Les Panites : Poésie métapsychique

Série de quatre poèmes publiés dans mon recueil Opales arlequines (EdBA, 2012), ici dans une nouvelle version.

Le Blob de l’espace a également été publié dans le numéro 166 de la revue Florilège (mars 2017).

Poème 1 : Le Blob est une allusion au monstre des films Danger planétaire (The Blob) (1958) et son remake Le Blob (The Blob) de 1988.

Poème 3 : Johann Conrad Dippel (1673-1733), du château Frankenstein en Hesse, l’homme qui a inspiré le fameux mythe littéraire, tenta secrètement des expériences de réanimation des morts par l’électricité et d’autres moyens. Swedenborg, qui, jeune, poursuivit lui-même des recherches de naturaliste avant de devenir un célèbre mystique, aurait eu des conversations avec Dippel dans le monde des esprits mais se détacha des voies suivies par ce dernier pour développer une interprétation ésotérique des Écritures, dans laquelle il découvrit un fonctionnement mécaniciste du monde entendu comme totalité du monde corporel et incorporel.

Swedenborg est également cité dans Le Blob de l’espace, faisant partie de ceux qui admirent à cette époque l’existence d’autres planètes habitées. (Kant lui-même, qui a écrit un livre sur, et largement contre, Swedenborg [Träume eines Geistersehers, erläutert durch Träume der Metaphysik], admettait l’hypothèse comme hautement probable.)

***

Les Panites

« Pilosi, qui Graece Panitae, Latine incubi appellantur » (Isidorus)

« Panida. Poeta o descendiente de Pan » (Dictionnaire de l’Académie royale espagnole)

I.
Le Blob de l’espace

Frivoles et légers, vous ignorez les mondes
Que cache l’univers à vos yeux de fourmis,
Vous refusez de croire aux planètes immondes
Qui rêvent d’envahir l’astre à leur soif promis.

Les voyants, Swedenborg, au siècle des Lumières,
Ont reconnu le ciel et l’ont trouvé hanté ;
Oui, dans ces milliards de milliers de poussières
D’étoiles, quel Enfer par le Diable affrété !

De tel marais fétide orbitant sans relâche,
Du morne satellite abandonné de Dieu,
Sur la Terre est tombé, race perfide et lâche,
Le fléau qui tuera sans pitié ton milieu.

C’est un monstre sans âme, apathique et morose,
Qui ne ressent jamais rien d’autre que la faim.
À cette chose, à cette abominable chose
Sera livré ton corps : homme, voilà ta fin !

Ta foi n’était plus bonne et tes lois étaient vaines,
Tu vivais mécontent, tu vivais envieux ;
Le liquide qui coule encore dans tes veines
En ce vivant limon sera plus précieux !

***

II.
La Nuit des goules

Le lampadaire affreux tel un œil de dragon
Et les bouches d’égout cracheuses de fumée,
Comme dans les forêts du mystique Dogon,
Accueillent cette nuit une lugubre armée…

*

Une goule pourrie obsède le troupeau
Des badauds pour combler ses instincts cannibales,
Les démembre, les mord, leur arrache la peau,
Et la police a beau la transpercer de balles,

Elle n’entend quitter son horrible festin ;
Quand les canons sciés ont creusé des ulcères
Dans sa poitrine, et puis disloqué ce pantin,
La tête rampe encore en mâchant des viscères !

Ailleurs, un autre monstre a sauté sur un pont
Devant un autobus, qui le défonce et verse
Avant de s’embraser, et la goule, qui fond,
Dans le feu se repaît de la chair qui se gerce !

Plus loin, c’est Barbara, qui voulait s’amuser
Et retint l’intérêt de goules carnivores ;
Comment les morts-vivants purent en abuser
Avant de déglutir ses fibres incolores,

C’est un point qui mérite un examen soigneux.
Mais pour l’heure voyez cette goule poursuivre
L’infortuné réduit, la terreur dans les yeux,
À frapper de son bras tranché l’assaillant ivre

(Son propre bras, j’entends). Du reste, c’est en vain ;
Un coup de griffes ouvre un passage aux entrailles
Qui tombent en paquet dans des torrents de vin,
Le malheureux assiste à de folles ripailles !

Une goule a grimpé sur les sombres créneaux
De Notre-Dame et là chevauche une gargouille.
La pierre se descelle : en merveilleux tonneaux
Cette chimère au sol bruyamment s’écrabouille !

Enfin – mais c’est ignoble – on entre au Panthéon,
On farfouille, on profane, on exhume Voltaire,
Et le voici, crevé de tubes à néon,
Accessoire de train fantôme diploptère !

***

III.
Swedenborg contre Frankenstein 

Johann Conrad Dippel de Frankenstein, génie !
S’attira les fureurs de l’immortel voyant,
Qui le dénomma diable, enfant de simonie,
Brandissant en esprit un sabre flamboyant.

(Il est surtout connu pour son nom littéraire,
Souvent on ne sait pas qu’il a même existé ;
Ce que sont ses travaux et son itinéraire,
Dans plusieurs lettres Grimm pourtant nous l’a conté.)

Alchimiste, inventeur du fameux bleu de Prusse
Et de l’huile éthérée, ou julep de Dippel,
Qui doit être connu par ces lignes, ne fût-ce
Que pour ses faux (?) bienfaits d’onguent universel,

Dans son château bâti sur une catacombe,
Il essayait de rendre aux corps inanimés
Qu’il avait nuitamment dérobés à la tombe
Les spasmes de la vie au néant abîmés,

Et de porter de l’un vers un autre organisme,
Au moyen de tuyaux, de pompes, d’alambics,
Du « feu du ciel » – c’est là l’aube du galvanisme –
L’âme, qui sur des flux dirige ses trafics.

Swedenborg, odieux au dévot incrédule,
Se détacha du Maître en comprenant que Dieu
Règle son Paradis ainsi qu’une pendule
Et qu’une équation peut décrire ce lieu.

Mon honneur sera-t-il d’exprimer le système
Du Ciel et de l’Enfer et du monde créé
Sous forme arithmétique ? Occupé par ce thème,
Je ne me serai pas un instant récréé.

Si mon poème a l’air d’une plaisanterie,
Je n’entends plus jamais faire le moindre vers ;
Mieux vaut encore choir dans la galanterie
Que de vouloir chercher aux géants des travers !

Qui n’a point en ce monde essayé sans relâche
De permuter en or le métal vicié,
Qu’il soit lu par les fous et leur plaise, ce lâche,
Et que son nom enfin soit de tous oublié !

***

IV.

Vous me dites souvent que vous n’aimez que moi,
Que vos jours n’ont de sens que parce que j’existe,
Vous m’offrez votre cœur, me jurez votre foi,
Même vous prétendez que rien ne me résiste ;

Vous avez un trésor, entends-je, à me donner,
Votre âme m’appartient, vos charmes fantastiques
N’attendent que mes bras, veulent s’abandonner…
Me payerai-je donc de mots télépathiques ?

***

Diérèses (par ordre d’apparition)

mil-li-ards (3 syllabes) (mais Dia-ble, 2 syllabes)

en-vi-eux (3)

pré-ci-eux (3)

o-di-eux (3)

é-qua-ti-on (4)

vi-ci-é (3) (La diérèse s’écarte ici de la prononciation courante car on dit plutôt vi-cié, deux syllabes, alors que le mot oublié avec lequel il rime se prononce trois syllabes ordinairement : ou-bli-é.)

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