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Les nocturnes du Généralife : Poésie de Francisco Villaespesa IV
Le Généralife (Jannat al-Arif) était le jardin d’été des princes maures de Grenade. Un nocturne est une forme de composition musicale, typique du romantisme. « Les nocturnes du Généralife » est le titre d’un recueil poétique de 1915 du poète espagnol Francisco Villaespesa (1877-1936), dont nous présentons ici de nouvelles traductions, après notre précédent billet, « Poignard tolédan », ici. Les présentes traductions sont tirées de trois recueils du poète : Les nocturnes du Généralife, Le sortilège de l’Alhambra et le posthume Cancionero d’Almería. Comme ces titres l’indiquent, les trois recueils exploitent largement le filon andalou, et notamment arabo-andalou, cher au poète.
*
Les nocturnes du Généralife
(Los nocturnos del Generalife, 1915)
.
L’Alhambra et le Généralife (La Alhambra y el Generalife)
Dans mon harem lyrique elle est l’épouse,
et toi la favorite qui partage
avec son amour les délires de mon art
et mon âme elle-même, de tant rêver couverte de mousse !
Elle est plus impériale ; tu es plus exorable…
Tout comme tu l’envies, elle doit t’envier,
car si elle est le rempart de l’amour,
toi, tu es le jardin où l’amour se délasse !
Elle est vêtue d’or ; toi, d’argent…
Elle est la sultane dédaigneuse et grave ;
elle est la jalouse Aïcha, celle qui tue
par amour quand l’amour meurtrit son sein !
Toi, tu es la douce, la suave Morayma,
la rose blanche qui meurt d’aimer !
*
Le jardin du silence (El jardín del silencio)
J’ai vécu naguère dans ton enceinte…
Mais, comment ? Quand ?… Seuls un souvenir
vague, un regard, un sourire
restent en moi de ta splendeur éteinte…
Deux ombres dans un vert labyrinthe ?
La perle d’une larme indécise
sertie sur l’or d’un rire ?
Et un poignard qui s’élève, couvert de sang ?
Je sais seulement que, dans ton illusion fleurie,
quelque chose parle au triste cœur
qui par la douleur d’une vieille blessure
répand le dernier sang qui lui reste :
« Ici tu connus en même temps
le baiser de l’amour et celui de la mort. »
*
Sous la paix des étoiles (Bajo la paz de las estrellas)
L’âme se souvient et, souffrante, se retire ;
la chair oublie et s’empresse de jouir…
La nuit dans le jardin est une fête
d’étoiles, de parfums et de blancheur.
Au jet d’eau qui pleure son amertume
dans le marbre de la fontaine, répond
un rossignol gazouillant dans la forêt,
oublieux de toute infortune.
C’est comme si à cette heure murmurait
à mon âme le rossignol : « Oublie et chante ! »
et que la fontaine gémissait : « Souviens-toi et pleure ! »
Et moi, écoutant ce chœur mélodieux
qui monte haut dans le ciel,
je me souviens et j’oublie, chante et pleure à la fois…
*
L’alcazar des nostalgies (El alcázar de las nostalgias)
Blanc alcazar ! Qu’importe que là-bas
la boue humaine vide la coupe de ses plaisirs,
que des haines guettent et que des femmes
trahissent, puisqu’aux pâles reflets
de la lune renaissent les cortèges
des gloires antiques et des êtres nobles,
et que tu vois et remémores seulement ce que tu veux
ressusciter de tes vieux souvenirs ?
Ta blanche solitude est comme la mienne !
Je n’écoute pas le bruit des hommes,
et la splendeur du monde ne me dit rien,
car comme à toi la poésie a mis
un silence de musique dans mes oreilles
et un bandeau de rêves sur mes yeux.
*
Panthéisme (Panteísmo)
Il y a quelque chose de mon esprit dans la blancheur
immaculée de cette blanche montagne,
et quelque chose de ma chair dans cette terre,
à l’instar de ma chair, luxuriante et dure.
La fontaine murmure avec mes larmes,
à mes souvenirs s’accroche le cyprès,
et cette grenade qui mûrit son miel
contient quelques gouttes de mon sang.
Lambeaux de mes rêves sont les lierres
couvrant l’oubli de tes pierres,
et il y a beaucoup de mon amour dans les jasmins
qui lentement s’effeuillent
tandis qu’égrène son collier la fontaine
et que la lune répand sa neige sur les jardins.
*
L’élégie de l’arche brisée (La elegía del arco roto)
Dans l’élégance de ton marbre mort
qui possède la nostalgie des arcs antiques,
il y a quelque chose du palmier d’Orient
sous les clairs de lune du désert.
Et ta blancheur met à découvert
et conjure la blancheur transparente
d’une furtive jambe adolescente
courant dénudée dans le vert d’un jardin.
