Journal onirique 7

Période mars-avril 2020. (Suite de mon journal onirique de confinement.)

Les initiales des prénoms ont été randomisées par des jets de dés.

« le coefficient métaphysique du citron » (Jean-Paul Sartre, L’être et le néant)

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Une amie est dans la neige jusqu’au cou, c’est-à-dire que la neige doit avoir environ 1,60 mètre de profondeur à l’endroit où elle se tient. Or elle se tient au bord d’un dénivelé abrupt, où la neige recouvre un trou de 5 à 10 mètres bien qu’en surface rien n’y paraisse : comme la surface de la mer est égale à elle-même quelle que soit la profondeur qu’elle couvre, la couche de neige est étale aussi loin que porte le regard. Nous connaissons toutefois la présence de ce trou et savons que notre amie tomberait dedans si elle avançait ne serait-ce que d’un pas. Les autres membres du groupe considèrent donc que l’endroit est dangereux, mais je ne partage pas leur point de vue et, pour montrer qu’il n’existe aucun danger, je saute dans la neige à l’emplacement du trou.

M’enfonçant dans la neige, qui résiste à peine, je ne suis soudain plus aussi sûr de moi, car ce qui m’apparaît au contraire de plus en plus clairement tandis que je m’enfonce, c’est que je vais tomber jusqu’au fond du trou et qu’une fois au fond je n’aurai aucun moyen de remonter à la surface car la neige n’offre aucune prise tout en n’opposant pas la moindre force à la gravitation : je vais donc mourir étouffé sous la neige, qui se referme sur le tunnel que je creuse en m’enfonçant.

Je me réveille donc pour ne pas me voir mourir. En écrivant ces lignes, je comprends que cette folie m’avait paru sans danger parce que j’imaginais que je pourrais nager dans la neige comme dans l’eau et donc remonter à la surface en nageant.

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Fanric the London Charismatic : c’est le nom de scène d’un artiste dont le spectacle consiste à faire monter sur scène des personnes du public pour les étrangler. Certains meurent, et, parmi ceux auxquels il laisse la vie, quelques-uns perdent la parole à tout jamais.

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Pour me rendre à un concert en plein air dans une région de France qui m’est entièrement inconnue, je loue une chambre d’hôtel dans un village de cette contrée reculée. Avant d’aller au concert, je dîne au restaurant de l’hôtel. Au moment de payer les 12,40 de l’addition, je ne trouve dans mon portefeuille que des billets de monnaies étrangères. Je prends un temps fou à chercher des euros (car j’ai bien cru en voir au moment où j’ouvrais mon portefeuille), tout en maugréant contre la paperasse inutile que j’ai accumulée. La serveuse qui attend est d’une extrême patience, mais ma recherche est vaine. J’avise N. qui se trouve dans le même hôtel et le prie de me prêter de l’argent, ce qu’il accepte ; il me donne 13 euros, incluant un pourboire, et j’obtiens également de lui un billet de 50 pour la soirée.

Je paye la serveuse et lui demande de bien vouloir m’appeler un taxi, car le concert doit avoir lieu dans un autre village ou dans la campagne avoisinante. Elle me répond qu’il n’y a pas de taxi et que je vais devoir m’y rendre à pied. Devant l’effet de cette complication inattendue, elle me dit qu’elle veut bien m’accompagner au concert. J’accepte de grand cœur.

Nous sortons. C’est le soir et le village est très animé, beaucoup de monde est assis aux terrasses des cafés et l’on entend de la musique un peu partout. Nous sommes comme deux amoureux qui se promènent au milieu d’une fête villageoise et, ainsi transformés, nous décidons au bout d’un moment de retourner à ma chambre. Or ce n’est pas gagné, car la demoiselle se métamorphose aussitôt en petit insecte noir que je ne dois pas perdre de vue et qu’il me faut même guider, comme un chien de berger guide des moutons, car l’insecte a tendance à aller de droite et de gauche plutôt que tout droit vers l’hôtel. Qui plus est, je dois éviter que l’insecte se fasse piétiner par la foule. J’y parviens plutôt bien jusqu’au moment où l’insecte entre dans une boutique de souvenirs, ouverte cette nuit-là, et où deux vieilles tenancières menacent de l’écraser. Je suis obligé de m’opposer à leurs tentatives, passant à leurs yeux pour un fou furieux, tout en cherchant à faire sortir l’insecte de la boutique, tandis que les deux vieilles s’en prennent à moi. Dans cette situation confuse et dangereuse, l’insecte déploie ses ailes et s’envole ; on dirait à présent un cousin noir ayant sur le ventre une lumière comme de luciole. Je parviens à l’engager de nouveau dans la rue, où il rétracte ses ailes et reprend son chemin au sol sous sa précédente apparence d’insecte rampant.

