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Droit 42 Du génocide par accident et autres insanités

Janvier-juillet 2024.

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L’incivilité en tant que provocation au sens pénal :
L’échec de la dissuasion institutionnalisée

« États-Unis : un prévenu saute sur la juge pour l’agresser. » (20 Minutes France)

Selon certains commentaires, « le prévenu va prendre très cher. » Je pense au contraire qu’on peut plaider que sa condamnation était une provocation.

Notre société est beaucoup trop laxiste avec celles et ceux qui provoquent. Si la violence est provoquée par une incivilité, par exemple, elle est très excusable à mes yeux car les incivilités sont devenues un phénomène de masse que le système institutionnel est incapable d’endiguer.

« Comprendre le contexte ne devrait pas excuser la violence, sauf en cas de légitime défense, bien entendu », me réplique-t-on. Or, dans le cas de violences, la légitime défense n’est qu’un cas particulier de contexte ; bien d’autres contextes peuvent justifier une excuse totale ou, le plus souvent, partielle. Le contexte sert dans tous les cas au juge et au jury : même quand il condamne, le contexte sert à calibrer la peine. En cas d’excuse de provocation (expression consacrée), la peine est réduite, voire n’est pas prononcée. Par le passé, le mari trouvant son épouse en flagrance adultère était excusé par la loi pour toutes violences commises dans ce contexte, y compris l’homicide : c’est la défunte théorie du « crime passionnel ». Cette forme de violence n’a rien à voir avec des pulsions sadiques, par exemple. Comment pourrions-nous faire la différence si nous refusions de prendre en compte le contexte ?

Un certain degré de violence doit être accepté par la société parce qu’une possible réaction violente immédiate est plus dissuasive de certains délits et de certaines violences que la menace lointaine d’une enquête de police et d’un procès.

Certains contextes comme les faits de l’enfance sont très utilisés mais, s’ils n’ont pas conduit à déclarer la personne irresponsable pénalement, sont de peu d’effet. Ces sortes de contextes très larges ont bien moins de poids que les contextes immédiats auxquels je pense, voire n’en ont aucun. Une excuse de provocation (expression consacrée !) est une notion qui porte sur le seul contexte immédiat, et la provocation peut être telle qu’elle excuse entièrement l’auteur de l’acte.

Dans l’affaire qui nous occupe, j’ai exprimé l’idée que la conduite de l’accusé pouvait ne pas lui valoir « cher » parce qu’on pourrait trouver une excuse de provocation. Il y a évidemment provocation puisque, a contrario, si la juge avait écouté la demande de l’accusé ce dernier ne lui aurait pas sauté dessus. Il s’agit donc de répondre à la question de savoir ce qui fait que cette provocation n’excuserait pas au moins un peu l’accusé, contrairement à d’autres formes de provocation.

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La lutte contre l’antisémitisme n’excuse et ne justifie en aucun cas la diffamation. – Que LFI dépose à l’Assemblée une proposition de loi ainsi rédigée : « Le fait de traiter d’antisémite un antisioniste est puni d’un an d’emprisonnement. »

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Du génocide par accident

La décision de la Cour internationale de justice (CIJ) saisie par l’Afrique du Sud sur le génocide en cours à Gaza, décision qui parle de « risque génocidaire », n’a malheureusement guère de sens. Un « risque », ce sont les risques de catastrophe naturelle ; un génocide, c’est un crime, ce qui suppose une intention criminelle. Parler de risque génocidaire et demander à l’État poursuivi devant la Cour de prévenir ce risque est une absurdité. Il faut qu’un État cesse ses crimes ; il ne s’agit pas de lui dire de prévenir un risque venant on ne sait d’où, puisque c’est cet État et sa politique qui sont le « risque ».

Parler de risque génocidaire, c’est comme parler, quand, après avoir plongé le couteau dans la poitrine de sa victime, l’assassin le relève pour le plonger une nouvelle fois, de risque assassinatoire. C’est complètement absurde. Quand un crime est en train d’être commis, on parle a minima de tentative. Oui, la victime risque de mourir, mais ce n’est pas le résultat d’un risque, c’est le résultat d’une intention criminelle. Oui, les Palestiniens risquent d’être éradiqués de Palestine mais ce n’est pas à cause d’un risque de séisme ou d’autres catastrophes naturelles, c’est à cause de la politique génocidaire de l’État sioniste.

On ne dit pas à quelqu’un qu’on suspecte d’être en train de commettre un crime qu’il doit « l’empêcher », on lui dit qu’il doit cesser tous actes dans l’accomplissement de son crime. La terminologie de la Cour est un déni de réalité qui laisse craindre un déni de justice S’il y a un « risque génocidaire », en admettant, pour l’argument, que cette expression ait le moindre sens, ce risque est le résultat d’actes déterminés. Or ces actes sont imputables, selon la saisine, à un État et à sa politique. On dit par conséquent à cet État, dès lors que l’on ne trouve pas la saisine complètement infondée, de cesser immédiatement ses actes en le menaçant d’être empêché par la communauté internationale de continuer ses crimes s’il n’obtempère pas. Les distorsions conceptuelles de la Cour font émerger en creux le concept aberrant de génocide accidentel. Un génocide accidentel serait l’équivalent de l’homicide accidentel. Imaginez l’avenir : « L’État sioniste voulait seulement éliminer le Hamas mais il a éradiqué toute la population palestinienne. Cette éradication est un regrettable accident. » Il faut vraiment avoir perdu la raison.

L’Afrique du Sud demandait à la Cour de condamner un projet génocidaire. En ne retenant que des actes possiblement génocidaires, apparemment par des individus lamba, la Cour semble rejeter l’idée de projet. On peut parler de « risque » dès lors que l’on entrevoit un possible résultat choquant, mais c’est par accident dès lors que ce n’est pas lié à une volonté, à une politique. Cette décision de la CIJ risque d’enliser le droit international dans les marécages.

Reconnaître un « risque » génocidaire sans reconnaître un projet génocidaire, en refusant, au fond, de reconnaître un projet génocidaire, c’est inventer la notion de génocide par accident. Même si le parallélisme avec le droit pénal national autorisait à parler de génocide préterintentionnel – de « bombardements et famines ayant entraîné un génocide sans intention de le produire » –, les responsables de ces actes doivent être jugés et condamnés.

