Le Mariachi
Afin de ne laisser inexploité aucun pan du Diccionario general de americanismos de Francisco Santamaría (Méjico D.F., 1942), je traduis ici la notice qu’on y trouve au sujet des mariachis, ces musiciens costumés des fêtes populaires du Mexique, un aspect de la culture mexicaine bien connu en Europe. Le sujet présente un intérêt direct pour le public français dans la mesure où le terme serait d’origine française ; il proviendrait de notre vocable mariage, depuis l’époque de l’empereur Maximilien de Habsbourg, soutenu par la France. Cette origine est toutefois controversée, comme on le verra ci-dessous (texte original suivi d’une traduction française). Santamaría cite l’historien et académicien mexicain José Ignacio Dávila Garibi – lequel rejette catégoriquement l’origine française du terme –, tout en laissant ouverte la possibilité d’un gallicisme, à la suite d’« auteurs sérieux ».
Mariache o Mariachi (m). Música típica popular, bulliciosa y alegre, originaria y propia de una región del Estado de Jalisco, en Méjico, muy extendida en todo el país. 2. Músico popular de Méjico que ejecuta la música anterior.
J. I. Dávila Garibi, en Invest. Lingüísticas, t. III, PP. 291-3, ha escrito: «Con este vocablo que tiene todo el aspecto de coca se designa una música típica, bulliciosa y alegre que últimamente ha conquistado muchos laureles en todo el país. Data de tiempo inmemorial y tuvo su cuna en Cocula, Zacoalco y otras poblaciones jaliscienses que en lo antiguo formaron parte de la nación coca.
«Los mariachis de Cocula son, a lo que parece, los más antiguos y los que al presente han alcanzado mayor celebridad.
«En mi concepto el vocablo mariachi es coca, muy coca, por más que algunas personas, cuya opinión soy el primero en respetar, lo consideren de origen francés.
«Yo oí referir a muchos viejos en Cocula que la intervención francesa causó tan profundo disgusto en toda la comarca que los soldados franceses eran frecuentemente hostilizados, insultados y hasta golpeados por las mujeres. Se cuenta de una señora enemiga acérrima del Imperio, que vivía frente a la Plaza de Armas en la calle de Hidalgo y se llamaba doña Josefa, quien se suicidó en la puerta de su casa al saber que los franceses habían tomado la plaza de Guadalajara. Y así por el estilo hay muchas tradiciones, una de tantas, consignada en los célebres versos del célebre coplero popular Agustín Pacheco cuyo estribillo es como sigue: Dicen que por el Naguanchi/ no puede pasar ni un güero,/ porque le arrancan el cuero/ pa la caja del mariachi.
«El Naguanchi es un punto situado entre la ciudad de Cocula y la congregación de Colimilla en donde vivían ciertas mujeres antimperialistas que se encargaban de poner como nazarenos a los franceses que pasaban por allí, propinándoles fuertes botellazos en la cara.
«Yo no creo que los coculenses hubieran aceptado un nombre francés para designar a la más típica y gustada de sus músicas. Y si así hubiera sido, cabría preguntar: ¿cómo se llamaron antes de la Intervención Francesa los mariachis?
«Por otra parte, personas de crecida edad con quienes cultivé amistad en Cocula a fines del siglo XIX y principios del XX las interrogaba con fracuencia sobre cosas del terruño y me decían que los mariachis eran antiquísimos y que siempre habían tenido el mismo nombre…»
(De la semejanza entre mariache y el vocablo francés mariage, que se pronuncia igual a aquél, ha venido la conseja, que no sabemos hasta dónde lo sea, mientras datos más precisos que los de Dávila Garibi no tengamos, pues este autor no funda su opinión en ningún argumento lingüístico. Parece también que hay una traslación de sentido en el mejicanismo, porque originariamente significó el tambor, instrumento esencial en la música de tales artistas. ¿No será que – como opinan graves autores – la palabra francesa, mal castellanizada, se aplicó a la música, por tocarse ésta en toda ceremonia matrimonial?)
