié
jusqu’à ce que la terre voie crever la peau de son ventre.
Avec son vent impudent qui dénude la nature
et fait honteusement pencher la tête aux arbres.
Avec ses fidèles cactus qui soldats muets
regardent méprisants les indisciplinés nuages
jouant à cache-cache sous la véranda bleue du ciel.
Avec ses blocs de rochers torréfiés qui
s’émiettent sous les pattes de maigres chèvres
se battant pour une feuille chétive
tandis que les buissons d’épines jouent une
chanson triste sur leurs cages thoraciques
et leurs flancs caves.
Avec l’humble mer de la côte méridionale
qui lui lave les pieds en éternelle onction
et les vagues forcenées de la septentrionale
qui lui administrent des claques puissantes.
Avec ses nuits étouffantes
infestées par le chant monotone des grillons
et les mystérieuses étincelles des vers luisants.
Que cette maudite île peut être délicieuse !
*
Souvenir de Bonaire (Herinnering aan Bonaire) par Fred de Haas
pattes roses
molle croûte de sel
vent
le long de côtes en miettes
solitude
adossée
à des monticules de coquillages
au bord d’une mer
où des pêcheurs
jettent leur appât dans l’eau
coquillages :
spirales vers l’intérieur
où naguère la vie bavait
dans des mollusques
fraternellement
une caverne se penche
sur des peintures indiennes
soleil et sel et
lézards, iguane :
fidèles à la terre desséchée
un homme est là,
étonné par le silence
*
La cabane de Bah Sari (De hut van Bah Sari) par Marius Atmoredjo
NdT. Bah Sari, ou grand-mère Sari, est un nom javanais.
Dans une petite cabane vit Bah Sari
mangeant avec une cuillère en aluminium brillant
dans une assiette en émail
ornée de petites fleurs rouges
Elle se lève le matin tôt
La fumée de son feu
traverse les murs de petit bois
et le toit de feuilles de palmier
comme si sa cabane prenait feu
Sous le bois fumant
elle met une cassave et une banane
et en a fini pour le matin
À l’échoppe la plus proche
elle achète une tasse d’huile piquante
et une chopine de pétrole
pour préparer son dîner
Tandis qu’à moitié endormie
elle mâchonne son repas
ses amis les cafards et les souris
se partagent les restes à la dérobée
tandis que l’araignée regarde avec un rictus depuis le plafond
*
Boni est là (original sranantongo : Boni doro, néerl. : Boni aangekomen) par Eddy Bruma
Ndt. Note de l’anthologie pour Boni : « chef marron de la seconde moitié du dix-huitième siècle, combattant de la liberté contre le gouvernement néerlandais. »
ciel sombre vent lourd
au fond de la rivière repose Boni
des piranhas affamés filent en riant
quand je demande à voir Boni qui repose sous la surface
écoute les rames fendre les eaux
de la rivière profonde où repose Boni
écoute l’entraînante chanson des noirs
mère raconte que les enfants de Boni sont là
papa Boni, père des guerriers
père des hommes qui ont fui les plantations
ouvre les yeux et regarde autour de toi
ancêtre Boni, enfant du boa
un vieillard noir qui connaît la rivière
et qui était allé s’assoir sur un rocher
tendit les oreilles et cria
camarade, écoute écoute les tambours
écoute les tambours écoute le grondement
dans le creux où Boni repose
écoute l’apinti écoute le bongo
ô notre ancêtre Boni, tes enfants sont là
le chant arde fier
écoute nous étions là quand
les blancs gagnèrent beaucoup de sang coula
avant que nous apportassions la tête de Boni en ville
alors papa Boni père du peuple guerrier
père des esclaves qui fuirent les plantations
tourna son regard vers le ciel
ô notre ancêtre Boni, enfant du boa
je pris peur et criai
ami, maître Boni est parti
les soldats blancs commencèrent à tirer
