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Note sur l’indonésien

Le texte suivant a été publié dans la défunte revue de l’Association franco-indonésienne Pasar Malam, Le Banian (n°20, décembre 2015), au comité de lecture de laquelle j’appartenais.

Il a été écrit pour alimenter la rubrique L’indonésien, langue exotique? pour les auteurs d’origine française, qui alternait avec Le français, langue exotique? pour les auteurs d’origine indonésienne.

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L’indonésien est une langue tout aussi exotique que l’anglais et je présenterai à l’appui d’une telle affirmation plusieurs points communs à ces deux langues.

Tout d’abord, l’indonésien s’écrit, comme l’anglais, en alphabet latin, et il faut bien reconnaître que c’est quelque chose d’assez rare pour la langue d’un pays d’Asie. C’est aussi le cas du malaisien, qui est sa sœur jumelle, même si l’on me dit que ces deux jumeaux ne sont pas monozygotes. La Malaisie a quelques tendances à utiliser aussi les caractères arabes (huruf jawi), et les deux alphabets ont un statut officiel dans le sultanat de Brunei. Le vietnamien recourt également à l’alphabet latin, le quoc ngu, introduit par les missionnaires chrétiens dans le pays. La surabondance des signes diacritiques dans ce système, notamment pour rendre les tons propres à cette langue tonale, en rend l’aspect de prime abord assez rébarbatif, même si c’est peut-être un système très ingénieux, ce que j’ignore. La transcription de l’indonésien, langue non tonale, ne présentait pas à cet égard les mêmes difficultés, et il se lit et s’écrit, dans un alphabet latin dépourvu de signes diacritiques, à peu près comme il se prononce, quelques ambiguïtés subsistant en ce qui concerne la voyelle écrite « e ». À titre de comparaison, l’anglais, qui ne possède pas non plus de signes diacritiques (le tréma, que l’on trouve dans quelques œuvres classiques, a disparu en cours de route), est beaucoup plus incertain, et il est à peu près impossible de savoir comment prononcer un mot de cette langue en le lisant si on ne l’a pas entendu prononcer auparavant. De son côté, l’alphabet arabe doit, pour écrire le malaisien, subir quelques menus aménagements.

Deuxièmement, si l’anglais est une langue du groupe indo-européen, l’indonésien possède lui-même un grand nombre de vocables d’origine indo-européenne par le biais du sanskrit, et l’étude de l’indonésien, comme celle du thaï et du cambodgien, est même une voie intéressante pour acquérir des notions de cette langue aussi peu exotique que possible. Car si le sanskrit est une langue exotique, le grec et le latin, fondements de la culture classique et des humanités occidentales, le sont également. Au passage, si les spécialistes s’accordent pour considérer tant le sanskrit que le grec et le latin comme des idiomes issus d’une mystérieuse langue proto-indo-européenne, un auteur indien comme P. N. Oak affirme que c’est en fait le sanskrit lui-même qui est la langue prototype des autres langues indo-européennes, mais je ne discuterai pas plus avant les thèses étonnantes d’un chercheur dont l’hindouisme militant a pu conduire certains, parmi les cercles dirigeants de l’Inde, à le considérer comme une menace au « communalisme » inscrit dans la Constitution indienne, notamment en raison de son révisionnisme historique relativement au rôle de l’islam dans la péninsule. Le fonds néerlandais, autre langue indo-européenne, celle-là moderne, est également loin d’être négligeable en indonésien.

Troisièmement, l’indonésien comme l’anglais possèdent un fonds important de vocables d’origine arabe. Ce n’est guère étonnant dans un pays à forte majorité musulmane et qui est même le pays ayant la population musulmane la plus nombreuse au monde. Ainsi la connaissance de l’indonésien est-elle également une voie d’accès possible à la culture arabo-islamique (sans vouloir minimiser les particularités de « l’islam malais », expression consacrée). Je ne prétends pas qu’il en aille exactement de même de la connaissance de l’anglais, bien que les mots d’origine arabe soient plus nombreux qu’on ne le pense généralement dans les langues européennes. Ce n’est pas seulement le cas pour l’espagnol et le portugais, même si les termes d’origine arabe sont particulièrement nombreux dans ces deux dernières langues ; les Arabes ont été de grands voyageurs, et c’est à leur contact que les Européens du Moyen Âge ont pris connaissance des réalités exotiques que ces voyageurs rencontraient.

Quatrièmement, dans Le Banian n° 18 (décembre 2014), M. Jean Rocher rapporte que l’interprète officiel de la présidence indonésienne lui dit un jour que l’indonésien était la langue la plus simple du monde. Je voudrais un tout petit peu nuancer ce propos, de la façon suivante : l’indonésien est la langue la plus simple du monde après l’anglais. Ainsi que Schopenhauer l’a fait remarquer, c’est un fait difficile à expliquer que les langues les plus grammaticalement complexes sont aussi les plus anciennes : que l’on pense aux déclinaisons du grec et du latin, bien plus nombreuses que celles qui subsistent dans nos langues vivantes. Si le même Schopenhauer vante par ailleurs la précision de l’allemand, langue  vivante relativement complexe au plan grammatical — et donc archaïque ! — et si le cursus classique d’études de langues mortes complexes a longtemps été perçu comme une formation indispensable de la pensée, force est de constater que la simplicité de l’anglais (langue que le philosophe allemand Arnold Gehlen qualifie de « topologique »+++) n’a nullement empêché les nations qui le parlent et l’écrivent d’exceller dans tous les domaines de la science, des arts et de la pensée, ni d’avoir marqué d’une empreinte profonde et durable l’évolution du monde moderne. Face à un tel constat, il m’arrive de penser que les langues grammaticalement complexes sont des langues bientôt mortes. Entre parler franglais, qui est le français contemporain tant il semble que seul le monde anglo-saxon soit en mesure de forger des termes à même de décrire les évolutions du monde telles qu’elles se font jour sous nos yeux, peut-être parce qu’il est le seul, en Occident du moins, à conduire ou influencer ces évolutions, et que les autres nations occidentales sont vouées à lui emprunter toute nouveauté sans jamais en impulser elles-mêmes aucunes, entre parler franglais, dis-je, et parler anglais, il n’est pas certain, j’en ai peur, que le bon sens recommande fortement à un Français, if he can help it, de choisir coûte que coûte la première option, à l’ère du village global.

La réforme de l’orthographe indonésienne de 1972, abandonnant le système néerlandais pour un système anglo-saxon (Soekarno devient — ou ne devient pas — Sukarno, Pantjasila devient Pancasila, etc.), est assez frappante, dans ce contexte, en ce qu’elle manifeste une volonté de rendre l’indonésien le plus familier, le plus international et le moins « exotique » possible. Étant entendu que le néerlandais est une langue hyper-exotique, à tel point que les universitaires néerlandais n’écrivent pratiquement plus qu’en anglais, comme le reste de la communauté savante internationale à un degré plus ou moins grand (plutôt moins que plus en France). Mais il est sans doute moins coûteux à un Néerlandais de renoncer à sa langue maternelle pour l’anglais, en raison d’une proximité culturelle plus grande, qu’à un Chinois ou un Arabe, par exemple ; as things are, le coût de la mondialisation est moins élevé pour les nations occidentales.

L’indonésien est donc, d’un autre côté, un peu plus exotique que l’anglais en ce sens que son étude relève d’une plus grande spécialisation. J’ai cependant tenté de démontrer, aux 2° et 3°, que cette étude pouvait se faire dans un esprit généraliste, c’est-à-dire philosophique, comme toute autre étude, l’hyper-spécialisation qui sévit dans nos universités n’étant ni plus ni moins qu’un symptôme de décadence. Alors que nous avons en France défendu bec et ongles un lycée généraliste pour le plus grand nombre, il n’existe d’autre choix pour ceux qui en sortent avec les honneurs que la spécialisation à outrance. Si l’on me rétorque que l’avancement des diverses branches des sciences en rend l’acquisition de plus en plus longue et difficile, je réponds que c’est la raison pour laquelle il est temps que l’État subventionne, sa vie durant, toute personne souhaitant consacrer celle-ci (sa vie) à étudier, et qu’il la subventionne sans condition de spécialisation, ni aucune autre condition d’ailleurs, en sachant que cela concerne en particulier le nombre de plus en plus grand de jeunes qui s’inscrivent, avec la bienveillante sollicitude de l’État, dans des filières sans le moindre débouché professionnel connu.

