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Deux récits d’épouvante
1) La dernière tue
2) Un livre rare
Ajout 7/3/2021 le PDF : Deux récits d’épouvante
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La dernière tue
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Vulnerant omnes, ultima necat.
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Le brouillard pénètre dans les ruelles étroites, rampe sur les pavés, humides d’une récente pluie, estompe les lumières de la nuit dans un halo mystérieux. Le brouillard semble une chose vivante, moite et silencieuse. Il se répand comme une toile d’araignée sur la ville qui dort.
Je cours par les rues englouties dans la brume. Je cours, fuyant. Je sais que je dois fuir. Mais je sais aussi que cela ne sert à rien, car tôt ou tard je serai rattrapé. Je ne sais qui il est, ni pourquoi c’est moi qu’il traque. Mais je sais que son but est de mettre fin à mes jours.
Hanté par sa présence, je fuis dans le labyrinthe obscur. Je glisse et heurte des poubelles, qui se renversent, un chat de gouttière feule en bondissant, ses yeux luisent comme des lanternes, puis il disparaît. Je veux appeler à l’aide mais le brouillard étouffe mes cris, comme s’il ne se contentait pas seulement d’effacer les formes…
Je me suis engagé dans une impasse, le mur arrête ma fuite. Une sueur glaciale perle à mes tempes et sur ma nuque, mon corps est secoué de frissons. Avant que j’aie le temps de revenir en arrière, des pas résonnent à l’entrée de l’impasse. Quelqu’un est là, qui s’immobilise. Je le distingue mal, à la lumière vague d’un réverbère à quelque distance derrière lui. Il tient à la main une grosse montre à gousset, dont l’incessant tic-tac résonne étrangement fort dans ma tête.
« La dernière tue. »
Une voix caverneuse : c’est l’homme qui vient de parler. Il approche. Je le vois mieux, son visage est caché par un sac de toile grossière où sont pratiqués deux trous au niveau des yeux. Je me colle contre le mur, le cœur battant à tout rompre, la respiration haletante, suffoquant presque. Le tic-tac s’amplifie, grandit, grandit encore, résonnant comme d’énormes cloches qui me martèlent le crâne. Comme le glas !
« Le temps, chuchote l’homme, et je crois l’entendre tout près de mon oreille, le temps ne s’arrête jamais, il te tuera, nous tuera tous. Je suis son messager. »
Il sort de sa poche un rasoir, qu’il ouvre d’un coup de poignet. La lame luit. L’homme approche. Le tic-tac devient insoutenable, mon souffle se précipite, ma chair se hérisse, mes yeux se révulsent :
« Non ! parviens-je à exhaler, voyant la lame approcher de mon visage.
–La dernière tue ! »
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Je me redresse couvert de sueur, aspirant un grand bol d’air… dans mon lit. Le cauchemar s’est répété, allant encore plus loin. Cela fait dix jours que je fais le même cauchemar nuit après nuit, et, de nuit en nuit, la scène se développe. Cette fois, j’avais la lame sous la gorge ! Que peut-il arriver de plus à présent, si ce n’est mon égorgement par le tueur à la montre ?
*
Je viens de passer une semaine sans dormir, car j’ai peur du sommeil. J’ai peur de faire à nouveau ce cauchemar dont il ne manque qu’une seule et dernière séquence pour être complet : celle de ma mort ! Dans une tentative désespérée de repousser l’inéluctable, j’ai pris tous les excitants imaginables pour me maintenir éveillé, mais cela n’est plus possible. Je ne veux pas dormir, je ne veux pas mourir.
Je reste enfermé chez moi. Je ne peux plus voir une montre, une horloge, ne peux plus rien voir qui me rappelle l’écoulement du temps.
J’écris ces lignes alors qu’à bout de force je vais me laisser plonger dans le sommeil. Je n’ai aucun espoir de me réveiller.
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Ces lignes sont le contenu de deux feuillets trouvés au chevet de Philippe T., alors qu’il était procédé au constat de son décès. La police avait été alertée par sa logeuse, qui, ne le voyant plus et ne recevant aucune réponse à ses appels, avait finalement décidé d’entrer dans ses appartements. Le rapport indique que T. est mort de cause naturelle.
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Un livre rare
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Une lumière de cuivre inondait la pièce, tamisée par les paravents en papier de soie, rendant l’humidité plus étouffante encore. Dans cette atmosphère lourde, l’épaisse fumée de mon cigare tourbillonnait mollement, fuligineuse.
« Je recherche le Livre, » dis-je.
Le vieillard assis au sol en face moi resta immobile.
« C’est une quête dangereuse, » finit-il par dire.
–Disons que j’aime le danger.
–Encore faut-il pouvoir le mesurer correctement, avant de s’y exposer. Mais puisque vous recherchez le Livre, c’est que vous n’avez déjà plus l’esprit sain. Le Livre mettra fin à votre dérèglement en mettant fin à vos jours.
