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Poésie de Solentiname : Nicaragua sandiniste
Quand les Sandinistes renversèrent le dictateur Somoza au Nicaragua en 1979, le poète Ernesto Cardenal, prêtre de la paroisse de Solentiname et qui avait combattu au sein de la guérilla, accepta le poste de ministre de la culture.
Les poèmes qui suivent sont tirés d’un recueil publié par le ministère sandiniste en 1981 et intitulé Poesía campesina de Solentiname (Poésie rurale [paysanne] de Solentiname) (Ministerio de Cultura, Nicaragua, No. 4 Colección popular de literatura nicaragüense, dans la 3e édition de 1985), choix de poèmes et prologue par Mayra Jiménez.
Cette anthologie rassemble des poèmes tirés des « ateliers de poésie » (talleres de poesía) organisés par Ernesto Cardenal et Mayra Jiménez à Solentiname, un archipel d’îles sur le lac Nicaragua. C’est donc une poésie de paysans, une poésie populaire (mais rompant aussi avec des formes plus traditionnelles car les ateliers visaient à la production d’une littérature écrite et non orale, dans une versification libre détachée des bouts-rimés de chansonnette qui marquaient l’oralité rurale de l’époque). Ce genre d’ateliers furent, sous le nouveau ministère, étendus dans le pays, et d’autres recueils publiés, notamment une anthologie de poésie de l’armée sandiniste (dont j’espère faire de prochaines traductions).
La présente anthologie rassemble des textes écrits avant la révolution de 1979 et pendant la lutte armée contre la dictature. Le thème de la lutte révolutionnaire est fortement présent, et dans son prologue la poétesse Mayra Jiménez rend hommage à Felipe Peña, Elvis Chavarría et Dónald Guevara, les trois poètes dont les œuvres ouvrent l’anthologie, en tant que martyrs de la révolution, morts au moment où l’anthologie était publiée.
Ceux qui ont lu mes traductions de « Poésie révolutionnaire nicaraguayenne » (ici), d’après une anthologie de poésie du Nicaragua par Ernesto Cardenal, reconnaîtront le nom de Bosco Centeno. J’ai traduit ici quelques autres poèmes de ce poète attachant, qui figure à la fois dans la présente anthologie tirée des ateliers de poésie et dans la grande anthologie poétique nationale établie par Cardenal.
Les poètes ici traduits sont Felipe Peña (2 poèmes), Elvis Chavarría (3), Dónald Guevara (1), Bosco Centeno (4), Gloria Guevara (3), Iván Guevara (3), Alejandro Guevara (1), Myriam Guevara (1) et Olivia Silva (2).
À Solentiname, Cardenal organisa également, avec l’aide d’amis peintres, des ateliers de peinture et l’archipel est aujourd’hui fameux dans le monde de l’art pour sa peinture « naïve ».
*
Blanca, je suis triste (Blanca estoy triste) par Felipe Peña
Blanca, je suis triste.
Ce soir le soleil ne brille pas comme hier.
À cause de ton absence, de moi s’emparent
l’accablement, le silence et la mélancolie.
Hier tu étais là et horrifiée
tu me racontais comment les soldats de Somoza
assassinèrent ta mère et ton frère William
de quinze ans
et comment les vautours
là où les cadavres furent laissés descendaient et remontaient
comme les avions qui descendent et remontent
en lâchant des bombes.
*
Un bon chef (Un buen dirigente) par Felipe Peña
Je fis ta connaissance au mois de septembre
dans une colonne de 35 hommes de l’armée du peuple
tu marchais à l’arrière avec la camarade Marta et moi.
Ton pseudonyme était Martin.
Tu commandais la colonne avec le Tapir
ce dernier expert en déplacements dans les montagnes du Nicaragua
dirigeant la marche.
Nous nous reposions à l’ombre de quelques arbres à l’épaisse frondaison
rencontrés en gravissant une des collines.
Nous, à l’arrière, arrivions quand j’entendis le Tapir crier :
ne vous laissez pas voir des avions.
Son cri me surprit
je tentai de courir et tombai.
Un autre groupe de camarades avait conduit une petite attaque contre le commandement
de Peñas Blancas le matin même
et l’aviation bombardait la zone.
Nous entendions les rockets éclater à quatre cents mètres.
On donna l’ordre d’avancer.
J’étais caché par les roseaux.
Nous sortîmes dans une prairie
dont l’herbe nous montait jusqu’aux genoux
et les avions passaient tout près.
Je criai de colère : c’est de la folie, on nous fait sortir de nos abris
et nous voilà complètement exposés. Et toi, Martin, tu crias : n’ayez pas peur,
quand l’avion passe baissez-vous et ne bougez pas.
Courant et nous accroupissant alternativement nous parvînmes à la rivière
Là tu enlevas tes chaussures et voyant notre désespoir
tu dis tranquillement :
si une bombe nous tombe dessus on s’en ira
mais personne ne va courir.