Outre le fait que cela permettrait à davantage de personnes d’étudier des langues exotiques telles que l’indonésien sans craindre d’être enfermés dans une niche “orientaliste”, c’est ainsi que l’esprit des Lumières et de l’Encyclopédie pourrait être maintenu dans ce pays. Comme il faut bien reconnaître, en même temps, que l’accumulation des connaissances positives sous l’effet de ces mêmes Lumières a été prodigieuse, tous les raccourcis pertinents dans les voies de la connaissance sont les bienvenus, et je me réjouis qu’il en existe un sous la forme de la langue indonésienne, dont la simplicité (une simplicité toute relative, bien sûr, en raison notamment de son vocabulaire bien distinct, alors que l’espagnol, dont la grammaire est complexe, reste d’accès facile pour un Français en raison du nombre important de mots facilement reconnaissables) permet d’en faire un outil pratique pour acquérir des notions sur les cultures sanskrite et islamique. Ce qui n’empêche pas de s’intéresser à la culture indonésienne an sich (par exemple à la Pancasila an sich) – mais peut-on comprendre l’une sans les autres ?

Afin d’illustrer les différents points de mon propos, j’ai rassemblé dans le glossaire suivant quelques mots du vocabulaire indonésien. Sa lecture rendra manifeste, je pense, l’exotisme de l’indonésien, à savoir l’existence de réalités culturelles spécifiques et distinctes des nôtres, mais aussi ce que l’indonésien partage avec d’autres idiomes, dont les langues européennes.

+++En anglais, on place des mots les uns après les autres, sans leur faire subir de modification en fonction de leur cas grammatical, de leur genre, etc. C’est « topologique » : le mot n’a qu’une position (un topos), pas de déclinaison, de flexion, etc. À strictement parler, il est faux de dire cela de l’anglais, et Gehlen le sait, bien sûr, mais, comparé à l’allemand, au grec, au latin, c’est une tendance bien réelle. Il serait plus vrai de le dire de l’indonésien ! L’indonésien : langue topologique.

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Glossaire

Légende : AR arabe, IN indonésien, SK sanskrit, TH thaï (cette langue fait fonds elle aussi sur le sanskrit), UR ourdou (l’ourdou et l’hindi sont quasiment identiques ; c’est le système d’écriture qui constitue la principale différence, une écriture arabo-persane pour la première, sanskritique – le devanagari – pour la seconde). En l’absence de mention particulière, les définitions des termes indonésiens sont tirées du dictionnaire général indonésien-français de Pierre Labrousse ; je les complète dans certains cas par celles du Kamus Besar Bahasa Indonesia (KBBI), accompagnées de mes traductions.

Antakesuma. (skr. néol.) Baju antakesuma, vêtement fait de diverses pièces de tissu et permettant de voler. / J’ai relevé ce terme pour appeler l’attention sur l’existence en indonésien de néologismes construits à partir du sanskrit. Ces néologismes, comme ceux qui se fondent sur le grec ou le latin dans les idiomes européens, concernent principalement des réalités modernes, telles que des inventions et découvertes scientifiques. L’Indonésie n’a cependant pas autant pratiqué le néologisme sanskrit que la Thaïlande et le Cambodge. Là où les Indonésiens ont tendance à recourir au néerlandais, ces deux pays ont créé des néologismes pour des objets aussi variés que le téléphone, le microscope, la télévision…, et ce de manière concertée, semble-t-il, puisque ce sont les mêmes néologismes ; à moins que l’un ne les ait empruntés à l’autre. Tous ont néanmoins abandonné la pratique entre-temps, et se bornent aujourd’hui, comme les Européens, à adopter telles quelles les créations anglo-saxonnes, lesquelles recourent elles-mêmes de moins en moins au grec et au latin.
Il s’agit ici d’une notion légendaire, et d’un néologisme vraisemblablement ancien, employé dans le théâtre wayang, comme l’indique la définition du KBBI ci-dessous. Le -kesuma en question est l’IN kesuma ou kusuma, du SK कुसुम (kusuma), fleur, et l’anta- provient sans doute du SK अत्क (atka), habit, vêtement, la combinaison signifiant donc un « habit de fleurs ».
KBBI 1 baju dr cita berbunga-bunga (baju yg dianggap sakti) 2 baju yg dipakai Gatotkaca (dl pewayangan) yg menyebabkannya dapat terbang.
1 Vêtement de perse indienne [cita ; en français également appelée chintz] orné de nombreux motifs floraux (vêtement considéré comme étant magique) 2 Vêtement porté par le personnage de wayang Gatotkaca et lui permettant de voler.

Aria, Arya. (région. jav. – skr.) Appel. (titre de noblesse javanais). / Ce titre aristocratique n’est autre que le mot « Aryen », du SK आर्य (ârya), qui servait également de titre honorifique dans la culture sanskrite. Il n’est pas certain que le terme ait eu dans cette culture un sens racial. (Selon P. N. Oak, que j’ai déjà cité, la guerre entre Aryas et Dasyus évoquée dans le Rigveda n’est pas, historiquement, une guerre raciale, comme l’affirme l’indologie classique européenne, mais le combat de la nation de culture sanskrite, multiraciale, contre… des êtres surnaturels.)

Atar. Parfum. / De l’AR عطر ج عطور (‘itr pl. ‘utûr), aromate, arôme, parfum. Ce mot arabe existe, sous la forme attar, ou otto, en anglais, où il désigne une huile essentielle obtenue à partir de fleurs, et sert à former des mots composés tels que attar-of-rose. L’expression « attar de roses », que l’on peut trouver sur internet, n’existe pas dans le Grand Robert et n’est, si je puis dire, qu’un anglicisme de plus.

Baja. Mélange d’huile et de noix de coco râpée pour noircir et fortifier les dents. / Les femmes thaïlandaises également se coloraient les dents en noir, afin d’accroître, me dit-on, leur séduction. C’est une pratique qui a disparu.
[Addendum : La pratique a existé dans de nombreuses cultures d’Asie, par exemple au Japon où elle était connue sous le nom d’ohaguro.]

Batok. (région. jav. jkt.) Coque, coquille de noix de coco ; arang batok, charbon de noix de coco. / L’emploi de charbon de noix de coco montre que nous sommes en milieu exotique.

Beringin kurung. Banian sacré (devant la mosquée et entouré de grilles). / Le banian est un arbre sacré dans l’hindouisme et le bouddhisme. C’est apparemment un arbre sacré aussi dans l’islam malais.
N.B. Non, cette interprétation ne tient pas. Le banian ne peut être sacré en islam : ce serait du shirk, de l’« idolâtrie », de l’« associationnisme » (associant un autre culte au culte d’Allah). La définition du Labrousse m’a induit en erreur. Ce banian ne peut être qu’un plaisant élément décoratif de la mosquée et de son terrain. (Qu’on pardonne à un incroyant de se livrer à de l’exégèse islamique ; mon excuse est que c’est devenu très courant.)

Ginkang, Gingkang. (chin.) Science de l’allègement du corps. / J’ai omis d’évoquer dans mon propos liminaire la présence d’un riche vocabulaire d’origine chinoise dans la langue indonésienne, dont témoigne cette science mystérieuse.
KBBI (Cn) penguasaan gerakan badan dl permainan silat melalui tenaga dalam.
Contrôle des mouvements du corps par la force intérieure, lors des combats de silat. / Le silat est l’art martial pratiqué en Indonésie. Si le contexte est ainsi précisé, cette définition n’est guère plus explicite que la précédente. Le lecteur curieux est invité à consulter les traités de silat.
N.B. Un certain nombre de mots indonésiens empruntés au chinois se retrouvent à l’identique en thaï. Pour n’en donner qu’un seul exemple, l’IN kongsi se lit en TH กงสี (kongsi), et le terme désigne dans les deux cas une société commerciale.