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Rima Hassan a été convoquée en audition libre. Pour les mêmes faits de supposée apologie du terrorisme, le syndicaliste Jean-Paul Delescaut était, quelques jours auparavant, interpellé à son domicile au petit matin. Ils sont en roue libre et ne savent plus ce qu’ils font.

Toute procédure judiciaire envers les pro-Palestiniens émanant du gouvernement auteur de la circulaire ministérielle illégale appelant à ignorer l’arrêt Baldassi de la Cour européenne des droits de l’homme est présumée nulle et non avenue.

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La différence juridique entre les propos haineux et l’outrage (i),
et celle entre la diffamation et l’atteinte à la vie privée (ii)

Rumeurs transphobes : la justice annule une procédure intentée par Brigitte Macron. (…) Dans sa décision, consultée par l’AFP, le tribunal a déclaré nulle l’assignation délivrée par Brigitte Macron pour atteinte au respect de la vie privée et au droit à l’image, estimant que les faits qu’elle dénonçait auraient dû être qualifiés de diffamation publique. (Le Point)

(i)
L’outrage et la législation sur la haine

Brigitte Macron portait plainte pour atteinte au respect de la vie privée à la suite de propos affirmant qu’elle était née Jean-Michel Trogneux à l’état civil et avait au cours de sa vie « transitionné », c’est-à-dire changé de sexe.

Le média que nous citons déclare, en titrant son reportage avec le terme « transphobe », que les faits de l’affaire sont des faits relevant des infractions à caractère haineux, dont ledit caractère représente une circonstance aggravante en droit français. La haine porterait ici sur le groupe des personnes défini par la loi « à raison de leur identité de genre », ce qui comprend les personnes ayant changé de sexe.

Or rien, dans le reportage ainsi titré de ce média, ne permet d’étayer la nature « haineuse » des faits, et par conséquent ce média invente de toutes pièces ledit caractère, qui n’a jamais été retenu à quelque niveau que ce soit de la procédure. Ce média parle de faits haineux pour la seule raison que la supposée atteinte à la vie privée n’est pas sans liens avec un groupe de personnes défendu par la loi contre les propos haineux et les autres délits aggravés en droit par le caractère haineux de leur motivation. C’est non seulement du mauvais journalisme, puisqu’une affirmation mise en exergue (« Rumeurs transphobes » en titre) n’est pas corroborée par le contenu du travail journalistique, mais aussi une marque flagrante d’ignorance juridique.

Une clarification s’impose par conséquent s’agissant du droit en matière de « haine ». Un délit sera plus gravement condamné, dans notre droit, s’il est établi que la victime a été visée parce qu’elle appartient à un groupe que la loi française défend, ces groupes étant définis par certaines catégories spécifiées dans les textes, à savoir : la race, l’ethnie, la nationalité, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre (ce qui recouvre les personnes transsexuelles), le handicap. Si une personne est victime d’un délit motivé par la haine en raison d’un groupe ainsi défini, par exemple si c’est un homme injurié par une femme parce qu’il est un homme, il y a une injure présentant le caractère légal aggravant de la haine. C’est ce que dit la loi, et elle ne dit surtout pas, car ce serait d’une stupidité sans nom, qu’un individu de sexe masculin est forcément l’objet d’une injure haineuse en raison de son sexe quand il est injurié ni qu’une femme est forcément l’objet d’une injure haineuse en raison de son sexe quand elle est injuriée.

En d’autres termes, le caractère aggravant n’est pas, comme dans notre législation sur l’outrage, attaché à la qualité de la personne injuriée mais aux motivations de l’auteur de l’injure. Autant la question de la motivation ne se pose pas (du moins dans les mêmes termes) pour une injure adressée à une « personne dépositaire de l’autorité publique », car l’outrage est alors automatique du fait de la qualité de la personne en tant qu’il est investi de cette qualité, autant la législation sur la « haine » ne pourrait fonctionner sur une base semblable sans se contredire et se ruiner elle-même, puisque que toute personne appartient à l’un de ces groupes par une qualité ou par une autre. On ne saurait assez insister sur le fait que, quand la loi parle de groupe à raison de la race, par exemple, elle ne dit pas qu’elle protège telle race, par exemple les Noirs, et non telle autre, par exemple les Blancs : elle protège toutes les races en aggravant la peine pour les crimes et délits commis en raison de la haine envers l’un ou l’autre de ces groupes.

Dès lors que l’on a compris qu’une personne transsexuelle n’est pas protégée de la même manière que le sont ceux qui bénéficient de la législation sur l’outrage (et dont le privilège tient aux séculaires notions françaises – contestables, mais c’est un autre sujet – relatives aux prérogatives de l’État et de la puissance publique), il n’est pas permis, en droit, de qualifier de « haineux » ou de « transphobe » un fait dont serait victime une personne transsexuelle sans connaître les motifs à l’origine du fait en question, car les raisons possibles pour lesquelles cette personne a été victime sont innombrables, et innombrables celles qui n’ont aucun rapport avec l’identité de genre.

Ainsi, quand telle personne affirme que telle personnalité publique est transsexuelle à l’insu du public, ce n’est pas parce que cette personnalité publique porte plainte pour un délit d’atteinte au respect de la vie privée, donc qu’il y aurait peut-être un délit, que ce délit est « haineux » du simple fait qu’il est question dans l’affaire de transsexualisme. Nous ne sommes pas dans une affaire d’outrage, où la qualification de l’outrage ne se déduit pas principalement des motivations de l’auteur mais de la qualité de la victime (qui doit être « dépositaire de l’autorité publique »), et les motivations de la personne auteur des propos en question, que nous avons à rechercher et à connaître dans cet autre type de cas, nous sont inconnues et sont inconnues du média cité, comme son reportage le montre par son silence à ce sujet.

Parce que l’outrage et l’injure « haineuse » sont tous les deux des aggravations de peine, il faudrait comprendre, comme ce média, que parce que je suis Blanc m’insulter serait automatiquement du racisme anti-Blanc, et parce que je suis de sexe masculin m’insulter serait automatiquement de la misandrie, et parce que je suis hétérosexuel m’insulter serait automatiquement de l’hétérophobie. Ce n’est évidemment pas le cas, en droit, et cela vaut aussi, j’espère qu’on l’a compris, pour une femme homosexuelle de couleur.

