Sortie d’un recueil bilingue italien-français d’Eloisa Ticozzi

La maison d’édition Il Convivio Editore, dont le siège est en Sicile, vient de publier en version bilingue italien-français le recueil Nell’acqua Nel fuoco (Dans l’eau Dans le feu) de la poétesse italienne Eloisa Ticozzi. La traduction française est de Florent Boucharel. C’est le sixième recueil d’Eloisa, dont l’œuvre a été couronnée par plusieurs prix littéraires, notamment le prix Lorenzo Montano et le prix Pietro Carrera.

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Préface

Le recueil est préfacé par Angelo Manitta. Voici cette présentation, suivie de la traduction correspondante.

«L’acqua e il fuoco sono due dei quattro elementi primordiali che i Greci hanno considerato quale parte dell’universo-caos, poi uniti dall’Amore per creare la vita, insieme all’aria e alla terra. Mettere in posizione evidenziale di una raccolta di poesie questi due elementi, assume un profondo significato per la loro peculiarità, indicata già dall’antica sapienza cinese dello Shujing, in quanto «l’acqua consiste nel bagnare e nello scorrere in basso e il fuoco consiste nel bruciare e nell’andare in alto». In questi due movimenti, infatti, si può estrinsecare il pensiero di Eloisa Ticozzi, quello ascensionale del fuoco, che mira verso l’infinito e quindi verso l’aria, al quale è collegato quello discensionale dell’acqua che, lasciando percepire alla poetessa la sua “verticalità”, si collega alla terra, nel tentativo di mettere a nudo la propria personalità, scandagliandola nei diversi sensi pluridirezionali, orizzontali e verticali.

Tale scandaglio non si ferma all’apparenza, bensì penetra nella profondità delle proprie emozioni, inducendo ad una riflessione sullo stretto rapporto tra la vita e la morte, quali elementi essenziali dell’esistenza, direzionati in una continua ricerca della vita, che si intride di sublime pensiero nell’incessante contrapposizione tra l’essere e il non essere, tra l’aspirazione verso il futuro e le remore del passato, di cui non ci si riesce a liberare e della cui espressione il lessema come, che nella silloge ricorre 56 volte, è una palese indicazione. I continuati paragoni, infatti, sono espressione di una impercettibile biunivocità tra il mondo esteriore e quello interiore che inducono ad un’analisi della propria personalità e della propria condizione umana senza concedere nulla al rimpianto, se non che a quel richiamo all’infanzia, quale età felice, spensierata e piena di sogni e di aspirazioni: «le stelle creavano la loro anima / come nell’infanzia / quando l’orgoglio infantile si nutre di fantasia».

L’infanzia diventa quindi luogo di mito e di fantasie, ma pure giardino edenico primordiale che permette la formazione dell’essere umano sia dal punto di vista fisico che emozionale e cognitivo. Gli elementi appaiono così quali entità preformate, ma che danno origine alla vita, la quale è anche sofferenza, condizione quest’ultima che, attraverso le lagrime, si ricollega all’acqua, ponendo l’essere umano nella condizione di «una foglia rinsecchita / che si rompe in frantumi». E se essa appare menzognera, si ha comunque la coscienza che «la verità sta nel fuoco, nell’acqua / due elementi che imprimono la vita ancestrale».

Se i quattro elementi si uniscono per dare la vita, dall’altra parte il tempo li separa, riproducendo quella condizione di caos originario che può essere espresso dalla morte. Ma il caos non è definitivo e neppure permanente, da esso nascerà nuovamente la vita, in un ciclo eterno. In questo contesto l’acqua e il fuoco appaiono quale mezzo di purificazione e rigenerazione, inducendo alla lucida coscienza di affrontare la propria esistenza con coraggio e con forza. Il richiamo alla condizione primordiale dell’infanzia appare perciò di vitale importanza, è un tornare in se stessi, un ripercorrere il cammino fatto nel tentativo di percepire dove, quando e perché si sia smarrita la via, nel costante confronto dell’essere e del divenire che talvolta può tramutarsi in incubo, in quanto entrambe le condizioni «preparano la vita alla morte», ma con la coscienza che la «morte è la vita che prosegue». Non per nulla questi due lessemi appaiono più volte nelle poesia di Eloisa Ticozzi, ma con la prevalenza della vita, proprio perché la poetessa giunge alla conclusione che «la vita sia il sole» e che «(quello che rimane) è l’amore per la vita».»