Nous arrivons devant l’hôtel, où la porte de ma chambre se trouve directement sur la rue, et croyant voir l’insecte, de plus en plus minuscule, se glisser sous la porte, j’ouvre et referme aussitôt celle-ci après être à mon tour entré. Toutefois, dans la chambre, je ne vois pas l’insecte, et mes recherches ne donnent rien. Réalisant que j’ai perdu sa trace, je reste apathique, jusqu’à ce qu’on frappe à la porte : c’est elle, à nouveau sous forme humaine. Elle est triste que je ne sois pas allé la trouver dans sa chambre mais, tout en lui présentant des excuses, je lui fais remarquer que nous avions convenu d’aller dans la mienne.

Je me retrouve étendu sur elle, à savoir, sur son dos nu, et, pour me donner des forces (comme si je n’avais pas déjà dîné), je commence par manger – dans cette position – un gros hamburger rustique garni de frites. (Les frites sont dans le hamburger lui-même, comme dans les excellents kebabs-baguettes que prépare dans la réalité, qui dépasse parfois la fiction, la boulangère d’origine maghrébine de mon quartier.) Soit parce que j’ai une faim de loup, soit pour en finir au plus vite, je dévore le burger dans la plus grande précipitation, faisant tomber des frites un peu partout, en particulier sur les cheveux blonds et les épaules de la demoiselle, qui cherche par conséquent à me modérer : « Vas-y doucement ! »

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En utilisant une gazinière de cuisine, je remarque un dysfonctionnement : quand je ferme le gaz d’une certaine plaque avec le bouton tournant, cela allume en même temps le gaz d’une autre plaque, que je suis alors obligé de fermer à son tour. Jusque-là rien de bien grave. Seulement, la fois suivante, le problème est plus aigu : quand je ferme le gaz de la même plaque, le gaz de l’autre s’allume et le bouton pour fermer le gaz de celle-ci est à présent lui-même situé dans les flammes du gaz, donc inaccessible à la main. Je demande son aide à S. Avec un sécateur, il coupe un fil gainé qui dépasse de la gazinière de quelques centimètres, réduisant sa taille. Cela suffit à couper le gaz, mais la gazinière nécessite de toute façon une réparation et je vais être obligé de faire venir un technicien. L’ampleur des travaux à venir (c’est mon ressenti dans le rêve mais il n’est pas guère différent de ce que serait mon ressenti réel devant une situation de ce genre) m’accable.

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Les autorités saisissent l’occasion d’une invasion extraterrestre supposée (supposée car les aliens se cacheraient parmi nous) pour suspendre indéfiniment les libertés publiques. Qui plus est, les moindre amendes policières et judiciaires sont désormais assorties de privation complète de tous les droits. C’est ce que j’apprends chez le buraliste, la patronne parlant avec un client d’un décret gouvernemental d’application immédiate venant d’être pris. Au lieu de faire l’achat pour lequel je venais, je ressors discrètement, en espérant que personne ne m’ait remarqué. Parce que je viens d’être condamné à une amende, je n’ai d’autre choix que d’entrer en clandestinité.

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Un certain compte Twitter anonyme annonce et suit tous les déplacements, officiels et privés, du président de la République française, avec un grand nombre d’informations et de détails concernant notamment les itinéraires. Je suis un des nombreux abonnés de ce compte, ce qui me cause une inquiétude permanente parce que, selon la rumeur et même des déclarations plus ou moins officielles du côté français, il s’agit d’un compte russe, alimenté par des hackers à la solde du pouvoir russe et cherchant à déstabiliser la France ; plus précisément, il s’agirait d’une conspiration visant à permettre, par les informations publiées, à tout individu mécontent et déterminé d’assassiner le président français. Il est donc à craindre que les autorités françaises cherchent à s’en prendre aux abonnés de ce compte.