Ce reportage est donc une honte. C’est même une diffamation, car prétendre sans raison légitime que la conduite d’une personne devrait subir une peine aggravée plutôt que la peine simple applicable aux faits supposés, c’est, de même que le fait d’accuser d’un crime une personne innocente, une distorsion de la réalité préjudiciable à la bonne réputation d’autrui.

(ii)
La diffamation et l’atteinte au respect de la vie privée

Ce mot « transphobe » était en réalité sans lien avec l’affaire et résulte des biais particuliers au média en question, qu’il partage avec d’autres. Le véritable sujet, c’est qu’un juge a rejeté une plainte pour atteinte au respect de la vie privée en invoquant la nécessité d’une requalification en diffamation.

Or la différence entre une plainte pour atteinte à la vie privée et une plainte pour diffamation, c’est que si les faits sont vrais il n’y a pas diffamation (exceptio veritatis ou exception de vérité) tandis que, pour une atteinte à la vie privée, que les faits soient vrais n’est pas une excuse. Cela se conçoit aisément : dans l’atteinte à la vie privée, le préjudice ne naît pas d’une distorsion de la vérité mais de la divulgation de la vérité, de la divulgation de faits que la victime avait le droit, légitime selon la législation française (ce droit n’existe toutefois pas au Royaume-Uni, par exemple), de vouloir garder connus d’elle seule ou d’un petit nombre de personnes dans son entourage. Autrement dit, dans un procès pour atteinte à la vie privée, la justice n’examine pas si les faits sont vrais mais seulement si les propos tenus portent atteinte à ce droit de la vie privée. Le juge n’avait donc pas à demander la requalification de la plainte dès lors que la plaignante souhaitait invoquer une atteinte à la vie privée plutôt qu’une diffamation, car la défense n’est pas du tout la même dans les deux cas.

Mais le juge a demandé cette requalification parce qu’une plainte pour atteinte à la vie privée dénonce une divulgation de la vérité et que la plaignante n’est pas un homme… S’il avait admis la plainte, il aurait cru faire passer, si l’on cherche à se placer à son point de vue, la diffamation pour une divulgation. Qu’il y ait dans cette mesure un préjugement de l’affaire est indéniable. Il faut donc que la plainte soit pour diffamation, et la cour devra entendre de l’auteur des propos sa défense en exceptio veritatis.

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Sur un média, je ne sais plus lequel, Bolloré ou un autre milliardaire, pour bien insister sur la dangerosité du candidat LFI Raphaël Arnault, il a été dit que ce dernier avait « trois fiches S ». Les agents secrets ont détecté un individu dangereux et fait une fiche à son sujet, puis ils ont oublié qu’il était dangereux et l’ont redécouvert, et ont fait une deuxième fiche, une fiche S comme la première, puis ils ne se sont plus souvenus de ce qu’ils avaient fait, etc. J’essaie de comprendre. Trois fiches S, est-ce que cela signifie que si j’ai une seule fiche S c’est que je ne suis pas vraiment dangereux, puisque certains individus peuvent en avoir trois ou dix ou peut-être vingt-cinq ? Ou bien, ce n’est pas du travail ? Ou bien quoi ?

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Le droit mou des étrangers en France

Un raciste n’est pas forcément contre l’immigration de masse. Quand on voit le droit mou qui s’est créé pour les étrangers en France, qu’on expulse en charter pour le moindre propos (au demeurant permis par la loi) que tel ministre, fonctionnaire ou duchmol juge incompatible avec « nos valeurs », on comprend que les étrangers immigrés n’ont pas les mêmes droits que la population autochtone et qu’ils sont là pour être exploités en fermant la bouche.

« Personne n’est expulsé en charter de France, d’où le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il est normal que les autochtones aient plus de droits que les étrangers, comme dans 90 % des pays du monde, » me réplique-t-on, en concluant que je vis « dans un monde parallèle ».

Quand quelqu’un ne respecte pas une OQTF, on lui adresse une autre OQTF ? La réponse est dans la question. Si c’est le cas dans les faits (ce que j’ignore), c’est-à-dire si l’autorité publique se contente d’envoyer OQTF sur OQTF à la même personne refusant de quitter le territoire, ce ne peut pas être le droit mais une pratique dévoyée.

Dire qu’un étranger a, sur le territoire national, une moindre liberté de s’exprimer qu’un Français, c’est dire qu’il est normal pour les autorités nationales de moins respecter les droits humains de cet étranger. Or tous les hommes ont les mêmes droits humains, et il existe d’ailleurs une procédure d’accueil des étrangers dont les droits humains sont menacés dans leur pays : l’asile politique. Par conséquent, l’État aurait le devoir de donner l’asile à un étranger (car le droit d’un individu à l’asile a pour pendant l’obligation pour l’État de le lui accorder) mais il aurait le droit de l’expulser parce qu’il aurait dit telle ou telle chose permise par la loi nationale mais qui dérange je ne sais quel potentat de chez nous ?

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Dissolution et Droit constitutionnel :
Le « pouvoir » présidentiel de nomination du Premier ministre

(Écrit entre les deux tours des élections législatives des 31 juin et 7 juillet.)

C’est la liste arrivée en tête aux élections qui doit soumettre un nom au Président de la République pour le poste de Premier ministre, éventuellement après avoir engagé des négociations pour la formation d’un gouvernement. S’il y avait un doute quant au fait que cela doit se passer ainsi, les autres listes pourraient toujours sceller des alliances post-électorales pour former un gouvernement en vue d’évincer le parti vainqueur dans les urnes. Par exemple, trois listes ou partis B, C et D à 17 % chacun (total 51 %) pourraient s’allier pour gouverner alors que les élections ont été remportées par le parti A avec 49 % des sièges. Les partis B-C-D ne peuvent pas prendre l’initiative de former un gouvernement, ils doivent attendre et accepter ou refuser des propositions du parti A, si celui-ci veut une majorité absolue (>50%) au Parlement.