Rêves-tu toujours à la main divine
de cette noble et pâle beauté
qui, muette d’anxiété, aveuglée de larmes,
en un lointain avril attendait en vain,
le front appuyé contre ta blancheur,
ce rêve d’amour qui ne vient jamais ?
*
À un aspic (A un áspid)
Enroulé parmi les giroflées et les roses
à l’intérieur de la corbeille argentée,
sous la lune scintille ton indolence
comme un joyau d’or et de rubis.
Sur le mystère des bancs de pierre,
rêves-tu, peut-être, que dans la merveille
d’un sein blanc s’humiliant devant l’amour
tu répands ton empoisonnée corruption ?
Derrière une tapisserie, sa nudité repose
emmi le brouillard bleu d’une cassolette…
Rampe jusqu’à elle, et dans la rose
du sein érectile verse ton venin,
car, plutôt que de la voir dans les bras d’un autre,
je préfère la voir dormir dans les bras de la mort !
*
La dernière perle (La última perla)
L’émir, sa dernière heure venue,
à celles qui sont l’enchantement de son harem
voulut donner les biens royaux
qu’il gardait cachés dans son coffre de santal :
voiles capables d’envelopper l’aurore,
diadèmes dignes de fronts impériaux,
colliers de topazes et de sélénites
que le soleil embrase et qu’irise le clair de lune…
Quand il ne resta plus rien du trésor,
il vit Zoraïda sangloter… Alors,
sentant les pleurs gonfler ses yeux,
il lui dit d’une voix triste :
« Pour toi mon amour possède encore une perle :
la dernière larme de ma vie ! »
*
L’alcazar des souvenirs (El alcázar de los recuerdos)
Avec tes salles en ruines et désertes
– ô alcazar, parmi les marbres prisonnier ! –
ton jardin lunaire et pensif
et tes fontaines couvertes de lichens,
pourquoi réveilles-tu dans l’obscurité de mon cœur
le souvenir si clair et si fugace
de cette tendresse que nous avons enterrée vivante
dans la douleur de nos âmes mortes ?
Et toi, pâle aimée des jours qui ne sont plus,
chaque fois que dans ma nostalgie je me souviens de toi,
pourquoi m’évoques-tu les mélancolies
de cet alcazar de marbres et d’or,
dans le vieux dédale duquel je me perds
en pleurant sans savoir pourquoi je pleure ?…
*
Les rosiers lunatiques (Rosales lunáticos)
Rosier, quelle angoisse éprouves-tu dans tes racines ?
Pourquoi te dérobes-tu aux baisers de la lune
et pourquoi, en un tremblement de larmes furtives,
t’effeuilles-tu dans le bassin ?
À quoi rêves-tu, pour avoir tant de peine ?
La blancheur de tes roses éphémères
a la pâleur de ces captives
qui meurent d’amour dans les harems.
En expirant, tes pétales de soie
parfument d’infinité le bassin,
le silence et les arbres… Vieille aimée,
entre tes mains blanches et tremblantes,
si comme ces roses je pouvais mourir
en une lente mort parfumée !
*
Zahara
L’aurore baigne d’or les arbres,
et dans les reflets de sa claire lumière
brille la nudité de Zahara
étranglée sur son divan de soie.
Sur ses vêtements reste le parfum
d’huile dont, amante, elle macérerait
les douceurs de ses chairs pour
la douce lutte où l’amour s’enlace.
Les servantes s’arrachent les cheveux
et l’émir à genoux baisote
les lèvres mortes et le cou de marbre…
Seul un nègre sourit en silence,
derrière une tapisserie, et dans ce sourire blanchoie
sa denture de chacal jaloux.
*
Le sortilège de l’Alhambra
(El encanto de la Alhambra, 1919)
.
La clé d’or (La llave de oro)
Te rappelles-tu ta bruyante jeunesse d’étudiant
aux yeux frénétiques, aux cheveux en bataille,
aux dents de loup, à la pipe fumante,
ivre de vin, de baisers et de rêves ?
Il y a vingt ans, elle traversait triomphante
le labyrinthe magique des rues de Grenade…
(Au fond de l’âme fulgurait un diamant,
et dans ses regards flamboyait tout le soleil des tropiques !)
Jeunesse débordante et prodigue qui était
comme une villa fleurie au milieu du printemps,
d’acier dans les tournois et de brocart au bal…
Pour que tu ressuscites son trésor,
j’offre à tes souvenirs cette clé d’or
qui t’ouvrira l’enchantement de mon Alhambra !
*
Le divin trésor (El divino tesoro)
La bohème estudiantine, comme, à Grenade, elle est joyeuse !
Le chapeau de Cordoue, la cape de Séville :
laisser l’âme entière se prendre à une mantille
ainsi qu’une rose fraîchement cueillie,
et sourire de tout, ne soupirer de rien :
extase de guitares, ivresse de montilla,
et se recueillir quand brille sur les tours,
perle de lumière liquide, le matin !