on n’y peut rien, la tête de Boni a disparu
sur les eaux une tache rouge
comme si du sang avait coulé sur du pétrole
alors un éclair rasa les eaux
un cri puissant fit trembler la terre
papa Boni, père du peuple guerrier
père des hommes qui fuirent les plantations
à nouveau s’élève au-dessus des eaux
puis y replonge pour toujours
un vieillard noir qui connaît la rivière
père de milliers d’enfants noirs
pleure… les rameurs s’immobilisent telles de noires statues
et regardent regardent regardent son corps
de la profondeur des eaux tendu et pérenne
avec le grondement des tambours s’élève l’appel
rapide comme le serpent qui mue
une peau blanche tourbillonne sur les flancs du bateau
papa Boni, père du peuple combattant
père des noirs qui fuirent les plantations
des barques brisées glissent sur la rivière
qui aide les blancs deviendra un blanc
ciel sombre vent lourd
au-dessus de la rivière où seul Boni
laisse entrer qui il veut
ô sage de la rivière qui vit là
et papa Boni, à présent son cœur s’apaise
ancêtre des hommes qui firent la traversée
menacés moquant riant voyageant sur les eaux
qui aide mon ennemi court à sa perte
*
Rêves de liberté (original papiamento : Soña di libertat, néerl. : Dromen van vrijheid) par Frida Winklaar Domacassé
NdT. Tula est un autre chef marron.
lune, parle-moi de Tula
tu as lu son livre
tu as vu son combat
tu l’as entendu rêver sous les étoiles
des rêves de liberté
la liberté de l’oiseau warawara dans l’air libre
la liberté du troupiale sur le cactus
la liberté de l’aigle pêcheur
lune, dis-moi quelle était sa constance
pour que je garde en mémoire son exemple
pour que je puisse me tenir droite sans tomber
sans tomber dans une perspective sans avenir
pour que je puisse accomplir cela
chaque jour qui me reste à vivre
que je puisse persévérer sous le fouet de la vie
*
Je porte en moi mille poèmes (Llevo en mi mil poemas) par Nicolás Piña Lampe
Je porte en moi mille poèmes
que je n’ai pas écrits
mille poèmes que je n’écrirai jamais
car j’en souffre et m’en délecte
avec la délectation et la douleur
de ce qu’on porte caché en soi
car je vis avec eux
avec cette peine et ce bonheur
qui toujours me guettent
menacent et séduisent
depuis les étoiles
avec cette peine et ce bonheur
auxquels je ne donne aucun commencement
pour ne pas en voir la fin
*
Après le 30 mai 1969 (Na 30 mei 1969) par Harry van Tienen
Les lances à incendie près du monument sur le boulevard de l’unité de l’Empire
non loin de l’école Reine Juliana pour jeunes filles
étaient tout aussi crevées que la symbolique du monument.
Si bien que flambaient haut alimentées au whisky des flammes
de poêle dans les deux moitiés de Willemstad,
qui furent plus tard rebaptisées Plundra et Otrabranda1, reliées
par le pont articulé Reine Emma.
Les poings de Papa Diamante Negro2, qui avaient fait de lui un champion,
ne purent contrer les balles mais le firent entrer
au Parlement, flanqué de son Vito, Stanley Brown.
Mon père m’emmena à Berg Altena et l’image
de ce qui en restait quand Jésus fut soumis aux séductions
de Satan s’est marquée comme sur un polaroïd
dans ma rétine, comme gravée sur cuivre par Gustave Doré.
Cependant la vue de la prière du colibri
n’a cessé de m’émouvoir,
malgré la coquille de la Royal Shell qui continue
de projeter son ombre de suie en maints lieux de la terre.
1 Plundra et Otrabranda : altération du nom des quartiers Punda et Otrabanda de Willemstad, capitale de Curaçao. L’altération évoque les pillages (plunderen) et incendies (branden) survenus pendant le Trinta di Mei, l’insurrection de 69.