Un jour, tandis que le compte Twitter suit en direct un bain de foule du président, il annonce que ce dernier vient de quitter avec son épouse le trajet officiel et que, ce faisant, il est sorti du dispositif de protection prévu, n’étant plus suivi que par deux gardes du corps. Le compte indique l’endroit précis où cela se passe et invite ceux de ses abonnés qui habitent le quartier à se rendre sans tarder sur place, avant que le président ne regagne le trajet officiel. Comme j’habite à deux pas, je sors ; quand j’arrive à l’endroit indiqué, le président a repris le parcours officiel et se trouve donc de nouveau placé sous protection maximale.

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Scènes de la vie de l’écrivain espagnol Miguel de Unamuno.

Un Unamuno vieillissant écrit dans son journal qu’il a refusé pour la première fois une invitation sexuelle. Cette scène entache mon estime pour l’écrivain et, au-delà, pour l’ensemble des hommes de lettres, qui profiteraient donc de leur succès et notoriété pour s’accorder toutes les gratifications de la chair. Non, je le confesse, sans une pointe d’envie, j’y vois une trahison de la vie de l’esprit qu’ils sont censés mener, et leur activité m’apparaît soudain comme une simple fraude. Mais passons.

Unamuno se rend ensuite à son club de boursicoteurs, où il sait devoir trouver un nouveau voisin à lui, un certain Sprandel, auquel il souhaite parler d’un mur mitoyen qui, faute d’entente, pourrait valoir un procès à Don Miguel, ce qu’il souhaite éviter. Voyant que Sprandel, déjà sur place et que Don Miguel identifie dès son entrée au club, ne se mêle à aucun des groupes de boursicoteurs présents, se contentant de donner des ordres d’achat et de vente solitairement depuis son banc, et visiblement sans beaucoup d’attention, Unamuno se dit : « Voilà un homme à mon goût. » Il le salue et aborde sans tarder le sujet du mur mitoyen mais se fait rembarrer ; le nouveau voisin entend aller jusqu’aux extrémités.

Tandis que Don Miguel rumine cette déconvenue dans un coin du club, un inconnu se présente à lui. Cet homme, le père d’une de ses étudiantes, tient à la main une copie d’examen de sa fille annotée par le professeur Unamuno ; le père objecte au contenu de ces annotations, qu’il trouve insultantes. Il semblerait en effet que le professeur y ait exprimé son goût (déplacé) pour la jeune femme. Loin de chercher à s’expliquer, encore moins à s’excuser, Don Miguel déclare simplement être prêt à se battre en duel avec le père de l’étudiante. L’autre n’insiste pas et se retire, tout en affirmant qu’il ne laisserait pas insulter sa fille plus longtemps, ce qui signifie sans doute qu’il l’empêchera désormais de suivre les cours du célèbre professeur.

(Je suis désolé, pour les admirateurs d’Unamuno, qu’il incarne le personnage central de ce rêve à charge contre les célébrités littéraires. Le seul livre, je l’avoue, que j’ai lu de lui, En torno al casticismo, m’a paru excellent. C’est sans doute le film Lettre à Franco (Mientras dure la guerra) d’Alejandro Amenábar, vu récemment, qui explique sa présence ici, même si ce film ne dit rien au sujet de conduites telles que celles décrites dans le présent rêve.)

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La police est désormais assurée par des drones d’aspect sphérique, armés et équipés d’ordinateurs et de vocalisateurs, les rach-ID. À mon réveil, je développe l’acronyme : « robot d’approche en communauté habitée – identification détaillée ». L’identification de personnes par le drone est dite détaillée car le drone possède un logiciel de reconnaissance faciale ainsi que toutes les bases de données utiles. Il peut procéder à l’arrestation de personnes grâce à son équipement : Taser, fléchettes somnifères (comme celles qu’utilisent les zoologues pour endormir des animaux sauvages), filet… En cas de fuite en véhicule, il peut se cramponner sur le toit et indiquer sa localisation à une brigade d’intervention qui prendra le relais ; s’il se fait détacher du véhicule, voire détruire, il peut libérer sur la carrosserie un gaz, un gel ou une peinture qui prend en charge cette fonction d’émission et géolocalisation, c’est-à-dire qui possède des propriétés électroniques.