–Vous allez donc me dire où je peux le trouver ?
–Celui qui le tient aujourd’hui en sa possession se nomme Iqbal Shirazi, et demeure à Bénarès. »
Puis le vieux Ming Li se tut, reprenant l’apparence d’une momie décrépite, rongé par un mal ineffable. Je me levai et sortis, me replongeant dans la cohue de Hong-Kong.
Une semaine plus tard, je me trouvais à Bénarès en quête d’Iqbal Shirazi, dit le nécromant halluciné, qui s’était constitué une petite clique de sectateurs fanatiques autour de ses enseignements occultes et selon toute vraisemblance criminels. Je passe sur mes démarches pour obtenir un rendez-vous. Il vivait dans le pire quartier de la ville, lieu de misère effroyable, refuge de fous et de criminels, où vaches et mendiants lépreux se côtoyaient au milieu des immondices et parfois même de cadavres sucés par les mouches. Perdue au milieu d’un labyrinthe de ruelles toutes plus nauséabondes les unes que les autres, sa demeure, une caverne plutôt qu’une maison, s’enfonçait sous terre au lieu de s’élever en étages au-dessus de la rue.
Descendant quelques marches d’escalier en terre sèche à demi écroulés, je me retrouvai à l’entrée d’un souterrain pestilentiel. L’encens ne parvenait pas à dissiper une tenace et révoltante odeur de putréfaction. Un paria vint à ma rencontre, car j’étais attendu, et me conduisit par ce dédale dans la pièce où je devais trouver Iqbal. Une étroite ouverture au niveau de la rue filtrait une faible lumière, qui périssait avant de toucher le sol. Entouré de quelques objets indescriptibles dont les amateurs d’occultisme feraient leur miel, Iqbal se tenait assis dans un coin de la pièce. Comme il était sur une natte à même le sol, dont j’ai dit que la lumière ne l’atteignait pas, je n’eus de lui qu’une vague impression, d’autant plus que le paria me demanda de m’assoir à quelque distance sur une autre natte. Iqbal, enturbanné, me fit toutefois l’effet d’être d’une maigreur effroyable. Et ses yeux brillaient dans la pénombre d’un éclat fiévreux qui semblait exclure d’emblée un esprit sain. L’entretien devait se tenir en ourdou, langue que je pratique.
« Avez-vous le Livre en votre possession, Iqbal Shirazi ? demandai-je.
–Oui, se contenta-t-il de répondre.
–Voulez-vous me le vendre ? Je suis prêt à mettre le prix.
–Ainsi, vous êtes venu pour le Livre…
–Oui, je souhaite l’acquérir. Je viens de recevoir un héritage et peux y consacrer beaucoup d’argent. »
Il marmotta dans sa barbe d’un noir de jais des paroles auxquelles je ne compris rien, puis se leva pour porter sa carcasse désarticulée dans le coin opposé de la pièce, où il prit deux bols, dont il me tendit l’un. Il m’invitait à partager un modeste repas. Je tentai dans un premier temps de décliner, mais son insistance avait quelque chose d’agressif qui n’augurait rien de bon pour nos négociations concernant le Livre si je m’obstinais à refuser. Je pris donc le bol, dans lequel se trouvait une bouillie peu ragoûtante, et attendis qu’Iqbal se rassît à sa place. Il se mit à manger, comme de juste avec les doigts.
Une soudaine appréhension m’envahit. Cette pièce obscure, cet homme abominablement contrefait à la réputation sinistre, ce bol au contenu répugnant, m’oppressèrent. Cela ne dura qu’un instant. J’écartai les mouches du bol et plongeai les doigts dans la bouillie. Le goût de celle-ci était tellement immonde que je crus vomir sur le champ. Iqbal éclata d’un rire frénétique, qui me fit, de surprise, échapper le bol des mains ; son contenu se répandit au sol. Le misérable pointa sur moi un long doigt osseux, avec un rictus hideux d’allégresse, en criant :
« A’zag Sogoth : le poison de la répulsion ! »
Je ressentis un vertige profond, qui devint un tournoiement démentiel dans lequel se perdaient tous mes sens, et tombai inconscient.
