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XXIII Une conversation théologique

Mon ami X. (dont j’ai déjà parlé) m’a confié un manuscrit dans lequel il retranscrit une de ses conversations avec quelques proches. Il pense que ce document pourrait, selon ses propres termes « intéresser la partie éclairée de l’Humanité, si elle jetait les yeux sur ce blog ». J’ai accepté de le publier.

Mes amis me demandent comment il se fait que je ne sois pas célèbre. Je leur réponds : « Avez-vous vu qui est célèbre chez nous ? »

La conversation se poursuit. Du reste, dit l’un d’eux, c’est le Psalmiste, je crois, qui met formellement en garde contre la célébrité.

En effet, c’est dans le livre qui raconte sa vie.

N’est-ce pas plutôt l’Ecclésiaste qui a dit cela ?

Une autre célébrité. Mais posez-vous plutôt la question : lui enviez-vous sa célébrité ou bien ses femmes ?

Il est la preuve qu’on peut avoir les deux. C’est important.

Diogène le fameux Cynique n’est pas quant à lui connu pour avoir eu des femmes. Il vivait dans un tonneau et méprisait les biens de ce monde, alors que l’empereur Alexandre se proposait, semble-t-il, de l’en combler. Ça l’a rendu très célèbre.

Une autre de ses paroles y a contribué fortement. Il disait : « Plût au ciel que je n’eusse qu’à me frotter le ventre pour n’avoir plus faim. » (Le grec ancien est une belle langue.) Vous savez, je pense, à quelle remarque il répondait. Je m’étonne qu’on lui fît ce genre de remarque au lieu de l’enfermer pour exhibitionnisme. Pas vous ?

Un autre philosophe célèbre est l’empereur Marc Aurèle. Il disait que tout ce qu’on écrit est voué à sombrer dans l’oubli tôt ou tard. Un fameux cas d’aveuglement.

La postérité aime faire mentir ceux qu’elle favorise.

C’est peut-être qu’il est encore trop tôt pour l’avoir oublié. Qui sait ce que réserve l’avenir à Marc Aurèle ?

Deux mille ans et quelques de célébrité, cela me paraîtrait suffisant, à moi.

Diogène était un sage, et son exhibitionnisme, sans doute, la sagesse même.

Il était au-dessus de l’exhibitionnisme. Le regardait qui voulait : ça ne le regardait pas.

Cela me rappelle ce célèbre mystique arabe, dont j’ai malheureusement oublié le nom, qui disait qu’il avait besoin de sexe autant que de nourriture. Chez nous, on appellerait ça un clochard. Il fumait du haschich.

En Arabie saoudite, on enseigne que ces soufis ne sont pas musulmans.

Les habitants de ce pays sont des wahhabites, une secte déviante de l’islam.

C’est ce que disent les soufis. Je sais tout cela parce que j’ai étudié le wahhabisme.

Comme c’est intéressant !

Abd al-Wahhab, fondateur du wahhabisme, un nom comme celui-là, dans le Larousse, au milieu de tant de patronymes d’une parfaite banalité, Watson, Wallace, Waschenspiffhäuserstock, ne pouvait que piquer ma curiosité. C’est pour la même raison que je connais bien Zwingli.

Que sait-on au juste de Zwingli ?

Il est mort sur un champ de bataille. D’ailleurs, sa statue, à Zurich, le montre tenant une Bible dans une main, une épée dans l’autre. Il disait que la religion se passe très bien de métaphysique.

Les Suisses sont des gens remarquables. Un voyageur raconte qu’entrant dans une auberge pleine de clients il déjeuna en écoutant les mouches voler.

C’est un peuple qui n’a pas besoin de se convaincre des dangers de la célébrité. Personne chez eux ne devient jamais célèbre.

Zwingli fut une exception notable.

Son nom y est pour beaucoup, plus précisément la place bien en évidence de son nom dans le Petit Larousse.

Zwingli, oui, et c’est une exception de trop. Il ne semble pas que l’on puisse trouver dans l’histoire un renonçant qui ne soit enviable par sa renommée : on ne rencontre que des gens à émuler quand on veut renoncer à tout.

Je comprends très bien. Quand j’ai voulu être bouddhiste, je me suis heurté au charisme insoutenable du Bouddha. Je ne pouvais me rendre dans un temple sans lui envier les dévots à ses pieds. Je me disais : « Pourquoi pas moi ? » Quelle torture.