2 Papa Diamante Negro : le syndicaliste afro-curacien Wilson Godett, meneur de l’insurrection de 69, avait été boxeur sous le nom de Papa Diamante Negro. « Son Vito, Stanley Brown », deux vers plus loin, est un autre meneur de l’insurrection, qui publiait un journal appelé Vito. Les deux fondèrent quelques mois plus tard la même année, avec Amador Nita, le Frente Obrero Liberashon (FOL).

*
Mon île (papiamento : Isla de mi, néerl. : Eiland von mij) par Ramon Todd Dandaré
Mon île, je veux
changer ton visage
Je veux aller m’assoir
près du phare de California,
avec une pierre
écrire
mon nom dans le sable
et laisser les vagues
l’effacer
Je veux grimper jusqu’à
ton nombril
et jeter en l’air la fleur de kibra-hacha
pour que tu puisses
retomber en tourbillonnant avec le vent
et te couvrir d’or.
Je veux pencher l’arbre watapana
vers l’est
et presser toute sa sève
pour me nourrir de la force
de l’Indien primitif.
Je veux prendre ton corps
et le rouler sens dessus dessous
pour jouer avec le trésor
qui se cache au plus profond de toi.
Je veux pénétrer ton cerveau
comme une idée d’hier
comme un fait de demain
comme un acte sexuel.
Je veux être en toi
pour que tu puisses être en moi.
Je veux être un,
ne faire qu’un avec toi
et je veux te conduire
comme un pêcheur conduit sa barque
pour lancer son filet.
Je veux t’en retirer
et m’évader avec toi
jusqu’au soleil
pour te placer au-dessus du monde
sur la plus haute cime
afin que tu sois comme un dieu
qui crée les hommes
et puis les détruit,
le planter profondément
au plus intime de ta chaleur.
Mon île, je veux
changer ton visage.
*
Viens voir d’où je suis (original aukaans : Kon luku pe nkomoto, néerl. : Kom kijken waar ik vandaan kom) par Rudi Pinas
Écarte le rideau vert
des arbres
et tu verras d’où je suis
Dans les grandes rivières je nage
au milieu des dangers :
les piranhas et bien d’autres
menaces des eaux
Au milieu des cascades
et des grands rochers
je conduis ma barque
pleine des produits de la ville ;
rien ne peut me nuire.
Dans la forêt vierge je marche à côté
de la gueule empoisonnée des serpents
mortels pour les hommes :
mais rien ne me fera de mal
car rien ne fit de mal à mes ancêtres
qui vivaient là,
et c’est pourquoi je vivrai là
jusqu’à ma mort.
*
La saison des pluies (papiamento : Den tempu di áwaseru, néerl. : In de regentijd) par Tip Marugg
à la saison des pluies
les rigoles parlent doucement
avec des paroles d’écume
l’angoisse produit la force
la peur prospère
l’âme entrave l’espoir
les mauvaises herbes poussent partout
dans la trop grande maison
dans le lit trop froid
depuis si loin revient
se poser la vieille ombre :
dieu a coupé le courant
le monde est privé de lumière
il n’y a pas de croix sur le calvaire
qui va là dans le noir ?
qui erre là sans but
et fait ami-ami avec les lucioles ?
qui entend le décompte final
de dieu
ou de l’arbitre de boxe ?
*
Non plus ultra (original néerlandais) par Walter Palm
Pour Jules de Palm
Pour les habitants des îles
l’île est l’univers,
l’univers est l’île.
Là où meurent les vagues,
finit aussi le monde
des habitants des îles.
Après la plage il y a
seulement la mer introvertie
au clapotis indifférent.
Et là où le regard
n’atteint pas, c’est l’horizon,
la fin, la mort.
Poésie anti-impérialiste d’Antigua-et-Barbuda
Antigua-et-Barbuda est un État insulaire des Caraïbes de quelque 90 000 habitants et de langue anglaise.