À mon réveil, j’étais ligoté de la tête aux pieds, un bâillon dans la bouche et les yeux bandés. De plus, j’étais porté sans ménagement sur l’épaule de quelqu’un. Aucun des mouvements que je fis pour me libérer n’eut d’effet. C’est alors que j’entendis le scélérat Iqbal Shirazi, présent, perçus-je par les sens qui me restaient, au milieu de quelques autres personnes, dont celle qui me portait :
« Tu voulais le Livre ! Eh bien, je vais te faire sauter les étapes et te montrerai directement une découverte qu’il m’a permis de faire. »
Au bout de quelques instants, je fus jeté au sol, où l’on me retira le bâillon et le bandeau, ainsi que les liens qui m’entravaient les jambes (mais non ceux des mains). Nous étions dehors, il faisait nuit. Du sol où j’étais couché je ne vis autre chose que, se découpant sur un massif de montagnes éclairées par la lune, plusieurs têtes, dont celle, plus proche de moi, d’Iqbal. Ce dernier dévoila ses chicots pourris dans le même rictus hideux que je lui avais vu plus tôt, et me poussa du pied avec ces mots sarcastiques :
« Bonne lecture, mon ami ! »
Accompagné par les rires hystériques de cette bande malfaisante, je dévalai, roulant sur moi-même, une pente abrupte et parsemée de cailloux et d’arbustes. Au bas de cette côte s’ouvrait un gouffre dans lequel je chutai en hurlant. Cette chute me plongea dans les eaux d’un lac. Remontant à la surface, je nageai, des seules jambes, jusqu’au bord, où je pris un peu de temps pour trancher les liens qui m’entravaient encore les mains avec des cailloux. Aux rayons de lune qui éclairaient vaguement le fond du gouffre, j’inspectai les lieux autour de moi. Escalader la paroi pour remonter semblait exclu. Je découvris également un boyau creusé dans la roche : allait-il en sortir quelqu’un ou quelque chose ?
Je passai le reste de la nuit immobile et silencieux, des cailloux à la main pour me défendre en cas d’attaque –car je m’attendais à je ne sais quelles autres suites de cette perfidie de l’Indien– mais il ne se produisit rien de plus. Le jour allait me permettre de mieux apprécier la situation.
Au matin, mes recherches confirmèrent qu’il serait impossible d’escalader la paroi. Je lançai des appels dans l’espoir d’être entendu. Cela dura toute la journée, personne ne se présenta. Je continuai mes appels pendant une partie de la nuit ainsi qu’au matin du jour suivant, avec le même insuccès, et je commençai dès lors à me dire que j’allais mourir d’inanition au fond de ce trou. Du reste, si l’infâme Iqbal avait pensé que j’aurais une chance de m’en sortir à l’aide de gens qui passeraient par là, aurait-il choisi ce moyen de se débarrasser de moi ? Ou voulait-il seulement me donner une leçon ? Je ne comprenais nullement ses paroles, qui me revenaient à l’esprit, selon lesquelles, en me jetant là, il me montrait une découverte du Livre.
Mes appels demeurant toujours sans réponse, le boyau ouvert dans la roche m’apparut comme étant la seule issue possible. Par friction, je parvins à mettre le feu à du menu bois : ce foyer de fumée, pour peu que celle-ci parvînt à monter assez haut (ce qui semblait tout de même assez douteux au vu des maigres ressources présentes en combustible), pouvait, en se substituant à mes appels à l’aide, attirer l’attention sur ma situation. En attendant, j’allais explorer le tunnel pour voir s’il conduisait vers une sortie.
Muni d’une torche improvisée, et portant à la ceinture tout le reste de bois trouvé au fond du gouffre pour la renouveler dans les ténèbres du boyau, je pénétrai dans ce dernier. C’était un tunnel étroit, où je devais à certains moments me baisser et à d’autres me mettre de profil pour continuer d’avancer. À quelques centaines de mètres à l’intérieur, la flamme de ma torche embrasa, en entrant en contact avec elle, une fine pellicule poisseuse qui s’étendait à partir de là dans le tunnel. Je fus incapable de conjecturer ce que pouvait être cette substance, dont mes vêtements furent bientôt entièrement recouverts. Elle se désagrégeait par ailleurs très localement au contact de la torche, sans que le feu ne prenne ni ne s’étende à l’ensemble de la pellicule.
Le tunnel continuait de s’enfoncer dans la roche sur des centaines de mètres, en l’absence de tout embranchement, et sans monter ni descendre. À un moment, je vis au sol un os, que je n’eus aucune difficulté à identifier comme un fémur humain. Les restes du squelette, ainsi que le crâne, se trouvaient éparpillés sur quelque longueur le long du tunnel. Surmontant mon malaise à cette découverte macabre, je m’emparai du fémur et de quelques autres os un peu longs pour compléter mon stock de combustible, à la manière des hommes du Paléolithique quand, entre autres, ils manquaient de matière ligneuse (l’os possède une faible conductivité thermique et est donc relativement peu inflammable, mais à partir de la torche en bois que j’avais je savais pouvoir enflammer les os).