C’est pareil dans mon cas. Je ne peux lire un classique de la littérature sans me dire : « Pourquoi pas moi ? »

Et vous vous êtes mis à écrire ?

J’écrirais si j’étais certain de ne pas devenir célèbre, après tout ce qu’a dit le Psalmiste. Ça ne m’empêche d’ailleurs pas, en le lisant, d’interroger, là encore : « Et pourquoi pas moi, je vous prie ? »

Quelle extravagance !

C’est péché d’orgueil, et le péché, est-il écrit, mène à la damnation.

Tandis que la vertu conduit au ciel et à la postérité.

La vertu conduit au ciel mais c’est le talent qui conduit à la postérité !

Gardons notre sang-froid, s’il vous plaît. Qu’importe la postérité à qui gagne le ciel ?

Dites-le au Psalmiste ! Pourquoi ne s’est-il pas fait oublier ? Ç’aurait été bien plus magnanime de sa part, de la même manière qu’accomplir une bonne action est plus méritoire sans publicité.

Croyait-il au ciel ?

L’Église y croit, ainsi qu’au Psalmiste.

Vous comprenez bien, n’est-ce pas, que si le Psalmiste s’était fait oublier, comme vous dites, nous ne pourrions le louer pour ses Psaumes.

Il ne devrait y avoir de louanges que pour Dieu. C’est mon avis.

Le mien aussi.

J’ai exprimé cette idée avant vous, ne l’oubliez pas.

Qu’attendez-vous pour la publier ? Cela fera parler de vous.

Comment, s’il vous plaît, pourrais-je dire quoi que ce fût au Psalmiste, puisqu’il est mort ? Cette injonction, cher ami, était très paradoxale.

Je répète qu’il aurait mieux valu qu’il mourût ignoré, car sa réputation me fait douter de la pureté de ses intentions. N’importe qui veut être célèbre : nul besoin d’être un saint pour cela.

Un saint sanctifié est un raté. Toute canonisation est une insulte à l’humilité. Toute célébrité une insulte à la véritable grandeur !

Permettez, ce n’est pas la faute du saint si on le sanctifie.

Si les grandes âmes ne deviennent pas célèbres, qui pourrait le devenir ?

Certaines petites âmes y parviennent très bien. Ces usurpations ne sont pas rares.

Le culte des saints a beaucoup régressé. Peut-être pour la raison que vous suggérez ?

Ah, vous reconnaissez que le protestantisme a des notions plus saines. Il est mauvais en effet que l’homme se cherche des médiateurs humains, c’est une incitation à la célébrité, c’est-à-dire à la vanité.

Le protestantisme a ses grands noms.

Très bien vu. Tous les grands noms sont odieux. L’homme corrompu n’a nullement le droit de se faire un grand nom devant l’Éternel. Vous voyez que je suis moi-même un peu protestant.

Oui, vous citez Calvin.

Pas de grand nom, pour l’amour de Dieu ! C’est insupportable, à la fin.

Vous pensez que Calvin aurait dû se faire oublier ?

Naturellement. Ne le devait-il pas à Dieu ? Que la poussière retourne à la poussière.

C’est malheureusement vrai qu’il y a poussière et poussière. Cette inégalité des poussières est absolument révoltante, quand on y pense. Ne serait-ce pas la preuve que Dieu n’existe pas ?

Encore une fois, qu’importe la postérité à celui qui gagne le ciel ? Qu’importe ce qu’il en sera de notre nom dans ce monde, après notre mort, si nous gagnons la félicité suprême ?

Les félicitations suprêmes ?

Seriez-vous sourd, comme Diogène le Cynique ?

Pourquoi tous les croyants vertueux ne gagnent-ils pas à la fois le ciel et la postérité ? Il y a là un germe possible de profond mécontentement qui me fait penser que le talent est d’origine diabolique. Les grands noms de la religion sont peut-être à reconsidérer sous cet aspect.

Si cette idée prend racine, elle vous vaudra certainement de nombreux éloges et témoignages d’admiration.

Vous croyez ?

Ça ne fait aucun doute.

Vous oubliez l’un et l’autre, me semble-t-il, que ce sont les grands noms de la religion qui permettent au troupeau de suivre le droit chemin. Il est légitime et bon que l’humanité reconnaisse leurs mérites, et leur adresse ses hommages reconnaissants. C’est la volonté même de Dieu, je pense.

