Category: poésie

La dernière ombre d’arbre : La poétesse Oda Schaefer

Oda Schaefer (1900-1988) est une poétesse majeure de l’après-guerre en Allemagne de l’Ouest, bien qu’elle restât largement à l’écart des tendances dominantes de la Génération de 47 et des cercles liés à cette mouvance. Elle était l’épouse de l’écrivain Horst Lange (1904-1971) et perdit son fils, porté disparu sur le front de l’Est pendant la Seconde Guerre mondiale.

Par ses deux parents issue de vieilles familles allemandes des Pays baltes et comptant parmi ses ancêtres du côté paternel les peintres Von Kügelgen, à l’instar de Gerhard von Kügelgen (1772-1820) dont sont célèbres des portraits de Schiller, de Goethe et des familles princières de Prusse et de Russie, elle était la fille de l’écrivain Eberhard Kraus (1857-1918) que ses tendances conservatrices poussèrent au suicide au moment de la défaite allemande de 1918. Le nom Schaefer vient de son premier époux, l’illustrateur Albert Schaefer-Ast.

Un film, Poll par Christopher Kraus, est sorti en 2010 et s’inspire d’une œuvre autobiographique d’Oda Schaefer.

Pour les présentes traductions, nous avons utilisé deux livres : Der grüne Ton, sorti en 1973 cher R. Piper & Co. Verlag, et qui comporte une partie d’inédits et une partie anthologique de vers plus anciens, ainsi qu’une anthologie à proprement parler, Wiederkehr, parue en 1985 dans la même maison d’édition. Les deux livres comportent un nombre important de poèmes en commun, sans doute parce qu’ils sont tous deux sortis chez le même éditeur. Les anthologies ne permettent pas de se faire une idée précise des dates de parution des poèmes car ceux-ci, chose courante dans l’édition allemande, sont classés en fonction de thèmes plutôt que d’après leur date de parution en recueil.

Oda Schaefer a suivi une trajectoire commune à de nombreux poètes européens du vingtième siècle, avec à ses débuts une poésie classique, versifiée, puis de la poésie libre. L’auteur de la postface à l’anthologie de 1985, Walter Fritzsche, responsable du choix des poèmes, écrit, à cette date donc, « Aujourd’hui que beaucoup de jeunes poètes se remettent à rimer… » (« Heute, da viele junge Dichter wieder reimen… »), ce qui nous paraît digne d’être relevé : c’est la première fois que nous entendons parler d’une résurgence récente de la versification classique. Nous ignorons si le phénomène a été remarqué par d’autres…

Portrait photographique d’Oda Schaefer par Titus Horst.

*

La note verte
(Der grüne Ton, 1973)

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Ndt. Il s’agit d’une note de musique. La polysémie du terme français ne permettrait pas de garder un tel titre de recueil, en raison de l’ambiguïté qu’elle entraîne, pour une publication dans notre langue, mais il n’est pas nécessaire de considérer cela pour le présent billet, une simple note du traducteur suffisant à dissiper tout malentendu possible.

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Insomnie (Schlaflos)

Toujours d’entends des pas
dans ma chambre la nuit ;
au milieu de l’obscurité,
ils s’arrêtent.

Ils se mettent à briller,
verts en leur immortalité :
apparitions des profondes, humides
oubliettes du temps,

ombres flottant transparentes,
sans plus de chair ni d’os ;
c’est l’avidité de cette vie impure
qui les amène.

L’un montre à tous
les plaies béantes de sa tête ;
il gisait dans les orties
entouré de feuilles.

Un autre, aux joues creuses,
mourut de faim près des corbeaux,
desséché dans son rêve, un désir
de départ rapide.

Soldat gris, non oublié
qui m’as offert ton existence,
je mesure ton sacrifice
trempé de sang.

Et toi, la malade pâle,
autrefois florissante, rouge comme une rose,
à la persécution et mort
de ta vieille race tu as succombé.

Le cinquième, sur des coussins épais,
aux traits exsangues,
fut brutalement tiré dans les ténèbres
et vit la lumière.

Le visage des heures muettes
est sévère, équitable et blême,
chacun montre ses blessures,
la marque de sa mort.

Ils vacillent dans le vent de l’aube
et disparaissent lentement,
me laissant la fatigue de chercher
ce qu’ils ont voulu dire.

*

Limmatquai

Ndt. Le Limmatquai est une rue de Zurich, longeant la rivière Limmat qui lui donne son nom, « quai de la Limmat ».

Quand je le souhaite,
tu renais à la vie,
homme mort
il y a longtemps
et que je connus à peine –

nous nous retrouvons
transportés à cette minute
qui descendait à l’horizon
gravée dans le verre opaque
d’un soir de brume
sur le Limmatquai.
Le globe du lampadaire
pendait parmi les branches
de l’arbre noir de laque,
lune d’octobre
entourée par l’anneau
d’un halo de sept couleurs.