En poursuivant, je découvris d’autres squelettes le long du tunnel. Certains étaient encore couverts de quelques fragments de chair, qui présentaient une étrange caractéristique : ces fragments semblaient en effet enduits d’une indéfinissable sécrétion coagulée, comme si les corps avaient été plongés dans je ne sais quelle substance. C’est alors qu’une pensée me traversa l’esprit, une pensée terrifiante qui me glaça le sang : je venais d’imaginer que cette pellicule qui m’entourait de toutes parts eût pu être une toile d’araignée. Mais quelle sorte d’araignée cela pouvait-il bien être là ? L’idée était manifestement grotesque. Et s’il s’agissait de l’œuvre d’une colonie d’araignées (de quelque espèce que celles-ci pussent être), elle semblait à présent abandonnée.
J’étais immobile, me demandant s’il convenait de poursuivre plus avant ou bien de ramasser d’autres ossements pour alimenter le feu à l’extérieur (car je n’avais pas entièrement renoncé à l’idée que quelqu’un finirait par me trouver au fond du gouffre et pourrait m’aider à en sortir d’une manière ou d’une autre). Or, tandis que j’étais ainsi immobile, la pellicule mystérieuse bougea : elle fut agitée d’un léger balancement, alors que la flamme de ma torche, droite, ne trahissait aucun courant d’air. Cette impression de mouvement de la pellicule ne dura pas, cependant. Ce tunnel interminable, comme l’ensemble de ma situation, éprouvaient mes nerfs, pensai-je.
Je décidai de poursuivre l’exploration du souterrain. M’immobilisant de nouveau après quelques pas, pour dissiper entièrement la désagréable impression qu’avait produite sur moi le mouvement de la pellicule, je constatai une fois de plus qu’elle bougeait seule. Et cette fois-ci le mouvement dura davantage qu’un instant. Une autre présence se trouvait-elle en ces lieux ? Qu’était-ce donc ? Mais cette fois l’idée me vint que ce mouvement pouvait, en dépit de l’immobilité de ma torche, être produit par un courant d’air dans une autre partie du souterrain frappant la pellicule dans cette autre partie et se propageant par toute la pellicule jusqu’à l’endroit où je me trouvais. Cette idée, avec la possibilité qu’elle représentait d’une sortie vers l’extérieur et la liberté, prit le dessus et je continuai d’avancer (non sans toutefois me munir d’un des os que j’avais ramassés et d’en casser le bout en pointe avec le pied, prêt à m’en servir comme d’une arme).
J’entrai peu après dans une grotte plus large et plus haute, elle-même en grande partie occupée par la pellicule géante. Là, le mouvement de cette dernière était plus nettement perceptible, comme si j’approchais du courant d’air –ou de la présence– qui le produisait. Ce mouvement était alors une sorte de pulsation régulière. Mon espoir, si toutefois ce n’était pas de l’angoisse, crût fortement, je commençai en même temps à respirer avec difficulté, sans qu’il me fût possible de distinguer si c’était là l’effet de l’air raréfié ou du chaos indescriptible d’émotions qui me saisissait. Faisant encore quelques pas, je vis au fond d’une cavité creusée dans la paroi de la grotte, à ma gauche, la flamme de ma torche se refléter en plusieurs foyers sur de petites surfaces noires et polies. Lorsque je pris conscience que ces surfaces noires étaient des yeux qui me scrutaient, je crus défaillir et laissai tomber ma torche et mon arme au sol.
Il y avait là en effet une énorme araignée, monstrueuse par la taille, qui m’arrivait jusqu’à la poitrine. L’horreur d’une telle apparition était doublée par une impression de puissance et de malignité telle, émanant de sa forme chitineuse et par endroits velue, que je crois pouvoir dire que mon cœur s’arrêta véritablement de battre, ne fût-ce que quelques instants, quand les différentes données des sens furent rassemblées par mon cerveau pour composer l’image complète de cette innommable abomination.
Le monstre ouvrait et fermait les crochets de sa gueule en me regardant. Je n’osai faire le moindre geste, ayant la certitude que la fuite déclencherait l’assaut du monstre, qui semblait éprouver –du moins c’est ce que je ressentis– une forme de jubilation à prolonger ce moment de contemplation de sa proie, tandis que la torche, au sol, jetait ses dernières flammes au milieu d’un nuage de fumée. J’allais être plongé dans les ténèbres, à la merci du monstre !
C’est alors que je me souvins très distinctement d’une caractéristique du tunnel que je n’avais fait jusque-là qu’enregistrer mentalement, sans m’y arrêter, à savoir que, non loin de l’entrée de cette grotte, s’ouvrait dans la paroi latérale une sorte de faille dans laquelle je pourrais me glisser de biais, en espérant de cette manière avancer suffisamment, serré entre les deux plans, pour échapper au monstre, lequel ne pourrait sans doute pas se jeter dans une fissure aussi étroite. C’était là, pensais-je, mon seul refuge possible, en attendant je ne sais quel miracle. Car il me paraissait évident que je ne l’emporterais pas à la course contre un pareil monstre jusqu’à la sortie (et le lac).