Tout vivre, et le voir avec des yeux de poète :
jouer au Passage sa dernière peseta
et trouver un prétexte pour toutes les distractions…
Et quand la pénurie a vidé notre bourse,
mettre au clou notre cape, et même le manuel de cours,
pour acheter une rose à notre bonne amie !
*
Les études (Los estudios)
Te rappelles-tu tes études ? Passer toute la nuit,
demandant des forces aux cigarettes et au café,
près du papillonnement d’une chandelle de cire,
les coudes appuyés sur le pupitre,
branlant du chef sur un livre jusqu’à ce que le jour
de ses rafales de lumière embue les carreaux
et qu’avec leurs petites cloches les Servantes de Marie
appellent les sœurs à la première messe.
Puis, les soirs à l’Alhambra, au bord
d’un ruisseau que l’herbe parfume de violette,
étudier encore, parmi des fontaines et des fleurs…
Et oublier le cours pour lire Zorrilla,
et abandonner le livre divin du poète
pour écouter dans les peupliers triller les rossignols !
*
Le mihrab de la madraza (El mirhab de la madraza)
I
Ô sept fois sainte Porte du Mihrab, tu es
la porte de diamants qui mène au Paradis !
La main du prophète t’a scellée, car il voulait
que tu fusses la gardienne fidèle de ses voluptés !
« Dieu est grand ! », a-t-on sculpté en caractères coufiques
parmi les ramures et azulejos de la frise ;
et quand on touche de la paume les mosaïques du sol,
« Dieu est grand ! », répètent les choses et les êtres.
Les merveilleuses lampes d’or larmoyantes,
les brûle-parfums mystiques aux fumées odorantes
et la voix du muezzin qui descend de la tour,
tout semble dire à l’âme méditative :
« La dernière page de ta vie est écrite
et nulle lumière ne peut la brûler, nulle éponge l’effacer ! »
II
Tous ont, cachée à l’intérieur de leur conscience,
l’austère et miraculeuse mosquée solitaire
où l’âme en extase purifie son essence,
faite lumière de cierge et encens des prières.
Seigneur, illumine le chemin par ta présence,
et sur les déserts de la vie précaire
répands l’infinie pitié de ta miséricorde
jusqu’à ce qu’éclate en roses la stérile passiflore !
Seigneur, répands parmi les hommes la paix et la concorde ;
pardonne aux faillis, et reçois en ta miséricorde
ceux qui pleurent à cause de leurs efforts inutiles
et voient leur bonheur mort, la route perdue ;
ceux qui en rêvant ont oublié leur rêve
et en vivant ont oublié de vivre !
*
La porte de fer (La puerta de hierro)
I
On t’appelle la Porte du Paradis, parce que tu gardes
l’entrée miraculeuse du plus bel alcazar
qu’aient rêvé les hommes… Allah grava son sceau
sur la dentelle de fer que tissent tes grilles.
Tes arcs se profilent comme deux sentinelles,
et, ton étincellement de bronze dans l’ombre grondant,
tu es un molosse hérissant son collier clouté
pour la défense d’un céleste troupeau de gazelles.
Quand Boabdil en larmes passa sous tes linteaux,
Aïcha lui plongea dans le cœur ces mots cruels,
tandis que ses grands yeux bleus défiaient le soleil :
« Pleure donc, comme une esclave, sur ta morte gloire,
puisque, roi, tu n’a pas su défendre cette porte,
ni mourir sous ses arches comme un homme ! »
II
Pauvre Boabdil, je connais ta douleur et tes larmes !
Moi aussi j’ai perdu mon royaume et ma Grenade !
Ma Grenade de rêves et mon royaume d’enchantement !
De mes royaux trésors je n’ai rien pu garder,
pas même une gemme cachée sous le manteau !
Il aurait mieux valu que je me perce le sein d’une épée
que de perdre ces paradis après lesquels je soupire dans mes chants
et de voir par tant de plèbe mon Alhambra profanée !…
Pauvre Boabdil, je comprends ton agonie pleine d’angoisse !
Ta misère avait un amour pour soutien,
mais cet amour aussi tomba mort à tes pieds !…
Plus que ton sort le mien fut noir et dur,
car tu enterras Morayma dans un jardin de fleurs
mais j’ai enterré ma Morayma dans le désert !
*
Amphore arabe (Jarrόn árabe)
I
Avec quels merveilleux germes de printemps
le potier céleste a-t-il formé ces traits
aux cadences de lys, à la souplesse de palmier,
où, en lutte intense pour s’extraire de leur giron,
on devine les seins, le torse et les hanches,
les pieds mélodieux et les bras en forme de lyre
de je ne sais quelles incréées danses de bayadères
ébauchant leurs lascivetés entre rubans et méandres ?…
Un palais enchanté en toi est contenu,
attendant le miracle qui doit briser ton sein
pour élever ses hautes tours de lumière sur la terre…
Et ces invraisemblables girafes d’émail
sont la princesse blonde et le prince brun
qui célèbrent leurs fiançailles dans les contes de fées.