Ce fut, cette seule minute,
une poignée de secondes comblées
où nous nous regardâmes et
fûmes précipités
dans le puits des pupilles
où l’image se forme
sur la couche sensible à la lumière
du souvenir.

Et je te ramène au jour de nouveau,
vieille photographie
figée dans la pose du questionnement,
brunie par le temps.
Je te ramène au jour de nouveau
quand je veux revoir le passé,
vers ce moment de fascination
non vécu, seulement senti,
qui flotte encore
avec le brouillard du Limmatquai.

Une femme vit un homme
dans la rue illuminée de flaques.

*

La dernière ombre d’arbre (Letzter Baumschatten)

Ces ombres qui rêvent
sont d’un vert d’aquarium sur du roux ;
la lumière filtre comme de l’eau dans la mousse
parmi les calmes
et vieux châtaigniers.

Ils endurent l’air saturé de mort,
portent l’humidité du soir,
le silence est pesant
de voix qui résonnent au loin.
Les châtaigniers, caryatides de l’invisible,
demain déjà sans feuilles,
bras vides tendus
après-demain. –
Alors c’est l’hiver
et la neige est lourde à porter.

*

Dryade (Dryade)

Je ne veux rien d’autre qu’avec beaucoup de branches
t’enlacer et de toute l’épaisseur
des forêts sombres t’envelopper,
t’étouffer, me pencher sur toi
et te voler le moindre grain de lumière,
ô douce et forte vie.

Alors, plongée dans le sommeil, tu dois
sortir à nouveau de cette inconscience,
je desserre doucement les lianes
et souffle sur tes joues,
jusqu’à ce que tes yeux fermés voient :
la clarté dorée revient

et je me disperse comme les froides,
les blanches brises sur le mur,
dans la folle confusion de feuilles où
tu rêvais, emperlée par l’étuve
de la nuit obscure et de la peine accablante,
comme perdue sans retour…

*

L’ensorcelée (Die Verzauberte)

Comme le corps vert de la libellule,
l’œil du crapaud sur elle,
ainsi je flotte sur les ondes
de la source murmurante
qui coule de ton Moi obscur.

M’entends-tu ?
Me vois-tu ?
Ah, je suis invisible
dans le duvet blanc de l’araignée,
dans le fil embrouillé de l’herbe,
sous l’aubépine et la fougère.

Tout ce qui murmure et mousse,
tout ce qui frissonne et tremble,
c’est moi qui rêve solitaire
et dont la vie est une échappée à tire-d’aile.

Dans les roseaux, dans les joncs,
un oiseau chante ma chanson,
une robe de cygne est prête
pour ma fuite.

Cherche-moi !
Trouve-moi !
Jusqu’à ce que je te revienne,
légère comme une plume,
tout est calme et vide,
ce qui me ressemble encore.

*

Contre l’obscurité du monde (Gegen die Dunkelheit der Welt)

Qui a le courage d’emmener les autres
de l’autre côté du fleuve noir
dans l’incertain de la brume,
de chercher les égarés
parmi les innombrables troncs identiques
égarant les plus sains.

Qui a le courage de soigner le lépreux,
de baiser le chancre du mendiant
ou les cicatrices de l’homme
que le lance-grenade au visage a frappé.

Qui a le courage, en voyant le corps difforme,
de réprimer son effroi qui est comme un loup
dévorant le meilleur de l’homme,
de reconnaître la lumière dans les yeux du nouveau-né,
de l’enfant né sans mains
et de vouloir le protéger
contre sa propre panique meurtrière
et d’accepter, une vie entière,
qu’il veuille respirer comme nous.

Qui a le courage de rester auprès des obscurs
que tous évitent,
quand les êtres de lumière là-haut, tout là-haut
séduisent les foules faibles.

Qui a le courage de l’amour qui dure !

*

La mariée (Die Braut)

J’étais autrefois l’herbe qui se balance au vent,
l’herbe qui succombe au vent humblement,
au vent ! ô écoute comme il chante cruel
le long des prés odoreux et gémissants.

Entends-moi trembler dans sa puissance,
mes racines se détachent de la terre,
dans les airs, dans les airs je vole,
convoitée, enlevée, à en perdre l’esprit.

Je ne sens, je n’éprouve que le vent, lui seul,
il me berce dans ses bras, herbe endormie ;
comme sa poitrine est douce, et sombre sa chanson,
quand tombant, la nuit, il m’entraîne dans sa chute…

*

Merle en hiver (Amsel im Winter)

Douce gorge, verte et vagabonde,
solitaire dans les grises profondeurs du brouillard,
aile blessée tourbillonnant frénétiquement
comme une chauve-souris devant le jour et la rosée,

dans l’obscurité croissent les moisissures pâles,
la peau de l’humidité se colore de noir,
tandis que tu chantes le ciel clair,
l’odeur des peupliers, la résine dorée.