Je vous suspecte de chercher à vous faire bien voir.

Vous prêchez avec votre renommée en vue, coquin !

Pardon ? Je ne vous permets pas !

Je crains, chers amis, que notre soirée ne…

La fin du manuscrit est illisible, et mon ami, pour je ne sais quelle raison, injoignable.

Janvier 2015

Glossaire thaï (Contribution à l’étude des croyances et pratiques en Thaïlande)

En tant que poète, je suis attiré par les aspects de cultures étrangères, légendes, magie, sciences occultes, qui entrent, du point de vue rationaliste, dans la rubrique des superstitions. Eu égard à l’amour-propre, j’aurais cependant trop de scrupules à n’y voir qu’un passe-temps de collectionneur, qui accumule les micrologies ethnographiques comme d’autres, de manière moins pédante, rapportent de leurs excursions touristiques les productions de l’art local qu’ils sont vivement sollicités d’admirer à chacune de leurs étapes. Qui plus est, en tant que philosophe (ce n’est pas être présomptueux que de se dire philosophe, à savoir de prétendre, non pas d’avoir trouvé la sagesse, mais de la rechercher, car, selon l’étymologie, et non selon les titres, qui n’est pas philosophe ?), je suis toujours tenté de rejeter tout cela dans le domaine des fables puériles et je dissimule mal mon impatience pour les recherches du poète. Le poète irrite le philosophe, le philosophe paralyse le poète.

Fables puériles, car ne sommes-nous pas au temps de la Religion dans les limites de la simple raison? Les croyants méprisent ou affectent de mépriser les exorcismes et les divinations de leurs églises à des époques anciennes et révolues, ils sont les premiers à blâmer ces superstitions, qui seraient leur religion mal entendue et dévoyée. Le surnaturel a disparu ou est devenu abstrait, les rituels sont dépourvus de valeur intrinsèque, arbitraires, la loi morale s’est dégagée du pittoresque et règne dans l’air pur des finalités dernières de l’humanité. Le besoin de la raison, et ce sentiment de l’absurde dont parlait déjà Kant pour s’opposer aux conclusions du matérialisme, qui donnèrent l’impulsion à sa philosophie pratique, disposent notre temps et les temps à venir en faveur de l’avènement d’une religion universelle purement morale.

Or, si Kant propose le christianisme comme étant, à sa connaissance, la religion la plus appropriée pour, une fois dépouillée de son ritualisme, de son surnaturalisme dogmatique et de ses superstitions, servir de religion universelle ainsi entendue, il s’en faut de beaucoup que le bouddhisme puisse être sans plus de considération écarté du cercle des prétendants légitimes à ce titre. L’importance que ce dernier attache à la conscience individuelle, son indifférence relative aux rites et aux dogmes, sa tolérance sont bien connus de nous et le désignent naturellement à l’accomplissement d’un tel destin. Admettre cette possibilité reviendrait toutefois à considérer comme hasardés des pans entiers du criticisme kantien dans sa dimension pratique (par exemple quant au fait que le besoin de la raison évoqué plus haut implique le postulat d’un Être suprême créateur du monde).

Le présent glossaire a pour objet d’éclairer quelques aspects d’une culture nationale bouddhiste. Il apporte, concernant le bouddhisme, un démenti apparent au paragraphe précédent, mais il est parfois bon, avant de mobiliser l’ensemble de ses ressources intellectuelles dans la défense d’une cause, de ne rien négliger pour exposer tout ce qui peut sembler la desservir, car c’est l’indice d’une conviction loyale et sereine.

Mes principales sources sont le dictionnaire en ligne Longdo, qui réunit plusieurs lexiques sous un même moteur de recherche, le dictionnaire thaï-français de Praewpayom Booyapaluk, et le dictionnaire thaï-anglais-allemand de Josef Rohrer.

Il n’existe pas de transcription unique du thaï. Je recours ici à une transcription personnelle simplifiée, la plus phonétique possible (ainsi, “eu” se lira comme dans “feu” en français, etc.).

