Journal onirique 13

Période : septembre 2020.

Forêt des contes n° 3, par Cécile Cayla Boucharel

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Deux hommes, dont l’inénarrable Lino Ventura, plus renfrogné que jamais, en suivent un autre dans la foule ; ils le forcent à monter dans une voiture et l’emmènent. L’homme est à l’arrière, Lino devant à la place du passager, et son acolyte au volant. L’enlèvement ne se passe pas comme prévu, une puis plusieurs voitures de police les prennent en chasse. S’ensuit une poursuite effrénée au cours de laquelle des voitures de police sont mises hors course l’une après l’autre, allant notamment défoncer des vitrines. Pendant la course-poursuite, Lino reste totalement impassible.

Ils parviennent à semer leurs poursuivants, laissent la voiture dans une rue et continuent leur chemin à pied, emmenant l’otage avec eux. Lino fait alors remarquer à son acolyte, sur un ton de reproche, qu’il n’aime pas le verre brisé, car marcher dessus abîme les semelles des chaussures. Il est sapé selon le luxe caractéristique d’un gangster de cinéma.

Comme ils passent devant une église, Lino dit à son acolyte de l’attendre avec l’otage car il va se confesser. Quand il ressort de l’église au bout de quelques minutes, leur otage entre dans une longue péroraison sur la nature obscurantiste et rétrograde de la judéo-christianité.

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Dans un village méridional, au cours d’une féria nocturne, en m’accoudant sur un muret afin de voir à mon aise les animations en contrebas, je reconnais à ma droite B., un ami de lycée perdu de vue depuis longtemps. Il était à l’époque également le principal pourvoyeur de cannabis de notre groupe d’amis. Nous nous saluons. Au bout de quelques instants de conversation, il m’invite à le suivre, lui et ceux qui l’accompagnent ; je comprends, sans qu’il ait besoin de le dire, qu’il veut me conduire en un lieu où nous pourrons fumer du cannabis, ce que je n’ai pas fait depuis des années. J’accepte son invitation.

Notre petit groupe s’engage dans un dédale de ruelles désertes en raison de la féria qui se tient dans une autre partie du village. Nous nous arrêtons devant un passage obstrué par une lourde pierre, que déplace l’un des compagnons de B., et nous nous engageons alors dans un souterrain étrangement plus éclairé que les ruelles à l’extérieur, par une lumière claire et bleue. B. marche devant. Voyant que nous allons passer par un couloir très étroit, où l’on ne peut avancer que de biais pressé de chaque côté par les parois, une situation onirique que je vis régulièrement et qui m’oppresse, je m’arrête et, voyant que d’autres membres du groupe derrière nous ont pris un chemin différent, je décide de suivre plutôt ceux-là dans l’espoir que le trajet qu’ils empruntent est plus praticable. Je déchante vite car ce trajet impose de ramper dans un boyau très bas et très étroit dans lequel je crains de rester coincé. Il ne me reste donc plus qu’à rebrousser chemin. Or je me rends compte que nous sommes descendus à l’aller par un passage en pente raide qu’il m’est impossible de remonter au retour. Je ne peux sortir de là, je suis perdu dans le souterrain.

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Avec L. (♀), Y. et un autre garçon que je ne connais pas, nous traversons l’Espagne en voiture pendant nos vacances. À l’hôtel où nous descendons, alors qu’après avoir vu nos chambres nous nous réunissons autour d’une table au restaurant de l’hôtel, je commence à craindre que les choses dégénèrent, Y. cherchant à se lier avec la serveuse, et l’autre garçon, portant une imitation de costume folklorique espagnol qu’il a revêtue dans sa chambre, avec d’autres filles, les deux suggérant de passer la soirée avec ces filles en discothèque. L. nous demandant si nous sommes bien sûrs de vouloir sortir dès le premier soir plutôt que de nous reposer, j’en profite pour donner mon point de vue de la manière la plus ferme : si nous passons toutes nos nuits en boîte, nous ne pourrons avoir aucune activité culturelle pendant la journée. Je suis content d’avoir trouvé cette idée d’activités culturelles, qui n’avait pas été évoquée entre nous avant le départ ; en même temps, j’ai quelques doutes quant à la possibilité que de telles activités puissent occuper pleinement des jeunes en vacances. Je crains donc d’avoir à me soumettre aux goûts vulgaires d’Y. et de l’autre garçon.