Le vent brise les veinures des feuilles
et la pluie tombe sur l’herbe morte –
tintant sur des lèvres invisibles,
une flûte traverse le voile blême

et se dissipe dans un rêve crépusculaire et la moiteur,
trop tôt, comme la note des joncs ;
ô merle, lance ta complainte jusqu’au retour
de la nouvelle année† au trône bleu.

La nouvelle année : Nouvelle année non pas calendaire, commençant le 1er janvier, en hiver, mais année des saisons qui commence avec le retour du printemps.

*

Été (Sommer)

Les cheveux blonds de l’été, par le vol
du vent affectueusement emportés,
frémissent comme la feuillée dans les vertes profondeurs
quand d’une source fraîche qui le portait
un souffle monte, non encore touché,
tel que des nymphes claires dormant sans rêves –

souffle d’une bouche invisible
qui toujours s’exhale et jamais ne repose
tant que les jours bleus colorent les fleurs
et que les nuits obscurcissent la terre
aux chaudes averses odorantes,
et que les fièvres d’un jour meurent dans la brise.

*

La métamorphosée (Die Verwandelte)

En terre un jour je veux reposer,
dans la terre noire, mouillée :
que les bouleaux se bercent,
branches entrecroisées, au-dessus de mon corps,

que de ma poitrine naissent des taurillons,
de mon ventre de l’herbe,
que mes lèvres baisées souvent
nourrissent la mousse silencieuse.

De mes mains ouvertes se presseront
des jasmins que je cueillis
et dans les buissons les merles en leurs transports
chanteront encore mon dernier sourire ;

les larmes versées brûleront toujours,
là où poussent les orties ;
ainsi ne pourra-t-on plus me distinguer
de ma verdure transformée.

*

Réapparition
(Wiederkehr, 1985)

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Séduction et imploration (Verführung und Beschwörung)

Jamais tu ne dormiras aussi profondément
que dans la sombre demeure de terre ;
ceux qui sont parvenus à ces profondeurs
se reposent de la douleur et des larmes,
jamais tu ne dormiras aussi profondément !

Tu t’enfonceras toujours plus profond,
vers où nul buisson d’épines,
nulle grise luminosité de pluie
ne sépare amèrement la nuit du jour,
tu t’enfonceras toujours plus profond !

À la fin tu rêveras dans le noir
de toi déjà connu,
car la chandelle sans feu
ne brillera pas dans ta main,
à la fin tu rêveras dans le noir !

Et ton sommeil durera toujours,
merveilleusement, sans que rien l’alimente,
tu dormiras, tandis que ton affliction
insensible et trouble roulera au caniveau,
et ton sommeil durera toujours.

Tu souris d’un sourire d’os et me tire vers les profondeurs,
ô retire tes mains desséchantes de moi !
Enivrée de nerprun, je m’enfonce lourdement
dans les chambres obscures grouillantes d’insectes et de vers.

Tu flûtes ta chanson sur l’os ensorceleur ;
capiteux, étouffant, ton blême chalumeau m’appelle.
Les chaînes, les cuirasses tombent brisées,
les assuétudes de fer, les années de plomb.

Ne me séduis pas avec la paix sans douleur !
Dans la clarté de la lune vole mon cheval ailé ;
ce n’est pas un lit pour le rêve aimable
que la caisse de sapin fermée à coups de marteau.

Ô fais silence, importune, sous le tumulus !
C’est trop tôt, comme le chant de l’alouette en mars,
qu’au sommeil tu convoques l’aile fatiguée –
par des flots de sang écarlate le cœur se défend.

*

Mondsee

Ndt. Le Mondsee passe pour l’un des plus beaux lacs d’Autriche. Le titre peut à la rigueur ne pas être le toponyme en question ; rien ne l’indique dans le poème lui-même, et il pourrait donc s’agir d’un « lac de lune » dans le sens de tout lac reflétant la lune, n’était, sans doute, que ce nom ne peut manquer d’évoquer le Mondsee pour un germanophone.

Comme une dernière, lourde larme,
le clair de lune roule silencieux
sur le lac, vers le rivage
où endormis les cygnes noirs
couverts d’ombres épaisses et profondes,
ensevelis, reposent, après les envolées
parmi les joncs de mortes anses.

Et dans le ruissellement sourd de la rame
s’évase continûment un cercle
qui, obscur dans la pâleur verte,
se dissipe ainsi qu’un rêve et que portent
les basses des crapauds – ici soupire ta bouche,
ô vaste nuit étoilée, comme si sonnaient
les cloches de toutes les profondeurs de l’eau.

*

Les enfants (Die Kinder)

Ils ont pris leur haleine pure aux sources des forêts,
leur pas léger au pied de l’animal des bois,
volatiles comme la fumée blanche des nuages
se sont formées les frontières de leur image.