Nous restâmes jusqu’à quatre heures de l’après-midi. À six heures nous arrivâmes
à une ferme que tu nous donnas l’ordre d’occuper.
Je fus inquiet et te demandai timidement :
nous n’allons pas faire de mal à ces gens ?
Tu répondis d’un ton catégorique : NON.
Tu achetas un cochon et deux poules.
La nuit était pluvieuse
nous couchions là où dormaient les poules.
Le camarade Astuce tremblait de fièvre
et nous n’avions pas de couvertures.
La nuit suivante nous retournâmes sur nos pas
l’attaque du commandement de Rivas étant impossible.
Sur la route un soldat te fit prisonnier
et tu fus déporté au Panama
jusqu’à ce que je te revisse au camp
dirigeant les manœuvres de cinq à six heures du matin
et le soir organisant des discussions politiques.
Je me souviens que par ton intervention on ne me changea pas de camp.
Et puis je n’entendis plus parler de toi
jusqu’à ce que me vînt avec la nouvelle
de ta mort au combat contre l’armée du tyran
ton nom de prêtre Gaspar García Laviana1.
Quand je t’ai connu je ne savais pas que tu étais curé
pour moi tu étais un bon chef
dévoué corps et âme à la lutte du peuple.
1 Gaspar García Laviana : « Comandante Martín », prêtre d’origine espagnole et combattant du Front sandiniste de libération nationale (1941-1978). C’est ainsi une figure importante du mouvement qui est évoquée dans ce poème. La poésie de García Laviana fut le premier livre publié par le ministère sandiniste de la culture.

Cigales, passereaux, éperviers (Chicharras, güises, gavilanes) par Elvis Chavarría
Cigales, passereaux, éperviers
chantent à la tombée de la nuit.
Des perroquets passent en volant vers leur chambrée
là-bas sur une colline.
C’est la nuit.
Engoulevents, chouettes, grenouilles, grillons ;
un héron tigré et son cantique rauque.
Alberto dans sa ferme dit : Il va faire sec.
La nuit se passe tranquillement.
Au matin
les trilles des oiseaux.
Juan dit : Compère, avez-vous entendu cette nuit chanter le héron ?
– Oui, compère. – Alors il ne faut pas semer.
*
San Carlos par Elvis Chavarría
L’eau tombe sur les toits rongés.
Une vieille dit : poisson frit, poisson frit.
Des chiens, des chats, des cochons dans la rue très sale.
Une voiture à bras avec une petite cloche, et un vieux :
allez, allez, les bons cônes de glace.
Cantines, barbiers, salles de billard,
stations d’essence, épiceries, lupanars.
Hirondelles, moucherons, mouches, puanteur,
marché, puanteur, marché, excréments,
puanteur, Somoza sur une affiche conchiée par les hirondelles.
Filets pleins : draps, chemises, pantalons, chemisiers,
les coups des lavandières : pon, pa, pon pa,
lessivant et encore lessivant.
Les quenettes, les pommes, les mangues, le fromage, le ragoût,
la pastèque, les boissons glacées, l’orgeat.
Encore le marché, encore des moucherons, des hirondelles,
encore des excréments, encore des affiches.
*
Nuit (Noche) par Elvis Chavarría
Une nuit très noire du mois de juillet.
On entend le chant triste d’un engoulevent.
Les scintillements de milliers de lucioles
ressemblent à ceux d’une grande ville.
Pourtant c’est une nuit à Solentiname.
*
Le troupeau (Los vacunos) par Dónald Guevara
Les bêtes courent, sautent, trépignent
tandis que le soleil réchauffe les champs.
Quand vient la nuit
elles se rassemblent toutes
formant une grande tache inerte.
Les jeunes mères lèvent les oreilles
et reniflent leurs veaux en les caressant de la langue.
Aux heures profondes de la nuit
l’adulte rumine les résidus de nourriture
qui restent dans son ventre allongé
tandis qu’il se repose de son épuisant va-et-vient.
Au matin les veaux meuglent
après leurs mères
dont la mamelle est au même moment comme une outre énorme
pleine d’eau,
les quatre pis lui donnant la forme
d’un grand vase indigène.
Le veau y colle son vilain mufle
caressant désespérément les pis
pleins de lait.
Quand l’outre énorme est vide
à force de succion et des coups
donnés par le veau de son front rondelet,
les pis tendus s’amenuisent
et deviennent comme des peaux
d’oranges vidées de leur jus.
*
Le loriot (La oropéndola) par Bosco Centeno
Le loriot sur
une branche d’arbre
picote affamé
la chair rouge
d’une pitaya ;
ma présence
interrompt son festin,
effrayé
il s’éloigne
en poussant un cri.
*
Le senzontle (El senzontle) par Bosco Centeno
Ndt. Le senzontle (ou, plus communément, cenzontle) est l’oiseau Mimus polyglottos, en français moqueur polyglotte.