Tandis que je préméditais d’aller me jeter dans la fissure, l’araignée bondit sur moi. Le bras que j’opposai à cet assaut subit fut arraché jusqu’au coude. Dès lors, l’instinct, confronté à cette atroce douleur, prit le pas sur toute réflexion et, aux ultimes flamboiements de la torche, je courus comme un dératé jusqu’à la fissure. Il semblerait que le membre qu’elle m’arracha ait distrait l’araignée un instant et qu’elle ne se mit pas à ma poursuite aussitôt, car le fait est que je parvins à me glisser dans la faille avant qu’elle ne m’y rejoignît. Et elle ne put y engager que ses crochets dégoulinants. Je continuai à me faufiler aussi profondément que possible dans cette anfractuosité, loin de l’entrée où j’entendais le monstre souffler et siffler horriblement. Cette fissure s’étendait sur des dizaines et des dizaines de mètres, dans lesquelles je m’insinuais sans relâche, dans l’espoir fou d’une sortie. J’avais échappé au monstre mais j’étais aux portes de la mort à cause de ma blessure. Dès le moment où, pour mon salut, l’anfractuosité s’élargit un peu, je pressai la plaie de l’amputation avec ma chemise afin de stopper l’hémorragie.
Le chemin commença à monter en pente, et au bout de je ne saurais dire quelle distance je sortis à l’air libre, dans le jour finissant. Au milieu des étendues désertes où je me trouvai, je n’aperçus aucune trace de vie humaine et pris par conséquent une direction au hasard, espérant trouver de l’assistance pour ma blessure. Je crois bien que je passai une nuit entière à marcher et que ce n’est que le lendemain que je fus recueilli, plus mort que vif et délirant de fièvre et d’empoisonnement, par des missionnaires chrétiens qui tenaient un dispensaire dans la région, et furent, de longue date, les seuls à s’aventurer dans ces parages inhospitaliers.
C’est ainsi, par miracle, que je survécus au piège atroce qui me fut tendu par l’infâme Iqbal Shirazi dans ma quête du Livre. Le nécromant halluciné a entre-temps payé ses crimes innombrables, assassiné par l’un de ses propres séides convoitant pour lui-même le titre de gourou. Bien que j’aie perdu mon bras droit dans cette aventure et que les crochets de l’araignée monstrueuse m’aient en outre empoisonné le sang, je n’ai pas renoncé à mettre la main sur le Livre.
La Malédiction du jenglot
Nouvelle parue, sous une forme légèrement différente, dans Le Banian 23, publication semestrielle de l’association franco-indonésienne Pasar Malam, juin 2017.
Ajout 7/3/ 2021 : JenglotPDF
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Le jour où Norbert Cazebeuve, ingénieur, acheta dans le capharnaüm d’un occultiste chinois de Jakarta un jenglot, il n’imaginait pas quelles allaient être les conséquences de son acte.
Un jenglot est une figurine griffue, à la peau noire et de texture rugueuse comme celle des momies, et dont le visage ressemble à une tête de mort avec de longues canines. Alors que les Indonésiens croient que les jenglots possèdent des pouvoirs surnaturels, pour Norbert Cazebeuve il s’agissait d’un remarquable travail de taxidermie, et comme il avait une âme de poète, le charme macabre de cet objet hideux l’attira.
Tandis que le vieillard chinois baragouinait dans un mélange incompréhensible d’anglais, d’indonésien et de hokkien des instructions pour l’entretien mystique de l’âme du jenglot, Norbert Cazebeuve se contentait de sourire, admirant la performance théâtrale du charlatan. Après avoir payé les 350 dollars américains auxquels leur courte négociation aboutit, il emporta son trésor dans une boîte ouvragée en pensant, après pourtant quelque dix années de mariage, que la découverte ravirait sa petite famille d’expatriés contraints et forcés, à savoir son épouse Martine et leurs deux enfants, Julot et Paquita.
Le soir venu, quand ils furent tous réunis dans le salon de leur villa moderne, il annonça qu’il allait leur faire connaître un jenglot, élevant le petit sarcophage devant les yeux écarquillés des deux bambins et ceux nettement plus sceptiques de Martine Cazebeuve.
Lorsqu’il ouvrit la boîte, un hurlement terrifiant déchira la nuit de Jakarta, glaçant le sang des quatre, et sans doute aussi de quelques voisins, jusqu’à la moelle. C’était Gremlin, leur chat siamois, qui s’était jusqu’alors tenu tranquille sur son coussin dans un coin de la pièce et qui, pour une raison inconnue, bondit par la fenêtre à cet instant, le poil tout hérissé. Le flot d’urine qu’il laissa derrière lui depuis son coussin se perdit dans la luxuriance du jardin ; le jusque-là fidèle animal s’était soustrait pour toujours à l’affection de ses maîtres. Ils ne le revirent jamais.