Les jours bleus et les sombres nuits étoilées
ont coloré la neuve lumière de leurs regards,
délicates comme l’herbe et les entrelacs de la mousse
flottaient les minces chevelures autour de leurs visages.

Mais le temps toucha ces papillons,
un rude vent brisa leur vol,
et leur éclat était mortel, comme toute chose
sous le ciel qui les portait.

*

Reflet dans l’eau (Spiegelbild im Wasser)

Ce pâle nénuphar en bas
ressemble à mon visage,
autour les algues répandues
tressent des cheveux verts.

Qu’étrangement fleurit cette blancheur
détachée toute de la chair,
tremblant quand la chaude
brise la dénude.

Alors un frisson passant
sur l’eau la fait tressauter,
une ondée tombe de la nue,
le jour est altéré.

Comme une anémone
s’effeuille mon visage,
la couronne s’est évanouie,
la lumière, soufflée.

*

Pictogrammes (Bilderschrift)

Sous l’écorce du pin
l’insecte a creusé ses galeries :
labyrinthe, hiéroglyphes, méandres,
lignes du destin
tracées par le topographe.

Sont-ce des figures,
plates, de parois de grotte,
des hommes armés de lances et un aurochs,
une fourche et un serpent,
un mystère préhistorique,
un tabou contre la peur ?

La mousse, tendre pellicule, s’effrite,
algues vert-de-gris de l’air.
Le bois est à nu
dans la clarté, la lumière,
coloré d’orange et jaune
et, là où la moisissure
fleurit avec l’humidité,
de verdâtres fantômes de phosphore.

Sous l’écorce du pin
en silence le destin s’est formé
comme une écriture pictographique.
À présent apparaît le plan
que suivait l’arbre
depuis le commencement,
comme le dernier visage
sur les traits d’un mort.

*

Trace d’amour (Liebeszeichen)

Un peu de cendre seulement
de ta cigarette
ce jour-là,
quand les tilleuls
et le jasmin
se pressaient
dans la douce profusion
de leurs parfums.

Un peu de cendre seulement
de ta cigarette
je l’ai trouvée aujourd’hui
une petite tache grise
sur une page
d’Anna Karénine,
et je te revois,
le livre sur les genoux,
la tête penchée,
lecteur
qui oubliait ce monde
pour la malheureuse
qui se jeta devant un train,
non, sous le deuxième wagon,
le premier déjà passé,
et qu’ensuite Vronski trouva
intacte
dans sa beauté.

De l’autre côté des dunes : La poésie de Martien Beversluis

Le poète néerlandais Martien Beversluis (1894-1966) est quelque peu tombé dans l’oubli dans son pays, comme dans les leurs la plupart des écrivains des pays voisins compromis dans la collaboration avec les vaincus de la Seconde Guerre mondiale.

Il fait partie de ces militants de gauche passés du côté qui allait subir l’épuration. On ne saurait trop souligner le caractère non exceptionnel d’un tel parcours. Il suffit pour cela de rappeler quelques figures politiques éminentes de la collaboration française, qui venaient aussi bien du communisme (Jacques Doriot), du socialisme (Pierre Laval, Marcel Déat), du radical-socialisme que de l’anarchisme. Avant d’avoir été notables dans la collaboration, ces personnalités l’avaient d’abord été du fait de leur engagement dans les formations politiques de gauche. Doriot avait dirigé les Jeunesses communistes, été député de Saint-Denis et membre du Bureau politique du parti, ainsi que son porte-parole ; c’était « le grand Jacques », un des membres les plus connus du PCF à l’époque, le seul député du parti élu au premier tour lors des élections législatives de 1932, aujourd’hui un des noms les plus célèbres de la collaboration française avec le Reich. Quant au normalien Marcel Déat, membre, avec d’autres futurs collaborateurs, du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, il eut deux mandats de député SFIO et fut ministre en 1936 dans le gouvernement du radical-socialiste Albert Sarraut.

Que l’on retrouve de telles trajectoires dans les milieux intellectuels n’est a priori pas étonnant. C’est, comme nous l’avons dit, le cas de Martien Beversluis aux Pays-Bas, passé de l’anarchisme au socialisme, où il joua un rôle non négligeable dans la presse de ces formations, dont le journal Links Richten, avant de rejoindre le mouvement fasciste et de participer à la politique culturelle collaborationniste pendant l’occupation des Pays-Bas. En raison de quoi, à la fin de la guerre il fut (1) condamné à mort, peine commuée en 1947 par l’invocation de troubles mentaux, (2) interdit d’exercer la profession de journaliste pendant vingt ans et (3) interdit de publier quoi que ce soit pendant dix ans, peine ramenée en appel à trois ans. Le paradoxe que des forces ayant combattu au nom de la liberté prononçassent de telles peines contre la liberté d’expression ne semble pas les avoir déconcertées, le principe étant resté, en Europe et contrairement aux États-Unis, celui de la doctrine robespierriste « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », une absurdité qui rend tout à fait spécieuse la supposée supériorité d’un tel système. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire de femmes tondues.