Le senzontle joue sur une feuille de palmier
puis tout à coup s’envole vers le chant lointain d’une femelle
La palme continue de se balancer
*
Tyran, crains les poètes (Tenle miedo a los poetas tirano) par Bosco Centeno
Tyran, crains les poètes
car ni tes tanks Sherman
ni tes avions à réaction
ni tes bataillons de combat
ni ta police
ni ta Nicolasa2
ni quarante mille marines
ni tes rangers super-entraînés
ni même ton Dieu
ne pourront t’éviter que les poètes ne te fusillent dans l’Histoire.
2 Nicolasa : Nicolasa Sevilla Montes de Solórzano dirigeait des bandes de ruffians qui attaquaient les opposants au dictateur Somoza.
*
Frère soldat, pardon (Hermano guardia, perdoná) par Bosco Centeno
Ndt. Dans l’anthologie, les soldats de Somoza sont souvent appelés « gardes » (guardias), d’où le titre original de ce poème, car il s’agit d’une garde civile.
Frère soldat, pardonne-moi si je dois bien ajuster
mon tir pour t’abattre
mais de nos tirs dépendent les hôpitaux
et les écoles que nous n’avons pas eues,
où joueront tes enfants avec les nôtres.
Sache qu’ils justifieront nos tirs
mais que pour toi les faits seront
la honte de ta génération.
*
Le peuple dans la misère (El pueblo en miseria) par Gloria Guevara
J’étais en un lieu
où sont jetées toutes
les ordures des gens.
Et j’ai vu des enfants
avec de vieux sacs
qui les remplissaient de boîtes oxydées,
de souliers délabrés,
de morceaux de vieux carton.
Et des mouches entraient dans les sacs
et en ressortaient,
se posaient sur leurs têtes.
*
Le guérillero (El guerrillero) par Gloria Guevara
Toi qui as quitté la chaleur de ton foyer
pour chercher le véritable amour,
S’ils te tuent ta mort ne sera pas
en vain
car tu vivras dans la mémoire
du peuple.
*
L’alcoolisme (El alcoholismo) par Gloria Guevara
Je suis là entre les pierres et les ordures
puantes de mon village.
Mes vêtements sont usés et sales,
mes chaussures, finies.
J’ai mauvaise mine et sens mauvais,
tout le monde me regarde avec mépris.
Quand je suis ivre,
je chante et je crie.
Mes sœurs les mouches sont ma seule compagnie pendant le jour
Et la nuit les moustiques me sucent le sang.
*
À mon Nicaragua depuis l’exil (A mi Nicaragua desde el exilio) par Iván Guevara
Nicaragua, tu pleures, Nicaragua, comme une jeune fille abandonnée,
tu pleures, Nicaragua. Mais le jour n’est pas loin
où nous n’aurons plus à vivre dans l’exil ou la clandestinité
où ne circuleront plus en secret les tracts et les brochures.
Le jour viendra où ressusciteront des milliers de héros
encore inconnus du peuple.
Le jour viendra où nous pourrons crier en pleine rue
VIVE LE FRONT SANDINISTE
*
Après l’embuscade (Después de la emboscada) par Iván Guevara
L’obscurité tombe vite, il se met à pleuvoir et
les traces des guérilleros s’effacent.
La fatigue se fait sentir ;
la plaine qu’il faut traverser,
dans la boue et l’eau jusqu’à la ceinture, est vaste
et tout est obscur à présent, il n’y a pas d’étoiles dans le ciel ;
la colonne avance en silence.
Un seul guérillero pense encore écrire un poème.
Il continue de pleuvoir, les moustiques sortent des palmiers,
la faim et le rêve sont intenses. Je m’appuie un instant et
des épines me piquent et enflent mon corps.
On n’entend pas de coups de feu,
nous sommes déjà près du campement ;
l’ordre de repos est donné. Un camarade,
en fumant une cigarette, me demande :
Est-il vrai que tu sois poète ?
*
Sur la montagne (En la montaña) par Iván Guevara
Le vent souffle sur la montagne
où nous dressons un camp au bord d’une rivière
dont l’eau court et court
s’en va au loin et pourtant il y a toujours de l’eau ici dans la rivière.
Chemin qui ne peut dire aux soldats
d’où nous sommes venus et où nous allons ;
montagne, toi qui nous a vus dormir à même le sol
au pied d’un arbre à flanc de colline
toi aussi tu as ta loi
ainsi que le raconte la légende du cacique Nicarao ;
montagne, protège notre clandestinité,
garde nos secrets de guerre.
*
Les aigrettes (Las garzas) par Alejandro Guevara
Les grandes aigrettes
blanches, élégantes
qui pêchent tout le jour.
Elles protestent et parfois même se battent
quand une autre vient pêcher sur leur berge préférée.
Pour chaque sardine un voyage au nid
leur étroit estomac
est double
une partie pour leur nourriture et l’autre pour
le petit.
De loin une aigrette
peut être confondue avec la Vierge.
*
Les goyaves (Las guayabas) par Myriam Guevara
Celles couleur vert-bleu
sont tendres.
Les presque mûres sont vert clair.
Et les mûres sont
jaunes, et roses à l’intérieur.