Glossaire

กระสือ. ผีชนิดหนึ่งที่ถือว่าเข้าสิงในตัวผู้หญิง ชอบกินของโสโครก, คู่กับกระหัง ซึ่งเข้าสิงในต้วผู้ชาย.
มักออกหากินกลางดืนและไปแต่หัวกับตับไตไส้พุง ส่วนร่างกายคงทิ้งไว้ที่บ้าน เวลาไปจะเห็นเป็นดวงไฟดวงโตมีแสงสีเขียวเรืองวามๆ.
Krasseu. Fantôme qui prend possession du corps d’une femme et aime à se repaître d’immondices. Elle fait la paire avec le krahang, qui prend le corps d’un homme. Le plus souvent, elle sort la nuit pour se nourrir, elle a alors l’aspect d’une tête volante d’où pendent les viscères ; les autres parties de son corps restent où elle réside. Elle a parfois l’apparence d’une grosse boule de feu de couleur verte.

สมิง. เสือที่เชื่อวา่เดิมเป็นคนที่มีวิชาอาคมแก่กล้าแล้วต่อมาสามารถจำแลงร่างเป็นเสือใด้ หรือเสือที่กินคนมากๆ เข้า เชื่อกันว่าวิญญาณคนตายเข้าสิง ต่อมา สามารถจำแลงร่างเป็นคนได้.
Saming. Tigre dont on pense qu’il a été un habile magicien ayant le pouvoir de se transformer en cet animal, ou bien : tigre ayant dévoré de nombreux humains dont les esprits viennent alors le hanter de sorte qu’il est capable de prendre apparence humaine.

ผีปอบ, ปอบ. ผีชนิดหนึ่งเชื่อกันว่าอยู่ในตัวคน กินตับไตไส้พุงจนหมด แล้ว ออกมาไปคนนั้นก็ตาย.
Pipop ou Pop. Fantôme qui entre dans le corps des gens pour leur dévorer les entrailles. Quand il ne lui reste rien à manger, il quitte le cadavre.

กองกอย. ผีชนิดหนึ่ง เชื่อกันว่ามีตีนเดียว ไม่มีสะบ้าหัวเข่า จึงต้องเดินเขย่งเกงกอย ชอบออกมาดูดเลือดที่ห้วแม่เท้าของคนที่นอนหลับพักแรมในป่า.
Kong-koï. Fantôme vampirique n’ayant qu’un pied et pas de rotule si bien qu’il doit marcher sur la pointe de son pied unique. Il a l’habitude de sucer le sang de ceux qui passent la nuit en forêt, par le gros orteil.

ฉมบ, ชมบ, ทมบ. ผีผู้หญิงที่ตายในป่า และสิงอยู่ในบริเวณที่ตาย มีรูปเห็นเป็นเงาๆ แต่ไม่ทำอันตรายใคร.
Chamop ou Tamop. Fantôme d’une femme morte en forêt et qui hante les environs du lieu de sa mort. Son apparence est floue, relativement indistincte. Elle n’attaque personne.

เวตาล. ผีจำพวกหนึ่ง ชอบสิงอยู่ในป่าช้า, นักปราชญ์ที่ไม่ได้ถ่ายวิชาให้ใครตายไปแล้ว เป็นผีชนิดนี้.
Wétann. Fantôme qui hante les cimetières. Les sages qui meurent sans avoir transmis leur savoir deviennent des fantômes de ce type. (Du sanskrit vetala)

ผีนางรำ. นางรำคืหญิงผู้แสดงการร่ายรำ.
Pi-nang-ram. Fantôme d’une danseuse traditionnelle thaïe.

โขมด. ชื่อผีชนิดหนึ่งเป็นผีป่า จะเห็นเป็นแสงเรืองวาวเวลากลางดืน.
Komott. Fantôme de la forêt qui apparaît sous l’aspect d’une vive lumière dans la nuit ; feu-follet.

เบื้อ. สัตว์ในนิยายเล่ากันว่ามีรูปร่างคล้ายคน แต่ไม่มีสะบ้าหัวเข่า พูดไม่ได้ มีคนเมือนลิง พบในป่าทางภาคอีสานของไทย.
Beu-a. Animal légendaire dont il est dit qu’il aurait une apparence semblable à celle d’un homme, à ceci près qu’il n’a pas de rotules et est couvert de poils comme un singe. Il ne parle pas. On le rencontre (sic) dans les forêts du nord-est de la Thaïlande.
(Les adeptes de la cryptozoologie ont-ils répertorié, et recherchent-ils, cette variété tropicale du Yéti ?)

แมววิเชียรมาศ.
Méo-wichian-matt. Le chat siamois est le “chat diamant et or”, l’or et le diamant étant désignés, qui plus est, par leurs noms poétiques et non par leurs noms courants. Un beau nom pour un bel animal.