Pour les amateurs de poésie que ce préambule n’aurait pas dégoûtés, nous avons traduit en français dix poèmes du recueil Verzen (Poésies) de 1922. Il s’agit d’une poésie versifiée, classique et, sur le fond, impressionniste, par un virtuose de la description signifiante.

Martien Beversluis était marié à la femme de lettres Johanna Verstraate, connue sous le nom de plume Dignate Robbertz. Les deux ont été peints ensemble par l’artiste Han van Meegeren en 1942 : voyez le tableau ci-dessous.

Beversluis a traduit le poète belge francophone Émile Verhaeren en néerlandais (1935, 1940, 1966).

Pour rappel, sur ce blog nous avons déjà traduit du néerlandais en français de la poésie du Suriname et des Antilles néerlandophones. Les liens vers ces billets se trouvent en Table des matières.

Portrait de Martien et Johanna Beversluis par Han van Meegeren, 1942.

*

De l’autre côté des dunes (Achter en over de duinen)

Soir

Nous avancions sur le chemin vallonné
le long des hautes herbes indistinctes,
formes sombres à travers le paysage clair,
vers les dunes brillantes et la vaste plage,
à pas lents, ascendants.

À travers la végétation arbustive,
les lacets du chemin,
tantôt nous descendions les déclivités couvertes de chardons,
tantôt nous gravissions les dunes, comme un rempart jaune
face à la mer immense.

Nous restâmes un moment sur la hauteur ;
autour de nous régnait la tranquillité de l’ombre
et à nos pieds, loin dans la lueur crépusculaire,
s’étendaient la plage, vespérale, et la ligne blanche
de la mer le long de la côte.

Nous écoutâmes d’un cœur recueilli
la profonde voix de cette paix…
nos yeux voyaient le rivage qui murmurait
sous l’écume effervescente devant la plage paisible
dans son périple depuis la mer obscure.

Ta forme sombre… sur la dune pâle
était pieuse, penchée,
ta robe flottait, lourde, et claires-obscures
étaient seulement la flamme de ton visage
et tes mains immobiles et nues.

Je t’emmenai le long de la pente,
nos têtes sous la ligne de crête ;
nos pieds s’enfoncèrent et glissèrent
jusqu’à la planéité face à la mer –
et les dunes furent derrière nous.

Sur la surface humide
récemment abandonnée par la marée,
nous avançâmes, dans le sombre retentissement
des vagues dont les chutes puissantes
crépitaient sur la plage.

Nous nous arrêtâmes devant la fière,
la déferlante et désespérée
– nos pieds immobiles couverts d’eau –,
devant la rebelle, folâtre,
la murmurante et démesurée.

Là-bas la mer roulait puissante
ses éruptions en avant,
son écume s’élevant et plongeant
et se développant en bande bleue
d’étincelants phosphores.

Ici le ressac déchaîné
était comme la limite de régions lointaines.
Au-dessus de nos têtes frissonnantes d’admiration
passait le tout-puissant et monotone
son de ce déferlement. –

La nuit tomba… nous remontâmes
la montagne de dunes mates ;
nous ne parlions pas mais emportions avec nous
le lointain tonnerre de la mer,
sourdement, par-dessus la ligne de crête.

*

Victoire (Zegetocht)

Ndt. Nous n’avons pas pour habitude de gloser sur nos choix de traduction mais cela nous paraît ici indiqué. La victoire dont il est question est celle de l’amour, deux amants célébrant leur union par un « zegetocht » en patins à glace sur une rivière gelée. Ce zegetocht est ce qu’on appelle en français une « marche de triomphe » ou « cortège de triomphe » ; or ni la « marche » n’a paru pouvoir être gardée, compte tenu du fait que le poème insiste sur la vitesse, ni le « cortège » puisqu’il ne s’agit que de deux personnes. Si le détournement du terme est possible de cette manière en néerlandais compte tenu des facettes du mot tocht, qui n’exclut pas a priori les idées de vitesse et d’acte à deux, une telle figure de style rencontre bien plus d’obstacles en français.

Le soleil se couchait, l’éclat
des murs jetait en flammes écarlates
son reflet sur nous, rouge comme le vin,
et la glace était sur le point de brûler.
Nous patinions à travers la lumière étonnée
en direction des cieux flamboyants,
nos patins crissaient sur la glace,
criant : victoire ! victoire !

Nous courions le long des champs,
ses cheveux illuminés par le soleil
volaient dans notre course,
le vent nous lançait des scirpes.
Et le monde nous était lumière
et, de toutes parts, immensité –
nos patins crissaient sur la glace
et criaient : victoire ! victoire !