Quand on touche la branche,
des guêpes noires se dispersent,
quittant les goyaves mûres piquées.
*
Les enfants de Marcos Joya (Los hijos de Marcos Joya) par Olivia Silva
Les enfants de Marcos Joya meurent faute de médicaments,
il n’y a pas d’école pour l’enfant de Ricardo Reyes,
et les vieux ne peuvent pas se nourrir
mais Somoza a les armes les plus modernes pour tuer.
*
À mes quatre fils dans la montagne (A mis cuatro hijos en la montaña) par Olivia Silva
Dans la montagne
ils n’ont pas de couvertures
avec leurs camarades
ils dorment à même le sol
l’herbe humide
dans les nuits d’hiver
mouille leurs corps fourbus ;
le petit déjeuner
ne leur arrive pas en hélicoptère
comme aux soldats.
Mais avec leur vie
ils donneront à d’autres au Nicaragua
les couvre-lits et le petit déjeuner.
Poésie révolutionnaire du Nicaragua (traductions)
Voici seize poèmes tirés de l’anthologie Flor y Canto: Antología de poesía nicaragüense (1998) publiée par le poète Ernesto Cardenal, et traduits ici en français, peut-être pour la première fois (ou peut-être pas).
Le plus grand des poètes révolutionnaires nicaraguayens est certainement Ernesto Cardenal lui-même. En reconnaissance de son œuvre littéraire ainsi que de son engagement avec le Front sandiniste de libération nationale (Frente Sandinista de Liberación Nacional, FSLN), le gouvernement sandiniste au pouvoir le nomma ministre de la culture en 1979, poste qu’il occupa jusqu’en 1987. Il fut un des quatre prêtres membres du gouvernement révolutionnaire et suspendus à ce titre par le Saint-Siège en 1984.
Il est probable que l’ensemble de son œuvre poétique a déjà été traduite en français et j’ai donc choisi de traduire ici d’autres poètes figurant dans son anthologie.
*
Berceuse sans musique (Canción de cuna sin música) par Carlos Martínez Rivas
Dors, futur citoyen du Nicaragua.
Fais dodo, mon enfant.
Une lune de cuivre jette sur La Loma1 ses rayons souillés.
Dors maintenant, tant que tu n’attends pas
de cette colline la toute-puissante signature : le sauf-conduit,
l’exonération fiscale, la grâce pour le neveu rebelle,
un coin au Trésor, l’ordre du mérite…
……………Tout !
Fais dodo, mon enfant, fais dodo.
Une bonne nouvelle met en émoi la maisonnée. La liesse éclate
parmi la parentèle, ton père a obtenu sa nomination :
Portier, Avocat de la Banque, Garde du corps, Ambassadeur…
Il sait y faire. Le vieux ne s’est pas montré novice.
Mais toi, dors. Tant que tu ne te rends compte de rien
et ne peux avoir honte de ton père.
Fais dodo, mon enfant, fais dodo.
Tu grandiras. Tu attraperas au vol le sens de la vie
sur cette belle Terre de Ruben Dario. Tu apprendras à fermer
le poing avec le pouce entre le majeur
et l’index : signe héraldique de ta Patrie.
On ne le voit pas dans le triangle de l’écusson
mais il est bien là, sous le bonnet phrygien ;
comme tu devras, toi, le garder caché dans ta poche.
……En même temps,
avec l’autre main tu serreras la main tendue,
confiante, tu parapheras les décrets et la lettre de recommandation
pour la veuve, et tu l’agiteras persuasive dans tes discours.
Mais dors, dépêche-toi de dormir à présent,
tant que tu n’as pas commencé à être malhonnête.
Tant que tu n’as pas souillé la Mitre, l’élevant
entre tes tremblantes mains pastorales en défense de l’Oppression ;
Tant que tu n’as pas rédigé l’ordre d’appréhender le mari
de ta sœur et n’as pas encore tabassé à coups de crosse dans le cachot le compagnon
de tes années de lycée ; tant que n’as pas inscrit
ton pauvre nom sur la liste des adhésions.
Dors, parce que tu es encore intègre
dors, alors que tu es encore inoffensif
dors, tant que tu ne t’es pas encore vendu,
futur Archevêque, Lieutenant, petit employé.
Pardonne-moi, ce soir je ne t’ai pas raconté un conte de fées,
je suis venue t’embêter avec la vérité.
Comme tu as sommeil ! Tes paupières se ferment…
Dors, futur citoyen du Nicaragua.
Fais dodo, mon enfant.