Janggi, Zanggi, Zenggi. n. 1 Abyssin, Nègre 2 Tzigane. / De l’AR زنجي (zanji). Le nom est connu en histoire islamique en raison de l’épisode de la Révolution des Zanjs, ces esclaves révoltés qui créèrent leur propre État en Irak, en opposition aux califes.
KBBI 1 orang Habsi; orang hitam 2 segala sesuatu yg ajaib.
Un Éthiopien (Habsi : Abyssin) ; un Noir 2 Toute chose ou personne étrange ou extraordinaire. / Il n’est pas question, ici, de Tziganes.

Karang. Ilmu karang, science de l’invincibilité. Kebal. Ilmu kebal, science de l’invulnérabilité. / Des sciences qu’il doit sûrement être avantageux de connaître.
N.B. Ilmu n’est autre que l’AR علم (‘ilm).

Kécap. (chin.) Sauce de soja. / L’homophonie presque parfaite de ce terme avec le mot ketchup n’est peut-être pas fortuite, dans la mesure où les dictionnaires de la langue anglaise tracent l’étymologie de ce dernier dans une sorte de pickles de la cuisine indienne. La sauce de soja est certes un condiment très courant de la gastronomie chinoise, mais je ne saisis pas bien par quelles altérations phonologiques le mot jiangyou, qu’on me dit être le nom original, peut devenir ketchup. Que dit le dictionnaire indonésien ?
KBBI 1 saus 2 gerakan mulut (membuka dan mengatup) spt ketika makan (hingga menimbulkan bunyi “cap, cap”).
1 Sauce 2 Mouvement de la bouche (qui s’ouvre et se ferme alternativement) au cours de la manducation, produisant le son « tchap, tchap ». / On voit que la définition 1 n’est guère explicite. Faut-il chercher dans la définition 2 l’origine de l’appellation, qui serait ainsi onomatopéique ?

Laksa. (région. jkt. – ar. pers.) Soupe de poulet (avec du vermicelle, des légumes et du lait de coco). / Existe-t-il un rapport avec la soupe Lac Xa d’autres pays d’Asie du Sud-Est, à base de crevettes et de vermicelle ? Si ces deux soupes sont les mêmes, le nom est-il vraiment arabe/persan ?

Langsat, Langsep. (Fruit du lansium) Lansium, doukou, langsat ; kulit langsat, peau couleur du langsat (signe de beauté). / Je trouve cette couleur décrite comme étant « greenish-yellow ».

Luban. Encens ; luban jawi, benjoin. / De l’AR لبان (lubân), encens, لبان جاوي  (lubân jâwî), encens de Java. C’est précisément ce nom arabe de « l’encens de Java » qui a donné (par l’intermédiaire du catalan, selon le Robert étymologique) le mot français « benjoin », en anglais benzoin.

Madu. Miel. / Du SK मधु (madhu). Se trouve également en TH มธุ (matu). / Madukara. Abeille. Du SK मधुकर (madhukara ; littéralement, faiseur de miel). Se trouve en TH มธุกร (madukon, m-d-k-r). À noter, IN kain madukara, tissu de soie à fils d’or.

Mastika, Mustika, Mestika. Bézoard. / Depuis la plus haute antiquité, les bézoards, ces concrétions minérales que l’on trouve parfois dans les corps d’animaux, sont réputées pour leurs propriétés curatives et magiques. En Indonésie, le commerce de ces pierres, dont l’origine animale n’est pas toujours revendiquée, paraît florissant, si l’on en juge par le nombre de sites internet qui en vendent, vantant leurs pouvoirs surnaturels pour l’acquisition des biens de ce monde. Cela ressemble assez à la passion des amulettes en Thaïlande. À noter que le premier journal en langue indonésienne consacré aux enseignements du bouddhisme s’appelait Moestika Dharma (1932-34), publié par l’écrivain d’origine chinoise Kwee Tek Hoay. Mais l’engouement pour ces talismans ne paraît pas cantonné à la très minoritaire communauté bouddhiste du pays (1 % de la population). Un exemple de telles pierres est la mustika putri duyung, ou bézoard de sirène, ou de dugong (ce mot occidental est une altération de duyung), un talisman qui doit être particulièrement puissant car « les larmes de dugong » (air mata duyung) sont traditionnellement le matériau nécessaire à la conduite des cérémonies de guna-guna, ou magie noire. Le terme provient du SK मौक्तिक (mauktika) ou मुक्तिका (muktikâ), perle.

Naga. Dragon, serpent (mythique). / Omniprésent en Asie du Sud-Est. Du SK नाग (nâga). Existe aussi en TH นาค (nâk) et en UR ناگ (nâg). À noter que ce que l’on appelle en économie les « dragons asiatiques », les nouveaux pays industrialisés d’Asie (Singapour, Corée du Sud, Taïwan et Hong-Kong), se nomment en indonésien naga kecil, c’est-à-dire les petits nagas. Le nom propre indonésien Nagaputra est le SK नागपुत्र (nâgaputra), jeune naga.

Nanai. Ce terme ne figure ni dans le Labrousse ni dans le KBBI. On le trouve dans le Malay-English Dictionary de Wilkinson, avec le sens suivant : « Monkey (in the language of magic). » Qu’il existe un langage de la magie attribuant un nom spécial au singe a de quoi stimuler l’exocentrisme qui dort en chacun de nous.

Neraka, Naraka. Enfer. / Du SK नरक (naraka). Existe en TH นรก (narok) et en UR نرک (nark). La traduction indonésienne du Coran emploie le terme : « Peliharalah dirimu dari Neraka », « Préservez-vous du feu » (citation Labrousse).

Peruang. Ilmu peruang, une autre science qu’il doit être bon d’acquérir. Le Labrousse ne la connaît pas, mais Wilkinson la définit ainsi : « a magic art (by which the magician is believed to protect himself from drowning by creating an air-cavity around himself). »
KBBI mantra yg menyebabkan dapat tahan lama menyelam di dl air ; ilmu ~
Formule magique permettant de se maintenir sous l’eau pendant une longue durée. / Dans le KBBI, le terme connaît une seconde acception, intéressante également : Siksaan atau hukuman dng mengigkatkan si terhukum pd tiang kemudian kapalnya disiram dng minyak babi yg mendidih hingga terhukum meninggal dunia.
Châtiment au cours duquel le condamné est attaché à un poteau et sa tête aspergée de saindoux bouillant jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Rukun. 1 Pilier 2 Principe, fondement. / De l’AR ركن ج أركان (rukn pl. arkân), le pluriel arabe ayant donné aux langues européennes le mot « arcane », un terme particulièrement associé aux pensées et systèmes ésotériques. En AR, أركان الإسلام (arkân al-islam) désigne les cinq piliers de l’islam ; en IN rukun Islam (ou rukun-rukun Islam).

Susuk. (jav.) Aiguille d’or enfoncée sous la peau (pour embellir une femme). / Le dictionnaire Kamus Orisinil en ligne apporte la précision suivante : « Small piece of gold or diamond inserted in the face as a magical charm to improve one’s beauty. »
KBBI jarum emas, intan, dsb yg dimasukkan ke dl kulit, bibir, dahi, dsb disertai mantra agar tampak menjadi cantik, menarik, manis, dsb.
Aiguille d’or, de diamant ou d’une autre matière introduite sous la peau, dans les lèvres, le front ou tout autre partie du corps, en récitant des incantations, de façon à paraître plus belle et désirable.

Tanur. Fourneau, four, fournaise. / De l’AR تنور (tannoor). Connu en Occident sous la forme tandoor, les mets tandoori de la cuisine indienne et pakistanaise étant ceux qui sont préparés dans un four de ce type.