Une bourrasque rapide descendue
dans notre dos avec un grand bruit
nous dépassa, s’éloigna devant nous
en soulevant de fins nuages couleur de chaux. –
On entendait de temps à autre frémir
les joncs de la berge ;
un grand bruit de glace se fissurant
courait, stimulant, avec nous.

Volant ainsi au bord des prés,
nous fîmes disparaître aire après aire,
sa main frénétiquement et fermement
attachée à la mienne.
Sa tête illuminée, sombre et fière
se renversait impétueusement –
planer sur la rivière, méandre après méandre,
c’était comme un rêve, un sortilège.

La boule rouge du soleil
s’immergea derrière les prairies,
la neige s’empourpra et le ciel
se constella d’étoiles éparses,
tout devenait solitaire… et le vent
tomba, les champs se turent…
nos patins crissaient sur la glace
leur hymne clair : victoire ! victoire !

Nous nous précipitions à travers le crépuscule
toujours plus vite,
bras contre poitrines
ou croisés autour de nos tailles.
Et plus sauvagement, fiévreusement
– le corps courbé… –,
notre route, les arbres et la voie,
le ciel, la berge volaient.

Parfois le vol de ses cheveux
caressait ma joue.
Je l’emmenais riche et fier avec moi
comme en rêve.
La vie était belle et bonne,
si près l’un de l’autre
comme deux oiseaux qui volent
ensemble dans le ciel.

La route sombre devint indistincte,
l’air figé, plus clair,
et elle allait de l’avant plus impétueusement
et jubilait : plus vite ! plus vite !
Nous courions en triomphe
vers les lumières des villages,
nos patins crissaient sur la glace,
criant : victoire ! victoire !

*

La neige tombe (Sneeuwval)

Quelle lenteur et quel silence autour de moi !
Comme tout est recouvert !
Pas un souffle dans l’air, seulement
en volutes d’en haut
la descente calme, la chute continue
des flocons, des flocons, partout !

Sur les chemins, le long des champs, à travers
les arbres enveloppés de blanc,
ils disparaissent sans laisser de traces
là où doucement ils se posent ;
sur mes mains, mon visage,
je les sens tomber, mouillés et légers…

…les sens tomber sur moi tel un duvet,
de la peluche envolée,
intraçables, en masse épaisse
d’étoiles et de points,
comme le vent printanier
fait avec les particules d’écorce des arbres.

Puis c’est plus doucement
qu’ils tombent du ciel.
Ce n’est pas une pluie, mais un vol
de cristaux en train de nager,
comme emportés, nombreux et légers,
à travers l’espace, impondérables.

Ils m’effleurent comme des ailes,
m’enveloppent de leur tournoiement,
je marche comme en un voile blanc,
erre à travers leur danse,
aveuglé, déconcerté, comme si c’était
un brouillard, un désert de flocons.

Mon cœur ne fut jamais si léger,
si joyeux qu’en ce moment,
conduit par la généreuse cadence
aérienne des flocons.
Ô blanche illusion, reste ! il le faut !
Mon cœur vit pour cette occasion !
Il fera bientôt soleil pour de bon ! pour de bon ?
mais… tout étincellera.

*

Un pré avec des vaches (Wei met koeien)

Au bord du pré,
là où les saules dispensent leur fraîcheur,
l’ombre mouvante
de leurs branches feuillues –
restent les vaches, indolemment penchées,
avec leurs pattes à moitié cachées
dans la profusion des boutons-d’or,
comme en une myriade d’yeux brillants.

C’est comme si leurs corps lourds,
noirs ou roux et parsemés de blanc1,
pressés les uns contre les autres
et mouchetés de soleil
étaient des taches,
sous le vert tremblant de la saulaie,
peintes sur un fond jaune
de pointilliste prairie d’été.

1 noirs ou roux et parsemés de blanc : La vache de Groningue, ou blaarkop, originaire des Pays-Bas, a en effet une robe noire ou rousse parsemée de blanc, avec une tête presque entièrement blanche comme l’indique son nom néerlandais.

*

Le prunus (De prunusboom)

Au début du printemps,
comme un blanc feston
au milieu des premières verdures,
le prunus.
Ainsi qu’un grand bouquet
sur le ciel paisible,
ainsi qu’un doux
rêve immaculé.

Se berçant déployé
en tous sens,
il inclina vers ma fenêtre
sa parure délicate,
si bien que je ne pus attendre
et cueillis
un rameau plein de fleurs et de soleil,
merveilleusement beau.

Combien je voulais,
désirais – ardemment,
que sans faner
il gardât ses fleurs,
mais je savais aussi
que cette splendeur
était condamnée
à mourir.

