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Les Aïkus du Bugarach par Jean Faux

Le poète Jean Faux, régulièrement publié dans la revue Florilège et que les lecteurs de ce blog connaissent déjà pour ses Poèmes homonymiques (x), vient de publier un recueil intitulé Les Aïkus du Bugarach, dont j’ai l’honneur de présenter ici le choix suivant.

Jean Faux renouvelle brillamment le genre du haïku (qu’il orthographie aïku). L’originalité de son recueil tient à l’unité thématique de cette collection, de nombreuses facettes d’un lieu de vie étant exprimées dans la même forme poétique. Le recueil possède donc une composition d’autant plus remarquable que cette unité fait le plus souvent défaut à ce qui s’écrit dans le genre aujourd’hui, les auteurs passant d’un sujet à un autre complètement différent de poème en poème, alors que l’unité témoigne d’une direction de la pensée en adéquation avec le caractère contemplatif de cette poésie.

Son recueil est précédé d’une présentation sur le genre du haïku ainsi que de conseils pour en écrire. Dans le choix qui suit, les chapitres sont tirés du recueil ; j’ai choisi différents haïkus dans ces chapitres (qui se trouvent donc eux-mêmes ici, pour la plupart, sous forme d’extraits).

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Les Aïkus du Bugarach (extraits)

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Le mont Fuji, montagne sacrée du Japon, est une source d’inspiration permanente pour les amateurs japonais de aïkus. Il est normal que le Bugarach, montagne mythique d’Occitanie, Everest audois, fasse de même pour les poètes locaux.

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La montagne Bugarach

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Le Bugarach sphinx endormi
Les sommets pyrénéens
Comme des pyramides.

Derrière le prunier en fleurs
Le Bugarach avec une libellule
Joue à cache-cache.

Sous un nuage
De fleurs de cerisiers
Le Bugarach fait la sieste

Aurore s’éveille
Le Bugarach surgit
Pour inspecter le potager.

Soudain Cers s’éveille
Aurore embrasse le Bugarach
Qui rougit confus.

En venant chez nous
Au Bugarach Père Noël
Prends soin de te couvrir.

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Le vent cers

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Le cers furieux
S’en prend au Bugarach
Et se calme.

À déjeuner
Sur la terrasse en fleurs
Le cers s’invite.

Dans les roseaux le cers
Joue avec les corneilles
Au bout du chemin vert.

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Les animaux

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Contre le vent cers
Elle mesure sa force
L’oie sauvage.

Dominant la plaine
Un angélus lointain
Se mêle au vol des choucas.

Après l’averse
L’escargot se hâte
Vers sa bien-aimée.

Sur la fleur de yucca
La rainette se délecte
D’une goutte de rosée.

Toujours prêtes
Les limaces dans le potager
Pour un festin de fraises.

Une orchidée sauvage
Au pied du Bugarach
Le lièvre l’a mangée.
(d’après un aïku de Basho)

L’oie sur la mare
Un renard qui guette
Mais le Bugarach veille.

Sentier escarpé
Bordé de buis et d’ajoncs
Un escargot m’accompagne.

Grimpe doucement surtout
Petit escargot
C’est le Bugarach.
(d’après un aïku de Issa)

Heure bleue ineffable
Entre coucher des martinets
Et lever des pipistrelles.

Le vent se lève
La chouette se réveille
Et embrasse la lune.

Sur le figuier sauvage
Les guêpes réunies
Font un banquet.

Un lézard endormi
Rêve du ciel immense
Sous le potiron.

Enfin la pluie
Une souris se désaltère
Dans une flaque.

La sauterelle posée
Sur la fleur de pissenlit
Une reine sur son trône.

Sur la margelle du puits
Après un long bâillement
Le chat s’étire et se rendort.

Portera-t-il chance
Le trèfle à quatre feuilles
Brouté par un agneau ?

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Le soleil et la lune

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Attiré par l’odeur des iris
Le soleil surgit
Derrière le Bugarach.

Instant fugace
Ouest vermillon ciel noir
Le soleil disparaît.

Posée sur le marronnier
La lune bavarde
Avec une chouette.

La lune sur l’étang
Des lucioles contemple
Le feu d’artifice.

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Les saisons au Bugarach

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Printemps

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Tout à coup le Bugarach
Surgit dans la brume
Aube de printemps.

Mois de Mai il neige
Non fleurs des cerisiers
Emportées par le cers.

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Eté

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Un ange fait la sieste
Sur une toile d’araignée
Après-midi d’été.

Une fourche abandonnée
L’herbe est grillée
Chaleur impitoyable.

L’ombre des vieux platanes
Dans la fontaine proche
Une bouteille de vin au frais.

Au parfum des roses
Fait écho le chèvrefeuille
Douce nuit d’été.

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Automne

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Sous-bois d’automne
Soudain une boule piquante
Bogue de châtaigne ou hérisson ?

Sur un fil alignées
L’adieu des hirondelles
Vent d’automne.

Dans le ciel bruyant
Sous les nuages d’automne
S’éloignent les grues cendrées.

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Hiver

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De nouveau visible
Derrière les branches des peupliers
Le clocher de Fanjeaux.

Monument au soldat
Au bout de son nez un glaçon
L’hiver est bien là.

Sous son bonnet blanc
Frissonne le Bugarach
L’hiver sera rude.

Cortar la legna
Y bourrar
L’hiver au Bugarach.

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L’arboretum

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Près de la mare
Les moineaux du saule
Font leur terrain de jeu.

Les roseaux bruyants
Comme le marché du village
Rassemblement de pinsons.

Ils dédaignent l’ombre
Des platanes majestueux
Les cerisiers en fleurs.

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Les saisons du marronnier

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Printemps

En sapin de Noël
Au mois de mai
Le marronnier se déguise.

Été

Tout est silence
Même les cigales font la sieste
Dans le marronnier.

Automne

La dernière feuille
Ce matin du marronnier
Tombe solitaire.

Hiver

Les mésanges bleues
Le vieux marronnier
Est leur refuge.

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Fanjeaux

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Soudain au vol des martinets
Se mêle le carillon de Claudette
Air du soir à Fanjeaux.
(Claudette est la carillonneuse de Fanjeaux)

À écouter le carillon
Même un parfait étranger
Ne l’est déjà plus.

Les tournesols éclairent le ciel
Sur la colline de Fanjeaux
Un orage se prépare.

Du promeneur ivre
D’avoir regardé les étoiles
La démarche incertaine.

Le rideau du ciel s’entrouvre
Fanjeaux sur la colline
Remercie le soleil.

Un troupeau de moutons
Autour du lac de Jupiter
Vague songe lointain.

Depuis le Seignadou
Au loin la montagne Noire
S’efface dans la brume.

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Forêt des contes n°4, par Cécile Cayla Boucharel et Tristan