II
Cœur réfractaire à la prose de la vie,
si assoiffé de rêves ! quelle bouche miraculeuse
te dira la parole qui sera la clé mystérieuse
triomphant des monstres du temps et de l’espace,
et fera surgir d’une amphore la magnificence d’un palais
et du calice d’une rose un cortège de rois ?
qui réveille l’esprit dormant en toute chose
et renferme tout l’or du soleil dans une topaze ?
En passant au fil de sa faux tragique,
comme une amphore d’argile, notre forme charnelle,
la Mort sera-t-elle la fée dont la baguette magique
réalisera le miracle du désenvoûtement
de tous les alcazars et cortèges nuptiaux
qui rêvent ensorcelés dans notre pensée ?
*
La salle de la justice (La sala de la justicia)
I
Merveilles d’émail, prodigieuses broderies ;
une aurore de perles ondule dans les arcades,
tournesols d’écume, nuages irisés…
Ornements propices aux contes de fées !
Les austères monarques aux visages de bronze,
profils aquilins et barbes teintes au troène,
depuis la coupole éthérée nous regardent, appuyés
sur la garde de leurs droites épées.
De tous un profond reproche se dégage,
et en paroles que l’esprit seul peut comprendre
ils nous disent, fronçant leurs noirs sourcils impérieux :
« Ne profanez pas le calme de ces cours désertes
où se réunissent les âmes des morts
pour juger entre elles les âmes des vivants ! »
II
Quand mon âme sommeille sur son banc doré,
la voix de mes ancêtres la réveille :
« Pour ton roi, quels nouveaux royaumes as-tu conquis ?
Pour ton Dieu, quelles antiques et belles cathédrales ?
Quelle princesse enchantée as-tu délivrée du dragon ?
Quels amandiers as-tu plantés dans les friches ?
As-tu donné à boire au lépreux aveugle
et lui as-tu fait don du miel de tes rayons ?
As-tu ajouté une nouvelle étoile d’or
aux onze qui blasonnent ton écu ?
De quelle injustice humaine as-tu séché les larmes ?… »
Et mon âme, honteuse, le visage caché
dans les mains, verse en silence des larmes éternelles,
comprenant l’inutile stérilité de sa vie.
*
Le jardin de Lindaraxa (El jardín de Lindaraxa)
Sous la splendide lumière d’un soir d’octobre,
dans la fontaine de marbre bordée de myrte
les cyprès diluent leur fauve émeraude
et l’arcade du fond sa tristesse jaunie.
Orangers et rosiers… Fané, le jardin repose
dans une verdeur que ronge l’or de l’automne…
Seule, parfois, s’allume la flamme d’une rose
ou brille l’or poussiéreux d’une orange…
Mais dans cet automne il y a tant de printemps
en germe, et tout est si doux et paisible
que plutôt que de le quitter mon cœur voudrait,
en écoutant le soupir mélodieux de la fontaine,
rêvant à une Lindaraxa impossible,
sur ce vieux banc dormir éternellement…
II
Je sais que l’espoir est vivant et qu’à l’intérieur
du cœur sa lampe doucement brille ;
mais déjà je me trouve sans enthousiasme et sans forces
pour arracher de nouveaux trésors à la mine…
Parfois j’entre dans le jardin de mes souvenirs
et mes cheveux blanchissent d’angoisse en voyant tant de ruines…
Orangers et cyprès décatis, avec au milieu
une fontaine qui ne cesse de pleurer !…
Je sais que Lindaraxa pourrait de ses baisers
donner à mon automne une nouvelle fraîcheur de printemps…
Mais elle est si loin, et le chemin est si long !
Et je suis si pauvre, si triste et si fatigué
qu’au lieu de la chercher de nouveau dans la vie, je préfère
rêver pour toujours qu’elle n’a jamais existé !…
*
Cancionero d’Almería
(Cancionero de Almería, textes de 1928)
.
Pour des explications sur le terme « cancionero », voyez l’introduction à notre billet de traductions « Cancionero grenadin » ici.
.
Almería
Ton doux nom, Almería,
sent le nard et le basilic,
a goût de canne à sucre,
de datte et d’orange !
Mais pour moi, plus encore,
tu as le miel, le parfum
et le rythme du premier baiser
sur les lèvres de ma bien-aimée !
*
La ville (La ciudad)
Sur la mer bleue on voit
la blancheur d’Almería…
Éblouies par sa beauté,
nos pupilles ne savent pas
ce qui est le plus beau, de la ville
ou du reflet dans lequel elle se regarde !