Plus tard, Julot affirma que le jenglot avait dardé sur le chat un regard noir et brillant comme celui d’un dragon de Komodo affamé. Norbert Cazebeuve regretta d’avoir offert un traité de la faune indonésienne à un enfant pourvu d’une telle imagination. Les yeux du jenglot, deux cicatrices boursouflées, sont fermés.
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Martine Cazebeuve était une maîtresse de maison comme de nombreuses autres maîtresses de maison mariées à des ingénieurs expatriés. Ne travaillant pas, elle avait tout loisir de chercher à redire au service de sa domestique Sita ou de ruminer la brillante carrière qui s’ouvrait devant elle à Mulhouse après des études de sémantique générale, avant qu’elle y renonce par un esprit de sacrifice qu’il lui arrivait de plus en plus souvent de contester en son for intérieur et parfois ouvertement.
L’épisode de la présentation du jenglot exacerba son crève-cœur existentiel. En position de faiblesse du fait du comportement inexplicable de Gremlin, dont chacun reçut une forte commotion, Norbert accepta tout penaud de remiser immédiatement « cette horreur » dans les profondeurs du buffet, avec les autres antiquités et œuvres d’art local que Martine bannissait avec constance hors de la vue de tous, sans égard pour l’âme de poète de son époux ingénieur. Le jenglot les accompagnerait à leur prochain voyage en France, avec les autres accessoires du purgatoire improvisé, pour compléter la déjà longue collection de l’excentrique oncle Maurice, qui n’en pouvait mais.
Quelques jours plus tard, tandis qu’elle lisait un magazine dans une causeuse, Martine observa le manège de leur domestique lorsque celle-ci entreprit de passer le plumeau dans le buffet. Apercevant une boîte inconnue d’elle, Sita l’ouvrit discrètement pour jeter un œil à son contenu. Martine la vit pâlir, mais Sita continua son travail ce jour-là comme si de rien n’était.
Le lendemain, Sita demandait son congé pour quelques semaines afin de se rendre au chevet de son vieux père malade. Martine, bien sûr, y consentit et prononça quelques paroles de réconfort, en attendant que Sita lui donne le nom d’une personne de confiance qui la remplacerait. Puis, comme Sita n’en faisait rien, elle posa la question. L’hésitation de Sita l’agaça quelque peu ; la négligence de la domestique sur ce point contrevenait à tous les usages. En outre, la perspective de démarches à faire pour trouver par elle-même une remplaçante lui était particulièrement déplaisante. Sita finit toutefois par dire qu’elle connaissait quelqu’un.
Très affectée, Sita partit donc au chevet de son père malade, des larmes lui montant déjà aux yeux, et sa remplaçante, une vieille femme taciturne et peut-être même muette, entra dans la maison. Cette dernière prit dès le premier jour l’habitude de rester le moins longtemps possible hors de la cuisine et Martine crut également remarquer qu’elle ne passait jamais le plumeau du côté du buffet. Elle se promit de lui en faire la remarque, réfléchissant entretemps au ton qui conviendrait le mieux.
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Norbert Cazebeuve, à cause de son imagination de poète, conjectura que le départ de Sita avait pu être provoqué par des craintes superstitieuses de la servante relativement au jenglot. Il se rappelait que l’Italien Arnaldo Fraccaroli, écrivain voyageur, raconte dans son livre Sumatra e Giava que les administrateurs néerlandais prenaient très au sérieux la guna-guna ou magie noire locale et se donnaient même la peine de la combattre, allant jusqu’à considérer que, par les pouvoirs de la suggestion ou autrement, cette magie faisait des victimes non seulement parmi les populations autochtones mais aussi, dans certains cas prétendument avérés, chez les colons. Mais il se faisait en même temps la réflexion que les cousins de ces puritains calvinistes avaient brûlé des sorcières à Salem et que l’on savait donc à quoi s’en tenir au sujet de ces esprits chagrins et sectaires.
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Cependant, les amertumes de la grande âme de Martine trouvaient à s’exprimer par mille petites contrariétés faites à son époux, dont les moindres faits et gestes trahissaient de plus en plus à ses yeux une nature étriquée. Norbert Cazebeuve, qui ne manquait pas de perspicacité en toute circonstance, le comprenait et, je ne sais si c’est du fait de son âme de poète ou de son âme d’ingénieur, il acceptait son tourment quotidien comme la contrepartie du privilège qui était le sien d’être la moitié d’une si grande âme. S’il lui avait dit les choses de cette manière, cependant, elle aurait contesté qu’il fût une moitié ; elle le situait à un niveau de fraction bien inférieur. Toujours est-il que la vie domestique de Norbert Cazebeuve, sous des apparences tout à fait ordinaires, glissait sur une pente savonneuse, dangereusement ingrate, en particulier depuis l’acquisition du jenglot, qui avait excité comme aucune autre curiosité exotique auparavant les sarcasmes de Martine.