Il fait partie de l’ALBA-TCP, l’Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique – Traité de commerce des peuples (Alianza bolivariana para los pueblos de nuestra América – Tratado de comercio de los pueblos), initiée par la déclaration conjointe signée en 2004 à La Havane par Fidel Castro et Hugo Chávez.
L’ALBA réunit aujourd’hui dans un même projet fédérateur, opposé au libéralisme impérialiste des US, les pays suivants : Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, l’Équateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et la Grenade.
Les pays caribéens de l’ALBA, à savoir Antigua-et-Barbuda, la Dominique, la Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie, ont une monnaie unique, le dollar des Caraïbes orientales ou dollar est-caribéen (Eastern Caribbean Dollar, ECD).
Antigua-et-Barbuda est ainsi un pays engagé dans le mouvement anti-impérialiste des peuples.
Après avoir chercher sur internet de la poésie de là-bas pour ma série de traductions, j’ai l’honneur et le plaisir d’offrir à mes lecteurs des chansons et poèmes traduits en français de King Short Shirt (2 textes), chanteur réputé de calypso, Joanne C. Hillhouse (2), Kimolisa Mings (3), Shabana Hunte (2) et Wilindean Inniss (4).
Les deux derniers, Shabana Hunte et Wilindean Inniss, paraissent être de jeunes poètes qui n’ont pas encore fait parler d’eux ; je les trouve très prometteurs. J’ai recueilli leurs textes sur le site internet de poésie internationale poetrysoup.com (sur cette page). Leur poésie introspective et sentimentale n’est pas particulièrement « anti-impérialiste » et, ne connaissant pas leur vie, je n’ai pas à ma disposition d’éléments me permettant de dire s’ils ont le moindre engagement dans une cause politique anti-impérialiste. Au cas où ils jugeraient que leurs noms ne sont pas à leur place dans un billet sur la « poésie anti-impérialiste d’Antigua-et-Barbuda », je suis bien sûr prêt à rebaptiser mon travail en omettant l’adjectif.
Les deux textes du chanteur de calypso King Short Shirt figurent sur le blog tenu par la poétesse Joanne C. Hillhouse (wadadli.worpress.com) (x). Le second a été transcrit par Joanne elle-même, qui indique toutefois ne pas être absolument certaine que ce qu’elle entend en écoutant la chanson soit bien le texte, qu’elle n’a pas eu sous les yeux. Le texte est écrit par le parolier habituel de Short Shirt, Shelly Tobbit. Le premier texte a sans doute été également écrit par Shelly mais Joanne n’en est pas sûre à 100 %. Les deux textes ont un contenu politique. Le premier, Viva Grenada, traite de la révolution de 1979 à la Grenade, avec laquelle mon lecteur est déjà familier grâce à mes traductions de Poésie révolutionnaire de la Grenade (x). Ces paroles de chanson n’ont pas forcément la richesse de créativité langagière de poèmes mais je ne pouvais passer sous silence cet exemple de solidarité artistique anti-impérialiste caribéenne.
Joanne Hillhouse est un auteur reconnu d’Antigua-et-Barbuda, qui a publié plusieurs livres.
La poétesse Kimolisa Mings a également publié quelques poèmes sur Poetry Soup, d’où je tire le premier ici traduit, de nature (poétiquement) politique. Les deux autres sont tirés de son blog kimolisa.blogspot.com (x). Kimolisa a publié plusieurs livres.
Pour se mettre dans l’ambiance, voici tout d’abord la musique de Viva Grenada par King Short Shirt :
*
Viva Grenada, chanté par King Short Shirt (paroles de Shelly Tobbit [?])