Warna. Couleur. / Du SK वर्ण (warna), couleur, mais aussi caste, et d’autres sens encore. Dwiwarna : bicolore (part. drapeau indonésien) [Bendera dwiwarna merah-putih]. Islam warna warni : « islam multicolore », expression servant à désigner le pluralisme de l’islam en Indonésie.

L’Occulte touareg / Tuareg Occult

Sur le modèle de notre glossaire malais (I & II), sont ici réunis des vocables tirés du Dictionnaire touareg-français de Karl-Gottfried Prasse, Ghoubeïd Alojaly et Ghabdouane Mohamed (Museum Tusculanum Press, Université de Copenhague, 2003) qui nous semblent particulièrement intéressants pour la connaissance de la culture touarègue et en particulier de ses traditions occultes (ce glossaire n’est donc pas un recueil de termes usuels). Le dictionnaire utilisé se concentre essentiellement sur les dialectes touaregs parlés au Niger.

Nous classons les entrées dans l’ordre où elles apparaissent dans le dictionnaire, à savoir « par ordre alphabétique selon leur racine consonantique », l’alphabet utilisé étant le suivant :

b d (dy) ḍ (ṭ, ṭṭ) (ḍy) – f g ɣ (q, qq) – h k l m n (ŋ) – r s š t (ṭ) (ty) – w x y z ẓ ž pour les consonnes, et

a e i o u (longues) et ə ă (courtes) pour les voyelles,

ce qui ne correspond pas totalement à la transcription latine du touareg officialisée au Niger en 1999 (voir wikipedia « Touareg (langue) »). Les consonnes couvrant un point correspondent à l’emphatique en arabe ; le ɣ au ‘ayn (ﻉ), le x au ḥa (ﺡ), le š à sh (ﺶ) et le ž à dj (ﺝ).

Le présent glossaire étant un outil ethnographique plutôt que linguistique, nous omettons le pluriel des mots, sauf  pour les noms de tribu où le pluriel est censé être le plus fréquent (la tribu des Băžubăletăn, les Idăberăn…). Nous renvoyons le lecteur intéressé par la langue et les aspects linguistiques à la source originale.

Quelques abréviations : ha. (le terme provient du haoussa), ar. (le terme provient de l’arabe), p.ext. (par extension).

Mes propres remarques sont entre crochets []. Les quelques photos ajoutées ne font pas partie du dictionnaire. Enfin, j’ai traduit chacune des entrées en anglais.

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The present glossary gathers several words/entries from the French-Tuareg Dictionary by Karl-G. Prasse et al. (2003) together with my English translation and a few personal remarks in brackets [].

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B

ăbogaz : cousin croisé (fils de tante paternelle ou d’oncle maternel) ; par extension (p.ext.), cousin en général. On estime que les soins d’un cousin croisé sont particulièrement propices au traitement de certaines maladies, par ex. la teigne.

A cross-cousin (son of a paternal aunt or daughter of a maternal uncle); by extension, a cousin in general. It is thought that nursing by a cross-cousin is particularly favorable to the cure of some ailments such as ringworm.

ăbagən : espèce de petit crocodile vivant dans les mares. [Ils vivent coincés dans les oasis depuis la désertification.]

A species of small crocodile living in ponds. [They have been stuck inside oases ever since the desertification of these areas.]

ăboɣəlli : mulâtre. Les iboɣăllităn des Kel-Ataram ont un statut un peu supérieur à celui des eklan (esclaves) noirs.

A mulatto. The iboɣăllităn of the Kel-Ataram have a status slightly higher than that of black eklan (slaves).

boká (ha.) : guérisseur traditionnel.

Hausa traditional soothsayer.

băllăwri, băllăwli : sorte de pierre rouge translucide (de la région d’Agadez) ; p.ext. anneau de doigt en băllăwri.

A sort of red translucent stone (from Agadez region); by ext. a finger ring made of this stone.

abăngor : morve séchée ; lambeau de peau desséché (qui pend au bord d’une plaie) ; p.ext. nègre (terme de dérision).

Dry snot; a shred of dessicated skin (hanging from the edge of a wound); by ext. a negro (derogatory term).

bori (ha.) : fait d’être possédé par les esprits ; esprit, génie ; homme possédé par les esprits ; sorcier (allié avec les esprits) [Le bori est la religion préislamique des Haoussas, qui subsiste encore de nos jours.]

Possession by spirits; spirit, ghost; person possessed by spirits; sorcerer (in league with spirits) [Bori is Hausa people’s pre-Islamic religion, which has subsisted to this day.]

səbbərəg : se vanter ; montrer sa plénitude (chamelle) ; faire semblant d’être pleine (chamelle).

To boast; to show off one’s pregnancy (she-camel); to pretend being pregnant (she-camel).

abărăybăray : « gorille » (il n’y a pas de gorilles en pays touareg, mais les Touaregs en connaissent l’existence ; pour eux c’est un monstre qu’on rencontre parfois en brousse. On dit qu’il provoque l’homme à la lutte au corps à corps ; s’il gagne l’homme reste mort ou fou, si l’homme gagne le monstre lui donne une bague magique source de grande richesse, mais si l’homme répond à l’appel de son nom la bague perd sa puissance (D. Sudlow).) [J’ai du mal à comprendre en quoi cette description d’une sorte de lutin ou de gnome de conte de fées est la preuve que les Touaregs connaissent l’existence des gorilles. Pourquoi traduire par « gorille » ce personnage du folklore ? Hypothèse : les Touaregs ont probablement donné le nom de cette créature de leur folklore au gorille pour quelque ressemblance dont ils auraient entendu parler, et que rien ne révèle dans la description du dictionnaire (si ce n’est que le gorille est réputé attaquer les gens ?).]

A « gorilla ». (There are no gorillas in the Tuareg country, but Touaregs know their existence. For them it is a monster that one sometimes meets in the bush. It is said that it engages in hand-to-hand fights with the individuals he comes across; if it beats the man the latter is killed or becomes mad, if the man beats the monster the latter gives him a magic ring that brings riches and wealth, but if the man answers to his name being called the ring loses its power.) [Why such a fairytale sprite or goblin proves that Tuaregs know the existence of gorillas is beyond my understanding. Tuaregs probably gave the gorilla the name of this creature of their folklore from some resemblance they heard about and we are not aware of from the description (unless it is because gorillas are said to attack people?].]

abăybăya : habitant noir de la côte (Togolais, Béninois etc.) ; p.ext. personne maladroite.

A negro dweller of the coast (Togolose, Beninese etc); by ext. a clumsy person.

buzu (ha.) : esclave noir des Touaregs (parlant touareg).

Black slave of the Tuaregs (speaking Tuareg).

Băžubăle / Băžubăletăn : ancienne tribu berbère aujourd’hui tout à fait négrifiée et parlant haoussa, vivant dans la région de Kéita-Tahoua.

An ancient Berber tribe that is entirely negrified today and speaks Hausa, dwelling in the region of Keita-Tahoua.

D

emud ən-ḍan : la fête des chiens (fête où l’on tue un chien/des chiens ; célébrée certaines années chez les Kel-Faday, surtout à Agadez).

Dog festival (during which one or more dogs are killed; it is celebrated on certain years by the Kel-Faday, above all in Agadez).

tədda : farine de mil mouillée ; mil mal pilé (c’est un moyen des femmes pour engraisser). [Voici ce qu’écrit notre Simone de Beauvoir nationale au sujet de la graisse chez les femmes touarègues : « Autrefois les chefs [touaregs] gavaient leurs épouses au point que, pour forniquer ces blocs graisseux, il leur fallait le secours de plusieurs serviteurs. Ces temps étaient loin. » (La Force des choses, 1963) La pratique existe toujours, à tout le moins parmi les populations nomades de Mauritanie, sous le nom arabe dialectal de leblouh. Cf. ɣăbbăt-əffəz pour plus ample discussion.]