Même avec 49 % des sièges, A ne peut rien faire seul, par hypothèse, puisque pour qu’un texte soit voté par une assemblée parlementaire il faut au moins 51 % des voix (plus de votes pour que de votes contre). Si un autre parti que celui qui a obtenu la majorité relative peut être appelé à former un gouvernement, cela signifie que ceux qui ont perdu les élections peuvent se coaliser après le résultat pour dire que le gagnant est minoritaire par rapport à eux. En général, le gagnant trouve une liste avec qui s’allier, la droite avec le centre, les socialistes avec les communistes, écologistes et autres partis insignifiants ; c’est ce que nous avons connu ces dernières décennies. Mais si la formation ayant obtenu la majorité relative, le plus grand nombre de sièges, ne peut trouver d’alliés, la Constitution ne l’oblige pas, néanmoins, à se retirer au profit d’un gouvernement de perdants coalisés.

En d’autres termes, après le résultat des élections, il est trop tard pour faire bloc commun quand on a perdu. La liste qui a la majorité relative « tient » le gouvernement, que ce gouvernement soit soutenu par une majorité absolue de parlementaires ou non. Dans le cas contraire, il pourrait hypothétiquement ne jamais y avoir de victoire à la majorité relative puisque les perdants pourraient toujours gagner en disant qu’ensemble ils ont une majorité absolue que n’a pas le gagnant à lui seul. Le fait de perdre, aux portes du pouvoir, serait un stimulant suffisant pour faire oublier à toutes ces listes les raisons pour lesquelles elles se sont présentées en ordre dispersé plutôt qu’unies et ont présenté aux électeurs ces choix de dispersion comme pertinents en termes de projets politiques. Mais il y a plus étrange encore et c’est qu’un Nouveau Front populaire se présente sous une étiquette unie avec des « parias », les mélenchonistes, contre qui ceux qui poussent l’idée, illusoire pour les raisons que j’ai dites, d’un gouvernement d’union nationale des perdants veulent faire tout autant barrage que contre le RN.

Le Président de la République est dit par les constitutionnalistes avoir un pouvoir discrétionnaire de nomination mais en même temps il est obligé, en cas de cohabitation, de nommer quelqu’un de la majorité. C’est la manière paradoxale dont ces gens présentent les choses. Il y a là bien des ambiguïtés. En particulier, de quelle majorité parle-t-on ? Le vainqueur aux législatives, la première liste du pays en nombre de voix, peut n’avoir qu’une majorité relative et dès lors la majorité absolue est chez les autres listes ensemble. Si, après une élection dont la liste A sort vainqueur avec 45 % des sièges, le Président nomme un Premier ministre de la liste B parce que B et C, 26 et 25 % respectivement, sont d’accord pour négocier un compromis différent de leurs programmes électoraux respectifs, les élections ne servent fondamentalement à rien puisque le programme décrochant le plus grand nombre de représentants dans le pays peut être systématiquement écarté. De ce fait, il est évident que le Président ne peut accepter de nommer un Premier ministre qui serait désigné par des groupes se réunissant en majorité absolue de députés s’il ne se trouve parmi ces groupes celui qui a obtenu aux élections la majorité la plus importante de tous les groupes. Un gouvernement peut se former sans majorité absolue au Parlement, et soit il parvient à faire malgré tout voter des lois, parce que les députés votent individuellement, soit il n’y parvient pas et peut alors engager sa responsabilité avec un 49-3. Mais l’idée d’une majorité constituée de perdants est complètement fantaisiste.

Sur le plan constitutionnel, comme il n’y a pas de mandat impératif (article 27 de la Constitution), nul ne peut présumer qu’un gouvernement est dans l’incapacité de faire passer des textes au Parlement. Le Président pourrait certes le supposer vis-à-vis d’un gouvernement purement RN ou purement NFP avec un RN ou un NFP n’ayant pas la majorité absolue au Parlement, mais cette supposition se fonderait sur la discipline des partis qui n’est ni constitutionnalisée (et cette constitutionnalisation rendrait la Constitution contradictoire en raison de l’interdiction des mandats impératifs) ni même une réalité bien établie (il y a toujours ici ou là un certain éparpillement des voix au Parlement). Par conséquent, ce serait une faute de refuser de nommer un Premier ministre qui demanderait à l’être à la suite d’une victoire aux élections à la majorité relative. À défaut d’un vote d’investiture dans notre Constitution, un gouvernement doit être présumé capable de faire passer des lois tant que le Parlement n’a pas prouvé le contraire, et cette preuve ne peut intervenir avant la nomination d’un Premier ministre. Sur le plan politique, à présent, un gouvernement de tous les partis sauf un, le gagnant des élections, ne peut gouverner. Si un tel gouvernement pouvait faire voter des lois, cela signifierait qu’il n’y a qu’une seule véritable force d’opposition dans le pays, à savoir le parti que la formation de ce gouvernement d’union nationale a précisément eu pour but d’évincer, et que tous les autres partis sont en fait d’accord sur la direction politique du pays.

Pour nommer un Premier ministre après des élections, il n’y a pas deux systèmes mais un seul : la reine d’Angleterre nomme le gagnant, un point c’est tout. Si le Président peut nommer qui bon lui semble, à quoi servent les élections ? Majorité absolue ou pas, il nomme celui que la liste gagnante lui présente. Celui-ci fait le gouvernement qu’il peut, avec ou sans soutien d’autres partis. Il soumet des lois au Parlement et les députés votent. N’importe quel gouvernement est réputé pouvoir faire passer des lois car « tout mandat impératif est nul » (art. 27). Si le gouvernement n’arrive pas à faire voter des lois, il engage sa responsabilité avec un 49-3. C’est la théorie bien connue du parlementarisme négatif et c’est ainsi que les choses se passent dans plusieurs États européens, les pays scandinaves, le Portugal… Le mot « discrétionnaire » dans la bouche des constitutionnalistes pour désigner le pouvoir présidentiel de nomination du Premier ministre doit être compris à cette lumière : c’est discrétionnaire parce que c’est le Président, mais il n’a pas le choix. Croyez-vous que la Constitution non écrite du Royaume-Uni dise que le souverain doit nommer tel ou tel Premier ministre ? Pas du tout. Qui dit souverain dit discrétionnaire. Le Président nomme discrétionnairement le gagnant, un point c’est tout.