*
Boucles d’oreille (Aretes)
Le cerisier de mon verger
n’est pas un cerisier, en réalité ;
même au milieu du printemps
c’est un arbre de Noël
orné de millions
de boucles d’oreille de corail !
*
Les cerises (Las cerezas)
Les cerises, dans le vert
frais et pur des branches,
au soleil de mai resplendissent
comme de minuscules flammes.
Cerisiers de mon jardin !
Vos cerises ornaient
comme des boucles d’oreille de rubis
les oreilles de ma bien-aimée !
*
Balcon d’Espagne (Balcόn de España)
L’Alpujarra est le balcon
où se montre l’Espagne
pour voir, comme en rêve,
les belles côtes africaines
à travers la mer lui envoyer
des sourires d’amoureuses !
*
L’Andarax (El Andarax)
Andarax, fleuve d’argent,
mauresque et clair Andarax
qui reflètes dans ton cristal
ma verte vallée natale,
nul autre fleuve ne possède
ta sonore clarté !
En écoutant ta musique,
les étoiles apprirent à chanter !
*
Ruines (Ruinas)
Barbacanes et hautes tours
à terre ont roulé ;
aujourd’hui le lierre
tisse en silence leur linceul !
Cadavre de l’Alcazaba,
dans les sables du désert
les années comme des chacals
rongent ton squelette !
*
Le moulin du pont (El molino del puente)
Ton vieux pont mauresque,
le courant l’a emporté,
blanc moulin du Pont
qui reposes entre les peupliers
comme un nid de colombes !
Les raisins de tes treilles
ont laissé sur mes lèvres
une saveur de baisers !
*
Soir villageois (Atardecer pueblerino)
Paix chrétienne de mon village !
Doux soir d’automne,
tintinnabulant de carillons,
à l’odeur de semailles et de moût !
La fleuve passe et murmure
son éternel chant évasif
entre les oliviers d’argent
et les peupliers d’or !
*
Ma maison (Mi casa)
La maison de mon enfance était pour les pauvres
une grange à grain et un moulin à huile…
Aucune douleur de ce monde
ne trouva jamais sa porte fermée !
Entre jardins et vergers
elle blanchoyait au loin…
Il y avait des colombes sur les toits
et des fleurs aux fenêtres !
*
Rossignols et colombes (Ruiseñores y palomas)
Un rossignol qui nichait
dans un cyprès de mon jardin,
par les nuits de printemps
m’apprit à composer des vers…
Les colombes qui venaient
roucouler sur mon balcon
m’enseignèrent les premiers
balbutiements de l’amour !
*
Rose (Rosa)
Rose ! L’aube ouvrit ton calice
et la nuit l’effeuilla !…
Ta vie à peine dura
ce que dure la fleur de ton nom !
*
Les vagues (Las olas)
Amertumes et espérances
vont et viennent, vont et viennent
comme les nuages du ciel,
comme les vagues de la mer.
Elles se confondent si bien
qu’à la fin nous donnent
de la joie l’amertume
et du chagrin l’espérance !
Cancionero grenadin : Poésie de Francisco Villaespesa 2
Poursuivons notre voyage poétique avec le poète andalou Francisco Villaespesa, après une première série de traductions ici. Les textes qui suivent sont un choix tiré de trois courts recueils posthumes, dont les écrits datent de 1928 : Elegías de lo que no vuelve (Les élégies de ce qui ne revient pas), Las ermitas de Cόrdoba (Les ermitages de Cordoue) et Cancionero granadino (Cancionero grenadin).
Un mot sur la traduction du titre : nous avons laissé le mot espagnol « cancionero » dans le français, car le terme « chansonnier » peut certes désigner un recueil de chansons, ce qui est précisément le sens de cancionero, mais s’applique surtout de nos jours à un artiste de scène, auteur et interprète de sketchs et de chansons, et nous goûtions peu une telle association d’idées. Nous nous sentons légitimés dans ce choix par l’usage en français de l’hispanisme « romancero », qui désigne un recueil de vieilles romances (ou plutôt vieux romances), comme dans le Romancero gitan (en français) de García Lorca. Quant à l’adjectif « grenadin », il se rapporte à la ville de Grenade : le recueil est dans la veine andalouse, et même arabo-andalouse, chère à ce grand poète espagnol.

*
Les élégies de ce qui ne revient pas
(Elegías de lo que no vuelve)
.
Remembrances (Remembranzas)
Tes cheveux de jais
doivent être blancs à présent ;
tes yeux doivent être caves,
et tes joues pâles ;
tes mains qui sur le rouet
filaient des voiles nuptiaux
à présent tissent maladroitement
les ombres de ton suaire.
Ton corps est solitaire,
solitaire ton âme,
plus solitaire encore si comme la mienne
elle est en mauvaise compagnie !