Un compromis se présente à nous par la tenue cette nuit-là d’une féria, présentant une certaine dimension culturelle. Dans une grande auberge pleine de monde, L. m’appelle depuis une mezzanine, où elle veut me présenter à des gens. Je grimpe sur la mezzanine aidé par des personnes parmi la foule agglutinée au rez-de-chaussée et me retrouve au milieu d’un cercle d’aristocrates où je suis présenté par un chambellan à une certaine Madame de Bonald. Elle me demande – ce que je ne trouve pas très poli – par qui je suis introduit et, quand je donne le nom de L., Mme de Bonald réprime mal une moue.

Ce cercle aristocratique est également une secte. Dans une autre salle à l’étage, je trouve sur une table un carnet de dessins appartenant à l’une des fillettes de ce cercle ; en le feuilletant, je découvre dans les dessins naïfs de l’enfant que ces gens ont des mœurs orgiaques secrètes, et que telle est leur façon de maximiser la fécondation dans leur groupuscule. Une autre fillette, qui n’est pas l’auteur des dessins, me surprend dans la salle et me demande ce que je fais ; « rien », dis-je, avant de rejoindre les autres.

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Dans le train où je suis assis, attendant le départ, monte un vieillard accompagnant une fillette en robe gris perle avec une petite valise à la main. Il fait asseoir la fillette dans le siège à côté de moi puis me dit qu’elle voyage seule jusqu’à Narbonne. Je lui dis que c’est également l‘arrêt où je descends et que je veillerai donc sur l’enfant.

Le train arrive à Narbonne alors qu’il fait déjà nuit. Personne n’attend l’enfant à la gare, je décide donc de la conduire en taxi jusqu’à sa destination finale, qu’elle nous dit être, au chauffeur et moi, au 8 place de l’Europe. Le chauffeur marmonne son étonnement que cette adresse soit habitée, une remarque qu’en tant que protagoniste du rêve je n’entends pas, car je lui demande de répéter, ce qu’il se garde de faire, mais que j’entends comme spectateur du rêve.

J’invite la fillette à s’asseoir à l’arrière, ferme la portière puis contourne la voiture pour prendre place de l’autre côté de la banquette, derrière le chauffeur. Nous partons. L’intérieur de la voiture est sombre et ce n’est qu’au bout d’un moment que je me rends compte que la fillette n’est plus à sa place, qu’elle a disparu. Après quelques instants d’étonnement, je demande au chauffeur de nous conduire tout de même au 8 place de l’Europe pour signaler sa disparition à ceux qui l’attendent.

La place de l’Europe ressemble pour partie à une arène gardoise et pour partie au jardin du Luxembourg, entouré d’une grille. Le chauffeur regarde les numéros des adresses. Je vois passer le numéro 20 puis tout de suite après le numéro 6. Le taxi s’arrête. Le chauffeur et moi nous rendons devant un interphone, sur le bouton duquel il appuie, ce qui nous ouvre la grille. Nous marchons sur l’allée d’un parc conduisant à un château. Là nous sommes reçus par quelques femmes qui nous disent être une association et n’attendre personne.

Sur une porte, je crois lire le mot « sectes », ce qui pourrait expliquer bien des choses dans cette affaire, comme un enlèvement d’enfant, mais ce sont en réalité les mots « Produits aseptiques » en grande partie effacés par le temps. La porte, que j’ouvre, ne donne pas sur un escalier conduisant à diverses sectes occupant les différentes ailes du château, mais sur un banal cagibi.

Je demande alors au taxi de me conduire à ma propre destination : je dois passer des vacances avec des amis. Je retrouve d’abord C. dans un grand salon vide ; elle est présente sous forme de chat. Je lui fais des câlins comme on fait à un chat, mais elle me demande d’arrêter. « Tu as peur que je t’écrase ? lui dis-je. Tu as peur de moi ? » Z. (♂) vient nous chercher. Je leur raconte le mystère de la fillette disparue et conclus, au moment où nous sortons du salon : « J’en viens à croire que cette fillette n’était pas un être naturel », et, au risque de plomber l’ambiance, j’ajoute : « J’espère que ce n’était pas la Mort » (envoyant un présage).

Dehors je demande à C., qui a repris forme humaine, si son compagnon sera des nôtres pendant ces vacances. « Non, répond-elle, il a beaucoup de travail en ce moment. Quand il entend parler d’autre chose, il dit : ‘Voilà des propos bien philosophiques.’ Bref, il est complètement balayé. » Je lui dis que je comprends cet effet du travail, tout en ajoutant : « Tant mieux pour les autres, qui profiteront davantage de sa ravissante compagne. » Mais Z. attendait le compagnon pour l’aider avec la mécanique de la voiture.