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Dissolution et Droit constitutionnel II :
Du caractère non démocratique de notre Constitution selon les médias

(Écrit après les résultats des élections législatives.)

Le député LFI Éric Coquerel, sur un plateau de télévision, à la question « Comment, si le Nouveau Front populaire forme un gouvernement minoritaire à l’Assemblée, peut-il appliquer son programme ? » :

« On passe par décret [pour les mesures d’ordre règlementaire]. »

 – « Ce n’est pas démocratique ! », lui est-il aussitôt répondu, avec une fraîche spontanéité.

 La Constitution définit les domaines respectifs de la loi et du décret (article 34) et, constitutionnellement, il n’est permis ni de prendre un décret à la place d’une loi ni de voter une loi à la place d’un décret. La pratique, illégitimement validée par le Conseil constitutionnel, de voter une loi à la place d’un décret (ou de prendre des mesures du domaine décrétal dans une loi) est un dévoiement contraire à l’intention du constituant et au parlementarisme rationalisé qu’il a mis en place. Dès lors que la pratique s’est écartée au fil du temps du texte constitutionnel sur ce point comme sur d’autres, le régime est devenu, en effet, « à bout de souffle » (Coquerel).

La pratique en question est évidemment inconstitutionnelle et sa validation par le Conseil constitutionnel complètement illégitime parce que cela revient à vider de tout contenu la notion de domaines respectifs de la loi et du décret. Certes, le texte de la Constitution est en soi trop succinct pour rendre immédiatement clair ce qui relève d’un domaine et ce qui relève de l’autre pour tous les sujets, mais c’est justement la pratique qui devait préciser les domaines respectifs, sur le fondement du texte et sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Or tant la pratique que le Conseil constitutionnel n’ont fait que brouiller puis finalement ignorer les domaines respectifs, si bien qu’aujourd’hui annoncer qu’on va passer des mesures du domaine réglementaire par règlement/décret suscite des cris « Ce n’est pas démocratique ! » Un tel régime, où la Constitution et la pratique des institutions ne correspondent plus, ne peut durer longtemps.

S’il n’est pas démocratique de prendre par règlement des mesures du domaine réglementaire défini par la Constitution, cette Constitution n’est pas démocratique. Si cette Constitution n’est pas démocratique, le régime ne peut être démocratique que parce qu’il ignore sa Constitution, ne l’applique pas, par exemple ignore le domaine réglementaire propre. Si le régime ignore sa Constitution, ce ne peut pas être un régime constitutionnel. Si ce n’est pas un régime constitutionnel, il n’y a pas de garanties constitutionnelles et c’est un régime arbitraire.

Droit 41 Quand règne l’arbitraire

Mars-Juin 2024 FR-EN

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FR

Quand règne l’arbitraire

La distinction entre (1) brocarder les adeptes d’une religion et (2) brocarder une religion n’a strictement aucun sens. La loi française n’a aucun sens et les jugements sur ces questions sont arbitraires.

Rappel (éléments publiés sur ce blog le 15/2/2020 Twit28) : « Il est possible de critiquer fermement, même avec des propos très virulents ou injurieux, une religion, alors que les croyants sont protégés par les infractions listées. » (Note juridique de 2016 publiée sur le site internet du Sénat) Prenons un exemple. « Le babisme est une religion imbécile » : est-ce licite ? Le propos se borne à critiquer une religion, même avec des propos injurieux. « Le babisme est une religion d’imbéciles » : est-ce illicite ? Il est nommément question des croyants. Cette interprétation reprise par le Sénat est évidemment fautive car elle rend impossible « la protection des croyants » par la loi qui vise à les protéger. Mon exemple le montre pleinement : de deux propos strictement équivalents en termes de virulence injurieuse, l’un serait condamné, l’autre non. Tracer une frontière entre les deux types de propos ne peut être qu’arbitraire. De deux choses l’une : ou bien vous supprimez ces lois (parce qu’elles sont liberticides) ou bien vous les appliquez. Car les interpréter de manière sournoise, équivoque et arbitraire, tue le droit. Or cette interprétation reprise par le Sénat, qui empêche de protéger les croyants (puisqu’un simple ajustement verbal sans aucune conséquence sémantique permettrait d’échapper à toutes sanctions pénales), est, dans le contexte actuel, un moyen de soustraire l’islamophobie à l’application de la loi.

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Faux-cols et « Apologie du terrorisme »

L’approbation simple du terrorisme est légale en France (cf. l’article du 27 octobre 2023  « Jean-Luc Mélenchon se trompe sur l’apologie du terrorisme » sur le site Actu juridique). L’apologie est interdite et passible de cinq ans de prison. Applaudir dix secondes : approbation licite. Applaudir onze secondes : apologie, cinq ans de prison. Voilà. Une distinction là encore bien arbitraire pour faire croire que nos lois respectent les libertés.

Sur la question du Proche-Orient, Mathilde Panot sera condamnée, après le syndicaliste Jean-Paul Delescaut, à de la prison avec sursis. Si elle s’exprime de nouveau sur le sujet, elle sera condamnée à de la prison ferme, comme récidiviste. Elle ne parlera donc plus que des CROUS… Et l’autre, disant : « Si le jugement n’est pas une condamnation, vous pourrez vous en prévaloir. » C’est un service qu’on leur rend, en fait, ah là là.

ii

Si quelque chose est « peut-être » de l’apologie du terrorisme, c’est que l’affaire doit être close. La loi pénale (c’est un principe fondamental) doit être claire : il ne doit pas y avoir de doute, par conséquent, sur le fait que des agissements sont illicites. Dans une affaire pénale en général, la question est de savoir si telle ou telle personne a fait ou n’a pas fait ce qu’on lui reproche. Ici, la question est de savoir si ce qu’ont dit telle et telle personne est ou n’est pas un délit. Ce n’est pas comme ça que le droit fonctionne ! Or, avec les délits d’opinion, c’est comme cela, et c’est justement pour cette raison que les délits d’opinion ne sont pas acceptables en droit, ce qui veut dire : pas de lois contre l’expression d’idées, quelles qu’elles soient. La classe politique française a méconnu et méconnaît ce principe, tout en prétendant le défendre. Mais dès que ces politiciens s’expriment sur le sujet, ils disent, forcément, des monstruosités juridiques, du type : « C’est peut-être de l’apologie du terrorisme : à la justice de trancher. » Non, les citoyens d’un État de droit n’ont pas à se demander si ce qu’ils disent est « peut-être » un délit pour duchmol ou tartempion pouvant saisir le juge.