Wet millet flour; badly crushed millet (used by women to fatten). [Simone de Beauvoir writes the following about Tuareg women: ‘In the days of old Tuareg chiefs used to fatten their wives so much so that, in order to copulate with these boulders of fat they needed assistance from several servants. Those days are over.’ The custom has survived at least among the nomadic populations of Mauritania, where it is known, in dialectal Arabic, as leblouh. See ɣăbbăt-əffəz for more details.]

tadbəq : bâillon de sevrage pour les veaux ; état de respiration retenue ou sortant avec difficulté ; silence prolongé et volontaire (d’une personne) ; sorte de maladie vénérienne (mortelle, empêche l’éjaculation du sperme).

A muzzle for wheaning calves; a state of restrained or difficult breathing; prolonged, volontary silence (said of a person); a venereal disease (lethal, impedes ejaculation of semen).

Edăber / Idăberăn : tribu, littéralement (litt.) les tourterelles. Les Idăberăn comptent parmi les tribus touarègues les plus anciennes. [Pourquoi ce nom de tourterelles ?]

Name of a tribe, meaning ‘the turtledoves,’ among the most ancien. [Where does the name come from?]

mədədəqqət : se taper l’un l’autre dans la main (pour se passer des messages secrets).

To clap each other’s hands (in order to communicate secret messages).

dagəmi (ha.) : sorte de bracelet magique (tube de cuir rouge empli de bourre de tagăyt [palmier doum] ; protège contre les morsures de serpent).

A magic bracelet (a tube of red leather filled with doum palm floss; protects against snake bites).

adoməni : substance somnifère sécrétée par le mil (sous forme de gomme).

A soporific substance secreted by millet (in the form of gum).

Dăw-Ṣăhak : litt. « les fils d’Isaac », la plus grande tribu d’origine juive du pays touareg ; parlent un songhaï mélangé de touareg ; entretiennent désormais des relations avec l’ambassade d’Israël.

Litt. ‘the sons of Isaac,’ the greatest tribe of Jewish origin in the Tuareg country; they speak Songhay mixed with Tuareg; now have relationships with the state of Israel’s embassy.

uḍu : météorite (étoile filante) ; son d’un aérolite qui tombe (selon la croyance populaire c’est la mort violente d’une étoile) ; le son du ăga n-aṃan (son sourd et prolongé qui se produit parfois dans l’atmosphère et dont l’origine est inconnue ; se produit surtout la nuit ; présage de pluie) ; coup de tonnerre en général.

A meteor (shooting star); the sound of a falling meteor (in popular belief that is the sudden death of a star); ăga n-aṃan sound (prolonged, dull sound that is sometimes heard in the atmosphere and which origin is unknown; occuring mostly at night, it portends rain); thunderclap in general.

Il semble que la citation suivante évoque ce phénomène de « son sourd et prolongé qui se produit parfois dans l’atmosphère et dont l’origine est inconnue » : « De bizarres bruits, dans le soir qui tombait à grands pas, venaient de naître autour de nous. Espèces de craquements, suivis de plaintes longues et déchirées, qui se répercutaient à l’infini dans les ravins environnants. Il semblait que la montagne noire tout entière se fût mise soudain à gémir. … Comme moi, il comprenait, sans doute : les rochers surchauffés, le craquement de la pierre, toute une série de phénomènes physiques, le souvenir de la statue chantante de Memnon. » (Pierre Benoit, L’Atlantide, 1919)

ḍan-tyărara (ha.) : homme atteint de diarrhée ; sorte de clown sale qui vagabonde et salit les gens de diarrhée (dans les régions peuplées du sud).

A man suffering from diarrhea; a kind of dirty clown that roams about and soils people with diarrhea (in the populous regions of the south).

asədəs : chirotonie (imposition des mains pour guérison).

Healing by imposition of hands.

F

Fəhen, Nəhen : pays fictif des génies (ălžăynăn [djinns]).

Land of the jinns.

Fakru : nom d’une chamelle légendaire qui donnait du lait à tout le monde jusqu’à sa mort ; aussi confondue avec la chamelle du prophète Salih (Coran VII,75). => emənɣi-n-Fakru, « tueur de Fakru », espèce de singe cynocéphale (Papio nigeriae), également appelé emətti-n-Fakru « mangeur de Fakru ».

Name of a legendary she-camel who was giving her milk to everyone until her death; also conflated with prophet Salih’s camel (Quran VII,75). ‘Killer of Fakru,’ ‘eater of Fakru,’ a species of baboon.

tăfaršit (ar. fârisiyya « la persane ») : sorte d’encens extrait d’une plante importée (pour chasser les démons).

‘The Persian,’ a kind of frankincense extracted from an imported plant (to chase demons).

G

gobəz (ha. ?) : diable, mauvais esprit.

A devil, an evil spirit.

găfăkka (ha.) : sachet à Qoran (en cuir/toile pour transporter le Qoran).

A purse for the Quran (in leather or canvas to carry the Quran).

aggəl : graisse fondue ; graisse d’autruche fondue (sert d’onguent contre les rhumatismes).

Molten fat; molten ostrich fat used as ointment against rheumatism.

əgəllul : homme capable d’invoquer les esprits.

A man able to summon spirits.

tagələllet : cercle, rond ; marque de propriété des Ifəqqar (forgerons marabouts) des Kel-Geres.

Circle, round; property mark of the Ifəqqar (marabout blacksmiths) of the Kel-Geres.

guma, təgumat (ha.) : homme possédé de génies => tende n-gumatăan : tam-tam exécuté pour guérir des possédés en les amenant à la transe.

A man possessed by jinns. => tende n-gumataan: tamtam played to heal the possessed by bringing them to a trance.

Gənbəya : nom propre de femme, litt. femme courtaude et grasse, ou fille de chef [cf. tədda : la citation de S. de Beauvoir, ɣăbbăt-əffəz]

A woman’s name, lit. little, fat woman, or chief’s daughter. [See tədda, ɣăbbăt-əffəz]

tagənnəgənt : manière spéciale de parler touareg, consistant à intervertir l’ordre ses sons dans chaque mot et à intercaler certaines syllabes supplémentaires (d’après certaines conventions), langage secret.

A special manner of speaking Tuareg consisting in inverting the order of sounds in each word and in inserting some more syllables (according to some convention), secret language.

ăgar : espèce d’arbre non épineux (dégage une mauvaise odeur en brûlant) (Maerua crassifolia). L’ăgar est réputé être habité par les génies ; on évite de s’installer à son ombre sans avoir donné d’abord dans son tronc quelques coups de hache qui chassent les génies. Sa fumée est dangereuse et peut rendre aveugle. Les femmes en retraite visitent parfois un ăgar pour se décharger sur lui des obligations d’abstinence devenues trop lourdes.

A species of non-thorny tree (gives out a bad smell when burning). It is reputed to be the dwelling-place of jinns; people avoid sitting under it without having struck its trunk several times with an ax before in order to chase the jinns away. Its smoke is dangerous and can make one blind. Retreating women sometimes pay a visit to an ăgar to discharge themselves of abstinence obligations that have become too heavy.

agəru : grenouille ; crapaud ; espèce de croix en or ou argent portée par les femmes touarègues dans la coiffure (symbolise la fécondité ; bijou de noces traditionnel).

Frog; toad; a sort of cross made of gold or silver and borne by Tuareg women on their head (a symbol of fertility; traditional wedding gift).

Ăgori / Igorităn : Noir/nègre de la forêt vierge (de Nigeria etc.) (ne se dit pas des Noirs avec lesquels les Touaregs sont en contact quotidien).

A negro of the forest (Nigeria etc) (not used for black people whom Tuaregs meet daily).

ămăggerše : jeteur de sort par le mauvais œil. => oh əməggerši! exclamation servant à parer l’effet fâcheux d’une louange (en effet, les louanges trop ouvertes sont incorrectes).

A wizard with the power of evil eye. => oh emeggershi! An interjection which aims at warding off the unfortunate effect of a praise (excessive praises are deemed indecorous).

tagărăyyat : espère de lézard (jaune à traits noirs, puant ; les enfants le soupçonnent de téter les chèvres). [Cf. takəzukəzt]

A species of lizard (yellow with black stripes; foul-smelling; children believe that it sucks the goats.)

agəs : danser avec la tête et les mains (en position assise).