Le lendemain, nous prenons le train régional pour une excursion. Je reparle de la fillette disparue : « Ma vie n’avait déjà plus vraiment de sens mais avec cet incident elle devient franchement étrange. Plus rien ne s’explique. » Je remarque alors que le passager devant moi de l’autre côté du couloir central est le même que la veille, avec les mêmes vêtements d’été, les mêmes lunettes de soleil. « Ça aussi, dis-je, comment cela s’explique-t-il ? » mais je regrette aussitôt cette parole car la coïncidence est tout de même moins extraordinaire que la disparition mystérieuse de la petite fille. (Mais peut-être s’agit-il d’une conspiration ?)

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En Inde, un Sikh me décrit ce qu’il convient d’appeler, sans se voiler la face, le martyre des Sikhs de l’Inde aux mains des Hindous. Le traitement réservé par les Hindous aux Sikhs depuis des décennies permet de mesurer la fausseté des premiers dans le discours dont ils enveloppent ce qu’ils sont train de faire subir aux Musulmans du Cachemire et du reste du pays.

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Une amie de la famille, Q., vient prendre le thé chez mes parents, où je me trouve aussi. Au cours de la conversation, elle me demande si je suis chrétien, car elle se souvient que dans mon adolescence j’ai porté pendant quelques mois un crucifix autour du cou. Ce rappel de mon passé m’embarrasse. J’explique que j’avais acheté ce crucifix aux puces de Saint-Ouen, comme si cela pouvait vouloir dire que je ne peux être chrétien. Me rendant compte que cette explication répond mal à sa question et ne sachant comment expliquer le port d’une croix sans aucune autre pratique d’une religion dont laquelle je ne suis même pas baptisé (la lecture de quelques pages de Pascal ou de Kierkegaard ou d’Amour Sagesse Bonheur de Verlaine ? un cauchemar après avoir vu le film L’exorciste ? l’iconographie hétéroclite d’un groupe de rock suicidaire ?), j’ajoute simplement, manière de détourner le sujet, que je constate aujourd’hui que le christianisme est promu par la télévision et que c’est contraire aux principes laïques qui doivent présider à la mission de ce média dans notre pays. Q. ne paraît guère apprécier cette réponse, car elle voit dans la promotion du christianisme un bon moyen de police, ce qui n’empêche pas qu’elle m’aurait témoigné de la hauteur si j’avais répondu que je suis chrétien.

Puis Q. lit à haute voix ce qui se trouve écrit sur un paquet de biscuits, à quoi A. réagit de manière ironique : « C’est de la subversion du christianisme. » Or il ne me semble pas que cette affirmation soit très exagérée, dans la mesure où ce qui vient d’être lu sur le paquet de biscuits est sans doute un appel à donner libre cours au mortel péché de gourmandise. (Je crois savoir que la gourmandise n’est plus un péché mortel selon l’Église catholique, autrement connue sous le nom de p*tain de Babylone, et l’a-t-il jamais été chez les autres dénominations chrétiennes ?) – Aujourd’hui les gens ne croient plus à l’enfer mais souffrent d’obésité. Les plus malades d’entre ces obèses, dont la vie est statistiquement écourtée par leur état, n’auraient-ils pas mieux aimé qu’on leur présentât la gourmandise comme passible de l’enfer plutôt que de dauber ce dogme devant eux ? Un tel dogme me semble du reste découler du même principe selon lequel le législateur prévoit des peines d’une sévérité démentielle pour que la loi soit suffisamment dissuasive, peines que l’on ne voit jamais prononcées par le juge, tant s’en faut, au niveau porté dans la loi.

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Un bouquiniste vient d’ouvrir dans mon quartier et je regarde ce qu’il a dans les bacs devant sa porte et dans sa cour intérieure. Voyant un certain nombre de Que sais-je ?, je recherche plus particulièrement parmi ces titres. Je n’en vois point qui m’intéressent jusqu’à L’établissement du Reich conventionnel, qui traite de la transition entre la République de Weimar et le Troisième Reich en Allemagne au plan juridique, c’est-à-dire par le biais de l’activité des légistes. Malheureusement, l’exemplaire est en trop mauvais état pour que je l’achète.