1 La Loma : Palais présidentiel du Nicaragua, dans la capitale Managua.
*
Aèdes et Tyrans (Aedas y Tiranos) par Ernesto Gutiérrez
Pausanias raconte
qu’Anacréonte à la cour de Polycrate
tout comme Eschyle avec Hiéron à Syracuse
adressaient leurs chants aux tyrans,
de même que Simonide ;
mais Hésiode et Homère, NON
ils ne se commirent point avec les rois
et renoncèrent
à la richesse des puissants
pour la renommée auprès du plus grand nombre
Ce n’était pas précisément de l’immoralité
chez ceux-là
car il ne faut pas oublier qu’à Marathon et Salamine
Eschyle combattit contre les Perses ;
mais c’est chez Hésiode une agreste vertu
et un trait de magnanimité chez le vagabond Homère
qu’ils aient chanté pour le Démos
et non pour ceux qui le gouvernent tyranniquement
Ainsi et jusqu’à nos jours
les poètes sont
les uns avec les tyrans
les autres contre eux
Mais tandis qu’Hésiode et Homère
couvrent toute l’Hellade
Anacréonte, Eschyle et Simonide
seulement une partie.
*
Rapport quotidien (Parte del día) par Luis Rocha
L’histoire se répète.
Les trahisons se répètent.
L’ennemi est toujours le même.
La mort se répète.
………. « Il ne restait que les maisons pleines de fumée… »
raconta le prisonnier depuis sa geôle
et Novedades2 en écho sordide :
….. « Un triomphe de plus pour le gouvernement de notre excellentissime Général de division Anastasio Somoza Debayle »
et le jésuite ex-recteur de l’UCA3 approuvait :
….. « C’est la seule façon d’en finir avec ces gens… »
et le peuple attendit que la fumée se dissipât
pour chercher les corps mais il ne trouva rien
il sut seulement qu’ils étaient toujours en vie
que c’étaient trois hommes
et une femme
et le peuple pensa :
….. « Jamais tant de moyens militaires n’ont été déployés pour tuer si peu de gens »
et il sentit non sans douleur
que quelque chose commençait à germer en lui.
Enveloppées de fumée hantée par des fantômes en ruine
les maisons canonnées et mitraillées
apparaissaient aux yeux du peuple :
….. « On assassine la jeunesse du Nicaragua »
dénoncèrent les poètes
et leurs livres furent interdits
et depuis lors comme jamais auparavant
apparut la marque, le sigle,
griffonné, écrit à la hâte
sur les murs et dans les rues :
……….FSLN
……….FSLN
……………….front…
« Les Sandinistes sont partout »
« Le Front apparaît au dictateur jusque dans sa soupe »
disait le peuple, et Somoza :
« This is a stupid situation:
I am a friend of the United States »
et alors Somoza Salue Mister Shelton
et Mister Shelton adresse un petit signe
aux conseillers militaires nord-américains
et Mister le Président des USA espère
que la situation va se décanter :
300 personnes enrôlées dans la Garde Nationale
équipées avec le meilleur armement moderne made in usa
et recevant un entraînement rigoureux et prolongé en « contre-insurrection »,
fusils Garand, Mausers, 30×30, M1, carabines, bombes,
gaz, boucliers, masques, pistolets Smith & Wesson calibre 9,
trois véhicules blindés, des mitraillettes de tous calibres, des bazookas,
équipement mobile, bulldozers, radios, ambulances et un tank Sherman
« combattirent héroïquement pendant quatre heures »
contre trois hommes et une femme du
Front sandiniste de libération nationale.
À la fin de l’« affrontement »
ils donnèrent la mort aux trois hommes
et firent la femme prisonnière.
Selon le rapport, les « bandits » ou « délinquants »
moururent au cours de l’assaut
mais la femme dit qu’elle fut outragée
battue humiliée violée
et qu’elle put voir ses camarades
prisonniers et toujours en vie.
De nouvelles affiches apparaissent dans les lycées et les universités :
….. « Le Che vit dans nos consciences »
….. « Vive le père Camilo Torres ! »
….. « Patrie libre ou mourir »
…………… « Sandino est toujours liberté »
Les G.N. continuent de combattre
et d’autres maisons restent pleines de fumée.
Le peuple regarde la scène :
« Mais que se passera-t-il quand la fumée se dissipera ? »
Mister Somoza trinque avec Mister l’Ambassadeur :
le peuple regarde la scène.
Le bureau des affaires juridiques et relations publiques de la G.N.
publie un communiqué selon lequel
….. « le mouvement subversif a été étouffé »
et « le peuple nicaraguayen doit être reconnaissant
au Général de division Anastasio Somoza Debayle
pour la façon dont il préserve la paix »
Le peuple regarde la scène
et la misère s’accroupit comme un gémissement
dans ses entrailles.
La pauvreté produit un silence tonitruant
tandis que
….. « On assassine la jeunesse du Nicaragua »
et le peuple regarde la scène
et les maisons restent pleines de fumée
et le Front apparaît de nouveau
et Mister Somoza boit d’autres verres avec Mister l’Ambassadeur
et les maisons de nouveau pleines de fumée
et le peuple regarde la scène
et les cœurs battent de plus en plus violemment
et les consciences éclatent
comme des grenades.
2 Novedades : journal.
3 UCA : Universidad Centroamericana, l’Université d’Amérique centrale, université privée.
*
Le peuple (El pueblo) par Carlos Pérezalonso
Le peuple est comme le soleil et la lune qui paraissent chaque jour.