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Comme il m’est arrivé de le rêver déjà plusieurs fois, je me retrouve la bouche pleine de rognures d’ongle (a priori mes propres rognures d’ongle, bien qu’il y ait beaucoup plus de rognures que mes doigts n’en peuvent fournir), et je suis donc obligé de les cracher. Or cracher ne permet pas de me débarrasser de toutes les rognures, certaines restant collées au palais, sur la langue, etc.

Je ne me ronge pas les ongles dans la réalité ni ne me les suis jamais rongés, une pratique qui passe pour un symptôme d’anxiété. Les rognures que je mâche en rêve ne sont en rien différentes de celles que je « récolte » – pour les mettre à la poubelle – quand je me coupe les ongles au coupe-ongles.

« C’est dans l’angoisse que l’homme prend conscience de sa liberté ou, si l’on préfère, l’angoisse est le mode d’être de la liberté comme conscience d’être, c’est dans l’angoisse que la liberté est dans son être en question pour elle-même. » (Sartre, L’être et le néant)

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Je me rends chez une amie toute récente, dont je ne sais rien encore mais avec qui j’espère beaucoup devenir plus intime. Elle habite, depuis la mort de son père, qui fut un politicien connu, le manoir d’un oncle musicien avec ce dernier. Ce jour-là, l’oncle musicien, à qui je suis présenté, vient de composer une curieuse chanson qui se joue sur les deux cordes les plus aiguës de la guitare, et dans la partie la plus aiguë du manche, et qui n’est pas sans un certain charme irréel, envoûtant. Il l’a composée pour sa jeune nièce, car j’apprends seulement maintenant (tant je suis ignorant de la culture pop de mon époque) qu’elle est une personnalité réputée du monde de la chanson, connue en particulier pour son titre Le Grand Zaddok, qu’elle chante en portant une sorte de casque antique et une robe blanche qui lui donnent l’apparence d’une prêtresse barbare. Or je découvre que ce titre est bel et bien une référence cryptique à un culte ancien, secret et criminel dont elle est la dernière grande prêtresse en date, ce que, naturellement, le grand public ignore. Des députés sont membres de ce culte.

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Au terme d’une soirée, je cherche à rentrer en banlieue à vélo. Sur le chemin, je suis abordé par une bande de jeunes noirs aux intentions clairement malveillantes. Leur groupe me contraint à rouler à la vitesse où ils marchent, et l’un d’eux en particulier est chargé de me faire réagir à ses questions agressives de la manière plus ou moins offensante qui les « contraindra » à m’attaquer et dépouiller. Or je ne me dépars pas de ma civilité coutumière, tout en faisant preuve d’une froide fermeté. Le porte-parole – appelons-le comme cela – cherche à mettre la main sur le guidon de mon vélo mais je l’en empêche en la lui saisissant, si bien, vu qu’il ne me la retire pas, que nous nous tenons à présent la main comme deux amis. Les autres peuvent penser, dans le clair-obscur de la nuit urbaine, qu’il tient le vélo. Je sens sa disposition d’esprit changer envers moi. Il continue son interrogatoire absurde mais de façon moins agressive. Puis il dit à ses camarades : « Il n’a rien sur lui », ce qui n’est pas vrai puisque mon portefeuille est dans la poche intérieure de mon blouson ; je comprends qu’il cherche à les faire renoncer et deviens optimiste quant à l’issue de la rencontre. Au croisement suivant, le groupe bifurque sans un mot, me laissant aller mon chemin. Le porte-parole, dont la mine était au début férocement menaçante, m’adresse un franc sourire enfantin.

Poursuivant mon chemin, je découvre que la rue que je pensais emprunter est barrée, ce qui rend un détour inévitable. Or ce détour est susceptible de me faire croiser à nouveau la bande qui vient de me lâcher et je ne m’attends pas à un heureux dénouement au cas où ils me reverraient, bien au contraire. Je rebrousse donc chemin et me retrouve à mon point de départ.

Lors de ma deuxième tentative, je tourne en rond, n’ayant plus une idée claire du trajet, et me retrouve encore une fois à l’endroit d’où je suis parti.