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Dans un parc je découvre un magnifique jeune chat tigré qui semble abandonné et que je décide d’adopter. Un voyou s’approche et me demande d’un ton menaçant de lui laisser le chat. Alos que j’essaie de lui faire comprendre que le chat est à moi, celui-ci grimpe le long d’un tronc et saute d’arbre en arbre à la poursuite de je ne sais quoi, peut-être un écureuil, avant de redescendre quelques centaines de mètres plus loin, parmi un groupe de personnes qui le remettent au voyou, lequel avait suivi au sol les déplacements du chat dans les arbres. Voyant qu’il emporte mon chat, je cours après lui mais ne parviens pas à le rattraper.

La nuit, je le retrouve. Il est avec deux ou trois individus de sa bande, mais je suis avec la mienne et nous sommes plus nombreux. Nous les forçons à nous suivre dans un train désaffecté, où nous tâchons de leur faire dire où se trouve le chat. Nos violences ne parviennent pas à les faire parler et nous ne pouvons continuer indéfiniment ainsi car les autres membres de leur bande peuvent venir à leur secours d’un moment à l’autre. Il nous vient donc l’idée de les tuer pour ne pas être dénoncés, mais pour cela des résistances doivent être surmontées. Je dis : « Nous risquons d’être condamnés pour violences, alors que si nous les tuions les gens diraient que nous faisons le job de la police. » Nous les tuons donc à coups de poing dans la figure (que le lecteur me pardonne). Suite à ces faits, l’un des nôtres est recruté comme collaborateur régulier de la police.

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Je fais partie d’une expédition qui veut exploiter en Inde la mine découverte auparavant par l’un de nous lors d’une précédente expédition. Nous descendons dans un immense cratère. Nos ouvriers indiens, en donnant quelques coups de caillou contre une énorme pierre lisse, parviennent à la désencastrer ; elle glisse en contrebas du talus de gravier sur lequel elle se trouvait, libérant l’ouverture de la mine. Ce mouvement dégage à l’air libre les gaz contenus à l’intérieur de la mine par l’entrée ainsi dégagée ainsi que par les fissures dans le sol craquelé du fond du cratère.

Tandis que nous attendons que les gaz se dissipent, nous sommes cernés par des hommes en armes dirigés par une femme indienne en habits blancs, armée d’une mitraillette. Je crains qu’il ne s’agisse de la bande rivale qui convoite comme nous cette mine, mais celui d’entre nous qui l’a découverte, et qui sert de chef à la présente expédition, me dit que ce sont les autorités du pays. Il a préparé de faux papiers à leur intention et les brandit sous le nez de la femme armée ; selon ces papiers, nous sommes, lui et moi, mari et femme. Le stratagème réussit – ne me demandez pas comment une telle chose est possible.

Les autorités ne nous laissent pas rester sur place, et nous quittons les lieux, bien décidés cependant à revenir plus tard. Pendant que nous partons, une femme blonde coiffée à la Mireille Darc et vêtue de rouge me tend discrètement deux billets de vingt euros pour acheter notre silence au sujet de la mine. La modicité de cette somme montrerait qu’elle ne se doute pas que nous avons conscience des trésors dont la mine regorge ; pourtant je ne la crois pas si naïve. Je prends mécaniquement les deux billets qu’elle tend mais lui demande cent euros pour notre silence. Elle sort alors un billet de cent euros, que je prends également. Tout en regardant ailleurs, elle tend la main pour que lui rende les quarante euros, mais j’enfourne les trois billets dans ma poche et m’éloigne, rejoignant mes compagnons d’expédition. Comme je ne peux croire qu’elle ignore que nous savons, je ne veux pas lui laisser penser que notre silence peut être acheté ni pour quarante ni pour cent euros.

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Adobe et chicha. Chez ces Indiens des Andes, ce sont les femmes qui construisent les maisons et les murets au bord des routes, avec les briques d’adobe qu’elles empilent les unes sur les autres et les unes contre les autres. Les hommes, eux, apprennent l’ivrognerie dès leur plus jeune âge, s’encourageant à l’abus de la chicha, tous leurs efforts consistant à se rendre inutiles.

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S. me dit être en train de lire un choix de textes des Éclectiques, parmi lesquels il nomme un certain Abégénis, qui me fait penser qu’il s’agit d’une école grecque. À moins qu’il ne faille comprendre Abbé Génisse.

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La discussion porte sur le point de savoir si le mot alyme veut dire « sans ailes ».