Angelo Manitta

Traduction française de la préface

L’eau et le feu sont deux des quatre éléments primordiaux que les Grecs considéraient, avec l’air et la terre, comme parties constitutives de l’univers-chaos, unis par l’Amour pour créer la vie. Mettre en évidence ces deux éléments dans un recueil de poésies revêt une signification profonde en raison de leur spécificité, déjà indiquée dans l’antique sagesse chinoise du Shu jing, pour laquelle « l’eau descend, le feu monte ». De fait, on peut exprimer la pensée d’Eloisa Ticozzi par ces deux mouvements, celui ascendant du feu, qui regarde vers l’infini et donc vers l’air, auquel est lié le mouvement descendant de l’eau qui, faisant percevoir sa « verticalité » à la poétesse, se rattache à la terre, dans la tentative de mettre à nu la personnalité, en la sondant dans les différents sens pluridictionnels, horizontaux et verticaux.

Un telle exploration ne s’arrête pas à l’apparence mais pénètre au contraire dans la profondeur des émotions, induisant une réflexion sur le rapport étroit entre la vie et la mort comme éléments essentiels de l’existence, dirigés dans une continuelle recherche de la vie, qui s’imprègne de pensées sublimes dans l’incessante opposition entre l’être et le non-être, entre l’aspiration vers l’avenir et les freins du passé, desquels on ne parvient pas à se libérer et dont le lexème come (« comme »), qui revient 56 fois dans le recueil, est une indication manifeste. Les comparaisons continues sont de fait l’expression d’une imperceptible biunivocité entre les monde externe et interne, qui conduisent à une analyse de la personnalité et de la condition humaine ne concédant rien au regret bien qu’elle fasse fond sur l’évocation de l’enfance, cet âge heureux, insouciant, plein de rêves et d’aspirations : « les étoiles créèrent leur propre âme / comme quand, dans l’enfance, / l’orgueil puéril se nourrit d’imagination. »

L’enfance devient le lieu du mythe et de l’imagination, jardin édénique primordial qui permet la formation de l’être humain, au plan tant physique qu’émotionnel et cognitif. Les éléments apparaissent ainsi comme des entités préformées donnant naissance à la vie, laquelle est aussi souffrance, une condition qui, par les larmes, se rattache à l’eau, plaçant l’être humain dans la condition d’« une feuille morte / qui tombe en miettes ». Et si cette condition paraît mensongère, il y a tout de même la conscience que « la vérité est dans le feu, dans l’eau / deux éléments reproduisant la vie ancestrale ».

Si les quatre éléments s’unissent pour donner la vie, par ailleurs le temps les sépare, reproduisant la condition du chaos originel, qui peut être exprimé par la mort. Mais le chaos n’est pas définitif, permanent ; il en naîtra de nouveau la vie, en un cycle éternel. Dans ce contexte, l’eau et le feu apparaissent comme moyens de purification et de régénération, conduisant à la claire conscience d’avoir à faire face à sa propre existence avec courage et force. Le rappel de la condition primordiale de l’enfance apparaît pour cette raison d’une importance vitale : c’est un retour sur soi, un moyen de reparcourir la voie faite dans le but de percevoir où, quand et pourquoi on a perdu le chemin, dans la constante confrontation de l’être et du devenir qui peut parfois se transformer en cauchemar, dès lors que les deux conditions « préparent la vie à la mort », mais avec la conscience que « la mort est la vie continuée ». Ce n’est pas pour rien que ces deux lexèmes apparaissent à plusieurs reprises dans la poésie d’Eloisa Ticozzi, mais avec la prévalence de la vie parce que la poétesse parvient à la conclusion que « la vie est le soleil » et que « (ce qui reste) est l’amour de la vie ».

Extraits

J’ai imaginé un arbre qui ressemblait
à un être humain insipide
sans feuilles ni branches

Mais ce n’était que mon corps nu
nourri seulement par deux yeux
qui étaient des gendarmes
et disposaient à leur gré
les couleurs dans les orbites.

*

Une fois j’ai été somnambule,
c’était quand j’oubliai d’exister
et que ma personne se perdit
dans un épicentre étranger à la raison,

l’âme était loin de chez elle
et de ma voix intérieure.

*

Je pense au fait qu’un jour je n’existerai plus
mais vivrai dans les souvenirs silencieux
de ceux qui ont l’air de vivre,

et je serai une âme véridique
de celles qui, avant de prononcer une parole,
gardaient par devers elles le monde entier

et le contractaient pour se l’assimiler dans les narines
dans la gorge pour enfin le pousser dans les poumons
ainsi qu’un quartier de lune.