Il existe sûrement un proverbe chinois qui dit de façon concise que les goûts reflètent l’âme. Cette pensée ne quittait plus Martine depuis l’entrée du jenglot dans sa vie. Que Norbert eût pu dépenser leur argent pour acheter cette horreur lui semblait révéler distinctement les sédiments profonds de boue inconsciente dans l’âme de cet homme. Et quand, au cours de ses rêveries ou méditations de grande fumeuse, elle ressassait cette idée effrayante, il arrivait que dans son esprit révolté Norbert prît l’aspect d’un jenglot abominable.
Une nuit, alors qu’elle venait de fumer une cigarette sur la terrasse et se dirigeait vers le local à poubelles pour un contrôle de routine, elle fut arrêtée par l’aspect singulier de l’un des containers. Une sorte de mèche blonde en sortait, coincée entre le couvercle et le flanc. Intriguée, elle souleva le couvercle et vit alors que cette mèche blonde était la chevelure de la poupée Barbie pilote de chasse de Paquita. Sur les sacs en plastique elle trouva par ailleurs Fanfan le faon, Minnie l’ourson et Billard le béluga, les compagnons préférés de Paquita réduits à l’état d’ordures domestiques par une main profanatrice.
Réduite à l’incrédulité devant cet acte innommable, elle ne ressentit pas immédiatement de la colère, mais plutôt la sensation d’un sabord coulissant pour laisser passer le fût d’un canon – ce qui lui permettrait de tirer à boulets rouges dès qu’elle aurait confirmation de la culpabilité de Norbert.
Elle emporta les peluches et le mannequin dans ses bras et gravit les escaliers jusqu’aux chambres. Avant de demander ses raisons à Norbert, elle souhaita replacer dans la chambre de Paquita ce qui n’aurait jamais dû la quitter de cette façon. Sa fille dormait. À la lumière du couloir, Martine observa que Paquita serrait contre elle quelque chose. Elle s’approcha et ses traits se décomposèrent à mesure que la réalité lui apparaissait de plus en plus nettement. Parvenue au lit de sa fille, elle découvrit le drap qui recouvrait en partie Paquita, et l’impensable se dévoila sans contradiction possible à ses yeux horrifiés : Paquita endormie serrait le jenglot sur son cœur.
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Les explications que Paquita fournit, en larmes, à ses parents éberlués révélèrent que, malgré un premier contact déconcertant en raison de la soudaine folie du regretté Gremlin, la fillette s’était prise d’affection pour cette poupée d’un genre original, et l’avait dérobée au buffet, se débarrassant de ses autres compagnons.
Qui n’a vu sa fille serrer dans son sommeil un jenglot ne peut se faire une idée de l’abîme de perplexité dans lequel ce témoignage ingénu plongea Martine Cazebeuve. Elle estima dans un premier temps que son devoir de mère appelait des remontrances sur la façon dont sa fille avait maltraité ses jouets, lui demandant de bien comprendre qu’il n’était pas convenable de se séparer aussi brusquement de compagnons dignes d’affection et d’estime, en particulier sa Barbie pilote de chasse, un modèle de femme. Puis, après avoir recouché Paquita, elle demanda à Norbert de les débarrasser du jenglot sur le champ.
Alarmé par le bruit, Julot était sorti de sa chambre et avait assisté à la scène. Norbert Cazebeuve avait naturellement accepté l’idée de se séparer sans plus attendre du jenglot, mais son fils demanda qu’on le lui confiât pour qu’il en étudie la composition. Cela lui vaudrait, insistait-il, l’estime de M. Jacquin, son maître de classe à l’école française, dont la grande passion était l’histoire naturelle. Un tel argument ne put que recueillir l’assentiment de Martine, qui tâcha de surmonter son dégoût pour l’objet infâme qui avait dérangé les sens de sa fille.
C’est ainsi que Julot hérita du jenglot. Son comportement ne tarda pas à révéler des signes sensibles d’altération. Il arriva plusieurs fois que Martine entrant dans sa chambre au beau milieu de la journée la trouve plongée dans l’obscurité, persiennes et rideaux tirés. Une fois, elle surprit ainsi Julot affairé à quelque mystérieuse activité et, lui demandant ce qu’il pouvait bien faire dans le noir, elle s’entendit répondre que cela facilitait l’usage du microscope – c’est-à-dire du jouet que son père lui avait offert pour ses dix ans.
Comme il avait toujours manifesté, en raison de son esprit précoce et curieux, certains traits de caractère peu communs chez les enfants de son âge, et comme M. Jacquin avait rassuré les parents en leur demandant de bien vouloir au contraire encourager ces tendances scientifiques, on feignit dans un premier temps de ne pas trop s’étonner non plus des odeurs suspectes, tantôt comme de l’encens, tantôt comme de la charogne, qui commencèrent à émaner par moments de sa chambre, et qu’il expliquait par des expériences de chimie que l’avait invité à conduire M. Jacquin afin de stimuler son meilleur élève.