เหล็กไหล. โลหะชนิดหนึ่งเชื่อกันว่าเอาไฟเทียนลนก็ไหลย้อยออกได้.
Lék-laï. Type de métal susceptible de fondre à la flamme d’une bougie.
La définition est un peu sommaire et pourrait désigner un vulgaire alliage de plomb. Il s’agit en fait d’un métal magique, dont les bonzes versés dans la pratique alchimique font des amulettes. Cette pratique est si répandue qu’un film est sorti, il n’y a pas longtemps, sur L’homme lék-laï, un super-héros tout ce qu’il y a de moderne qui bénéficie des pouvoirs de ce métal (titre anglais du film: Mercury Man).

หุ่นพยนต์. รูปที่ผู้ทรงวิทยาคมเอาวัตถุมาผูกขึ้นแล้วเสกเป่า ให้เป็นเหมือนรูปที่มีชีวิต.
Houn-payonn. Figure ou figurine à laquelle ont donné vie des incantations ; golem.

กระบี่กระบอง. ชอื่การเล่นชนิดหนึ่ง ต่อสู้กันด้วยกระบี่และกระบอง.
Krabi-krabong. Art martial traditionnel pratiqué avec des épées et des bâtons.

เกมสู์มังกรน้อยพ่นฟองบู่มๆ.
Mangkonn-noï-ponn-fong-boum-boum. Petits dragons soufflent des bulles boum boum (Bubble Bobble). (Pfff…)

กิ้งก่ายักษ์. ไดโนเสาร์
King-ka-yak. Ce mot, qui signifie littéralement “lézard géant” ou “dragon géant” (ou bien encore “dragon-yaksa”) et qui a été donné à un type de reptile existant, peut aussi servir à désigner les dinosaures. La langue islandaise recourt à un système comparable : risaeðla veut dire “lézard géant”. Il s’agit dans les deux cas, plutôt que de recourir au grec (“lézard terrible”), de créer le terme à partir du lexique national.
En thaï, on a procédé de cette manière à partir du sanskrit/pali pour toute une série d’inventions occidentales ; de même que “téléphone”, “microscope” etc. sont des mots communs aux langues européennes qui dérivent du grec, leurs équivalents dérivant du sanskrit/pali sont communs à plusieurs langues d’Asie du Sud-Est, le thaï, le khmer, sans doute d’autres. Cette méthode est tombée en désuétude à la fois en Europe et en Asie du Sud-Est. L’usage de l’anglais s’est banalisé, et le terme le plus courant aujourd’hui pour désigner en thaï un dinosaure, peut-être aussi en raison de l’autre sens de king-ka-yak signalé plus haut, est la pure et simple transcription du mot anglais : “daïnosao” ไดโนเสาร้.

รักยม. ของขลังอย่างหนึ่ง เป็นรูปตุ๊กตาเด็กเล็ก ๒ ตัว ทำด้วยไม้รักและไม้มะยม เชื่อว่าทำให้เกิดเมตตามหานิยม.
Rak-yom. Amulette ayant l’apparence d’un petit enfant à deux têtes, en bois d’arbre à laque et de groseillier à maquereau, et qui a le pouvoir de faire aimer celui qui la porte.
Je subodore un ou plusieurs jeux de mots dans l’affaire. Le nom de l’arbre à laque est maï-rak, c’est-à-dire “bois d’amour”. Le groseillier à maquereau se nomme maï-mayom. On trouve dans le nom de l’amulette, en plus de rak (amour), yom, qui peut signifier jumeau, d’où les deux têtes de la figurine. Il existe aussi un bois maï-yom.
Enfin, j’ai traduit le pouvoir de cette amulette en interprétant le texte d’après ce que je crois savoir de son usage (superstitieux) parmi la population, mais à vrai dire le texte est assez peu explicite et pourrait aussi vouloir dire que cette amulette aide celui qui la porte à pratiquer l’amour du prochain… [Novembre 2022. Cette seconde interprétation est en réalité la seule évidente pour la définition thaïe ici donnée, car le terme employé, เมตตา, metta, est un terme canonique du bouddhisme désignant l’amour bienveillant, la bonne entente, qui n’a rien à voir avec la passion.]