1
13 mars ‘79 jour de liberté véritablement historique1
Le peuple de Grenade s’est soulevé dans la dignité
S’est soulevé contre l’oppression
S’est soulevé contre l’iniquité et la honte
Contre les ténèbres de la profanation
Secouant la paralysie de la corruption
La tyrannie, la violence et la subjugation
Pour rayonner dans les Caraïbes
Et semer la terreur chez les régimes oppresseurs
Les politiciens sans scrupules tremblent
Refrain
Debout Grenade
Debout à nouveau Grenadien
Ne laisse personne venir te dicter ta conduite
Tous ceux qui s’opposent à ta Révolution
Sont des politicards malhonnêtes comme Gairy2 dans leurs propres îles
Lutte pour tes droits
Protège ton bien
Tu as combattu un juste combat
Protège ton bien
Ne renonce à la moindre parcelle
Ne recule d’un seul pas
Ne compromets pas ta Révolution
Pour ces vauriens scandaleux voleurs et oppresseurs de politicards des Caraïbes
Impossible
Jamais, je dis
Impossible
2
Certains parlent de légalité
De constitutionnalité
Seulement pour exporter leur hypocrisie
Car si tu examines
La situation dans leur pays
Tu trouveras des violations des droits de l’homme
Un mépris total pour la Constitution
Une persécution politique diffuse
Des vagues de violence déferlant
Avec la bénédiction de législateurs criminels
Et conduites par des gangs sadiques
Exactement comme les Mangoustes3
Refrain
3
Dieu te bénisse Grenade
Puisse ta liberté être favorisée de longévité
Et ton économie de prospérité
Puissent tes leaders se voir accorder
Sagesse endurance et le courage d’aller de l’avant
Car ton chemin sera sans aucun doute long et rude
Les problèmes à régler son nombreux
Préserve-toi de l’hydre de la corruption
Et que ce brusque réveil
Cette aube précoce
Soit un avertissement aux tyrans des autres pays
Aucun pouvoir aucun arsenal
Ne peut éteindre la volonté de liberté d’un peuple
1 13 mars 1979 : Jour de la prise de pouvoir en Grenade par le New Jewel Mouvement (Joint Endeavour Welfare Education Liberation).
2 Gairy : Eric Gairy, Premier ministre de Grenade renversé par la Révolution de 1979.
3 Mangoustes : Le Gang des Mangoustes, Mongoose Gang, était le surnom de la police secrète d’Eric Gairy destinée à bâillonner, par la violence et l’intimidation, toute opposition politique.
*
En dépit de tout (In Spite of All) chanté par King Short Shirt (paroles de Shelly Tobbit)
Enfin, enfin, enfin
Dans le chaos et dans la lutte nous avons trouvé l’espoir dont nous étions privés
Une lueur, juste une luisance, une étincelle
Mais un rayon de lumière comme je n’en ai jamais vu
Les voix de mon peuple me disent qu’il devient mûr
Son esprit montre une détermination à créer une nouvelle société
Bien qu’il soit accablé par l’injustice, le malheur, la souffrance
Et une constante oppression
J’ai entrevu le changement
Même si nous ne parvenons pas à nous entendre
Nous avons une chose en commun
L’oppression que nous subissons
Nous unira
Refrain :
En dépit de tout notre
Dépouillement et malheur
Malgré nos pauvres conditions économiques
Nous devons continuer la lutte
La situation montre que nous aurons à prendre bientôt position
Nous, le peuple, nous-mêmes,
Pour notre avenir
Nous ne pouvons nous permettre de gaspiller notre temps, nos efforts et notre talent
Si nous ouvrons les yeux
Nous sommes capables de monter au ciel
Et faire de cette île un paradis
Nous ne pouvons être unis avec des voix divisées
Debout debout debout debout
Peuple ouvre les yeux
Produire, c’est la réponse,
Produire
Développer ce qui est nôtre, utiliser ce qui est nôtre, posséder ce qui est à nous
Malgré nos diverses opinions politiques
Nous devons tous comprendre que nous faisons partie de cette île
Que c’est le même bâton qui frappe la chèvre sauvage
Et la chèvre domestique
Nous sommes tous sur le même bateau
Nous sommes tous en train de couler
Certains prétendent avoir ce pays à cœur
Mais leurs actions montrent
Qu’ils cherchent à diviser le peuple
Nous font aller de côté et d’autre comme des marionnettes
Et aveuglés nous ne le voyons pas
Rien d’étonnant car nous sommes manipulés
et maltraités continuellement
Refrain
J’ai pensé que peut-être, juste peut-être,
L’oppression que nous subissons aux yeux du monde
Nous servira de leçon
Et nous comprendrons la nécessité de créer un genre de vie plus sain
Car les principes du capitalisme nous ont laissé une coquille vide
Et la décadence de la société en est un autre résultat
Promouvoir la coopération, le savoir, les compétences
Et les programmes industriels qui produiront
Une forte et assidue volonté d’homme
Être heureux de posséder une parcelle de cette terre
Et d’avoir surmonté le cancer de la domination étrangère
Refrain
*
Lamentation de fantômes (Ghosts’ Lament) par Joanne C. Hillhouse
Leurs fantômes
marchent sur la pelouse.