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Mariache ou Mariachi (m). Musique populaire typique, pétulante et joyeuse, originaire d’une province de l’Etat de Jalisco, au Mexique, et répandue dans tout le pays. 2. Musicien populaire du Mexique interprétant cette musique.
J. I. Dávila Garibi écrit : « Par ce vocable, qui appartient selon toute apparence à la langue coca, est désignée une musique typique, pétulante et joyeuse, qui a récemment conquis de nombreux lauriers dans tout le pays. Existant depuis des temps immémoriaux, elle est originaire de Cocula, Zacoalco et autres localités de Jalisco, qui formaient jadis le territoire de la nation coca.
« Les mariachis de Cocula sont, à ce qu’il semble, les plus anciens et ceux qui ont acquis aujourd’hui la plus grande renommée.
« Selon moi, le terme mariachi est coca, très coca, en dépit du fait que certaines personnes, que je suis le premier à respecter, le considèrent d’origine française.
« J’ai entendu de nombreux anciens, à Cocula, raconter que l’intervention française était cause, dans toute la région, d’un tel ressentiment que les soldats français étaient fréquemment harcelés, insultés et même frappés par les femmes. Il se dit qu’une certaine dame, farouchement opposée à l’Empire, qui vivait devant la Place d’Armes, dans la rue d’Hidalgo, et s’appelait Doña Josefa, se suicida devant sa maison en apprenant que les Français avaient investi la Place de Guadalajara. Et il existe dans le même genre de nombreuses traditions, comme celle rapportée dans les célèbres vers du non moins célèbre chansonnier Augustin Pacheco, qui ont pour refrain : On dit que par le Naguanchi ne peut passer aucun étranger [Littéralement, « aucun blond » (güero). J’ignore si cet usage, désignant ainsi les Français, était répandu (ce que j’incline à penser) ou s’il ne s’agit pas plutôt d’une trouvaille du poète. NdT], car ils s’y font arracher le cuir, pour servir de tambour au mariachi.
« Le Naguanchi est un endroit situé entre la ville de Cocula et la congrégation de Colimilla, où vivaient quelques femmes anti-impérialistes qui ne manquaient pas de témoigner leur mépris aux Français, quand il en passait par là, en les frappant au visage avec leurs cruches.
« Je ne crois pas que les habitants de Cocula eussent accepté un nom français pour désigner leur musique la plus typique et la plus appréciée. Et si tel était le cas, il faudrait se demander alors comment s’appelaient les mariachis avant l’intervention française.
« D’autre part, des personnes d’un âge respectable avec lesquelles j’entretenais des liens d’amitié, à Cocula, à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, et à qui je posais souvent des questions sur cette contrée, me disaient que les mariachis étaient très anciens et qu’ils avaient toujours porté ce nom… »
(C’est de la similitude entre le mot mariache et le français mariage, qui se prononce de la même façon, qu’est née cette histoire, dont on ignore quand elle a commencé, alors que nous n’avons pas de données plus précises que celles de Dávila Garibi, lequel ne fonde son opinion sur aucun argument linguistique. Il semble également qu’il se soit produit, dans le mexicanisme, une transposition du sens, car il désignait à l’origine le tambour, instrument essentiel de la musique de ces artistes. Serait-ce, comme le pensent des auteurs sérieux, que le mot français, mal castillanisé, s’est appliqué à cette musique parce qu’elle se jouait aux fêtes de mariage ?)
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Pour une approche poétique de ces sujets, voir mes poèmes le Mariachi (Les Pégasides, 2011, p. 169) et les Zouaves à Veracruz (La Lune chryséléphantine : À paraître).
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Un dernier document : la photographie des insignes de l’Ordre impérial de Guadalupe, sous l’empereur Maximilien, une photo que j’ai prise à la Hofburg de Vienne.
Octobre 2013