To dance with the head and hands while sitting.

təgəyye n-Yăḷḷa, tan-Yăḷḷa : goître. On dit que Dieu afflige d’un goître celui qui se parjure.

A goiter. It is said that God punishes perjury with goiter.

tagăzot : panse (des ruminants) => imawăn ən-tăgăzot : partie antérieure de la panse, « herbière » (revient aux forgerons).

Rumen. => imawan en-tagazot: forepart of the rumen (reserved to the blacksmiths).

igăzan : divination par des points faits sur le sable, géomancie.

Divination by making points on the sand.

agăzzăram : fouette-queue (espèce de lézard). Les Ouelleminden Kel-Ataram regardent ce lézard comme un génie.

A species of lizard considered by the Kel-Ataram to be a jinn.

Q

ɣăbbăt-əffəz : fait de prendre une bouchée et de la mâcher longuement ; gavage (d’une femme qu’on gave avec du lait à l’aide d’un biberon (aɣălla)). => aɣălla : gavoir (sorte de casserole en bois, avec manche à tuyau ; sert à gaver de lait les femmes adolescentes).

[Comme nous l’avons vu à l’entrée tədda, les Touaregs pratiquent de manière traditionnelle le gavage des filles (en particulier des filles de chef), qui deviennent de ce fait obèses. On lira avec profit l’article d’E. Bernus sur le sujet (en ligne sur L’Encyclopédie berbère : ici). Bernus considère que ce gavage permet aux filles de mûrir plus rapidement et donc de se marier plus tôt. L’obésité qui en résulte est chantée par les poètes touaregs comme étant un élément de la beauté féminine (Bernus cite quelques vers à cet égard). Selon la psychologie évolutionniste, un rapport métrique taille-hanche (waist-hip ratio, WHR) de 0,7 est perçu comme le plus attrayant en raison des capacités maximales de fécondité qu’il indique. Dans ce contexte, le fait que l’obésité passe pour un caractère désirable de la femme est une énigme. Cependant, Bernus a sans doute apporté la clé de cette énigme en indiquant qu’il s’agit d’avancer la maturité sexuelle des jeunes filles : de cette façon, il est possible d’accroître le taux de reproduction en réduisant l’écart temporel entre générations. Cette stratégie est viable à condition que le gavage ne nuise pas aux capacités reproductives de la femme (alors qu’en règle générale plus la taille de la femme s’éloigne du ratio 0,7, plus sa fertilité est compromise [à confirmer]) et que l’obésité ne joue pas négativement dans les préférences masculines. Or le fait que l’obésité de la femme soit une préférence des hommes touaregs est peut-être mise en doute par le terme əḳtər du dictionnaire de Prasse, traduit par « avoir une taille de guêpe (une femme) », ce qui laisse supposer que cette taille de guêpe est un marqueur de beauté chez les Touaregs également (l’expression « taille de guêpe » correspond à ce qui a été dit plus haut à propos du rapport taille-hanche : taille étroite et hanches larges). Photos : E. Bernus, article cité. 1/gavage d’une jeune fille 2/femme touarègue obèse : voir le bras.]

To chew lengthily; force-feeding or gavage (of a woman with milk and the help of a special ustensil) => a’alla : ustensil to force-feed adolescent women.

[As we saw under the head tedda, Tuaregs have been traditionally force-feeding their daughters (especially the daughters of chiefs). The women thus force-fed become obese. Bernus considers that the aim is to make girls achieve sexual maturity and marry earlier. Tuareg poets laud obesity as a marker of beauty and Bernus quotes a couple of verses to illustrate this. According to evolutionary psychology, a waist-hip ratio (WHR) of 0.7 is perceived as the most attractive owing to the greatest fertility that it indicates. In this context, that obesity should be a marker of beauty is puzzling. However, Bernus probably gave the key to the riddle: gavage allows Tuaregs to increase their rates of reproduction by reducing the time spread between generations. This strategy is valid on the proviso that gavage does not impair women’s fertility (whereas as a rule the greater the deviation from WHR 0.7, the less fertile the woman physiologically [ought to be confirmed]) and that obesity does not negatively affect males’ preferences. In this latter respect, the fact that Tuareg men prefer obese women may be doubtful given the word əḳtər in Prasse dictionary, translated as « to have a wasp waist (woman), » which seems to hint that a wasp waist is a marker of beauty among Tuaregs too (the phrase itself, wasp waist, can serve as a confirmation of the WHR idea wherever it is used, as in French too).]

tewăɣne : ligature ; lien ; paquet ; écriture liée (manière d’écrire les tifinagh qui les rend très difficiles à déchiffrer et servant à rédiger des messages secrets, consistant à lier les caractères entre eux d’une certaine manière convenue d’avance).

Ligature; link; parcel; longhand script (a manner of writing tifinagh characters that makes them very difficult to decipher and is used to write secret communications, consisting in attaching the characters to one another in a certain way agreed upon in advance).

eɣəri : cuivre rouge. On dit que le port d’un anneau de cuivre allège les rhumatismes.

Red brass. It is said that wearing a brass ring soothes rheumatism.

Aɣrəm-Səṭṭəfăn : nom d’un pays énigmatique d’où vint le premier sultan de l’Aïr. [Aɣrəm signifie ville et désigne également Agadez, « la ville ».]

Name of a mysterious country whence the first Sultan of Ayr came.

Qurăyš : nom de la tribu du Prophète Muhammad (Qurayshites). Beaucoup de tribus berbères se disent être des descendants du Prophète, certaines de droit.

Name of the Prophet Muhammad’s tribe. Many Berber tribes claim descendance from the Prophet, some rightly.

taɣəst : vieux volcan éteint.

An ancient, inactive volcano.

əɣsəb : calculer ; prédire l’avenir en consultant les esprits ; chercher la solution d’une énigme en consultant les esprits.

To compute; to foresee the future by consulting the spirits; to find the solution to a riddle by consulting the spirits.

aɣu-saḳa : espèce d’ogre (qui tue les chamelons) == ar. ‘ifrit (se manifeste à une seule personne, en brousse et dans la nuit, sous la forme de différents animaux qui crient ou beuglent, comme un taureau/chameau/mouton etc.)

A sort of ogre (who kills camel cubs). Same as ‘ifrit (Appears to one person at a time, in the bush and at night, in the form of several animals that utter their cries, such as bull, camel, sheep etc).

eɣăwel : homme noir d’origine esclave (anciens eklan vivant en liberté sous la protection de leurs anciens maîtres ; il existe des iɣăwelăn en dépendance des Kel-Denneg, des Kel-Ayer et des Kel-Geres).

A black man of slave origin (they are former eklan who live free under the protection of their former masters).

H

hăbbăy : avoir les lèvres fardées en noir ; femme aux lèvres fardées en noir. => hănbăy : avoir la bouche noire (âne) ; avoir la bouche fardée en noir (femme). [Le rouge à lèvres existe aussi de manière traditionnelle chez les Touaregs : cf. kălgo. Selon la psychologie évolutionniste, le rouge à lèvres permet aux femmes de simuler une caractéristique de l’excitation sexuelle et les rend par là-même attrayantes pour les hommes. Ainsi le rouge n’est-il pas un ornement arbitraire. Il ne paraît pas possible d’en dire autant du « noir à lèvres » des femmes touarègues et l’on ne saurait non plus considérer qu’elles cherchent à imiter les lèvres noires des ânes auxquelles s’applique également le terme selon Prasse. Et si c’est parce que l’excitation sexuelle noircit les lèvres des femmes à la peau mate tandis qu’elle rougit celles des femmes à la peau claire, pourquoi les femmes touarègues utilisent-elles également du rouge ? Serait-ce que les femmes touarègues à la peau mate, voire les Touarègues noires, utilisent du noir tandis que celles à la peau claire utilisent du rouge ?]