Ils y laissent leur ombre.
Les ombres s’allongent dans le soleil couchant,
tandis que quelqu’un tambourine
sur un steel-drum
le contre-temps (skank) d’une improvisation à la Marley.
Les ancêtres marchent
à l’ombre de ces
murs fortifiés ;
où des femmes furent
violées
et le sang mêlé au diesel
et au lubrifiant de fusil répandus sur
la mer.
Les ancêtres pleurent
leur héritage effacé,
devant l’héritage embrassé d’autres hommes.
*
Méli-mélo d’enfants (Children Melee) par Joanne C. Hillhouse
Les yeux brillent
Les cœurs battent
Je l’ai vécu et respiré
Cacahuètes grillées
La musique forte
Obsti4 paradant avec des nattes
Le carnaval, mieux qu’un rêve
4 Obsti : King Obstinate, ou Obsti, est un chanteur de calypso fameux d’Antigua-et-Barbuda.
*
Dans le noir (In the Darkness) par Kimolisa Mings
« Chante ! »
Le mot déchira
le silence.
Un silence aussi épais
que l’obscurité
qui nous enveloppait.
Une obscurité
habitée par des gens
tout aussi obscurs.
« Chante et libère-nous
de ces fers,
de notre misère,
de notre peur,
de notre réalité ! »
L’exhortation
était adressée, non à moi
mais à la femme
assise à quelque distance de là.
Sa voix s’éleva
comme un soleil,
régulière et lente,
réchauffant nos âmes.
La clarté de sa voix
était comme une goutte de rosée
magnifiant les lignes d’une feuille
sur laquelle elle brille.
Sa voix était belle
comme une orchidée,
et comme une orchidée
c’était un parasite,
mais au contraire d’un arbre ou d’une plante
elle tirait sa subsistance
de son âme.
Et pourtant
ce n’était pas assez.
« Stop, stop,
STOP !!! »
« Je ne veux pas entendre
une musique douce
comme une mangue mûre ou
une canne à sucre fraîchement coupée. »
« Je veux entendre un chant
riche en douleurs
comme en triomphes,
un chant trempé
par les larmes d’hommes courageux
et la tristesse
de leurs femmes. »
« Je veux notre chant. »
Le silence s’étira
comme un coucher de soleil
sous un lourd ciel nuageux.
Puis le chant commença,
un chant que nous connaissions tous.
Un chant qui avait fait monter des larmes
aux yeux de rois.
Un chant capable de donner du courage
aux plus lâches.
Le chant était contagieux,
se répandant d’homme en homme
et de femme à homme
comme une grande maladie
rencontrée dans les profondeurs de la jungle.
Peu après,
des voix montèrent dans le noir,
vibrations rebondissant contre
des murs invisibles où elles s’étaient heurtées
ou contre des corps.
À ce moment-là,
nous étions un.
Une voix.
Un peuple.
Vers un même lieu.
Et depuis ce moment-là
nous resterons
un peuple.
Un peuple
dans le noir.