*

(un enfant) sait qu’il doit rester attaché
par les fils invisibles de la terre

sait que le feu en lui est l’existence,
sait qu’il devra dans la vie courir après
la maturité encline à tomber.

*

Et puis il y a mon âme désaccordée
comme la voix qui parvient à la couvrir,
il y a mon chant épique
d’une aventure sans destination.

Mon esprit pourrait demander à l’instinct
sa raison spirituelle
comme dans les paradoxes de la vie,

c’est pourquoi j’ai laissé mon âme
retourner dans le ventre du mythe.

*

La pluie ne sort pas mais tombe,
elle suit la force de gravité comme les larmes
qui descendent en grappes.

Je pleurerai comme une feuille morte
qui tombe en miettes.

5 comments

  1. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    Dans le n° 97 du journal Il Convivio, d’avril-juin 2024, Marie-Christine Guidon a publié une recension du recueil d’Eloisa, qu’elle m’autorise aimablement à reproduire ici.

    Récompensée à plusieurs reprises, notamment par le Prix Lorenzo Montano et le Prix Pietro Carrera, Eloisa Ticozzi nous invite à découvrir son sixième opus poétique. L’ouvrage en édition bilingue, préfacé par Angelo Manitta, est traduit en français par Florent Boucharel.

    Angelo Manitta, dans sa préface, nous indique que la pensée d’Eloisa Ticozzi peut s’exprimer par deux mouvements : celui ascendant du feu, qui regarde vers l’infini et donc vers l’air, auquel est lié le mouvement descendant de l’eau qui, faisant percevoir sa « verticalité » à la poétesse, se connecte à la terre, dans une tentative de mettre à nu sa propre personnalité, en l’explorant dans ses différents sens pluridirectionnels, horizontaux et verticaux.

    Avec ce recueil au titre évocateur « Dans l’eau dans le feu », nous faisons une plongée dans un univers métaphorique en mouvement dont les maillons composent une chaîne antonymique éloquente : joie et douleur, froid et chaud, bas et haut, soleil et pluie, parole et silence, vieillesse et enfance, naissance et mort… « Les hommes sont enchaînés au monde / comme les tourbillons du centre de la terre ».

    Lorsque ni la science, ni la philosophie, ni la religion ne parviennent à définir explicitement la réalité profonde du monde ou inhérente à chacun, la Poésie est peut-être l’une des voies intuitives pour approcher le mystère du réel. Alors, les éléments interagissent… « La vie semble être un désordre à comprendre ». Loin de tout prosaïsme, Eloisa Ticozzi nous livre avec ses mots, l’écho de son expérience transmutée, en nous disant combien ces éléments sont constitutifs de notre existence d’être humain « Ma force est une exaspérante folie de vivre / une répétition sans monotonie » « chaque respiration est différente de la précédente ». Tous nos sens en éveil cristallisent le visible et l’invisible pour nous permettre de réaliser ce que nous sommes fondamentalement au sein d’une nature où le surnaturel et le terrestre se fondent en un tout de l’ordre du divin « La nature c’est absorber l’esprit universel ».

    À travers ses cris, l’autrice nous exhorte à partager sa parole empreinte d’authenticité, nourrie des éléments qui parfois s’affrontent, puissances indissociables « je hurle la cruauté et l’orgueil du monde » « je confonds mon cri à la prière du soir ».

    L’Eau est la nature première de la matrice selon la vision aristotélicienne ; toute vie provient de l’eau qui contient le germe de toute chose et ce germe est le Feu. Ainsi matrice et semence deviennent complémentaires. « la vérité est dans le feu, dans l’eau / deux éléments reproduisant la vie ancestrale ». L’eau est médiation entre le ciel et la terre. Le feu est mort et renaissance…les éléments cohabitent, ce qui représente un véritable enjeu puisqu’ils peuvent s’anéantir l’un, l’autre. En attendant « le moment de retourner à l’origine », nous cheminons entre l’enfance, retour aux sources et l’obscurité « Jamais la nuit ne m’apparaît distante » « La nuit me ressemble » « Je suis née dans l’abîme » mais comme le dit la poétesse « Un abîme est un tourbillon d’où renaître avec ses propres talents ».

    Eloisa TICOZZI détient ce pouvoir thaumaturge de nous faire prendre part à son voyage intérieur singulier, fusion de ses émotions… « Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même » (Confucius).