To have one’s lips painted black; a woman with painted black lips. => hanbay: to have a black mouth (donkey); to have one’s mouth painted black (woman). [Tuareg women also know rouge: see kălgo. According to evolutionary psychology, rouge is red because it simulates arousal. It is not arbitrary. It does not seem to be case with black tincture, yet both have been traditionally used by Tuareg women. What would be an evolutionary explanation for women blackening their lips? In case it is because arousal blackens the lips of dark-skinned women instead of reddening them, then why Tuareg women use rouge at all? Is it that dark-skinned Tuareg women use the black tincture while the fair-skinned use rouge?]

ehăles : mirage matinal.

A morning fata morgana.

Ehəti : homme libre d’origine songhaï-djerma. Les Songhaïs sont traités comme cousins des Touaregs.

A free man of songhay-zarma origin. The Songhays are treated like cousins by the Tuaregs.

K

təkabt : grand grigri frontal.

A large charm borne on the forehead.

ăkabba : sorte d’amulette frontale (en forme de banane, pour homme).

A kind of amulet borne on the forehead (in the shape of a banana, for men).

Akădămma / Ikădămmatăn : tribu métissée isolée appartenant à l’ancienne confédération des Ouelleminden Kel-Denneg, particulièrement célèbre pour la fabrication de talismans (guérisseurs ou prophylactiques). Ils sont dédaignés pour avoir fait de la fabrication de talismans un commerce.

An isolated half-bred tribe belonging to the ancient confederation of the Ouelleminden Kel-Denneg, well-known for the making of talismans (healing or prophylactic). They are despised for making a business of their talismans.

əkkuf : rhume ; grippe : p.ext. troubles respiratoires causés par la consommation excessive de sucre.

Cold (ailment); influenza; by ext. breathing difficulties caused by excessive sugar consumption.

ăkala : longe à nœud coulant ; p.ext. cicatrice de tatouage ethnique au visage.

A tether with a running knot; by ext. scars on the face as ethnic tattoo.

kălgo, kădăgo (ha.) : espèce d’arbre (de couleur brun clair ou chamois ; avec son écorce on tresse des cordes ; de sa racine on extrait un colorant rouge dont les femmes se fardent les lèvres) (Bauhinia reticulata).

A species of tree (light brown or chamois; with its bark rope is made; from its root is extracted a red dye with which women paint their lips).

kălăw : jeter un sort à, ensorceler (surtout : marabout, en écrivant un verset coranique).

To cast a spell on (especially a marabout by writing a verse of the Quran).

kenbəltyu : sorte de démon (Peul métamorphosé).

A kind of demon (a metamorphosed Fula).

ekərkəwi, ekərkəwwi : vampire (personne capable de sucer le sang d’une autre à distance et jusqu’à la mort ; sorte de sorcier).

A vampire (someone who can suck the blood of another from a distance until the person dies; a kind of sorcerer).

kərənbaski (ha.) : ceinture d’amulettes.

A belt of amulets.

iḳărănḳărăn : scarifications faites dans les narines d’une chamelle pour lui bloquer l’odorat et la forcer à accepter un chamelon étranger. [Le dictionnaire de Prasse connaît plusieurs autres techniques, dont certaines réversibles, pour obtenir le même résultat.]

Scars made on the nostrils of a she-camel in order to impair her sense of smell and force her to accept a stranger camel cub. [The dictionary knows various other techniques to the same end, some reversible.]

korti (ha.) : sorcellerie (consistant à frotter la peau de quelqu’un).

Witchcraft (consisting in rubbing someone’s skin).

tasăḳḳarăyt : sorte d’amulette (écrite pendant qu’on appelle à haute voix la personne anathémisée/envoûtée/maudite).

A kind of amulet (written down while calling loud the name of the person one wants to curse or bewitch).

ikas : chaud => ax iḳḳûsăn : lait chaud qui vient d’être trait (et qui répand la chaleur dans le corps entier du buveur).

Warm. => ah ikkusan: warm milk just after milking (it diffuses its warmth in the whole body of the person drinking it).

akătab : écriture => akătab n-iblis : écriture non sainte (se dit parfois de n’importe quelle écriture autre que l’arabe, y compris les tifinagh).

Script. => akatab n-iblis: unholy script (sometimes said of all scripts other than Arabic, including tifinagh).

akătar : couleur indigo de la peau [signe de beauté].

Indigo color of the skin [a marker of beauty].

aḳwa : goudron (fait à base de bois ; sert à traiter la gale) ; également fait à base de grains de coton qu’on brûle.

Tar (made of wood; used to cure scabies); also made of burnt cottonseeds.

kăwda : fruit sec (en général, goro sec) ; p.ext. amulette écrite qui empêche les blessures au combat.

Dry fruit (in general, dry goro); by ext. a written amulet that prevents wounds in battle.

kăygăro : grande ceinture munie d’amulettes.

A large belt with amulets.

takəzukəzt : vipère sauteuse (très venimeuse, sa morsure est mortelle dans 90 % des cas) ; espèce de lézard (grand, tacheté) (selon une fausse croyance populaire, il tète les chèvres en hivernage).

Jumping adder (very venomous, its bite is deadly in 90% of the cases); a species of lizard (large, spotted) (according to an erroneous popular belief, it sucks overwintering goats).

L

Ǝlquran : planchette sur laquelle sont inscrits des versets du Qoran. On dit : širəd Ǝlquran, laver une planchette coranique et donner la lavure à boire à un malade pour le guérir ou à un jeune guerrier pour le rendre invulnérable (marabout).

A wood board on which are inscribed verses of the Quran. => Shired al-Quran : to wash such a Quranic board and give the washing to drink to a diseased person in order to cure him or to a warrior to make him invulnerable.

eləw : éléphant. Les derniers troupeaux d’éléphants ont été observés dans l’ouest de l’Azawag vers 1885.

An elephant. The last elephant herds were observed in the west of the Azawag about 1885.

Ăyt-Lawe, At-Lawe, At-Lăway : tribu du groupe Dăw-Ṣăhak [voir ce nom] (d’origine juive ; parlent touareg mais gardent les coutumes juives).

A tribe of Jewish origin (they speak Tuareg but have maintained Jewish traditions). [See Dăw-Ṣăhak]

laya : nom d’un gri-gri (contient des verset coraniques ; rend les hommes invisibles aux djinns ; porté par les caravaniers de Balma).

Name of a charm (contains Quranic verses; makes its bearers invisible to the jinns; used by the caravan riders of Balma).

ălẓu : raser (barbe, tête etc.) => win laẓẓinen : les marabouts (litt. ceux qui se rasent la tête).

To shave (beard, head etc) => win lazzinen: the marabouts (litt. those who shave their heads).

M

imi n-ăḍaḍ : bout du doigt ; p.ext. nom du prix dû d’avance au marabout qui s’apprête à inscrire dans le sable, avec le bout de son doigt, une formule de guérison (pour guérir un malade éventuellement possédé par les djinns).

A fingertip; by ext. name of the prepaid earnings of the marabout who will inscribe on the sand, with his fingertip, an healing formula (to cure a diseased person perhaps possessed by jinns).

madak : espèce de plante (tue les serpents quand on la met à l’entrée de leurs gîtes) (Commicarpus helenae).

A species of plant (kills the snakes when placed at the entry of their lairs).

Ǝmrəwəlqis (ar. Imru’l-Qays) : nom d’un poète célèbre de l’Arabie préislamique. Selon une légende touarègue, il aurait été un roi géant des Arabes et aurait inventé les tifinagh ou au moins contribué à civiliser les Touaregs.

Name of a famous poet of pre-Islamic Arabia. According to a Tuareg legend, he was a giant king of the Arabs and invented the tifinagh or, at least, helped civilize the Tuaregs.

ămata : extenseur de puisette (branche insérée dans la puisette pour étendre celle-ci et puiser plus rapidement) ; p.ext. rameau suspendu à la tente d’une femme en couches (moyen magique qui doit lui faciliter l’ouverture du vagin).