Il est grand dans sa naïveté
Et c’est précisément par sa naïveté qu’il est grand.
Le peuple est au contact des belles choses de la terre.
Et ses paradis sont naturels (comme le Paradis)
Dans la mort il est simple comme le pain
Bien que l’on cherche toujours à le disperser et à l’exterminer.
Mais le peuple a de nombreuses têtes et beaucoup de bras
qui repoussent comme les herbes folles dans les semis
Le peuple est sans fin. Et suprêmement riche.
Il contient la vie et la préserve contre les soudards
les usuriers
les possesseurs de la terre (qui n’en sont pas les maîtres)
contre ceux qui inventent l’histoire et
contre ceux qui l’oublient
contre ceux qui codifient la religion et
contre ceux qui codifient et ensuite oublient les lois
pour faire d’autres lois
qu’ils oublient après elles aussi.
Du peuple sortent les rois et les putes
et les rois oublient qu’ils sont du peuple
Du peuple sortent les poètes et les riches
Et les riches quand ils sont riches
ne sont plus du peuple
Le peuple est aimé comme les taureaux et les tourterelles
Et on le pourchasse et on le tue comme les taureaux et les tourterelles
Cependant le peuple ne meurt pas mais il dort
Et un jour se réveillera avec ses centaines et ses milliers et ses millions de bras
Et alors, pauvres de vous, usuriers et soudards,
pauvres de vous, rois !
*
Petroleum par Beltrán Morales
(À écrire pendant les premiers jours de l’après-guerre)
Avec le pétrole
Des avions de guerre purent être ravitaillés
Et cracher le feu depuis le ciel
Sur mes grandes cités
Et mes petits villages
Avec leurs rues de poussière et de pierre
Et un lampadaire rachitique dans chaque rue.
Sur eux et sur les champs de blé, mon amour,
Où des milliers de gens après ne purent
Saisir une poignée de terre car
Il n’y avait plus de terre ; et quand bien même, sans doigts
Il est impossible de saisir quoi que ce soit avec les mains.
Que le pétrole travaille pour la Paix
Et que c’est grâce à sa profusion en son sein
Que le Monde Libre s’est libéré
d’Adolf et de Benito,
Admettons-le comme véridique.
Mais si les alliés se sont libérés
(Et ils disent qu’ils nous ont aussi libérés)
Du terrible Axe Rome-Berlin-Tokyo
Nous autres, dites, qui
Nous libérera des alliés ?
*
Travail volontaire (Trabajo voluntario) par Vidaluz Meneses
Laissons bureaux,
mémorandums et rapports
et partons pour les champs de café.
Femmes, souvenons-nous de nos mois de grossesse
quand nous attacherons le panier à la ceinture
et augmenterons lentement son poids
avec notre cueillette de café.
Cueillons sur les arbustes lourds de fruits
les petites boules rouges et brillantes semblables à des cerises ;
d’autres noircies par la maturation
acquièrent la nuance du raisin
leur contact au bout des doigts
tente l’imagination.
Les fruits mûrs jaunes ou verts, ovales ou ronds
comme des poires et des tomates minuscules.
Dans les champs de la récolte
sont dispersés les grains.
Certains noirs et ridés comme des raisins secs
d’autres durs, calcinés comme des semences.
Dans ce paradis fruitier,
vert sur la branche verte glisse
l’urticant chichicaste.
Quand il t’attaque, la douleur est comme d’une injection d’huile.
La sagesse des campagnes a découvert qu’en lui
sont la vie et la mort,
que son excrément vert, intense
appliqué sur une piqûre
apaise la douleur et prévient la fièvre.
Cueillir le café comme le coton
c’est retourner à nos racines
quand nos premiers pères récoltaient le cacao.
Le café et le coton sont aujourd’hui notre monnaie.
*
Hommage infime (Mínimo homenaje) par Vidaluz Meneses
Avec l’économie à terre.
Sans bureaux ni machines
à écrire en nombre suffisant,
relevant le défi
de la seconde étape de ton œuvre, Carlos4,
et c’est comme quand tu partis pour la montagne
avec quelques camarades, des armes en nombre infime
……….et un drapeau.
4 Carlos : Carlos Fonseca Amador (1936-1976), fondateur du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), tué trois ans avant la prise du pouvoir par le Front.
*
Le marchand de noix de coco (El vendedor de cocos) par Daisy Zamora
Sous la rangée d’acacias le long de la chaussée
l’homme choisit toujours la même place à l’ombre.
C’est un rite quotidien, vider la charrette,
séparer les noix de coco, et au fil de la machette
peler chaque noix jusqu’à ce que
la sphère de chair blanche soit à nu.
La femme les propose
………deux ou trois sous chaque bras
esquivant les bus,
sautant entre motocyclettes et voitures ;
attentive aux feux de la circulation
pour aller chercher d’autres noix de coco.