Je retente une troisième fois. L’aube paraît. Dans une certaine rue fameuse où les noctambules sont encore en nombre considérable et où je dois par conséquent mettre le pied à terre, les habitants sont à présent sortis de leurs lits et se livrent à une tradition locale : depuis leurs fenêtres et balcons de part et d’autre de la rue, ils versent des seaux d’eau sur la tête des passants. Je reçois une, puis deux, puis trois fois de l’eau sur la tête : c’est chaque fois un filet d’eau plutôt qu’un seau plein, cela fait partie de leur jeu. Car j’ai été repéré et pris pour cible en particulier. Quelqu’un me lance, depuis son balcon : « Tu es sorti sans ta cagoule ? », sous-entendu : une cagoule m’aurait été bien utile dans la présente situation. Les voisins, ainsi que les passants, éclatent de rire. Je maugrée à part moi mais suffisamment fort pour être entendu : « Ils m’en auront fait voir, les connards. » (Ce qui décrit d’ailleurs plus l’ensemble de ma nuit que le seul présent épisode.) Cette réaction, alors que dans la tradition qui s’exprime ici tout le monde est censé garder sa bonne humeur, jette un froid et j’avance sans plus recevoir d’eau sur la tête. Mais alors que j’arrive enfin au bout de la rue, j’en prends un plein seau.

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Au retour du printemps, j’observe les bambous sur mon balcon. Je vois une coccinelle qui va et vient dans le vide : elle se sert en fait de fils d’araignée invisibles. Elle avance parfois sur le fil et parfois sous le fil, c’est-à-dire suspendue à lui par toutes ses pattes, sans paraître être aucunement gênée par cette dernière position. Je cherche l’araignée tisseuse de cette toile invisible et la trouve sur le terreau. C’est une araignée noire ayant sur elle quatre ou cinq minuscules araignées grises, ses petits. Quand elle s’aperçoit que je l’observe, elle s’enfonce horizontalement, comme une voiture qui se gare en marche arrière, sous quelques mousses pour couvrir la partie postérieure de son corps, où se tiennent les araigneaux, et n’ayant plus que la partie antérieure et la tête découvertes, se tient prête à la défense.

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Un professeur ressemblant à un ranger du bush australien nous explique, lors d’une session en plein air, que les Anglais ne sauraient être tenus pour responsables des violences commises contre le peuple maori en Nouvelle-Zélande car ces violences se seraient produites au cours d’une phase, inévitable dans les rencontres entre peuples, où « seules parlent les armes ». Il affirme que ce schéma ne fut surmonté qu’avec l’apparition historique d’un certain type d’homme, et que ce type d’homme va nous apparaître à présent sous la forme du premier individu qui se présentera à notre droite. Nous regardons et n’avons pas longtemps à attendre avant de voir marcher vers nous un cow-boy américain, qui s’avère, une fois qu’il est arrivé suffisamment près de nous pour que nous le reconnaissions, n’être autre que John Wayne. Il y a donc dans la lutte des cow-boys et des Indiens au Far-West un caractère singulier – lequel m’échappe en tant que tel – qui ferait de ces violences l’augure d’une nouvelle ère de l’humanité.

Je me lève et, faisant mine de saluer John Wayne, lui retire son pistolet du holster, pour l’en menacer. Ce geste me semble nécessaire pour que le nouvel homme s’accomplisse. John Wayne prétend avancer pour me reprendre son pistolet mais je lui montre que je suis sérieux en libérant le cran de sûreté. Or je vois à présent qu’il possède un second pistolet à la ceinture et pourrait donc, comme dans les westerns, le dégainer et me tirer dessus plus vite que je ne pourrais moi-même faire feu avec une arme déjà braquée sur lui, mais il ne paraît pas oser le faire. Il pourrait également me provoquer en duel.

Sur ce, pris d’un besoin pressant, je dois me rendre aux toilettes à reculons, gardant John Wayne devant le pistolet et lui demandant de me suivre. Une fois dans les toilettes, je lui dis, tout en urinant – et pour lui parler, alors qu’il est resté de l’autre côté de la porte fermée, je dois me tenir perpendiculairement à la cuvette et non face à elle – de ne pas chercher à faire le malin, sinon je lui tire dessus à travers la porte. Puis je me réveille pour aller aux toilettes.

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Aux États-Unis, je découvre l’existence d’un programme fédéral secret, validé secrètement par la Cour suprême, d’euthanasie pour les seules personnes de race noire.