C’est au crépuscule
que je passais près de lui,
cherchant un souvenir
mais ne le trouvant pas.
Et de cela un peu attristé
– je ne le savais pas –,
je chantai une chanson simple
pour moi-même.

Et quand j’entends de nouveau cette mélodie
– n’est-ce pas merveilleux ? –
je revois la couronne de ce prunus
parée de fleurs
et je m’enivre encore
de la même luxuriance
que je vis ce jour-là
et n’oublierai jamais.

*

La rose dans le parc (Die roos aan de warande)

Et un soir le vent souffla sur la campagne,
et ses grandes ailes invisibles
battirent au-dessus
du paysage clair-obscur, des vallées de blé…
et de la frondaison
des ormes hauts comme des tours.
D’aller et venir ainsi
doucement réunies, les feuilles se parlèrent.
J’écoutai négligemment, sans bouger, cette mélancolie.

Sur le rosier qui le long du parc
laissait déborder sa profusion,
l’unique était perdue
de toutes mes pensées, des fleurs, de la rougissante
et tremblante douceur des roses :
une seule ! dans toute
cette luxuriance fantastique,
la plus chère, évoquait
tout ce qu’en toi je trouvais, ma rose, parmi tant d’autres.

Car tu n’étais autre chose qu’un rêve,
une fleur que je m’étais choisie
et que j’avais prise de la main.
Comme mon cœur se tournait vers son être ensoleillé !
elle brilla…
et mourut, avant que je connusse
la plénitude de sa confiance
en moi, qui étais sur le point de déployer
toute la rosée et le soleil.
Ô tu ne me fus qu’un rêve, une rose tremblante…

Et tout passa comme un rêve ce soir-là…
et le vent souffla loin sur la campagne
comme toujours… comme toujours…
comme s’il n’y avait plus de souffrance pour toi dans cette vie
à jamais…
et rien ne resta ;
mais, jeune fille, comme l’aveugle
désir du vent,
mon âme te trouvera…
devant toi m’inclinant ainsi qu’une rose tremblant dans le parc obscur.

.

À une jeune morte.

*

Le dernier voyage (De laatste vaart)

Dans son bateau longeant
la terre, qui lui était si congéniale,
de chaque côté,
comme toujours silencieux
il se pencha sur le bord…
et rêva.

Il regardait son image
voyager avec lui,
et les rides de l’eau disparaître
dans son sillon,
et il était content,
allant de l’avant…

Jusqu’à ce que son bateau,
dont le glissement ne s’entendait plus,
dans l’eau assombrie
par le crépuscule
se fût pris dans des herbes –
alors il s’éveilla.

Et moulinant précipitamment avec les rames,
– grand clapotement de part et d’autre –
il vit le soleil disparaître
derrière la rive et l’herbe
et la mer !… dont les sombres scintillations
n’étaient plus éloignées.

Et un si grand désir obscur
monta en lui
de l’ondulante, illimitée,
vaste pureté de la mer
qu’à ses yeux
pleins de rêve elle parut vivante.

Alors, oubliant la terre dont il s’éloignait,
accroissant son effort,
évaluant la ligne de démarcation
en riant –
il se laissa entraîner sans le savoir
vers son dernier bonheur.

…..

Comme une mouette qui vers la mer
moutonnante, sûre d’elle,
vole, où sa vie est si
diminuée, raréfiée,
son âme s’est envolée
ainsi qu’une voile qui rêve.

Nullement étonné, magnifique,
sur la joie du courant
il se sentit voler
vers la dernière limite…
jusqu’à ce que son rêve naufrageât dans la vie
et sa vie dans un rêve.

.

In memoriam Jan van den Broek.

*

Voix intérieures (Roepstemmen)

Une nuit je parcourais seul le long chemin,
enfant errant, plein d’aspirations,
quand dans le sombre paysage, parmi les arbres
avec force le vent se mit à souffler.

Le déferlement de sa plainte au-dessus de ma tête,
je suis allé à travers lui
pour boire son souffle purifiant et
comprendre sa voix obscure.

Il s’inclinait pesamment sur les fûts tremblants,
dont la base sombre gémissait,
et sur les branches fuyantes
retentissait son vaste flux.

Il emportait dans sa marche à travers la nuit frissonnante
et sur ses ailes prépondérantes
la chanson sans paroles de la terre obscure
et de la mer murmurant au loin.

De même tout le désir tendu qui vit
dans un fils de l’homme errant tristement,
sa lutte et sa joie rebelle aussi.
Ô sauvage – ô vent jubilant !

Ô vent délectable, soufflant, chantant !
esprit violemment présent !
Es-tu le puissant appel de la joie ou de la langueur ?
De quelle énigme es-tu le messager ?

…..

Ton être nous traverse dans les frissons d’amour
et par tout ce qui nous rend passionnément heureux et aveugles.
Nous touchons… saisissons… perdons comme toi !
ce qui se dissipe comme un parfum dans le vent.