iii

« ’On a été bien reçus’, dit [la militante pro-palestinienne] Rima Hassan à la sortie des locaux de la police judiciaire [où elle était entendue pour des faits d’apologie du terrorisme en raison de propos tenus après le 7 octobre]. (AFP)

Pourquoi faire un titre sur « J’ai été bien reçue » ? Le journaliste pensait-il qu’elle serait torturée, en raison des condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour tortures policières ? Ou bien est-il hors sujet ? Le journaliste de l’AFP qui a fait ce titre doit être la seule personne en France à penser que le sujet est celui de l’accueil des personnes par la police…

iv

Les plaintes fantaisistes ne doivent pas être reçues. C’est cela, la procédure.

Est-ce la même organisation qui a déposé plainte contre plus de 600 militants et acteurs politiques français au lendemain du 7 octobre ? Quel est le financement de cette organisation ? Comment ce phénomène de plaintes de masse n’est-il pas un abus de procédure et du spam juridictionnel ? La justice dit qu’elle est surchargée mais elle accepte 650 plaintes en masse de la part d’une seule entité ? Et ce sous le gouvernement qui a répondu par une circulaire illégale de déni après l’arrêt Baldassi de la Cour européenne des droits de l’homme sur le droit au boycott de l’État sioniste.

On me dit qu’une association a déposé plus de 600 plaintes pour apologie du terrorisme. C’est une attaque DoS contre la justice française. Que les pouvoirs publics réagissent !

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Peut-on rire de tout, Guillaume Meurice ?

Classement sans suite concernant les propos de l’humoriste Guillaume Meurice sur le Premier ministre israélien : « un nazi mais sans prépuce ».

Un classement sans suite, ce n’est pas « la justice a dit que… », comme on a pu l’entendre. Le procureur qui classe sans suite n’est pas, la Cour européenne des droits de l’homme l’a rappelé à plusieurs reprises, une autorité judiciaire mais une autorité administrative, comme la police. Le plaignant qui voudrait insister pour faire aboutir sa plainte et obtenir un jugement le pourrait. En l’occurrence, le procureur a estimé que la plainte était sans fondement et n’avait aucune chance d’aboutir à une condamnation.

Or, quand on voit que les quelques centaines de plaintes (par une même organisation, semble-t-il) pour apologie de terrorisme ne sont pas classées sans suite, alors même que « l’approbation simple » du terrorisme est légale en France (cf. l’article du 27 octobre 2023 « Jean-Luc Mélenchon se trompe sur l’apologie du terrorisme » sur le site Actu juridique), que l’apologie illicite est quelque chose de complètement distinct en principe et en droit de l’approbation (qui relève de l’opinion), on a bien du mal à comprendre, et ces difficultés sont évidemment elles-mêmes une façon de geler le débat. Puisque les plaintes contre Rima Hassan, Mathilde Panot et bien d’autres ne sont pas classées sans suite, tout le monde aurait pu s’attendre à ce que Meurice passât lui aussi devant un tribunal. Mais personne ne sait à quoi s’attendre et c’est bien le problème de ces lois que l’on voudrait entendre dénoncer par nos partis politiques mais qui restent en dehors de toute discussion. Nos politiciens sont tous contre la censure mais personne ne pointe du doigt les lois de censure.

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Les lois scélérates se portent bien, merci

Les « lois scélérates » françaises servent à nuire à l’opposition au gouvernement, comme le rappelle l’avocate Elsa Marcel. Ces lois existent depuis plus d’un siècle. Pourquoi dire – on l’entend beaucoup – que la France devient tout à coup fasciste ? Ces lois existaient même avant le fascisme.

Léon Blum fait partie des quelques noms qu’on cite de gens qui se sont opposés aux lois scélérates. Quand il a dirigé le Front Populaire, qu’a fait Léon Blum contre les lois scélérates ? Rien. Lui savoir gré de son opposition aux lois scélérates est donc de la niaiserie chez les uns, de l’escroquerie intellectuelle chez les autres.

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Statistiques ethniques

Si la réponse pénale au racisme consiste à prononcer des rappels à la loi pour les injures contre telle minorité et des peines de prison pour les injures contre telle autre, c’est du racisme. Montrez-nous donc les statistiques. Comment ça « il n’y en a pas » ?!

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Pourquoi les gens vont-ils voter ? On leur propose des programmes électoraux, puis, après les élections, les partis entrent dans des négociations à huis clos d’où sort un pacte de coalition sur lequel aucun électeur n’a voté. Ce type de pacte peut hypothétiquement conduire au pouvoir un parti qui renonce à tous les points de son programme électoral.

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Les Pays-Bas ont des lois criminalisant les discours haineux envers des groupes, notamment à raison de leur religion (article 137 du code pénal†), mais Geert Wilders, condamné une fois pour des propos qu’il répète continuellement, ce qui devrait lui valoir de faire de la prison comme multirécidiviste, va diriger le pays. On a rarement vu une telle gangrène de l’État de droit. Les institutions corrompues de ce pays s’assoient sur leurs lois quand les victimes sont les musulmans. La trajectoire de l’individu en question n’est possible que par cette gangrène.

Les institutions ont un devoir constitutionnel qui est de garantir le fonctionnement de l’État de droit (the rule of law), et quand elles sont défaillantes sur ce point on peut et doit parler de gangrène d’un système.

† « He who publicly, orally, in writing or graphically, intentionally expresses himself insultingly regarding a group of people because of their race, their religion or their life philosophy, their heterosexual or homosexual orientation or their physical, psychological or mental disability, shall be punished by imprisonment of no more than a year » (Art. 137c traduit en anglais)

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Comment être légalement polygame en France

La polygamie est passible d’un an de prison en France (article 433-20 du code pénal). Seulement, les mariages religieux ou coutumiers n’y étant pas reconnus, certaines personnes polygames ne sont pas considérées comme polygames par la loi.