*
Imparfaite (Imperfect) par Kimolisa Mings
Je ne suis pas parfaite.
Je ne suis pas harmonieusement
faite d’os, de muscle,
de sang, d’organes
et de nerfs.
Mon imperfection
est si évidente,
ne le vois-tu pas ?
Je ne suis pas parfaite.
Je ne marche pas souvent
à la lumière de l’assurance,
la moitié du temps
je frissonne
d’inquiétude tandis que je
vais en aveugle dans
l’inconnu.
Ne sens-tu pas
mes peurs ?
Je ne suis pas parfaite.
Je ne pourrai jamais
être parfaite car
le mot lui-même
est un concept sans
exemple dans la réalité,
sans existence
en ce monde.
Toute fleur a
son défaut,
tout homme
ses faiblesses
et pourtant tout,
tout le monde est
parfait en son
imperfection.
Dans mon imperfection,
j’ai la possibilité de
grandir, de parvenir
au-delà des limitations
que je m’impose à moi-même,
qui me sont imposées par autrui.
Je ne suis pas parfaite.
Je suis glorieusement
imparfaite.
*
Tic Tac (Tick Tock) par Kimolisa Mings
Tic tac
J’entends mon
Horloge biologique
Effacer
Les gamètes que j’ai
En nombre limité.
« T’as pas
Encore d’enfant ? »
Il me regarde
Comme un sol fertile
Où planter sa graine.
Je le regarde
Comme s’il essayait
De semer une mauvaise herbe
Dans mon jardin bien entretenu.
« Passe ton chemin,
Jeune homme »,
« Tu n’as pas
Deux, cinq, huit
Enfants, mon frère ? »
« Bah », sont les pensées
Qui me piquent le dos
De la langue, demandant
À sauter par-dessus bord
Et à plonger
Dans leur oreille
Pour nager dans
La matière grise
Qu’ils appellent un cerveau.
Et pourtant l’horloge
Tic-taque…
Tic tac
Tic tac.
M*** à l’horloge.
Balance-la
À la poubelle.
Laisse-la tomber en morceaux,
Pour te délivrer de cette prison.
La prison
Des attentes d’autrui
Dues au fait
Que je suis femme,
Et en tant que telle que je dois
Enfanter !
Enfanter ?
Enfanter ?!?!
Hélas, mon existence
Entière a été en un
Clin d’œil
Réduite à
Un ventre ambulant.
Je veux…
Respirer, à la mode inhaler
Expirer,
Comprenez-moi bien.
Alors je pourrais juste
Laisser filer le temps,
Laisser l’horloge s’éteindre,
Ignorer la pitié
Dans les yeux d’autrui,
Le venin dans
Le regard des parents excédés,
Les lamentations
De la famille et des étrangers
Parce que je ne laisse pas mes gènes
Vivre au-delà de mon corps.
Extraire cette horloge
De mon ventre et
Respirer. Inhaler. Exhaler.
Respirer.
Alors…
Alors je verrais un enfant,
Un bébé à la tête flottante
Ou un enfant de sept ans dégingandé
Qui commence tout juste à raisonner,
Et…
Et je pose la main
Sur mon ventre.
Et j’imagine un
Petit moi avec
Un petit quelque chose en plus.
Et…
Et je pense
Que peut-être,
Peut-être
Je pourrais être
Une maman pour quelqu’un.