Et toujours nous demandons… nous demandons,
jusqu’à ce que nous nous inclinions comme devant un ordre
et trouvions toute notre aspiration contenue
dans une soif indicible… de Dieu !

*

La mouette (De zeemeeuw)

Calme habitant de la côte et de la mer,
pressé, sans repos,
marin du ciel aux plumes d’argent,
mouette, vagabonde !
Ton esprit m’apporterait la consolation
du dernier et du plus cher hommage
en tournoyant lumineusement autour de moi
– si je mourais.

Car tu es la très-heureuse,
au-dessus même de la joie et de la peine,
au-dessus du retour des saisons,
de la tempête et de la bonace.
Car tu es, ne s’éteignant jamais,
la foi qui ose et brille,
comme une prière qui s’élève
au-dessus de notre mélancolie.

Mes yeux mouillés de larmes tristes
ont suivi de loin
ton vol enthousiaste,
étincelant, dans la lumière,
ô tu étais une penne projetée
d’arcs subtilement tendus,
fusant avec la rapidité d’une flèche
et tombant comme une étoile.

Tant de ce que j’ai vu le fut
d’après ton image, ainsi qu’une ombre ;
non, ô hirondelle aux ailes blanches,
sœur de la mer…
quelque joie qui me pousse à chanter,
rien ne peut aspirer à ta splendeur,
tes ailes prêtes contre la tempête
m’emportaient plus loin.

Je t’ai vue, vaillante
sur la masse des vagues sombres,
entre des dangers précipités
danser, joie après joie…
aussitôt visible que perdue de vue,
bercée et régénérée
– blanc drapeau sur de sombres donjons –
dans le vent, parmi l’écume.

Et à nouveau, sans embarras, détachée
du cylindre roulant d’une vague,
vers le ciel voler, comme un papillon
quittant une rose blanche…
et avec d’autres mouettes en chastes
mouvements d’ailes louvoyant
au-dessus du clapotis et du grondement
rapides et tumultueux.

À travers le tonnerre et l’accroissement de vent,
le mugissement et sifflement des vagues,
tu pousses ton cri de victoire,
grêle et sans écho…
et ainsi que des algues emmêlées
qui dansent dans la houle,
t’entraîne dans le ciel en tourbillons
ton âme de vagabonde.

Exilée dans le vent, mais ne navrant point,
au milieu de la détresse et de l’effrayant
grondement… mouette si légère, si noble,
sur tes deux ailes
tu étais une voix portant la joie
plus haut, plus aérienne, ascendante
vers le ciel, au-dessus de lourdes masses
alignées de musique.

Tu m’étais une voix intérieure et un signe,
étais, toute lumière éteinte,
le bonheur qui doit se libérer
à travers l’obscurité de l’âme,
qui vers le sommet guidé,
aspirant à la lumière donnera de la lumière
– chacun le verra dont la vie
est clairvoyante et pure. –

Mouette ! mouette ! être comme toi !
emporté puis de nouveau libre,
dansant dans la lutte et heureux,
sauvage, et sûr du vent,
mouette ! mouette ! qui appartiens aux dieux,
qui t’es envolée depuis nos cœurs,
qui entre la beauté de la terre et celle des cieux
es le lien.

*

Le berger… (De scheper…)

Qu’y a-t-il de plus semblable à toi,
ô berger, que la lande de bruyères ?
la lande rude et vaste,
forte comme tu l’es toi-même,
où le vent seul triomphe,
le ciel haut règne,
la lande, si ample et si ouverte,
si humble et si royale,
qu’y a-t-il de plus semblable à toi,
ô berger, que la lande de bruyères ?

Je garde ton image en moi depuis longtemps
et elle me devient toujours plus familière.
C’était une longue journée d’été
quand je la vis la première fois et à jamais.
Tu étais silencieux, assis
– depuis longtemps tu l’as oublié –,
le soleil du soir paraissait attardé
derrière ta tête tannée,
ton ombre devant toi s’allongeait difforme, 
aplatie, colossale, sur le sable.

Une colonne de nuages, dorée, dilatée,
se leva sur la cuvette de la lande
au bord moucheté de noir où
tu étais en repos tel un géant ;
tête penchée, un menon2 paissait
de l’autre côté de la cuvette ;
ton bâton, comme illuminé dans le ciel,
était posé de biais à hauteur d’épaule ;
tableau mural devant la nuée,
héroïque et si puissant.

Le dos rude, penché ;
les mains grossières, jointes…
méditant devant la claire étendue
de la solitude du soir –
taciturne connaisseur de la lande,
c’est pour toujours que je te quittai,
mais comme un héros des temps anciens
tu ne peux être oublié.
Ainsi restes-tu dans ma mémoire
« le berger au crépuscule ».

2 menon : bouc châtré, traduction de hamel.