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La sueur du chien

L’argument de Manon Aubry sur le nombre comparé d’amendements déposés par elle et par Jordan Bardella au Parlement européen n’est ni percutant ni pertinent, parce que ce nombre n’est pas important, la vraie question étant : pour quel résultat ? Si la réponse est la même pour celui qui a déposé des milliers d’amendements et celui qui en a déposé trois – par exemple que cela n’a eu aucun résultat ni dans un cas ni dans l’autre –, le bilan est en faveur du second. Des dépôts compulsifs d’amendements sans résultats sont une étrange conception de la politique.

La « productivité » d’un député ne se mesure pas au nombre d’amendements déposés mais au nombre d’amendements retenus, et cela ne dépend pas du nombre déposé. Un amendement déposé sans résultat a un impact négatif sur la productivité du député. Si l’on nous répond que la productivité d’un député se mesure à son temps de parole plutôt qu’au résultat de ses prises de parole, je réponds, surtout au Parlement européen, encore plus éloigné du public qu’un Parlement national, que ces débats ont un côté « entre soi » inutile et même irritant pour le public : les députés sont des politiciens professionnels et un professionnel de la politique ne se laisse pas convaincre par les arguments d’un adversaire politique, il est justement payé pour ne pas se laisser convaincre. En vérité, un député sert mieux son parti en dehors du Parlement qu’au dedans, en optant pour une stratégie locale et nationale de communication. Qu’un député pense se former en politique en étant assidu au travail parlementaire, c’est son droit, mais qu’il présente cette formation individuelle comme une nécessité du travail productif, c’est faux. De sorte que, non, les 7.780 euros nets de rémunération mensuelle d’un député européen ne se justifient pas, mais dire que parce qu’on est payé ce montant élevé on doit déposer des quantités d’amendements qui resteront sans résultat, c’est de la niaiserie. Comme dit un proverbe sessouto, « la sueur du chien ne fait que mouiller ses poils » (tiré de l’Anthologie n*gre – je ne peux écrire le mot, sous peine de disparaître d’internet – par Blaise Cendrars).

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Présomption d’innocence
et Garantie du mobile haineux du crime

« Antisémitisme : une jeune fille de 12 ans violée par des adolescents à Courbevoie. » (Europe 1, 19 juin 2024)

Qu’une victime appartienne à telle ou telle minorité ne suffit pas pour que l’infraction soit motivée par la haine. Sauf erreur, Europe 1 ne dit rien, dans cette vidéo, des raisons qui font que la police retient un caractère aggravant pour l’infraction, comme si l’appartenance de la victime à telle ou telle minorité était en soi une raison suffisante pour une telle aggravation. Ce qui est de nature à déformer la compréhension du droit par le public.

N’est-il pas regrettable qu’un média qui titre une vidéo « Antisémitisme : une jeune fille etc. » ne dise pas en quoi il s’agit d’antisémitisme, ce qui, je le répète, laisse penser que l’appartenance d’une victime à telle ou telle communauté est suffisante en droit pour que le caractère aggravant d’une infraction soit retenu, ce qui n’est évidemment pas le cas ?

Les gens sont présumés innocents jusqu’à leur condamnation par un tribunal indépendant mais le mobile haineux est garanti sans attendre, au terme d’une enquête sommaire des services de l’exécutif, pour nos médias et notre classe politique.

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Le procès

Adrien Quatennens n’a pas eu droit à un procès serein, impartial. C’était un procès devant l’opinion, un lynchage. Adrien Quatennens n’a même pas pu présenter la moindre défense car ç’aurait été « justifier l’injustifiable » devant l’opinion manipulée et il aurait aggravé son cas devant cette foule qui demandait sa tête et qui a été en réalité son seul juge dans cette affaire. Or, en droit, donner une gifle à quelqu’un qui vous couvre d’injures blessantes et humiliantes par ses paroles ou sa conduite n’est pas la même chose que donner une gifle à quelqu’un qui se montre respectueux envers vous, et la défense avait donc le droit de poser la question de l’attitude de la femme d’Adrien Quatennens, ce qui évidemment n’a jamais été ne serait-ce que suggéré devant l’opinion, bien excitée par les partis politiques et même des membres du gouvernement, et qui a tout préjugé jusqu’au (pré)jugement final. Or, comme personne, dans la classe politique, y compris parmi les « amis » de Quatennens, n’a jamais, que je sache, rappelé le moins du monde ces évidences ainsi que les principes du droit, il est impossible qu’une telle classe politique soit capable de produire de bonnes lois.

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EN

Abortion and the Principle
“No Taxation Without Representation”

[Senatrix] Mazie Hirono: ‘If You Don’t Support Abortion, Don’t Get One; Leave The Rest Of Us Alone’” (Forbes Breaking News)

Why should I pay for others’ abortions? Leave the taxpayer alone! This “leave women alone” argument is deceptive and insulting, everywhere taxpayers support the costs. This senatrix is a deceptive woman. You milk the taxpayer and then: “It’s none of your business.” It isn’t even sure she knows the situation, she seems so clueless. The idea is plain wrong in a system where the least bit of health expenses is the least bit socialized, because then the issue is that of a taxation and, as all Americans except this Democratic woman know, from the beginning of the Republic the principle has been “No taxation without representation.

The mistakes I have a right to point are those whose consequences fall upon me in one way or another, which is the case with abortion where health expenses are socialized. Through socialization the issue becomes that of a taxation and the principle is “no taxation without representation.” Rape is the only case where an abortion would not be the result of a mistake, as sex is forced on the woman by her rapist. For that reason, several legislations around the world prohibit abortion except in case of rape. On this particular point, I would like to ask data from said legislations. If rape is made an exception, women who want to abort may falsely claim having been raped and accuse innocent men.

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“A Scotsman’s home will no longer be his castle.” (George Galloway MP) [reacting on a new bill further stifling Scotsmen’s speech]

The model is France, where private speech has always been punishable, only the punishment is not as severe as for public speech, namely you can go to jail for public speech, not for private speech.

I am not quite sure this law is as much a change as its opponents believe or make believe it is, that is, I am not sure Scotland goes from free to unfree. I should think it is a small increment in speech repression. A few years ago, a new bill was passed in Canada, opponents claimed Canada was becoming a repressive state, but the truth is the bill’s authors were right: It was not a big change, the repression apparatus had already been there for decades. If you defend free speech, you should not simply oppose the newest of many repressive bills but call for the total abolition of the existing repression apparatus.