Tic tac
Tic tac
Tic
Tac
*
Boîte en verre (Glass Box) par Shabana Hunte
Je me coupe mais guéris
Je suis fatiguée des impressions
Je reste attachée au passé
Tandis que mon avenir se dévoile
Je ne peux fermer les yeux
Avec mes démons éveillés
Alors je dors un œil ouvert
Et l’autre dans ma tombe
C’est fou je veux dire
À quelle vitesse le temps passe
Cela n’a jamais été si différent
Cela n’a jamais été si fou
Je suis rompue à la souffrance
Si cela peut servir je regagnerai
Tout ce qui a été perdu
En vaines prolongations
*
Chère Miss Brute (Dear Miss Bully) par Shabana Hunte
Elle regarde dans le miroir
Je lui dis qu’elle est laide
Elle met une robe
Je lui dis qu’elle est grosse
Elle me raconte ses problèmes
Je lui dis de me lâcher
Elle pose sa lame
Je la ramasse
Tout ce qui est bon
Je le lui dérobe
Sans remords
En tout cas pas aujourd’hui
Car je sais au moins une chose
C’est qu’elle me pardonnera
Elle a un cœur immense
Trop grand pour rester tranquille
Brisé comme du verre
Elle est seule
C’est une victime
Je suis une brute
Non je ne suis pas fière
De ce que j’ai fait
Car je suis une brute
Et une victime en même temps
*
Confiance (Trust) par Wilindean Inniss
Choisis-moi ! Choisis-moi ! Jolie fille, choisis-moi !
Quand je t’ai rencontrée, je me suis dit qu’il y avait anguille sous roche.
Quand tu m’as serrée dans tes bras, je me suis dit que l’amour était irréaliste.
Un cœur brisé, réduit en miettes au toucher.
Ta douceur étincelait comme de l’or, pure mais tortueuse.
Choisis-moi ! Choisis-moi ! Jolie fille, choisis-moi !
Car tu as dit « Tu es différent des autres ».
Tu ne m’as pas poignardé dans le dos.
Tu as enfoncé la lame directement dans ma poitrine.
Comment pourrais-je accepter tes excuses ? Tes paroles ont le son du blasphème.
Choisis-moi ! Choisis-moi ! Jolie fille, choisis-moi !
Un million d’excuses ne peuvent empêcher ces larmes de couler. J’ai passé le stade de la douleur. Je suis paralysé mentalement. « Pardon » si souvent utilisé que le sens originel s’est perdu.
Je t’ai choisie… et ne peux me déjuger.
Les larmes coulent le long de mes joues, coupant comme des couteaux.
Je ne sais pas ce qui fait le plus souffrir, de la vérité ou des mensonges.
C’est pourquoi je porte une barrière. Je ne fais confiance à personne. Qu’est-ce que la confiance ? La balle ou le pistolet ?
*
Pessimiste (Pessimist) par Wilindean Inniss
Comment peux-tu attendre de moi que je sois moins pessimiste et plus optimiste, alors que tu es pessimiste quant à mon optimisme ?
*
Démoli (Demolished) par Wilindean Inniss
Je n’ai jamais touché le fond aussi durement.
Je me suis relevé mais me sens toujours comme à terre.
La peine n’a jamais été si grande,
Au point que je ne peux plus fonctionner.
Les souvenirs que je n’arrive pas à effacer
Repassent continuellement dans ma tête jusqu’à ce que je fonde en larmes.
Je n’ai jamais eu le cœur à ce point brisé
Que les morceaux que je ramasse tombent en poussière entre mes doigts.
Je ne me suis jamais senti si seul,
Au point que même lorsque tu m’embrasses
Je ne sens pas tes bras.
Je n’ai jamais de la vie été si déprimé,
Au point que le psychiatre n’arrive pas à diagnostiquer ce que j’ai.
Il n’y a pas d’autre voie que de sortir de là.
Mais l’échelle continue de glisser.
Je cours, saute, bondis, m’élance.
La défaite couvre ma cuirasse.
*
Mon masque (My Mask) par Wilindean Inniss
J’en ai si gros sur le cœur
Que je ne peux plus penser droit
Personne ne comprend
Je ne suis pas démonstratif
Je me cache derrière les sourires
Que j’appelle un masque
Et je parle si aimablement
Qu’ils ne voient pas la blessure
Qui est en moi
Je suis devenu tellement
Introverti et isolé
De ceux que je pensais connaître
Que j’ai atteint la condition
D’ennemi permanent