En voyant ta vie perdue,
tu soupires, accablée, en larmes :
« À quoi bon ce corps,
à quoi bon cette âme ? »
*
Le facteur (El cartero)
Le facteur de mon quartier
me voyait à mon balcon
trembler d’impatience
dans l’attente de tes lettres…
Ces lettres qui étaient
comme des miroirs de ton âme !
Je tremblais en les recevant,
en tremblant j’en ouvrais l’enveloppe,
et tremblant je les lisais,
et tremblant je les baisais,
car les tendresses écrites
valent mieux que celles parlées.
Parce que les écrits restent
mais les paroles, elles,
le moindre vent qui passe
les emporte à jamais !
*
Fiels (Hieles)
Hélas, Seigneur, quelle amertume !
Quelle amertume, Seigneur !
Amères sont mes lèvres,
amère ma voix,
amères mes oreilles,
amers mes yeux,
car c’est une source de fiels
éternels que mon cœur !
Il goûte seulement, parfois,
entre tant d’amertume,
comme une goutte de miel
le souvenir de ton amour…
Et cette douceur impossible
décuple mon chagrin !
*
Solitude (Soledad)
Nombreuses sont celles qui m’ont juré l’amour ;
elles l’ont juré, peut-être,
les unes par compassion,
les autres par vanité ;
et toutes, toutes seulement
pour le plaisir de jurer !
Et dans ma vie elles sont passées
comme les nuages au-dessus de la mer !
Seule ne m’a rien juré
et reste toujours avec moi
cette vierge aveugle et muette
qui s’appelle Solitude !
*
Alors (Entonces)
Quand nous aurons les cheveux blancs,
toi et moi nous retrouverons ;
l’amour prisonnier sera libre
et ce qui n’a pas été, sera !
Et, un soir, assis
à la fenêtre, peut-être
verrons-nous derrière les carreaux
tomber la neige, si blanche.
« Voilà le printemps ! »,
te dirai-je, d’une voix chevrotante.
« Voilà les amandiers
qui fleurissent à nouveau ! »
Oh, rêve de printemps
rêvé au milieu de la vieillesse !
Je sais que nous serons réunis
et que ce qui n’a pas été, sera !
*
La dernière hirondelle (La última golondrina)
J’ai demandé à l’hirondelle,
un matin d’avril,
d’aller, t’effleurant de ses ailes,
te dire que sans toi,
sans la chaleur de tes baisers,
il ne m’est plus possible de vivre :
« Hirondelle, hirondelle,
qu’a-t-elle répondu ? dis-moi… »
« Ce qu’elle m’a répondu,
il ne faut pas que tu l’entendes…
Si dure fut sa réponse,
je la trouvai si dédaigneuse,
que, tout comme tu pleures pour elle,
moi je pleure pour toi ! »
Et l’hirondelle du mois d’avril
s’en fut pour toujours…
Tout ce à quoi j’aspirais
fut perdu de la même manière !
*
Élégie d’hiver (Elegía invernal)
Douleur de vivre mourant,
douleur de mourir en vie ;
de sentir que chaque heure
qui sonne au beffroi
est un nouveau coup de hache
faisant gémir le vieux tronc !
Douleur de vivre mourant
et de sentir sa propre mort !
Bûcheron du temps, quand
jetteras-tu à terre, enfin,
cet arbre qui pourrit
de la tête aux racines ?
Il neige… Il fait froid…
Tout est vague et gris…
Sous tant et tant de neige,
un nouveau printemps peut-il fleurir ?
*
Les ermitages de Cordoue : Journal d’un ermite
(Las ermitas de Cόrdoba. Diario de un ermitaño)
.
Bulle de savon (Pompa de jabόn)
La bulle de savon qui éclate
sur les ailes de la brise,
si fugace, a pourtant duré
plus longtemps que notre bonheur…
Elle est née à la lumière d’un éclair
et sa clarté brillait encore
quand n’était plus qu’une larme
ce qui commença par un sourire !
*
De l’expérience (La experiencia)
Il faut avoir de l’expérience,
disent les gens sensés,
car sans expérience rien
ne peut s’obtenir en ce monde !
Expérience, de tant
de douleurs que tu m’as données
je n’ai appris qu’une chose,
c’est que tu ne sers à rien !
*
Le temps (El tiempo)
Le temps passe à notre côté
et nous restons…
Et c’est le temps qui reste,
nous qui passons !
Nous passons parmi les ombres
du temps, sans laisser de traces…
Perdus parmi les ombres,
Seigneur : où allons-nous ?
*
Parfum qui passe (Perfume que pasa)
L’espoir est seulement
une joie qui s’approche…
Quand la joie a passé,
elle ne laisse qu’un parfum :
ce parfum de larmes
que l’homme appelle tristesse !
*
Le chameau noir (El camello negro)
Âme, détache-toi sans attendre
de tout ce qui t’entoure
et tiens prêt ton sac
pour le dernier voyage.