De loin, la blancheur des noix de coco reluit
comme les crânes des soixante-quinze enfants Miskitos
tués par la milice somoziste à Ayapal :
WAN LUHPIA AL KRA NANI BA TI KAIA SA
(Mort aux assassins de nos enfants)
criaient leurs mères.
Les enfants du marchand de noix de coco
mangent une noix de coco à leur réveil
puis une noix de coco au milieu de la journée
sous l’acacia entouré d’écorces de noix.
TAWAN ASLA TAKS, TAWAN ASLA TAKS
(Peuple unis-toi, Peuple unis-toi)
criaient les mères
BAILA WALA WINA, BALAYA APIA
BAILA WALA WINA, BALAYA APIA
BAILA WALA WINA, BALAYA APIA
(De l’autre côté ils ne passeront pas).
*
La Bible racontée aux enfants par Richard Nixon (La Biblia contada a los niños por Richard Nixon) par Alejandro Bravo
Et Dieu créa Superman
à son image
et il l’appela USA
et lui dit :
………. « Croîs et multiplie
………. et remplis la terre »
Et ce peuple crût
comme l’herbe des champs
il se multiplia
comme le sable de la mer
Et Dieu parut
……….à Henry Ford
et celui-ci conçut la Fondation Ford
……….et à Dupont
et Dieu en personne
créa la General Motors
Autour du peuple
élu de Dieu
il y avait d’autres peuples
qui convoitaient son bonheur
comme les Coréens
……….et les Vietnamiens
Et le peuple élu
sur ordre de Dieu
déclara la guerre sainte
à ces peuples
qui se lancèrent altérés
contre le peuple de Dieu
comme s’était lancé Caïn
sur son frère Abel pour l’assassiner
Dieu envoya
ses anges B-26
puis
ses archanges B-52
et des légions de chérubins
………………..(Marines)
contre ces peuples
dévoués à Satan
Satan est un autre chapitre
de cette histoire
que je vous raconte
Il y avait jadis
un homme qui jalousait
la majesté de Dieu
et s’appelait Karl Marx
Il jalousait également
le peuple élu de Dieu
– Dupont, Ford,
Rockfeller, Vanderbilt –
et souleva par ses livres
d’autres hommes jaloux
de Dieu et de son peuple
Ils créèrent un enfer
et l’appelèrent URSS
et ils l’étendirent jusqu’en
Indochine
……….– en Asie –
et Cuba
……….– en Amérique –
Le peuple élu
a mené et continuera de mener
de nombreuses guerres saintes
contre ces peuples corrompus
Un peu avant que les disciples de Satan
ne créassent leur enfer
Dieu voulut purifier le monde.
Après la création de l’enfer
il décida de le repurifier
et c’est ainsi qu’il envoya
le Premier
et le Second Déluge
que les hommes appelèrent
Guerres mondiales
Ensuite il envoya son fils unique
qui s’appelait Multinationale
Le Messie se sacrifie
pour votre salut
Il fonda son église
qui est Une et Apostolique
Au principal de ses apôtres
il dit :
………. « George tu es dollar
………. et sur cette monnaie
………. je bâtirai mon église »
De cette église
moi, Richard Nixon,
je suis aujourd’hui le représentant
sur la terre.
*
A Chicha (Tony) tombé à Nueva Guinea [A Chicha (Tony) caído en Nueva Guinea] par Bosco Centeno
Tu disais que pour toi la mort était
comme un beau poème
et quand tu tombas ton sang arrosa les épis de maïs
que tu avais mis dans les poches de ton uniforme
et sur ton corps ont germé les grains
et des épis ont poussé grands et forts.
*
En sueur et couverts de boue (Sudorosos y enlodados) par Bosco Centeno
En sueur et couverts de boue
trois jours de marche et quatre en embuscade
pâles, le corps mangé de piqûres
le sac pesant comme une croix
passant lentement les avant-postes du campement,
les camarades nous interrogent du regard :
tous au complet ? Camarade pas un tir de sept jours,
rien à raconter.
D’autres camarades partiront demain en embuscade.
*
Cette lune qui se confond (Esta luna que se confunde) par Bosco Centeno
Cette lune qui se confond
avec les enseignes de néon
entre de grands édifices de fer et de ciment
j’ai peine à croire qu’elle monte entre îles et lac
devant ma maison à Solentiname5.
Il y a ici des voitures, des motos, du bruit
mais je ne les entends pas comme dans la rumeur du lac
le chant de l’engoulevent et de la chouette.
5 Solentiname : Bosco Centeno était membre de la communauté fondée à Solentiname par Ernesto Cardenal.
*
Quand la lune se cache (Cuando la luna se oculta) par Manuel Martínez
Quand la lune se cache
on ne voit plus que la silhouette des palmiers
les hérons endormis
comme des statuettes de marbre
et l’on entend courir le vent
par le marais.
Les heures passent lentement
et je veille dans le noir
personne ne doit passer la frontière.
*
Embuscade (Emboscada) par Manuel Martínez
C’était dans un méandre du Rio Kama.