    Marie-Christine Guidon

  2. Unknown's avatar
    Anonymous

    Bonjour -j’aimerais mettre un  » like  » mais cela ne fonctionne pas – désolée ! Joyeux Noêl – Buon Natale !

  3. florentboucharel's avatar
    florentboucharel

    Une note de lecture par Beaton Galafa sur le recueil d’Eloisa a été publiée dans le n° 100 de la revue Il Convivio (janvier-mars 2025). La voici, avec la permission de son auteur et du responsable de la revue, Angelo Manitta.

    Nell’acqua nel fuoco / Dans l’eau dans le feu (par Eloisa Ticozzi, trad. Florent Boucharel, Il Convivio Editore, Sicile, 2023, 138 pp.) est un recueil de poésie écrit par l’auteure italienne Eloisa Ticozzi. Ce recueil de poésie propose deux versions de chaque section – l’introduction, la préface et les poèmes eux-mêmes – l’une en italien et l’autre en français. Ce dualisme linguistique reflète même les deux éléments juxtaposés dans le recueil, l’eau et le feu. La traduction française a été réalisée par Florent Boucharel, un écrivain français qui est également essayiste et poète. La préface du livre a été rédigée par Angelo Manitta, rédacteur en chef d’Il Convivio, une revue littéraire, et directeur de la maison d’édition du même nom, basée en Sicile, Italie. Dans la préface, Manitta décrit l’eau et le feu comme des moyens de purification et de régénération, conduisant à la claire conscience d’avoir à faire face à sa propre existence avec courage et force. Ticozzi elle-même introduit la poésie en soulignant que l’eau et le feu sont des éléments qui régulent la vie avec orgueil et puissance.

    Le premier poème du recueil résume l’essence de l’ensemble de l’ouvrage : le feu et l’eau, où réside la vérité de l’existence – la vie ancestrale. Ce même poème se termine par la reconnaissance implicite de la mort, en tant que conclusion ultime. Il agit comme une porte ouverte sur des réflexions autour de la dualité de la vie au fil de ses différentes saisons. Le recueil se concentre principalement sur les éléments de l’eau et du feu, soulignant la dualité de l’existence humaine. Ce thème est repris à travers diverses métonymies représentant ces éléments : la pluie et le soleil, la nuit et le matin, la vie et la mort. À un moment donné, la question de l’existence humaine dépasse le domaine physique pour explorer une dualité entre l’esprit et l’âme, où les deux se complètent. Dans les derniers poèmes du recueil, la poétesse anticipe un retour aux origines de la terre, au-delà de la mort, jusqu’à la création de l’univers lors du Big Bang.

    Tout au long du recueil, Ticozzi examine comment les humains coexistent avec la nature et comment cette dernière exerce un contrôle supérieur sur la vie humaine. En conséquence, le destin humain oscille entre le feu et l’eau, la naissance et la mort, les commencements et les fins, qui se déroulent tous dans les cycles des saisons. Ces saisons symbolisent elles-mêmes diverses expériences humaines qui, pour la poétesse, atteignent leur apogée en hiver – un moment de pluie qui purifie l’humanité et une saison de célébration personnelle, marquant la naissance de la poétesse dans les neiges d’hiver.

    Dans ce recueil, Ticozzi invite les lecteurs à une réflexion critique sur l’existentialisme, en réduisant l’existence humaine à une dualité de complémentarité et de destruction. Cette perspective apparemment simpliste, lorsqu’elle est examinée plus profondément se révèle d’une grande profondeur. Qu’est-ce que la vie, par exemple, sinon une combinaison de joie et de douleur introduite dès le premier poème du recueil ? Après avoir guidé le lecteur à travers les turbulences de l’existence, telles qu’exprimées dans ses poèmes, Ticozzi conclut en nous ramenant aux origines de la vie dans son dernier poème, où elle admet attendre le moment de retourner à l’archétype de la création.

    Avec ses réflexions philosophiques et spirituelles, ce recueil revêt une grande importance non seulement pour les spécialistes et amateurs de littérature, mais aussi pour ceux qui s’intéressent à la philosophie et à la religion. Il offre une perspective nuancée sur les éléments et leur interaction avec l’humanité, exprimée à travers l’imagerie saisissante créée par les mots de Ticozzi. De plus, tout lecteur intéressé par les questions d’existence trouvera ce recueil profondément enrichissant.

    Beaton Galafa

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