En réalité, M. Jacquin ignorait tout de ces « expériences » et Julot était en train de développer un attachement malsain pour son nouveau jouet, en qui son imagination, échauffée par le climat du pays, donnait à voir un être surnaturel qu’il convenait de vénérer, par exemple avec de l’encens, et de nourrir, en particulier avec le sang de petits animaux.
Au bout de quelque temps, Julot crut savoir que la soif du jenglot ne pourrait plus être étanchée par le sang des oiseaux et des écureuils qu’il tuait au lance-pierre dans le jardin, et qu’il demandait du sang humain. Julot conçut donc le projet de sacrifier Paquita sur l’autel du jenglot.
Je n’ose imaginer ce qui serait advenu de cette enfant si Martine Cazebeuve, un jour, sur le chemin des courses, n’avait rebroussé chemin, ayant oublié d’emporter avec elle le courrier à poster. Elle constata tout d’abord que la servante muette était comme à l’accoutumée prostrée dans la cuisine, avec peut-être un frémissement quasi imperceptible parcourant son corps ratatiné et une volonté plus manifeste que d’ordinaire d’éviter de croiser le regard de la maîtresse de maison. Elle se dit qu’il était grand temps d’appeler son attention sur la poussière du buffet.
Puis elle sentit cette odeur d’encens qui avait à plusieurs reprises auparavant indiqué une expérience en cours dans la chambre de Julot, mais cette fois l’étrangeté tout de même inconcevable de ces manières, ainsi qu’une soudaine angoisse à l’idée qu’elle ne comprendrait peut-être plus jamais son fils si elle continuait de le laisser agir à sa guise sans lui demander de justifier de manière plus précise la nature de ses expériences, la détermina à provoquer une discussion franche avec Julot.
Quand elle ouvrit la porte de la chambre – sans frapper, en raison de la crise, ou plutôt du dénouement, qu’elle entendait provoquer –, celle-ci était, comme elle s’y attendait, fermée à la lumière et au monde extérieurs par les persiennes et les rideaux. Ce à quoi elle ne s’attendait pas, en revanche, c’est la scène qui s’offrit à ses yeux. Le jenglot se dressait face à elle sur la table de nuit, éclairé par deux bougies et fumigé par des bâtonnets d’encens. Allongée au sol sur le dos et dévêtue, Paquita tourna des yeux surpris vers sa mère. De même que Julot, à genoux près de sa sœur – le hachoir de la cuisine à la main, levé au-dessus de sa tête.
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Après avoir désarmé le forcené, Martine rhabilla Paquita en hâte. C’est en vain qu’elle appela la servante à son aide, car celle-ci avait entretemps déserté la maison. Elle enfourna quelques affaires dans une valise et enfin, Norbert Cazebeuve rentrant du bureau, elle lui jeta le jenglot à la tête en poussant les enfants au-devant d’elle. Norbert, qui resta stupéfait un long moment, entendit au dehors la voiture de Martine démarrer en trombe.
Il tourna le regard vers la figurine gisant à ses pieds. Mesurant la perte dont cette poupée hideuse était la cause en raison de sa propre légèreté, il ramassa l’objet dans le but de passer dessus sa rage d’homme dépossédé. Mais à vrai dire son psychisme était tellement ébranlé par le choc qu’il venait de subir qu’il était à peine maître de ses mouvements. Lorsqu’il martela le jenglot contre la table en vue de le démembrer, on aurait dit que le jenglot lui martelait le bras contre la table avec une violence inouïe. Lorsqu’il voulut l’écraser contre le mur, on aurait juré que le jenglot lui-même le projetait contre le mur. Lorsqu’il le lança de toutes ses forces pour le fracasser, son effort frénétique le catapulta dans la même direction. Lorsqu’il sauta dessus à pieds joints, il s’écroula sur la table derrière lui, qui céda sous son poids. Après quelques minutes de furie insensée, sentant le souffle lui manquer et voyant que le jenglot n’était pas encore en charpie – compte tenu de la décoordination hystérique de ses mouvements, on peut penser que la plupart de ses coups n’avaient pas atteint leur but –, il décida d’y mettre le feu.
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Les pompiers découvrirent le corps calciné de Norbert Cazebeuve parmi les cendres et les décombres de sa villa moderne. Sous une cloche à fromage en inox, on trouva par ailleurs une figurine d’aspect rébarbatif que certains charlatans de bazar vendent sous le nom de jenglot. Abusant de la crédulité des gens, ces charlatans prétendent que le jenglot rend toutes sortes de services à son propriétaire, sauf si celui-ci ne lui témoigne pas le respect qui lui est dû, auquel cas le jenglot le maudit – sans que personne n’ait le droit de lui venir en aide, au risque de prendre la malédiction sur soi.