Le blanc sillage d’écume
comme une traînée de givre,
là-bas, sur le dos paisible
du fleuve et la brise légère
remuée par le bruit du moteur.
Depuis l’aval le hors-bord vint
au contact. Là où l’épaisse
mangrove immerge ses vertes
branches et la sombre humidité
dessine un ciel grisâtre.
Le site du guet inévitable
dans le silence. Étrange sensation
bourdonnant dans les entrailles
comme un vide dans l’estomac.
Ce fut un envol soudain de hérons
effrayés et l’anthracite charivari des singes congos
dans les profondeurs quand retentit
la rafale sur le miroir ensanglanté du fleuve.
Le canot solitaire
à la dérive
poussé par le courant.
*
Même si ma vie ne dure pas (Aunque mi vida no alcance) par Ernesto Castillo Salaverry (1957-1978)
Même si ma vie ne dure pas
jusqu’au jour de la victoire,
mon combat ne sera pas vain
car dans la joie du peuple
il y aura une nuance de tristesse
mêlée d’espoir
et ils diront :
Camarades,
souvenons-nous de ceux
qui sont tombés au combat.
Alors chacun saura
que n’ont pas été inutiles
mon geste et celui de beaucoup d’autres
qui savent que même si
nous devons ne pas le voir de nos yeux,
le jour est proche.
*
Courte lettre à ma fille Carla (Pequeña carta a mi hija Carla) par José Mendoza (1961-1989)6
Carla, hier, le 22 décembre, j’ai reçu tes dessins
qui m’ont été apportés par Gregory Taylor Down,
chef de l’arrière-garde de la 3002 à Mulukuku.
L’arc-en-ciel et l’arbre de Noël sont très jolis.
Mais ce sont les portraits de Sandino et du garçon, ton petit frère,
qui me plaisent le plus. Ils sont tellement beaux.
……Je m’imagine sans peine ton application
à les dessiner, la poitrine sur la table,
et tes cheveux tombant sur ta figure presque collée à la feuille de papier,
tandis que tes lèvres pressent ta langue
et que les crayons deviennent un carrousel de couleurs pêle-mêle.
Tu m’as fait tellement plaisir !
J’ai été heureux pendant une minute dans cette guerre !
…..Je voudrais être avec toi, ta mère et le bébé,
t’apprendre les nombres,
te répéter à voix haute les lettres de l’alphabet,
me changer en magicien, le plus grand du monde,
ou en clown capable de jongler avec
un arc de nombres et de lettres :
…………………………….5……..A
……………………..4……………………E
………………3…………………………………..I
……….2………………………………………………….O
…1……………………………………………………………..U
Je suis privé de la joie de te voir grandir, de te voir courir.
Comme je voudrais jouer avec toi et le petit cerf que je t’ai apporté de Mancotal
t’emmener au parc et à la grande roue de Chicago7.
Pour cette raison, peut-être que sans le savoir nous sommes aussi toi et moi des mutilés
…………………………….de guerre.
Vous me manquez et c’est comme si c’était la vie qui me manque.
Je ne sais pas si du haut de tes cinq ans tu pourras me comprendre.
Un jour nous serons de nouveau réunis… Ce qui se passe
c’est qu’un méchant magicien fils d’une sorcière glacée et affreusement laide,
le vieux génie du Mal qui s’appelle Reagan
…..– tu es déjà capable de le reconnaître à la télé –
nous retient sur le champ de bataille.
Nous sommes comme des victimes prisonnières de son sortilège.
…..Il pointe vers nous son énorme nez
montre ses dents et sort ses griffes souillées.
C’est le grand méchant loup suivi de tout une bande de méchants loups
…..à la poursuite du Petit Chaperon rouge-noir8.
…..Et il faut défendre le jardin du Petit Chaperon rouge-noir
…..c’est pourquoi les papas
portent des habits verts comme le printemps
et sont armés de gourdins, de haches et de machettes.
Mais un jour, ma fille, sur l’ardoise que tu as dans le patio
je t’apprendrai les nombres et les lettres du ciel et de la terre
et quand je verrai ton bonheur, ton sourire, entre nous deux
se tendra l’arc-en-ciel comme un chemin jusqu’au soleil.
6 Comme le Che après la révolution cubaine, José Mendoza, après la victoire de la révolution sandiniste au Nicaragua et plusieurs années de combat contre les Contras dans le pays (ce qu’il évoque dans le présent poème), poursuivit la lutte révolutionnaire à l’étranger. Il mourut en Argentine lors de l’assaut de la caserne de La Tablada par la guérilla guévariste du mouvement « Todos por la Patria ».
7 Il existe un Chicago au Nicaragua.
8 Petit Chaperon rouge-noir : c’est-à-dire aux couleurs du FSLN.

Ernesto Cardenal, le jour de la victoire de la révolution, 19 juillet 1979 : “Le triomphe de la révolution est le triomphe de la poésie.”
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Pour mes traductions de poèmes de la Révolution cubaine, c’est là.