If the law criminalizes private speech where only public speech was criminalized before, and if this and this only is the problem, then I might think you don’t really care about free speech, for in fact it is not as much a problem to criminalize private speech as to criminalize public speech. Is a Scotsman’s speech for the walls of his castle and a few people there, or does the Scotsman legitimately want to be heard beyond his castle’s walls? If he may legitimately want to he heard, then repression of private speech where only public speech was repressed before is not as heinous a legislative deed as repression of public speech where public speech was free.

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Australia can legally prevent Australian users from watching content, not users from other countries, who have no say on Australian laws, have not elected these people to make laws in their name. Therefore, any injunction on X (formerly Twitter) by Australian authorities to ban content for all X users is illegal power grab. X can only be, by Australia, compelled to deny content access for users connecting from Australia.

At this stage, Australia’s request is an administrative gag order, by the way; the Australian authorities are not even asking for a judicial decision.

ii

One is reminded of Christchurch, NZ. “New Zealand man jailed for 21 months for sharing Christchurch shooting video” (BBC News, June 2019). Making it a crime to share the video amounted to claiming that the government must be the only source of truth. The only source of truth will be at the same time the agency that restricts access to evidence. Under a constitutional regime the government can make no claim to be an exclusive authority as to what the truth is. Hence, by restricting access to evidence it overrides its constitutional function. – To the best of my knowledge, the Christchurch video was de-platformed from all internet platforms, including Twitter, now X. They complied with a NZ gag order, apparently. Therefore, I don’t know how this NZ man could even share this material if not through private emails or mails…

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Feel Good Bills

“Yet again today we had another show vote to make people [representatives] feel good about themselves by passing a bill having the word antisemitism in the title.” (U.S. Representative Chip Roy)

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Pacta Sunt Servanda
vs The Unbreakable Bond

An “unbreakable bond” is something that cannot exist between two sovereign states, given the pacta sunt servanda principle of international relationships. A statesman talking of an unbreakable bond with a foreign state talks as if he had got a mandate from this foreign state’s rather than his own state’s constituency. This is a misuse of power plain and simple, basically the rhetoric of high treason. The strange thing is that it has been every single U.S. statesman’s talk these last decades.

The “unbreakable bond” rhetoric should be left to soapbox, electoral campaign speech, if people are dumb enough to listen to such nonsense. On the institutional level it is treasonous. Sovereign states have contractual bonds: A breach of contract by one unbinds the other. A U.S. statesman cannot talk of an unbreakable bond because in case of breach of contract by the other state it will be his duty to unbind the U.S., and he is not ruling the other state but his own state so, with the constitutional powers vested on him, he cannot prevent a breach by a foreign sovereign state, his constitutional powers do not extend over two states. Talking of an unbreakable bond with a foreign state is the same as saying that under his tenure crimes will not be punished: A statesman has no right, as a constitutional power, to say such a thing.

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Religion As Private Matter:
A False Tenet of Secularism

If a country is a democracy where people vote, then the obvious result must be that the majority’s religion will have some official character, not because freedom of religion is stifled but because people vote and their vote is informed by their religion. What is a religion that does not inform one’s vote? People vote for policies, policies are based on values as these values translate in how the society works. How can it be said that religion is a merely private matter? Values are not private matters. The very fact that the U.S. is not a “Christian nationalist” country is proof that the leading forces of this country are hostile either to religion as such or to the majority’s religion, and in this hostility is included the notion that religion (or the majority’s religion) is a merely private matter, which is an emasculation of religious faith. I don’t know what you think the ballot is for but you can’t claim that people should not see it as a way to translate their religious values into policies. People vote for what they want, in theory; if they can’t, this is a flawed democracy.

Addendum. “People vote for what they want.” To be precise, they cannot vote for unconstitutional bills, that is, unconstitutional bills are not binding, not enforceable before courts of law. However, constitutional amendments can be passed (the theory of “rigid constitutions” is clearly undemocratic).

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Same as the state can discourage the consumption of drugs by criminalizing it, the state can criminalize other conducts the majority of the people, informed by their religion, deem sinful and want to discourage.

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The Scam of Therapeutic Cannabis

“Therapeutic psychedelics” is a contradiction in terms as therapeutics aims at floating individuals on mundane performance whereas psychedelics opens them to extramundane experience. U.S. Congress’s Religious Freedom Restoration Act (RFRA) of 1993 was a sounder approach to the question.

ii

A medical use of cannabis was contrived as a wedge for recreational use. At Woodstock, no one said a word about medical use but they had a lot to say about recreational or existential or philosophical use. Medical use was contrived by people who had smoked weed at Woodstock and were looking for a way to make their new pastime accepted by society. That is, they perjure the Hippocratic Oath.

iii

Commercium liberum, free trade means that if China doesn’t buy British opium from British India, the English will attack China and with their military power open Chinese harbors to opium imports. This is called Opium War and it is real. Free trade is a völkerrechtlich (international-law) justa causa of aggression. Recently, Singapore wanted to ban chewing gum from its territory; the U.S. objected, therefore Singapore keeps importing “therapeutical” chewing gum, and this is how everything can be therapeutic if need be. As the states are on a cannabis legalizing spree, prepare for the Cannabis Wars of tomorrow.

Cannabis Wars will be American aggressions against countries that oppose flooding by medical and/or recreational cannabis, this opposition being an impediment to free trade. Hong Kong’s colonial status was a result of the Opium Wars, so it cannot be said that these “free trade” wars are not for territorial gains. They are 1/ aggression wars, 2/ possibly ending in territorial changes, and above all they are 3/ just wars, having justa causa.

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According to the French Constitution, Art. 35, 1) A declaration of war by the government must be authorized by Parliament. 2) Parliament must be informed of military interventions in foreign countries. 3) If a military intervention lasts more than four months, its continuation must be authorized by Parliament. Hence, the French Constitution organizes the modalities of military intervention without declaration of war. What a piece of trash.

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That countries with the nuclear weapon oppose that countries without the nuclear weapon acquire it, is old jungle rule. All countries have a right to develop nuclear armament as soon and as long as some countries possess such a weapon. This is a natural right of states.