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Le président des États-Unis possède un droit de cuissage sur chaque tournage de film X réalisé sur le territoire américain, c’est-à-dire qu’il peut prendre du bon temps sans payer avec n’importe laquelle des actrices de son choix embauchées sur le tournage.

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Je demande à une amie des nouvelles de T., une amie commune. Elle m’apprend que T. est allée vivre dans un archipel tout près de la côte nord de l’Australie, un archipel qui, à ma grande surprise, est encore à ce jour une possession ultramarine du Portugal. La seule chose que je sache du nord de l’Australie étant qu’il possède un climat tropical, contrairement au reste du pays plus tempéré, je lui demande si T. ne souffre pas trop du climat. Elle me répond d’une manière évasive, qui confirme cependant mon intuition car elle évoque des possibilités d’excursion au Japon : il existe en effet un train reliant l’Australie au Japon en passant par ces îles. Dans ma représentation, ce train est aérien, sur un pont au-dessus de l’océan. Je lui demande ensuite pourquoi T. est allée vivre là-bas et elle me rappelle l’attachement de longue date de T. à l’outre-mer.

Je me transporte alors à Tahiti, où, dans ce rêve, vit mon ami M., ainsi que ses frères et ses parents. Je le trouve sur son domaine et, avec lui, un grand nombre de ses proches et amis, dont plusieurs ne me sont pas connus. Parmi les gens que je salue sans les connaître, il en est dont j’apprends qu’il est chanteur d’un groupe de rock engagé pour une grande fête que donne M. ce jour-là, à laquelle je suis un peu en avance. Une foule immense ne tarde pas en effet à affluer, et le groupe de musiciens se met à jouer sur une plateforme au sommet d’une structure métallique de quelque 30 mètres de haut, sous un ciel bleu turquoise. À un moment, le chanteur se jette dans le vide ; il est reçu par un filet un peu en-dessous, mais continue de tomber dans un deuxième filet encore un peu en-dessous, et ainsi de suite jusqu’à une balançoire (une escarpolette) en bas de la structure. En fait, c’est une femme qui est reçue par l’escarpolette, une belle femme en tenue de carnaval brésilien et qui se balance face au public. Je lui fais directement face, assis sur un confortable fauteuil en cuir (alors que nous sommes à l’extérieur), la nuit est tombée entre-temps (pendant la chute du chanteur), et la femme sur l’escarpolette me sourit en se balançant. Les gens autour de moi, dont M., sont assis par terre. Je réalise que la femme doit sauter dans le public afin de mettre un terme à la longue chute depuis la plateforme, et les sourires qu’elle m’adresse laissent entendre que c’est moi qui dois la recevoir. Je fais celui qui ne comprend pas, me tourne vers M. pour gagner du temps, lui demandant le sens de cette cérémonie, et entre-temps la femme saute un peu à côté de nous, dans les bras de quelqu’un d’autre. Le concert continue. J’ai le sentiment d’avoir fait faux bond à ceux qui attendaient quelque chose de moi, mais M. est à ce sujet d’une louable discrétion. Je m’étonne également d’occuper un fauteuil alors que lui-même, chez lui, est assis par terre, ou parfois sur le bras gauche du fauteuil que j’occupe, et cela me confirme dans l’idée qu’il est entendu que je doive jouer un rôle central, qui me reste inconnu et que je ne peux que conjecturer, dans ces réjouissances.

Quelques instants plus tard, la belle inconnue reparaît devant nous et, avisant celui qui l’a reçue dans ses bras et est ensuite retourné s’assoir, à gauche derrière moi, l’injurie, des larmes aux yeux, se plaignant de ce que ce n’était pas à lui de la recevoir dans ses bras. Alors je me dresse du fauteuil et la soulève, puis, comme si je m’étais dédoublé, je me vois disparaître avec ce beau fardeau derrière une plaque de tôle ondulée servant à délimiter la « salle » de concert du reste du terrain.

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En Angleterre, une civilisation ancienne inconnue jusqu’à ce jour vient d’être découverte. Dans la religion de cette civilisation, les morts, ou leurs âmes, occupent une goutte d’huile. (Je vois des gouttes d’huile en suspension dans lesquelles se trouvent des personnes assises en lotus.) Quand on allumait une certaine sorte de lampe à huile, fonctionnant avec un goutte-à-goutte, sur des autels consacrés, les âmes des morts « parfumaient » le monde.

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