ลูกกรอก. ลูกคนหรือลูกสัตว์มีแมวเป็นต้นที่ตายตั้งแต่อยู่ในครรภ์หรือในท้อง มีร่างกายครบบริบูรณ์ แต่ขนาดเล็ก เชื่อกันว่าจะให้คุณแก่เจ้าของ หรือบางทีก็ใช้เป็นเครื่องรางของขลัง.
Louk-krok. Fœtus humain ou animal, notamment de chat, mort dans le ventre de sa mère. Le corps est complet mais de petite taille. On croit qu’il apporte des bénédictions à celui qui le possède et peut parfois servir d’amulette.

ปลัดขิก, ขิก. รูปจำลองอวัยวะเพศชาย มักทำด้วยไม้ ใช้เป็นเครื่องรางของขล้ง.
Palatt-kik ou Kik. Image de phallus en bois servant d’amulette.

ตะกรุด. เครื่องรางอย่างหนึ่ง ทำด้วยโลหะหรือใบลานเป็นต้น โดยปรกดีลงคาถาอาคม แล้วม้วนเป็นรู้ปกลมยาวและกลวง.
Takroutt. Amulette cylindrique en métal ou en parchemin inscrite de formules magiques.

ลูกอม. ลูกกลมๆ ทำด้วยของต่างๆ ใช้อมเป็นเครื่องราง.
Louk-om. Bille pouvant être composée de matériaux divers et qui, placée dans la bouche, sert d’amulette.
On donne aussi ce nom aux bonbons de forme ronde.

ฮวน. ๑ ป่าเถื่อน ๒ คำจีนในไทยเรียกหมายถึงคนไทย.
Huann. 1. Non civilisé. 2 Terme emprunté au chinois et servant à désigner les Thaïs (ce que je comprends comme étant un terme dont les Chinois de Thaïlande se servent pour désigner les Thaïs).
L’Occidental qui a l’idée d’apprendre le thaï ne doit pas s’attendre à ce que sa démarche suscite de l’intérêt en Thaïlande même. S’il prend des cours auprès d’une société privée à Bangkok, ses enseignants seront à coup sûr des Sino-Thaïs, et il s’entendra peut-être demander candidement, comme à moi-même, pourquoi il n’apprend pas plutôt le chinois. Les vendeurs de rue, chauffeurs de taxi et autres viennent pour la plupart de la campagne et n’ont pas comme langue maternelle le thaï, mais un dialecte lao, khmer, issan… S’il parle à des bonzes, ils l’inviteront à se plonger dans l’étude du pali, la langue sacrée du bouddhisme théravada, dans laquelle ils sont tous versés et qu’ils enseignent. Vous êtes prévenus.

อั้งยี่. สมาคมลับของชาวจีน.
Ang-yi. Société secrète chinoise.

ก๊ก. โยงใยของสมาคมลับ.
Kok. Réseau, connections d’une société secrète.
P. Boonyapaluk donne de ce mot les définitions suivantes: “association, bande, cabale, clan, clan chinois, clique”.

จ๊อย.
Tioï. Unité d’opium, valant 1,6 kilogramme (P. Boonyapaluk).

สาธุการ. ชื่อเพลงหน้าพาทย์ที่สำคัญยิ่ง ใช้บรรเลงในพิธีกรรมเมื่อบูชาหรืออัญเชิญพระรัตนตรัย เทพยดา สิ่งศักดิ์สิทธิ์ และใช้เพื่อแสดงกิริยาน้อมไหว้.
Satou-kann. Musique cérémonielle très importante jouée pour appeler la propitiation des Trois Joyaux (Bouddha-Dharma-Sangha), des divinités, des objets sacrés, exprimant une salutation polie et déférente.
On peut en écouter sur YouTube (copier/coller le mot thaï ci-dessus), et c’est plutôt rébarbatif. Mais comme dit Rousseau : « Les plus beaux chants, à notre gré, toucheront toujours médiocrement une oreille qui n’y sera point accoutumée ; c’est une langue dont il faut avoir le dictionnaire. » (Essai sur l’origine des langues)

เจโตปริยญาณ. รู้จักกำหนดใจผู้อื่น.
Tié-to-pariya-yann. Connaissance des pensées et intentions d’autrui.
Le témoignage d’un cas de lecture mentale de pensées par un bonze, d’origine occidentale, vivant en Thaïlande est donné par l’écrivain italien Arnaldo Fraccaroli dans son récit de voyage Il Budda di smeraldo (Mondadori 1935, p. 215). En l’occurrence, ce bonze put connaître mentalement et dire le nom de son interlocuteur dont il n’avait jamais entendu parler et qu’il voyait pour la première fois. Interrogé sur la manière dont cela pouvait être possible, il répondit que ce nom lui était venu à l’esprit spontanément, dans un éclair d’inspiration.