Dipper extensor (a stick inserted in the dipper to extend it and allow faster dipping) ; by ext. a sprig hanging by the tent of a parturient woman (a magic tool that must facilitate the opening of her vagina).

Taməzgədda : secte mouridienne de l’Azawag (dont les membres viennent de plusieurs tribus). La secte islamique des Mourides est d’origine sénégalaise, fondée par le cheikh Ahmadou Bamba [Serigne Touba]. Connus pour faire des talismans (guérisseurs et prophylactiques).

A Mouride sect of the Azawag (which members come from various tribes). The islamic sect of the Mourides is of Senegalese origin, being founded by Cheikh Ahmadou Bamba. They are reputed for making talismans (healing and prophylactic).

eməžir : ancien emplacement d’un camp ou campement (les piquets sont souvent laissés sur place). On dit que les djinns habitent les campements abandonnés et frappent ceux qui s’y aventurent. P.ext. ruine, vestiges archéologiques.

The former site of a camp (the posts are often left behind). It is said that the jinns dwell in abandoned camps and strike those who tread those places. By ext. a ruin.

răṃa : chanvre indien (Hibiscus cannabinus) ; fibres de chanvre (servent notamment à confectionner des liens et à tresser les tresses artificielles des femmes haoussa).

Hemp; hemp fibres (used among other things to make ties and the artificial braids of Hausa women).

tiṛăwt : lettre (missive) ; amulette écrite (contenant un verset du Qoran) => tiṛăwt n-ăḷăm : talisman pour chameau (suspendu au cou) ; Šiṛăwt ən-Tăḷămt : nom de l’étoile Alcor, dans la Grande Ourse (litt. Amulette coranique de la chamelle).

A letter (missive); a written amulet (containing a verse of the Quran) => tirawt n-alam: an amulet for camels (hanging from the neck); Sirawt en-Talamt: name of the star Alcor.

ăṛwa : sorte de danse frénétique des Haoussa (pour exorciser les mauvais génies ?) [Le point d’interrogation est de K.-G. Prasse.]

A kind of frenetic dance among the Hausas.

S

Săqqăra (ar. Saqar) : l’Enfer glacé (le centre glacé de l’Enfer, considéré comme le plus dur des enfers). [Il me paraît douteux que ce soit là le sens de l’arabe Saqar, qui est bien une région de l’enfer mais dont je ne trouve pas qu’elle soit glacée. S’agit-il d’une particularité touarègue ou d’une erreur d’interprétation des auteurs du dictionnaire ?]

The Hell of ice (the icy core of Hell, considered the harshest of hells). [I do not think that the Arabic Saqar, although it is the name of a region of hell, has this meaning. Is this a Tuareg particularity or an error of the authors?]

sonti (ha.) : mot lâché involontairement pendant le repas. L’étiquette touarègue demande qu’on mange dans un silence absolu. Le sonti est considéré comme dû au plaisir excessif de manger, sentiment qui est en soi illicite et ridiculisé. On se moque à l’amiable de celui qui commet un sonti en famille, alors qu’en présence d’étrangers l’acte est impardonnable.

A word uttered involuntarily durint the meal. Tuareg etiquette demands that people eat in absolute silence. The sonti is said to be caused by excessive pleasure in eating, a sentiment that is illicit and ridiculed. In the family the person making a sonti is gently mocked, but in the presence of strangers the act is inexcusable.

tasăsḳot : tombeau ; cimetière. On dit que les djinns habitent les cimetières et qu’il est dangereux de s’y aventurer la nuit.

A grave ; a graveyard. It is said that jinns dwell in the graveyards and that it is dangerous to roam in them at night.

ăssăxar (ar.) : sorcellerie ; spécialement, eau contenant les lavures d’une planchette couverte de versets coraniques (bue à des fins magiques). [Cf. Ǝlquran]

Witchcraft; especially, water containing the washing of a plate covered with Quranic verses (which one drinks for magic effects).

Š

əmaši : cadavre d’un animal tombé dans un puits (fennec, écureuil, chat, rat, zorille ; capable d’intoxiquer l’eau et de la rendre imbuvable pour tous les animaux sauf le chameau).

The corpse of an animal inside a well (fennec, squirrel, cat, rat, zorilla; likely to poison the water and make it undrinkable for all animals except the camel).

šaro (peul) : épreuve de flagellation (rite d’initiation des jeunes Peuls) ; escrime (avec bouclier).

The ordeal of flogging (initiation rite of the young Fula); fencing (with shield).

šet-ălxer : nom de l’encens donné par le bdellium brûlé (sert à chasser les djinns). [Cf. tăfaršit]

The frankincense made from bdellium (used to chase the jinns away).

T

təfatəfa : raclures d’encre (du Qoran ; bues diluées dans l’eau comme remède protecteur contre les maux de toutes sortes) [Cf. Ǝlquran, ăssăxar] ; crachats de bénédiction (petits crachats de salive d’un marabout, sur la tête de son élève).

Ink scrapings (from the Quran; they are drunk delayed in water as a remedy against all kinds of ailments); blessing sputum (small sputum spat by a marabout on the head of his disciple).

əttəhlul (ar. enveloppe) : livret religieux (miniature) (sert d’amulette ; normalement ce livret contient des versets du Qoran).

Religious booklet (used as amulet; normally the booklet gathers verses from the Quran).

W

awəṇṇəwən : lieu sacré, lieu habité par les esprits saints : spéc. sépulture néolithique en forme de tour en pierres.

A sacred place, a dwelling place of the holy spirits; espec. a neolithic grave in the shape of a stone tower.

Y

tăyṭṭăft : esp. de fourmi (grande, noire, fait des magasins de grains). On dit que les fourmilières sont habitées par les djinns. Les femmes captives qui en excavent le grain doivent se taire complètement pendant cette opération, sinon elles risquent d’être frappées par les génies.

A species of ant (large, black, builds stores of seeds and grains). It is said that anthills are inhabited by jinns; captive women who dig the grains from them must remain completely silent during the operation lest the jinns strike them.

Z

ize-n-ălžănnăt : (litt. mouche du Paradis) esp. de mouche bleu-violette. On dit qu’elle augure la richesse à celui sur qui elle se pose.

« Fly of Paradise, » a species of bluish-purple fly. It is said to augur wealth for those on whom it alights.

Azubăya / Izubăyatăn : membre d’un peuple légendaire d’idiots vivant dans la mer ; idiot.

A legendary people of cretins living under the sea; a cretin.

ezăgăz : fennec (renard saharien). On dit que les lieux où se trouvent les terriers des fennecs sont habités par les djinns et dangereux la nuit.

A fennec fox. It is said that the places where fennec foxes have dug their burrows are inhabited by jinns and dangerous at night.

tazlaft : corbeau noir ; p.ext. augure de bonne fortune (signe faste en géomancie) ; parole de magicien.

A black crow; by ext. a good omen; the words of a magician.

aẓəkka : tombe. Les tombes se font normalement dans les endroits pierreux.

A grave. Graves are usually made in stony ground.

teẓma : pouvoir magique des forgerons ; pouvoir de maudire.

Magic power of the blacksmiths; the power to cast a curse.

Ž

Žəbəkeli : nom d’un djinn qui habite un bois de la vallée de Tadist (arrache brutalement les entraves des chameaux qui y paissent).

Name of a jinni that dwells in the Tadist valley (it tears off the hobbles of the camels that graze there).

žabal nâr : volcan (considéré comme porte de l’Enfer).

A volcano (considered a gate of Hell).

ăžobbar, əžabbar (ar.) : homme géant de l’époque préhistorique. On dit que les fantômes des ižobbarăn occupent toujours leurs tombeaux et sont une sorte de djinns.

Giant people of prehistoric times. It is said that their ghosts still haunt their graves and are a kind of jinns.

ăžoggam : grande route ; trace de géant (empreinte de pied présumée laissée par un géant préhistorique).

A highway; a footprint allegedly left by a prehistoric giant man.

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