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Je suis un lève-tard, quand j’en ai l’occasion. Dans ce rêve, alors que, de manière très inhabituelle, je me lève à l’aube, je trouve deux inconnus en train de prendre leur petit déjeuner dans ma salle à manger (bien plus richement décorée que dans la réalité). Ce sont deux étudiants partageant une chambre en colocation dans l’immeuble et qui ont pris l’habitude, voyant que je suis un lève-tard qui reste au lit toute la matinée et que je ne les dérangerais pas, de venir prendre leur petit déjeuner chez moi, dans la belle et spacieuse salle à manger de mon appartement, sans doute en se servant à l’occasion dans mes provisions. Comme je leur demande comment ils entrent chez moi, ils me montrent un vieux monte-charge désaffecté qu’ils sont parvenus à refaire fonctionner. Ils y montent dans leur chambre, à l’étage au-dessus, et sortent dans mon appartement en ouvrant les battants du monte-charge, que je croyais condamnés, puis en les refermant derrière eux après s’être restaurés.

Ils s’excusent de cette liberté qu’ils ont prise en invoquant une certaine coutume américaine ; à quoi je réponds : « Bien que les États-Unis soient un pays que j’aime, je vous demande de sortir de chez moi. » L’un des deux étudiants proteste et demande que je les laisse finir leur petit déjeuner. J’insiste pour qu’ils sortent. Tandis que les deux continuent d’argumenter, je mets la main à la poignée d’une porte se trouvant sous les battants du monte-charge et que je croyais elle aussi condamnée ; or elle s’ouvre et je pénètre dans la chambre des deux étudiants, au même étage donc (cette histoire de monte-charge n’était-elle qu’un leurre ?), où je vois sous la couette d’un unique lit la forme de deux corps couchés. Ce sont les petites amies des deux étudiants, et je découvre ainsi que quatre personnes prennent régulièrement leur petit déjeuner chez moi pendant que je dors le matin dans mon lit.

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Il existe encore dans le monde des hommes de race nordique vivant en dehors de la civilisation, comme les autres peuples primitifs des races de couleur. Plus exactement, ils vivent comme leurs ancêtres du temps des conquêtes normandes et des Vikings mais habitent des lieux isolés, loin de tout. Régulièrement, je ne sais si c’est tous les ans, tous les cinq ans ou tous les dix ans, les chefs et notables des différents clans se donnent rendez-vous sur une île battue des tempêtes au milieu d’une mer couleur de cendre, où ils tiennent un Althing solennel au milieu des falaises escarpées et des promontoires farouches. À quelqu’un qui doute de leur existence quand je lui en parle, je dis que je vais le conduire auprès de ces hommes qui sont « au-delà de la paix », car ils aspirent à la guerre dont on ne revient jamais, le Valhalla.

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Je me trouve dans je ne sais quel institut communiste roumain pour autistes, malentendants et autres inadaptés, où les pensionnaires sont livrés à eux-mêmes dans un vaste préau sous la surveillance de matons. Au milieu de ce préau se trouve un tas de ferraille laissé là par l’incurie de l’administration. Dans ce tas de ferraille je ramasse une longue perche dont je me sers comme d’une perche d’athlétisme pour me propulser en hauteur, et, sautant des murs au plafond et du plafond aux murs tout en maintenant l’extrémité de la perche au sol, je voltige tel la fille de l’air de la pièce de Calderόn†. Je le fais non seulement parce que c’est grisant mais aussi dans l’espoir d’attirer l’attention des pensionnaires féminines, cependant ma performance incroyable les sort à peine de leur morne apathie. Quand je retourne au sol, je dis au surveillant : « Il ne faut pas laisser traîner ça là », montrant le tas de ferraille.

†Il est relativement peu connu que l’expression « jouer la fille de l’air » vient d’une pièce de l’Espagnol Calderόn, La hija del aire, tout comme « un enfant de la balle » d’un roman d’Alarcόn, Un niño de la bola. Dans ce rêve, bien que la fille de l’air me vienne à l’esprit, je ne joue pas la fille de l’air au sens de l’expression française, qui signifie s’évader…

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La France meurt de dogmatose.

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L’écrivain beat William Burroughs explique comment Hollywood étudia sur place l’organisation des guides auvergnats de randonnée à dos d’âne et s’en est inspiré pour organiser le travail des guichetiers de cinéma ainsi que du personnel vendant des friandises en salle.

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