La Mort est un chameau noir
qui, lorsqu’on y pense le moins,
vient s’agenouiller à notre porte
pour le voyage éternel !
*
La vérité (La verdad)
Mensonge ce que nous rêvons,
mensonge ce que nous voyons,
et l’homme, parmi ces mensonges,
poursuit la Vérité sans trêve,
sans savoir que la Vérité
elle aussi est un vain rêve.
*
Dans la vie (En la vida)
Je parle et personne ne me comprend ;
on me parle et je ne comprends rien…
Suis-je mort parmi les vivants
ou bien vivant parmi les morts ?
*
Fantômes (Fantasmas)
Des combats de la vie
nous avons fait retraite…
Tu es comme une ombre
et je suis comme un fantôme
qui pour fuir la vie
vont à la recherche de leurs âmes !
*
Espérances (Esperanzas)
De tous les maux le temps
est le meilleur baume,
non qu’il guérisse, mais il fait place
à la guérison.
Corps et âme, c’est tout un ;
ils sont égaux en tout :
l’âme est un corps qui souffre,
le corps une âme en peine.
*
L’aimée jamais venue (La amada que nunca vino)
Il n’y a rien de sûr en ce monde,
rien ne commence ni ne finit…
Le mensonge et la vérité
sont un même mensonge…
Tous regardent la Mort
comme un squelette armé d’une faux…
J’en rêve comme de la bien-aimée
qu’en cette vie je n’ai jamais rencontrée !
*
Fumée et vent (Humo y viento)
Ne te vante pas de ta fermeté,
car tout est fragile en ce monde !
Du lendemain nul ne peut être sûr,
et seul un fou se fie
au vent et à la fumée !
*
Nébuleuse (Nebulosa)
L’homme vit dans les apparences
et dans les apparences il meurt ;
personne ne sait ce que cache
le voile qui nous enveloppe !
Rien, rien en ce monde
n’a de commencement ni de fin,
car la mort donne la vie
et la vie donne la mort !
*
À l’heure de la traversée (En la hora del tránsito)
L’espoir est un de ces breuvages
avec lesquels endort
la pitié des bourreaux
ceux qu’ils vont mettre à mort…
Je ne maudis la destinée
ni ne renie mon sort :
les blessures qui nous tuent
sont celles qui font le moins souffrir !
*
Ombres (Sombras)
Nous traversons le monde
en quête du bonheur,
et le bonheur c’est notre ombre
qui marche derrière nous !
Cherche-le dans ton cœur
si tu veux le trouver un jour,
car si tu ne l’y trouves point
tu ne le verras pas dans cette vie !
*
L’unique vérité (La única verdad)
« Je cherche la vérité nue ! »,
cries-tu comme un fou,
balayant les ombres
de l’anxiété de tes yeux.
La Vérité ne va pas nue
ni ne traîne un manteau…
C’est un squelette livide
avec une faux sur l’épaule !
*
Semper
Après tant de maux,
j’ai découvert
que ce sont les maux qui, dans la vie,
nous la font aimer davantage !
Tout est douleur en ce monde,
car le plaisir lui-même
cause une douleur plus grande
quand en revient le souvenir.
*
Dans les nuages (En las nubes)
Tourne ton regard vers les fleurs ;
laisse en paix les étoiles
parce que ceux qui regardent le ciel
butent contre la moindre chose…
et qu’il est dans la vie des faux pas
qui coûtent plus que la vie !
*
La prison (La cárcel)
Nous naissons en pleurant,
et c’est parce que nous devinons
que cette vie est une prison
où nous serons enfermés…
Que laissons-nous derrière nous,
que cela nous cause tant de peine ?
D’où venons-nous ? Quel crime
devons-nous expier ?
En entrant dans la vie
ainsi qu’une condamnée,
sur le seuil de sa prison
l’âme se met à pleurer.
*
Cancionero grenadin
(Cancionero granadino)
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NdT. Le recueil évoque, sous leurs noms usuels, différents sites de Grenade et de l’Alhambra : la fontaine du noisetier, la cour des myrtes, la cour aux lions, le belvédère de Lindaraja, les Tours vermeilles… Boabdil est le dernier roi maure de Grenade, et Morayma son épouse.
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La cour des myrtes (Patio de los arrayanes)
Les myrtes diffusent
un aigre parfum de mort.
Les arches se courbent comme
priant à genoux…
Un poignard enfoncé dans la poitrine,
sur les eaux du bassin flotte le cadavre
d’une sultane… Dans le ciel
le crépuscule pleure du sang.
*
La fontaine du noisetier (La fuente del avellano)
Fontaine cristalline !
Je ne sais ce qu’il y a dans ton eau
pour que celui qui s’en désaltère
devienne malade d’amour à jamais ;
d’un amour qu’augmente l’absence
et que le temps fuyant accroît.