บุพเพนิวาสานุสติญาณ. ความรู้เป็นเครื่องระลึกได้ถึง ขันธ์ที่อาศัยอยู่ในก่อน, การระลึกชาติได้.
Boup-péniwassanoutsa-tiyann. Connaissance de ce que l’on a été et où l’on a vécu dans ses vies antérieures, connaissance de ses vies antérieures.
Ce qui se traduit parfois par rétrocognition.

บุพเพสันนิวาส. การเคยเป็นเนื้อคู่กัน, การเคยอยู่ร่วมกันในชาติก่อน.
Boup-péssan-niwatt. Le fait de s’être aimés dans une vie passée, le fait d’avoir été unis dans une vie antérieure.

อพพะ. ชื่อจำนวนนับอย่างสูง เท่ากับโกฏิยกกำลัง ๑๑.
Apapa. Nombre de valeur élevée, égal à dix millions à la puissance onze.

อักเษาหิณี. จำนวนนับอย่างสูง คือ ๑ มีศูนย์ตาม ๔๒ ตัว.
Aksaohini. Nombre élevé: un suivi de quarante-deux zéros.
Ce sont deux exemples des connaissances numériques héritées de l’antique culture sanskrite par les civilisations du bouddhisme théravada. Les nombres élevés permettaient notamment de computer la valeur des cycles du temps. D’après M. Eliade, la durée de vie de Brahma est de 311.000.000.000.000 d’années (veille et sommeil), ce qui est encore peu relativement à la valeur d’aksao-hini.

ชยกุญชร. ช้างสึก.
Chaï-koun-chonn. Éléphant de guerre.
Les éléphants de guerre nous sont connus par les récits de Quinte-Curce et d’autres sur les conquêtes d’Alexandre et ses batailles contre les armées de l’Inde. Ils sont un élément familier de l’histoire de l’Asie du Sud-Est.

โจมทัพ. ชื่อช้างศึกพวกหนึ่ง มีหน้าทีเข้าโจมตีข้าศึก.
Tiom-tap. Bataillon d’éléphants de guerre, dont la fonction était de charger contre l’ennemi.

ปรวด. หมอช้าง.
Prouatt. Médecin pour éléphants.

หมอเฒ่า. ผู้มีความรู้ทางคชศาสตร์ และเป็นหัวหน้าในการจับช้าง.
Mo-tao. Personne versée dans la connaissance des éléphants (un champ d’étude à part entière nommé kok-satt, คชศาสตร์) et experte dans le domaine de leur capture (pour domestication).
Il existe une littérature rituelle adressée aux éléphants ainsi capturés, par laquelle on s’excuse, dans des poèmes, de les éloigner de leur forêt natale, tout en dépeignant les avantages et les douceurs de la vie au milieu des hommes (les éléphants de guerre n’existent plus).

ช้างน้ำ. สัตว์ในนิยาย มีรูปร่างเหมือนช้าง มีงวงและงาคล้ายช้าง หางเป็นปลา.
Chang-nam. “Éléphant des eaux” : animal légendaire qui a le corps d’un éléphant, une trompe et des défenses comme celles de l’éléphant, et une queue de poisson.

รังควาน. ๑ ผีตายร้ายที่สิงอยู่ในกายคนใด้ ๒ ผีที่ประจำช้างป่า.
Rang-kwann. 1. Fantôme malfaisant qui peut entrer dans le corps des gens. 2 Esprit attaché à un éléphant sauvage (d’où, je pense, certaines connaissances occultes exigées, à l’origine, du mo-tao, voir supra, comme l’indique déjà son nom, qui comporte le terme หมอ “mo”, souvent traduit par “guérisseur” et qui s’emploie en général pour toute personne disposant de pouvoirs occultes : astrologues/mo-dou, exorcistes/mo-pi…).

Septembre 2013

Si vous êtes intéressé(e) par la Thaïlande, la langue et la culture thaïes, n’hésitez pas à visiter le site de l’Association culturelle franco-thaïe (ACFT), pour connaître ses activités.

Couverture du magazine Mè-Nak / แม่นาค

Couverture du magazine Mè-Nak / แม่นาค

Voir aussi le Glossaire de l’occulte malais

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