Las ! comment t’oublier,
claire et fraîche fontaine,
si j’ai bu la lumière de ton eau
dans la coupe de ses mains !
*
Nocturne de l’Alhambra (Nocturno de la Alhambra)
Dans la nuit de Grenade,
notre corps et notre âme
semblent se confondre
avec les étoiles lointaines…
La musique des fontaines
m’endort ; les parfums
des fleurs me tuent ;
et la lune me couvre de son linceul.
*
Les rossignols de l’Alhambra (Los ruiseñores de la Alhambra)
I
Rossignols de l’Alhambra,
vous ne gazouillez pas en espagnol…
Seul un Arabe peut goûter
le miel de vos chants :
cette musique qui fait
pâlir les astres
et ravit en extase
les feuilles des peupliers !
II
Rossignols de l’Alhambra,
dans quelle langue céleste
gazouillez-vous, quand pour vous écouter
la brise suspend son vol
et les étoiles elles-mêmes
descendent dans les fontaines ?
Rossignols, quand je ne serai plus,
afin que vous berciez ma mort,
que l’on m’emporte à l’Alhambra
et qu’on m’enterre dans ses jardins…
Dans le jardin le plus caché,
où pleure une source,
où s’effeuille un rosier blanc
et prient quatre cyprès !
*
La cour aux lions (El patio de los leones)
Avec toutes les merveilles
du ciel et de la terre,
les yeux noirs de Laïla
créèrent ce Paradis…
Telle est, Laïla, ta beauté
que les lions de pierre
depuis plus de sept cents ans
pleurent ton absence.
*
Le cyprès de la sultane (El ciprés de la sultana)
Ils traversèrent les jardins,
comme des ombres, en tapinois,
pâlissant et tremblant
au moindre souffle d’air…
Dans l’ombre ils s’embrassèrent,
et l’ombre d’une alfange
d’un coup décapita
les ombres des amants !
*
Le jardin de la reine (El jardín de la reina)
Même au Paradis
on ne trouve un tel jardin !
Sous la lune tu es d’argent,
tu es d’or et de pourpre au soleil !
Tandis que j’embrassais Djanana,
le sultan nous surprit…
Béni soit ce baiser
qui me voue à la mort !
*
Belvédère de Lindaraja (Mirador de Lindaraja)
Un fragment de Paradis
descendu sur la terre !
Coquillage d’arc-en-ciel, pour
te garder comme une perle !
La lèvre de baisers humide,
je partis pour la guerre…
Et ton ombre depuis des siècles
derrière le moucharabieh m’attend.
*
Les œillets de Grenade (Claveles granadinos)
Où Laïla blessée tomba,
des œillets rouges ont poussé ;
c’est pour cela qu’ils sentent l’ambre et le sang
et la peau bronzée ;
et que leur couleur nous fascine
et que leur parfum rend fou !
Dans tes œillets, Grenade,
fleurissent amour et jalousie !
*
L’adieu de Boabdil (El adios de Boabdil)
Du haut d’un raidillon,
en direction des Alpujarras,
Boabdil regarda
Grenade pour la dernière fois.
Pleure, Boabdil, pleure du sang
jusqu’à la dernière goutte,
car perdre Grenade est pire
que perdre le Paradis !
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La chanson du Maure aveugle (La canciόn del moro ciego)
I
Au pied des Tours vermeilles
chantait un Maure aveugle :
« Grenade de mon âme,
du monde entier sultane,
bien qu’ils t’aient donné le baptême,
tu ne seras jamais chrétienne
tant que brillera dans ton ciel
la demi-lune d’argent ! »
II
Recroquevillé contre la porte
d’une mosquée africaine,
au triste son de la guzla
l’aveugle maure chantait :
« Depuis que je vous ai perdues,
hautes tours de l’Alhambra,
j’ai tant versé de larmes
qu’elles m’ont rendu aveugle !
Que ferais-je de mes yeux
si je ne dois plus revoir Grenade ? »
*
Le trésor (El tesoro)
On dit que ma maison renferme
un trésor des Maures…
Enterré au pied d’un oranger,
un soir d’automne
je le trouvai ; j’en fis des vers
et le cache dans mon cœur…
Tous les vers que je donne
proviennent de ce trésor !
*
Morayma (Moraima)
Dans la vallée où je suis né
est enterrée Morayma…
À la recherche de sa sépulture
des Maures sont venus d’Afrique !
Ils creusèrent de tous côtés
sans rien trouver !
Personne n’a découvert sa tombe
car sa tombe est dans mon âme !
*
Au jardin (En el jardín)
Jasmins, chèvrefeuilles,
platanes… Tandis que, joyeusement,
ma sœur et mes cousines arrosent
les pots d’œillets,
moi, assis dans le kiosque
au bord de la fontaine,
je regarde comme un somnambule
s’éteindre et s’allumer,
entre les algues, rouges
et dorées, les flammes des poissons…
*


